Perspectives

La campagne de «reprise du travail» aux États-Unis a conduit à une forte augmentation du COVID-19

Il est désormais impossible de nier que les États-Unis font face à une nouvelle résurgence majeure de COVID-19. Vendredi, le pays a enregistré de loin le plus grand nombre d’infections par COVID-19 jamais enregistré, soit plus de 45.000. La moyenne hebdomadaire des cas a augmenté de 60 pour cent, passant de 21.000 au début du mois de juin à plus de 34.000 cette semaine.

C’est le résultat évident de la campagne bipartite qui vise à forcer prématurément les travailleurs à retourner dans les usines et les lieux de travail. C’est cela qui a entraîné l’abandon de tout effort organisé pour prévenir la propagation de la pandémie.

Cela fait six semaines qui se sont écoulées depuis la reprise de la production non essentielle chez les constructeurs automobiles de Detroit. Tout ce temps, le gouvernement Trump et les grandes entreprises ont fait tout leur possible pour minimiser et ignorer la maladie. Cette dernière s’est propagée dans les usines, les usines de transformation des aliments et les installations logistiques.

GM, Ford, Chrysler et Tesla ont refusé d’informer les travailleurs lorsque des employés de leurs usines sont tombés malades. Et l’administration de la sécurité et de la santé au travail, bien qu’elle ait reçu des milliers de plaintes, n’a émis qu’une seule citation liée à la pandémie.

Malgré les affirmations des médias et des politiciens selon lesquelles la réouverture des entreprises s’accompagnerait des mesures de sécurité les plus strictes, aucune mesure de ce type n’existe. Les travailleurs font état d’une distanciation sociale et d’équipements de protection inadéquats. Alors même que des dizaines de milliers de travailleurs du secteur de de la préparation de la viande ont contracté le COVID-19 et que des centaines d’entre eux sont morts. Malgré tout cela, le gouvernement Trump a forcé ces usines à rester en activité.

Contrairement à de nombreux autres pays développés, les États-Unis n’ont pas de programme national de traçage des contacts. «Ça ne va pas bien. Je dois vous dire que ça ne va pas bien», a déclaré le Dr Anthony Fauci à CNBC vendredi, lorsqu’on l’a interrogé sur la recherche des contacts aux États-Unis.

En début de semaine, le directeur des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), le Dr Robert Redfield, a déclaré que seulement 27.000 personnes environ sont employées comme agents de recherche des contacts dans l’ensemble des États-Unis. Il s’agit d’un tiers de la quantité qu’il estime nécessaire. L’ancien directeur du CDC, le Dr Tom Frieden, a averti que les États-Unis ont besoin de dix fois plus de traceurs de contact qu’ils n’en ont actuellement.

Face à la résurgence de la pandémie, l’establishment politique a clairement indiqué qu’un retour au confinement n’aura pas lieu. Les États-Unis «ne peuvent pas fermer l’économie à nouveau», a déclaré le secrétaire au Trésor Mnuchin au début du mois, faisant écho à la déclaration du président Donald Trump selon laquelle «que ce soit une braise ou une flamme… nous ne fermons pas notre pays.»

Le Wall Street Journal, a été l’un des principaux défenseurs du retour des travailleurs dans les usines. Cette semaine, il a commenté sur la résurgence du virus en observant avec désinvolture: «Une plus grande propagation était inévitable une fois que les États ont commencé à assouplir leurs mesures de fermeture.»

Était-ce bien le cas? Alors, pourquoi les rédacteurs du Wall Street Journal n’ont-ils pris la peine de le dire à personne? Pendant des mois, le journal a fait tout ce qui était en son pouvoir pour faire valoir que les mesures d’enfermement n’avaient aucun effet sur la propagation de la maladie. Il y a tout juste trois jours, le Journal a déclaré dans un éditorial: «Les États qui n’ont pas confiné leur territoire ce printemps ont gardé le virus sous contrôle et ont connu moins de décès que la plupart de ceux qui l’ont fait.»

Pendant des mois, le journal a versé des larmes de crocodile sur «le tribut psychologique que doivent payer les Américains» en maintenant les usines, de pièges mortels, fermées. Ils ont préconisé «une stratégie antivirus plus durable: qui sauve des vies, mais qui reconnaît qu’il faut aussi, d’une manière ou d’une autre, retirer l’économie nationale du ventilateur sur lequel le gouvernement l’a mis.»

Mais dans son éditorial du jeudi, le journal a déclaré sans ambages que «la vérité inévitable est que les Américains devront apprendre à faire face au virus». La «stratégie durable» prônée par le Journal s’est révélée être: «s’y habituer».

Jeudi, le New York Times a publié un article interactif intitulé «comment le virus a gagné». Mais c’est ce même journal qui, semaine après semaine, a donné au chroniqueur Thomas Friedman un espace sur sa page éditoriale pour plaider en faveur de la victoire du virus, car il n’y aurait rien à faire face à «mère nature». Selon ses termes, «les confinements n’ont aucun sens».

Au cours des trois derniers mois, Friedman n’a cessé d’affirmer que le COVID-19 devrait être autorisé à infecter des parties importantes de la population pour générer une «immunité collective». Au cours de cette période, le Times a publié onze choniques de Friedman qui invoquait ce terme.

Friedman et le Times ont joué un rôle central dans le lancement de la campagne pour la reprise du travail. Le 22 mars, Friedman a publié un éditorial intitulé «Un plan pour remettre l’Amérique au travail», affirmant que le «remède» à la fermeture d’entreprises pour empêcher la propagation de COVID-19 est «pire que la maladie», et soutenant que le temps était venu de permettre aux travailleurs non essentiels de reprendre le travail.

La chronique de Friedman est apparue le même jour que le premier vote de procédure sur ce qui allait devenir la loi CARES. Cette dernière a préparé le terrain pour un renflouement de six mille milliards de dollars des grandes entreprises et de Wall Street.

La phrase de Friedman résumait le sentiment de la classe dirigeante américaine: une fois leur sauvetage assuré, c’était le temps pour les travailleurs à reprendre le travail et de générer des rendements pour les actionnaires. «Nous ne pouvons pas laisser le remède être pire que le problème lui-même», déclarait Trump deux jours plus tard, en exigeant que les entreprises américaines reprennent leurs activités dans un délai de deux semaines seulement.

Maintenant, avec la montée de la pandémie, la Maison Blanche a clairement indiqué que l’aide fédérale d’urgence de 600 dollars par semaine aux travailleurs licenciés ne sera pas prolongée. Elle cherchait à faire du chantage économique aux travailleurs pour qu’ils reprennent le travail.

La résurgence de la pandémie était tout à fait prévisible. Le 25 avril, le World Socialist Web Site a averti que la campagne de reprise du travail entraînerait une «recrudescence des décès dus au coronavirus», ajoutant:

«La classe dirigeante américaine tente de relancer rapidement la production et de renvoyer les travailleurs au travail. Les conséquences de cette politique, si les travailleurs permettent qu’elle soit menée, sont claires: d’innombrables milliers de personnes supplémentaires tomberont gravement malades ou mourront.»

Le WSWS a souligné que la poussée de la Maison Blanche pour la réouverture des entreprises marquait l’abandon systématique de tout effort pour contenir la maladie. Nous avons écrit le 20 avril:

«L’annonce cynique par l’Administration Trump d’un ensemble de "consignes" frauduleuses qui serviront à légitimer la rapide réouverture des entreprises et le retour forcé au travail dans des conditions dangereuses met fin à toute prétention officielle d’un effort systématique et coordonné aux États-Unis pour donner la priorité à la santé et protéger la vie humaine dans la lutte contre la propagation de la pandémie de COVID-19.»

L’augmentation massive des cas de coronavirus montre clairement l’urgente nécessité de retirer la réponse à la pandémie des mains de l’administration Trump. La lutte contre la pandémie est la lutte contre le gouvernement et les entreprises. C’est un combat contre le capitalisme et pour le socialisme.

Cela exige une action de masse de la part de la classe ouvrière, y compris la formation de comités de base pour garantir les procédures de sécurité et la fin de la production dans des installations non sécurisées.

Un tel mouvement a déjà vu le jour à Detroit. À l’usine d’assemblage FCA Jefferson, les travailleurs ont arrêté la production par une grève sauvage vendredi. Tandis qu’un millier d’infirmières de HCA Healthcare à Riverside, en Californie, se sont mises en grève pour exiger des conditions de travail sûres.

Nous invitons tous les travailleurs et les jeunes qui cherchent à s’opposer à la campagne meurtrière de retour au travail de la classe dirigeante à se joindre au Parti socialiste pour l’égalité dans cette lutte.

(Article paru d’abord en anglais 27 juin 2020)

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