L'Ontario accélère la «réouverture» de l'économie alors que le nombre de cas de COVID-19 augmente

Malgré une augmentation constante des cas de coronavirus, l'Ontario est entré dans la deuxième phase de sa réouverture économique en trois étapes.

La deuxième phase concerne les barbiers, les salons, les restaurants, les piscines, les terrains de camping, les salons de tatouage et d'autres entreprises.

Les réouvertures se poursuivent malgré une augmentation quotidienne importante des cas de COVID-19. Si les mesures de confinement ont contribué à faire baisser le nombre d'infections, qui était de plus de 500 par jour, plus de 100 infections continuent d'être enregistrées quotidiennement. Samedi, 160 nouvelles infections ont été signalées et dimanche, 178.

Le mépris criminel du gouvernement progressiste-conservateur de l'Ontario, dirigé par Doug Ford, pour la vie des travailleurs a été souligné par l'annonce faite la semaine dernière que les personnes dont le test de dépistage de COVID-19 est positif peuvent être contraintes de retourner immédiatement au travail si elles ne présentent aucun symptôme. Cette politique, cyniquement décrite comme «l'autoconfinement au travail», garantit effectivement que les lieux de travail deviendront des centres d'infection massifs.

La stratégie téméraire du gouvernement Ford de réouverture de l'économie est pleinement soutenue par le gouvernement libéral fédéral, qui a déclaré que les décisions concernant la levée des restrictions de confinement étaient une affaire provinciale. Plus récemment, le premier ministre Justin Trudeau et ses libéraux ont lancé une campagne visant à forcer les travailleurs à quitter le programme de prestations d'urgence du Canada (PCU) et à retrouver leur emploi. Cette campagne comprend la présentation d'une législation qui menacerait les travailleurs qui utilisent la PCU pour se protéger contre le retour forcé au travail dans des conditions dangereuses, en leur imposant des amendes onéreuses, voire des peines de prison. (Voir: Le gouvernement canadien brandit la menace d'amendes et de peines de prison pour forcer les travailleurs à retourner au travail)

Les gouvernements fédéral et provinciaux violent toutes les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé en forçant les travailleurs à reprendre leur travail alors que la pandémie fait rage. Même l'administratrice en chef de la santé publique du Canada, la Dre Theresa Tam, s'est sentie obligée d'avertir au début de ce mois que le nombre de cas de COVID-19 pourrait augmenter de façon spectaculaire si la réouverture est mal gérée.

La vitesse fulgurante à laquelle la réouverture s'est produite aura des conséquences désastreuses pour les membres les plus pauvres et les plus vulnérables de la classe ouvrière, et pour ceux qui ne peuvent pas travailler à domicile ou qui sont socialement éloignés. L'Arizona, la Californie, la Floride et le Texas ont tous connu une forte augmentation du nombre de cas depuis leur réouverture, ce qui a contribué à porter le nombre de nouvelles infections aux États-Unis à un niveau record. Le fait que la campagne de retour au travail se poursuive a néanmoins déclenché une opposition croissante parmi les travailleurs américains, comme le montrent les arrêts de travail des travailleurs de Fiat Chrysler dans les usines d'assemblage de Jefferson North et Sterling Heights à Detroit.

L'Ontario, le moteur économique du Canada, compte 14,5 millions d'habitants. Cependant, la province ne peut tester que 20.000 personnes par jour, et la plupart des grands lieux de travail encombrés n'offrent pas de tests à leurs employés. Avec la mise en œuvre quasi inexistante de la recherche des contacts, il est logique de supposer que l'Ontario suivra les traces des États américains qui ont rouvert prématurément leurs portes.

Au moins trois travailleurs agricoles migrants mexicains de l'Ontario sont morts des suites de la COVID-19, la maladie respiratoire causée par le nouveau coronavirus. Dans toute la province, les travailleurs à risque sont contraints de retourner au travail, les employeurs leur ayant donné le choix entre le chômage ou risquer leur vie au travail. Un rapport du Centre canadien de politiques alternatives estime qu'au moins 1,7 million de travailleurs à travers le Canada devront choisir entre leur santé ou un salaire, alors que le gouvernement fédéral envisage de remanier la PCU.

Les gouvernements à tous les niveaux ont subi d'intenses pressions de la part des entreprises pour qu'elles rouvrent le plus rapidement possible, quelles que soient les conséquences sur la santé. La Chambre de commerce du Canada, qui représente plus de 200.000 entreprises, a fait pression de manière constante et forte pour une réouverture de l'économie depuis le début de la crise. L'une des initiatives qui sont les plus mises de l’avant est la récente création du Canadian Business Resilience Network en partenariat avec le gouvernement du Canada, qui vise à «développer des stratégies du marché du travail dirigées par les entreprises» et à «aider les entreprises à être prêtes à poursuivre leurs activités pendant la crise et une éventuelle deuxième vague».

Perrin Beatty, président de la Chambre de commerce canadienne (CCC) depuis 2007, personnifie la porte tournante qui existe entre le comité exécutif des capitalistes du gouvernement et les grandes entreprises. Après avoir été député progressiste-conservateur de 1972 à 1993 et ministre dans le cabinet de Brian Mulroney pendant une décennie, il a dirigé l'association des Manufacturiers et exportateurs du Canada, un autre groupe de pression des entreprises pendant huit ans, jusqu'en 2007.

Beatty siège actuellement au Conseil canadien de l'approvisionnement COVID-19 du gouvernement fédéral, composé de 17 membres, qui est chargé de conseiller le gouvernement sur l'acquisition d'EPI (équipement de protection individuelle). Parmi les membres de la composition «diverse» du conseil de l'approvisionnement figurent les PDG de diverses entreprises et de groupes de pression commerciaux, ainsi que François Laporte, le président de Teamsters Canada.

Alors que les syndicats collaborent avec les patrons des entreprises et les gouvernements pour rouvrir l'économie, l'opposition des travailleurs à ce projet meurtrier ne cesse de croître. Les travailleurs ont déposé au moins 5700 plaintes liées à la COVID-19 concernant des conditions de travail dangereuses dans les provinces de l'Ontario et du Québec, dont au moins les trois quarts proviennent de l'Ontario, selon les statistiques officielles du gouvernement.

Légalement, les travailleurs ont le droit de refuser un travail dangereux en vertu de la loi sur la santé et la sécurité au travail (OHSA) de l'Ontario. Mais sur les 265 refus de travailler entre février et fin mai, un seul a été jugé acceptable. Alors que le ministère du Travail, de la Formation et du Développement des compétences de l'Ontario a effectué plus de 8600 inspections sur le terrain, plus de la moitié de ces inspections ont été réalisées à distance. Le ministère a effectué des inspections à distance similaires dans des établissements de soins de longue durée en avril et mai. Plus de 7000 résidents et membres du personnel ont été infectés et plus de 1950 sont morts dans les établissements de soins de longue durée, la plupart dans des établissements à but lucratif en proie à des problèmes d'EPI et de pénurie de personnel.

Le refus d’entendre les plaintes des travailleurs est une politique délibérée de la part du gouvernement de droite de Ford. Le ministère du Travail de l'Ontario a mis en place un comité consultatif interne appelé «Comité consultatif sur le refus de travailler», puis renommé «Équipe consultative COVID-19». La composition de ce comité n'a pas été rendue publique. Selon Warren «Smokey» Thomas, le président du Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario (SEFPO), le syndicat qui représente les inspecteurs, des cadres supérieurs du ministère sont intervenus pour examiner les rapports des inspecteurs. «Les inspecteurs, a déclaré Thomas, se font dire d'envoyer leurs rapports et leurs ordres aux avocats et aux responsables du ministère. Ce n'est pas normal».

Le SEFPO est affilié à la Fédération du travail de l'Ontario (OFL), qui représente 54 syndicats et plus d'un million de travailleurs ontariens. Il a travaillé avec le gouvernement et les employeurs pour obliger les travailleurs à reprendre le travail en pleine pandémie, tout en faisant de fausses déclarations sur la sécurité sur les lieux de travail. Au début de ce mois, l'OFL a publié une déclaration pathétique qui plaidait auprès du gouvernement notoirement propatronal de Ford pour qu'il respecte l'OHSA. «Le ministère (du Travail) est étonnamment inactif lorsque les travailleurs lui demandent de l'aide, surtout en ce moment où des protections agressives sont nécessaires pour les travailleurs», s’est plainte la présidente de l'OFL, Patty Coates. «Cela doit changer.»

Loin d'organiser des actions pour empêcher les travailleurs d'être contraints de travailler dans des conditions dangereuses, les syndicats réagissent à la pandémie et aux plus grandes pertes d'emplois depuis la Grande Dépression des années 1930 en approfondissant leur partenariat anti-travailleurs avec le gouvernement libéral fédéral et les grandes entreprises. En mai, le président du CTC, Hassan Yussuff, a publié une déclaration commune avec Perrin Beatty de la Chambre de commerce, préconisant une alliance corporatiste à long terme entre les syndicats, les grandes entreprises et le gouvernement sous la forme d'un «groupe de travail économique national», qui contribuerait à maintenir la position concurrentielle du capitalisme canadien, face à «une nouvelle dette publique et privée substantielle» et à des «changements transformationnels».

Pour défendre leur vie et leurs moyens de subsistance, les travailleurs devront prendre les choses en main, en créant des comités de sécurité dans chaque usine et lieu de travail, indépendants des syndicats procapitalistes. Ces comités doivent se battre pour des mesures de sécurité – y compris un accès total aux équipements de protection et des tests réguliers, et le pouvoir d'arrêter le travail pour garantir des conditions de sécurité – en opposition à la direction et à la subordination de la vie des travailleurs au profit capitaliste.

(Article paru en anglais le 29 juin 2020)

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