Résolution du 6e congrès du SEP (États-Unis)

La pandémie mondiale, la lutte des classes et les tâches du Socialist Equality Party

Cette résolution a été adoptée à l'unanimité par les membres du SEP (Parti de l'égalité socialiste aux États-Unis) lors de son sixième congrès national, qui s'est tenu en ligne du 19 au 24 juillet 2020.

1. La pandémie de COVID-19 est un événement déclencheur dans l'histoire mondiale qui accélère la crise économique, sociale et politique déjà très avancée du système capitaliste mondial. Elle crée les conditions d'une immense intensification de la lutte des classes à l'échelle internationale. La classe ouvrière est confrontée à une crise pour laquelle il n'y a pas de solution progressiste en dehors d'une lutte révolutionnaire contre le capitalisme menant à la conquête du pouvoir d'État, à l'établissement par la classe ouvrière d'un contrôle démocratique sur l'économie, au remplacement de l'anarchie du marché par la planification scientifique, à la fin du système d'État-nation et à la construction d'une société socialiste mondiale. Une société dédiée à l'égalité, à l'élimination de la pauvreté et de toutes les formes d'oppression et de discrimination, à l'augmentation massive du niveau de vie et du niveau de culture sociale, et à la protection de l'environnement.

2. En définissant la pandémie comme un «événement déclencheur», le World Socialist Web Site l'a comparée à l'assassinat de l'archiduc autrichien François-Ferdinand le 28 juin 1914, qui a déclenché une chaîne d'événements culminant avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale. «Si l'assassinat n'avait pas eu lieu», a écrit le WSWS, «il est peu probable que la guerre ait commencé en août. Mais tôt ou tard, peut-être à l'hiver 1914 ou l'année suivante, les contradictions économiques et géopolitiques du capitalisme européen et mondial auraient produit une conflagration militaire. L'assassinat a accéléré le processus historique, mais il a agi sur des conditions socio-économiques et politiques préexistantes extrêmement inflammables». [1]

3. Si les conditions spécifiques qui ont produit le coronavirus ont un caractère accidentel et contingent, la réponse à la pandémie a été déterminée par les conditions préexistantes de la crise capitaliste et les intérêts de la classe dominante. La classe capitaliste a continué et intensifié les mêmes relations économiques parasitaires et les mêmes politiques sociales que celles employées pendant la période précédente.

4. Lorsque la Première Guerre mondiale a commencé, tous les belligérants pensaient qu'elle se terminerait relativement vite. Mais le conflit s'est prolongé, année après année, parce que les élites capitalistes au pouvoir, qui dictaient la politique gouvernementale, considéraient le sacrifice de la vie de millions de travailleurs comme un coût acceptable pour la réalisation de leurs intérêts géostratégiques dans ce conflit. Il a fallu l'intervention de la classe ouvrière – sous la forme de la Révolution russe de 1917 et d'une vague de luttes révolutionnaires dans toute l'Europe – pour imposer la fin du carnage. Dans la situation actuelle, les plus grands obstacles à la mise en œuvre d'une réponse efficace à la pandémie sont les intérêts économiques et géostratégiques de la classe capitaliste qui a bénéficié de la crise. Les marchés boursiers américains et mondiaux continuent de grimper et approchent à nouveau des niveaux records, tout comme le nombre des infections et des décès. Le retour irresponsable au travail à la fin du mois de mai – avant qu'on ne soit parvenu à contrôler efficacement la propagation du virus – a été entièrement dicté par la nécessité pour l'élite financière et patronale de reprendre l'exploitation effrénée de la classe ouvrière en vue de générer des profits.

5. La situation est critique. La pandémie est en train de devenir incontrôlable. À la mi-juillet, plus de 13 millions de personnes avait été infectées dans le monde. Le nombre des morts s’élève à près de 700.000. Le nombre de nouveaux cas atteint un niveau record et la propagation du virus s’accélère fortement en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Asie méridionale.

6. L'épicentre de la pandémie se trouve aux États-Unis. Plus de 4,5 millions de personnes y ont été infectées, soit plus d'une personne sur 100. Il y a plus de 70.000 nouveaux cas par jour. Les hôpitaux de Floride, du Texas et de l'Arizona ont atteint ou dépassé leur capacité d'accueil, et les soignants sont à court d'équipements de protection. D'ici la fin de l'été, le nombre officiel de décès sera de l'ordre de 250.000 à 350.000, soit plus du double des morts au combat des États-Unis durant la Première Guerre mondiale, la guerre du Vietnam et la guerre de Corée réunies.

7. Parallèlement à la propagation de la pandémie, on observe une crise sociale croissante. Les Nations unies estiment que 265 millions de personnes supplémentaires risquent de mourir de faim à cause de la pandémie. L'Organisation internationale du travail prévoit une perte de revenus pour les travailleurs pouvant atteindre 3,4 billions de dollars. Aux États-Unis, des dizaines de millions de personnes restent au chômage, malgré la fin des mesures d’isolement, et 100.000 petites entreprises ont fermé définitivement.

8. La réponse désastreusement inepte, désorganisée et inhumaine des États-Unis à la pandémie a non seulement mis en évidence l'incompétence et le caractère criminel de l'administration Trump. Elle a aussi montré la faillite politique et morale du capitalisme américain et d’une élite dirigeante dont la physionomie sociale a été façonnée par la croissance la plus extrême et la plus réellement criminelle de «tout un système d'escroquerie et de tricherie pour ce qui est de la fondation de sociétés, l'émission d'actions et le commerce des actions» [2]. Sur cette base, et à une échelle que même Marx n'aurait guère pu imaginer, la classe dirigeante a mené, au cours des 40 dernières années, une politique de redistribution des richesses de la classe ouvrière vers les riches.

9. L'inflation massive du marché boursier par la spéculation et la financiarisation a produit un niveau d'inégalité sociale sans précédent, trois individus possédant plus de richesses que la moitié inférieure de la population.

10. «Combien de temps faudra-t-il pour maîtriser la pandémie?» C'est une question que se posent des milliards de personnes. La réponse habituelle est que la pandémie continuera jusqu'à ce qu'un vaccin efficace soit mis au point. Cette réponse fataliste est fondée sur l'hypothèse que la crise du COVID-19 est presque exclusivement un problème médical. Ce qui est omis, ce sont les dimensions sociales et politiques de la lutte contre la pandémie. Comme le soulèvement de la classe ouvrière fut nécessaire pour mettre fin à la Première Guerre mondiale, l'intervention consciente de la classe ouvrière, dans une lutte contre le capitalisme, est nécessaire pour créer les conditions d'une réponse sociale efficace à la maladie. Même si un vaccin est développé dans un avenir proche, et même s'il fournit une immunité à long terme, ce qui n'est pas garanti, sa distribution sera soumise aux profits des entreprises et aux conflits géostratégiques entre grandes puissances capitalistes. De plus, l'endiguement de la pandémie ne permettra pas de mettre un terme à la crise sociale et économique. Comme ce fut le cas au lendemain de la Première Guerre mondiale, la pandémie laissera de profondes cicatrices et aura des conséquences durables. Il n'y aura pas de retour aux conditions, aussi mauvaises qu'elles fussent déjà, qui existaient avant son déclenchement. La crise économique, sociale et politique se développera sur la base des conditions créées par la pandémie. L'ampleur et l'intensité de la lutte des classes ne diminueront pas, elles augmenteront.

11. Pour justifier leur réouverture irresponsable de l'économie, les médias capitalistes ont clamé que «Le remède [la fermeture] ne devait pas être pire que la maladie.» En réalité, la pandémie est un symptôme. La maladie, c'est le capitalisme. Le traitement nécessaire est la lutte de classe internationale. Le remède, c'est le socialisme.

12. Pour comprendre la situation actuelle et tracer une voie pour l'avenir, il est nécessaire d'examiner comment la crise a évolué dans le pays qui est devenu le centre mondial de la pandémie, les États-Unis.

Décembre 2019 - 27 mars 2020: Le déclenchement de la pandémie, la suppression de l'information et le sauvetage de l'élite financière des entreprises

13. La première étape a commencé avec l'apparition initiale du virus en Chine en décembre 2019 et sa transmission internationale en Europe et en Amérique du Nord, et a duré jusqu'au 27 mars 2020, lorsque le président Donald Trump a signé la loi dite CARES. C'est au cours de ces mois critiques que l'administration Trump et les chefs de file des deux partis capitalistes au Congrès – agissant sur les instructions de l'élite financière et patronale – ont pris les décisions socialement catastrophiques qui ont donné la priorité au sauvetage des banques, des grandes sociétés et des puissants investisseurs de Wall Street sur la prévention de la propagation de l’épidémie et le sauvetage de vies.

14. Au début du mois de janvier 2020, les épidémiologistes qualifiés de l'Organisation mondiale de la santé et des Centres de contrôle des maladies (CDC) ont réalisé que le coronavirus pouvait se transformer en catastrophe sanitaire mondiale majeure. Les expériences précédentes avec les épidémies de grippe porcine et d'Ebola avaient fourni à la communauté médicale des données qui ne laissaient que peu de doutes sur les conséquences d'une pandémie. Dès 2005, la spécialiste des pandémies Laurie Garrett avait mis en garde, dans un article publié dans le magazine Foreign Affairs, contre les dangers que représentait la grippe aviaire H5N1 :

Si le virus, qui évolue sans cesse, devient capable de se transmettre d’un être humain à l’autre, développe un pouvoir de contagion typique des grippes humaines et conserve son extraordinaire virulence, l'humanité pourrait bien être confrontée à une pandémie sans précédent. [3]

Garrett a fourni une description effrayante des conséquences, aux États-Unis et à l’international, d'une pandémie virale transmissible d'humain à humain. Les États-Unis, écrit-elle, «pourraient être confrontés à 16 millions de décès et à des coûts économiques inimaginables». [4] Elle ajoutait:

Le monde entier connaîtrait un niveau similaire de carnage viral et les régions ravagées par le VIH où vivent des millions de personnes immunodéprimées pourraient connaître un nombre de décès encore plus élevé. En réaction, certains pays pourraient imposer des quarantaines inutiles mais très perturbatrices, ou fermer les frontières et les aéroports, peut-être pendant des mois. De telles fermetures perturberaient le commerce, les voyages et la productivité. Il ne fait aucun doute que les marchés boursiers mondiaux vacilleraient, voire chuteraient brusquement. [5]

15. Il est clair que le gouvernement des États-Unis et ses agences de collecte de renseignements ont compris dès les premiers jours de 2020 – et selon toute probabilité, dès la seconde moitié de décembre – que le monde était au bord d'une catastrophe sanitaire. Quel que soit la date précise à laquelle les États-Unis obtinrent ces informations, des articles sur le danger de la pandémie ont commencé à paraître dans la presse mondiale au cours du mois de janvier. Le 24 janvier 2020, le World Socialist Web Site publiait son premier article détaillé sur le coronavirus. Quatre jours plus tard seulement, il expliquait :

Autrement dit, alors que les gouvernements du monde, celui des États-Unis en particulier, ont élaboré au cours du dernier quart de siècle des plans méticuleux pour une guerre à grande échelle, aucune ressource ou prévoyance de ce type n’a été consacrée à la lutte contre l’éruption des épidémies qui ont frappé la planète au cours de la même période. [6]

16. Malgré l'extrême danger pour la santé que représente la propagation du virus, la classe dirigeante s'est concentrée presque exclusivement sur l'impact économique de la pandémie, c'est-à-dire sur la manière dont la maladie affecterait le marché boursier et la richesse personnelle du 1 à 5% le plus riche de la société. L'oligarchie capitaliste craignait, tout d'abord, qu’une reconnaissance publique et sans ambiguïté du danger ne conduise à une panique financière, entraînant les marchés «à vaciller, voire chuter brusquement».

17. Ses préoccupations n'étaient pas sans fondement. La Réserve fédérale américaine avait réagi au crash financier historique de 2008-2009 en inondant les banques et les sociétés d'investissement de Wall Street de centaines de milliards de dollars. La crise de 2008-2009 était elle-même le résultat d'un déclin prolongé du capitalisme, qui a trouvé son expression la plus nocive dans le processus connu sous le nom de financiarisation, c'est-à-dire la séparation de plus en plus extrême de l'accumulation de la richesse par l'élite financière du processus de production. Ce renflouement financier sans précédent, connu sous le nom d'«assouplissement quantitatif», avait fourni à l'élite financière des prêts à très faible taux d'intérêt – de l’«argent gratuit» – qu’elle a utilisés pour orchestrer des «rachats» d'actions qui ont gonflé la valeur des actions et autres actifs spéculatifs.

18. Avant même que la pandémie ne frappe, il devenait de plus en plus évident que l'économie américaine et mondiale était perchée sur une montagne de dettes (capital fictif), dont le volume dépassait de loin la capacité de production et de profit de l'économie réelle. La propagation de la pandémie menaçait de provoquer un arrêt de l'économie qui couperait le flux des revenus nécessaires au service d'une dette massive. Comme l'a expliqué la Banque des règlements internationaux, dans un rapport publié en avril 2020 :

Le choc COVID-19 met à rude épreuve les réserves de liquidités des entreprises. Les états financiers des entreprises de 2019 suggèrent que 50% des entreprises n'ont pas suffisamment de liquidités pour couvrir le coût total des services au cours de l'année à venir. [7]

19. Le rapport ajoutait :

Aucune autre récession des temps modernes n'a frappé le secteur des entreprises aussi durement que le choc du COVID-19. Les entreprises sont maintenant confrontées à une baisse de revenus sans précédent, alors que des mesures de fermeture sont imposées à l'échelle nationale pour protéger la santé publique. La capacité des entreprises à résister à ces circonstances exceptionnelles déterminera si la récession COVID-19 laisse une cicatrice durable sur l'activité économique par le biais de faillites d'entreprises généralisées. [8]

20. Dans cette situation, les intérêts financiers de l'élite financière et patronale étaient incompatibles et hostiles à toutes les mesures de santé publique qui limitaient l'afflux de revenus. Alors qu'un vaste plan de sauvetage financier des entreprises était préparé en coulisses, entre janvier et mars, l'administration Trump a affirmé à plusieurs reprises que la pandémie disparaîtrait miraculeusement, avec peu d'impact sur les vies. Le gouvernement fédéral et les gouvernements des États, dirigés par les démocrates et les républicains, ont refusé de prendre des mesures pour arrêter la production non essentielle.

21. Le 28 février, le CIQI a publié une déclaration appelant à une «réponse d'urgence coordonnée au niveau mondial» face à la pandémie. Avec un nombre de cas approchant les 100.000 (contre plus de 12 millions aujourd'hui), le CIQI avertit que «le danger ne [pouvait] être surestimé». La déclaration appelle à une mobilisation internationale des scientifiques pour développer des contre-mesures afin de contenir, de guérir et finalement d'éradiquer le virus, à une allocation massive de ressources pour les soins et les traitements, et à la redistribution des richesses pour soutenir toutes les personnes touchées par le virus. [9]

22. Le WSWS a défini l'inaction délibérée des gouvernements comme de la «négligence maligne».[10] L'attitude d'indifférence de ceux-ci à l'égard du virus a été conditionnée par les préoccupations relatives à son impact sur les marchés. La classe dirigeante était bien consciente que les conséquences économiques pour les entreprises nécessiteraient un renflouement qui dépasserait de loin ce qui avait été prodigué suite à la crise de 2008.

23. Plutôt que de prendre des mesures pour arrêter le virus et sauver des vies, la classe dirigeante a utilisé les mois de février et mars pour préparer et mettre en œuvre un renflouement de Wall Street de plusieurs billions de dollars. L'ampleur de l'intervention témoignait de l’état désespéré de la situation économique. Entre le 19 février et le 23 mars, comme il devenait impossible de dissimuler au public le danger que représentait la pandémie, l'indice S&P 500 a perdu un tiers de sa valeur.

24. En opposition à la politique de «négligence maligne» de la classe dominante, la classe ouvrière a commencé à prendre des mesures pour se protéger contre la pandémie. Des débrayages et des actions de protestation ont été organisés par les travailleurs employés par Instacart, Amazon et Whole Foods. Les travailleurs de l'automobile aux États-Unis et au Canada ont mené une série d'actions sauvages, qui ont coïncidé avec une vague de grèves et de protestations en Europe. Les articles publiés sur le WSWS et les déclarations du SEP, notamment la déclaration du 14 mars «Fermez l'industrie automobile pour stopper la propagation du coronavirus!», ont été lus et partagés par des dizaines de milliers de travailleurs. Sous la pression croissante de la classe ouvrière et alors que la législation de renflouement était encore en préparation, le gouvernement fédéral, l'État et les collectivités locales ont été contraints d'accepter une fermeture de l'économie.

25. Fin mars, le Congrès a adopté, à la quasi-unanimité, la loi CARES, qui a donné des centaines de milliards aux entreprises et a sanctionné le renflouement de Wall Street par la Réserve fédérale américaine, à hauteur de plusieurs billions de dollars. En quelques semaines, le bilan de la Fed est passé de 4.000 milliards de dollars à plus de 7.000 milliards de dollars, alors qu'elle rachetait les actifs et les dettes des banques et des grandes entreprises.

26. L'adoption de la loi CARES a mis un terme à la première phase de la crise. Dans une lettre datée du 28 mars, adressée à Nick Beams, un membre dirigeant du Parti de l'égalité socialiste en Australie, le président national du SEP américain, David North, a évalué les événements des trois premiers mois de 2020 dans le contexte de la crise historique du système capitaliste.

Il n'est pas surprenant que les médias bourgeois aient attribué la chute vertigineuse des marchés mondiaux entièrement à la pandémie. Mais cela n'est pas suffisant. Avant que le coronavirus ne commence à se propager, il était évident que la hausse frénétique de la valeur des actions avait pris un caractère pernicieux, alimenté par la disponibilité illimitée de fonds due à l’Assouplissement quantitatif et à la suppression sans précédent des taux d'intérêt par la Fed et les banques centrales en Europe. On a même vu apparaître le phénomène de taux d'intérêt négatifs. Cette montagne de capital fictif a rendu possible les innombrables astuces employées par la classe dirigeante pour faire monter les actions toujours plus haut (comme les rachats d'actions) et s'enrichir.

La caractéristique la plus frappante de la liquidation du marché de ces trois dernières semaines (malgré le ‘rebondissement’ de trois jours) a été son étonnante vitesse. Des billions d'actions ont été liquidées en quelques jours, plus rapidement que lors de toute autre baisse de l'histoire moderne. La vitesse de l'effondrement a été déterminée par le caractère irréel de la précédente lévitation magique des valeurs boursières. C'est ce qui a immédiatement conduit à des demandes hystériques pour le renflouement de plusieurs billions de dollars. Le passage du renflouement – avec quelques miettes pour empêcher une explosion sociale pendant quelques mois – est la continuation, à une nouvelle échelle plus gigantesque encore, de la création de capital fictif, c'est-à-dire de la conjuration de valeur indépendante de la production. La bourgeoisie sait bien que cette gigantesque fraude économique ne peut pas durer. Et, pour cette raison, la pandémie devient un véritable problème. C'est une chose que d'augmenter le niveau d'endettement lorsque la production a lieu. C'en est une autre de le faire lorsque la production s'arrête partout dans le monde. La disparité entre l'expansion de la dette et la baisse massive de la production de valeur par le biais du processus de travail (dans toutes les formes où elle se manifeste) ne peut être dissimulée. C'est pourquoi Trump et les oligarques capitalistes exigent une reprise rapide du travail. «Le remède à la pandémie ne peut être pire que la maladie.»

Nous approchons d'une étape critique dans la crise historique du capitalisme. Confrontée à la faillite suite à l'effondrement déclenché par la pandémie, la classe dirigeante exige de son État qu'il mette à sa disposition des billions de dollars pour éviter cette faillite. En même temps, elle s'apprête à employer ce même État pour lancer, dès qu'elle aura achevé les préparatifs politiques et logistiques nécessaires, une attaque impitoyable contre la classe ouvrière.

1. Du 27 mars au 31 mai 2020: La campagne de retour au travail et les manifestations contre les violences policières

27. Cette analyse a été rapidement confirmée par les événements. Une fois le renflouement mis en œuvre, la classe dirigeante s'est tournée vers l'impératif de reprendre la pleine production économique, afin de forcer la classe ouvrière à payer pour le renflouement et à financer les niveaux stupéfiants de capital fictif générés par la Réserve fédérale.

28. On a lancé la campagne pour mettre fin à la fermeture économique et pour un rapide retour au travail; celle-ci a reçu la légitimité politique du New York Times, principal média des puissants intérêts financiers des entreprises affiliées au Parti démocrate. Le 22 mars, alors que la loi CARES était sur le point d'être adoptée par le Congrès, Thomas Friedman a écrit un commentaire intitulé «Un plan pour remettre l'Amérique au travail». Friedman affirmait que les États-Unis s’étaient retrouvés « par accident » dans un confinement. Donnant le signal d’une campagne de propagande massive contre le confinement, Friedman a écrit :

Mais alors que tant de nos entreprises ferment et que des millions de personnes commencent à être licenciées, certains experts commencent à se demander: «Attendez une minute ! Que diable faisons-nous ? À notre économie ? À la prochaine génération ? Ce remède est-il plus efficace – même pour un court instant – que la maladie ?»

29. Se référant de manière sarcastique à «l'avis d'épidémiologistes sérieux» comme à de la «pensée de groupe», Friedman a commencé à vanter un programme d'immunité collective, ne séquestrant que «ceux d'entre nous qui sont les plus susceptibles d'être tués ou de souffrir à long terme d'une exposition à une infection par un coronavirus... tout en traitant fondamentalement le reste de la société comme nous l'avons toujours fait face à des menaces familières comme la grippe». En racontant de manière irresponsable des absurdités anti-scientifiques, Friedman a minimisé le danger de la pandémie, déclarant que «comme pour la grippe, la grande majorité s'en remettra en quelques jours, un petit nombre devra être hospitalisé et un très petit pourcentage des personnes les plus vulnérables mourra tragiquement». Depuis que Friedman a écrit ces mots, le «très faible pourcentage» de personnes infectées mortellement s'élève à plus de 130.000 décès aux États-Unis.

30. La ligne du «libéral» New York Times a été reprise par tous les médias. Le Wall Street Journal a déclaré: «La populace qui réclame que l'économie reste bloquée jusqu'à ce qu'il y ait un vaccin, une thérapie miracle ou des tests quotidiens pour tout le monde dans le pays semble penser que le gouvernement peut remplacer l'économie privée... le virus sera avec nous pendant longtemps à moins qu'il n'y ait un vaccin, nous devons donc apprendre à vivre avec et avoir une économie qui fonctionne». [11]

31. La réouverture forcée de l'économie a coïncidé avec l'assaut de l'administration Trump contre l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les Centres de contrôle des maladies (CDC) et même la science relative à la pandémie, et fut justifiée par cet assaut. La promotion ronflante et ignorante par Trump de médicaments non testés, tels que l'hydroxychloriquine et le Remdesivir, atteignit un degré effrayant lorsqu'il a suggéré, le 24 avril, que les gens s'injectent de l'eau de Javel et insèrent des lampes ultraviolettes dans leur corps. Sa déclaration selon laquelle si on n’effectuait pas de tests, on ne trouverait pas de cas, est en accord avec la politique d'immunité collective, avec l'attitude sous-jacente du «laisser faire». Les mises en garde des épidémiologistes, des virologues et du personnel médical sur les conséquences désastreuses d'une levée prématurée des restrictions ont été rejetées et ridiculisées. Rien n'empêchait de renvoyer les travailleurs dans les usines, les écoles et les lieux de travail.

32. La pression incessante pour une réouverture de l'économie, l'absence stupéfiante d'équipements essentiels ou de stratégie médicale cohérente, l'incompétence pure et simple des actions gouvernementales et l'indifférence brutale des grandes entreprises à l'égard de la santé et de la sécurité de leur main-d'œuvre se sont rapidement traduites par une explosion d'infections et de décès. Quant aux mesures économiques mises en œuvre par le gouvernement, le chômage a atteint un niveau jamais vu depuis la Grande Dépression des années 1930. Des millions de travailleurs sont devenus dépendants de banques alimentaires. Des centaines de milliers de petites entreprises ont été privées de l'aide financière qui leur avait été promise.

33. Mais pour les riches, la pandémie a été une bénédiction financière. L'adoption de la loi CARES a initié la reprise des valeurs boursières la plus spectaculaire et la plus rapide de l'histoire. Entre mars et mai, les principaux indices boursiers ont augmenté de 30%. En parlant du gouffre entre ‘Wall Street et Main Street’ [le monde des affaires et le monde ordinaire], l'Economist aexpliqué, avec un franc-parler décomplexé :

Cette amélioration est due en grande partie à la Fed, qui a agi de manière plus spectaculaire que les autres banques centrales, en rachetant des actifs à une échelle inimaginable. Elle s'est engagée à acheter encore plus de dettes d'entreprises, y compris des obligations «junk» à haut rendement. Le marché des nouvelles émissions d'obligations d'entreprises, qui s'était gelé en février, a rouvert de manière spectaculaire. Les entreprises ont émis 560 milliards de dollars d'obligations au cours des six dernières semaines, soit le double du niveau normal. Même les compagnies de croisière échouées ont été en mesure de lever des fonds, bien qu'à un prix élevé. Une cascade de faillites de grandes entreprises a été évitée. La banque centrale a, en effet, soutenu le flux de trésorerie d’‘America Inc.’. La bourse a suivi le mouvement et a grimpé. [12]

34. Tout au long des mois de mars et d'avril, dans des dizaines d'articles et de déclarations, le World Socialist Web Site et le SEP ont mis en garde à maintes reprises contre le résultat catastrophique de la campagne de retour au travail de la classe dirigeante. Le 24 mars, en réponse à la chronique de Friedman, le SEP a qualifié la politique de l'élite dirigeante de «forme d'euthanasie socialement sanctionnée... Face à la plus grande crise que traverse le capitalisme américain, la classe dirigeante se révèle non seulement parasitaire, mais aussi meurtrière». [13] Le 11 avril, le SEP a publié un communiqué déclarant que «l'objectif de l'administration Trump et de la classe dirigeante américaine dans son ensemble est de "normaliser" la pandémie, c'est-à-dire d'acclimater la population au fait qu'un grand nombre de personnes vont mourir pendant un certain temps...». La mort des travailleurs devait être traitée comme «le coût de faire des affaires, ceux qui succombent à la maladie étant remplacés par d'autres». [14]

35. Le 18 avril, le WSWS a attiré l'attention sur les commentaires du New York Times et de la presse internationale qui s'opposaient à une préoccupation excessive pour la protection de la vie humaine. Un commentaire du journal suisse Neue Zürcher Zeitung déclarait que les mesures visant à stopper la pandémie impliquaient de choisir «le suicide économique pour empêcher les personnes âgées de décéder quelques années plus tôt», tandis qu'un autre commentaire du magazine allemand Der Spiegel affirmait que stopper la pandémie violait le principe selon lequel «la vie n'est pas concevable sans la mort». «Ce sont là des arguments», a fait remarquer le WSWS, «avec lesquels le leader nazi Adolf Hitler, qui s'est suicidé il y a 75 ans ce mois-ci dans son bunker de Berlin, aurait volontiers été d'accord». [15]

36. La réponse de la classe dirigeante à la pandémie a engendré une montée significative des tensions sociales et de la lutte des classes. Le déclencheur de l'éruption de manifestations de masse a été une suite d'incidents de violence policière. Le 13 mars, la police a tué Breonna Taylor à Louisville, Kentucky après avoir fait irruption chez elle pendant qu'elle dormait. Début mai sont rendues publiques des images de caméra embarquée de la police montrant le meurtre d'Ahmaud Arbery, le 25 février à Brunswick, en Géorgie, par un ancien policier et enquêteur public et son fils. Puis, le 25 mai, Memorial Day, quatre policiers participent au meurtre brutal de George Floyd à Minneapolis, Minnesota, une scène horrifiante prise sur une téléphone portable et visionnée par des millions de personnes.

37. Le meurtre de Floyd a déclenché des manifestations multiraciales et multiethniques dans toutes les grandes villes des États-Unis, y compris dans un sud profond traditionnellement conservateur, et dans des pays de tous les continents. Après des décennies de répression de la contestation sociale et de la lutte de classe avec la complicité active des syndicats, la colère et le ressentiment ont éclaté au grand jour. Si les protestations ont été déclenchées par la violence policière, leurs causes sous-jacentes étaient la colère devant la baisse sévère et prolongée du niveau de vie, le taux écrasant de l’endettement imposé aux jeunes et leurs perspectives d’avenir décourageantes; l’inégalité sociale omniprésente et ses conséquences; l’étranglement des droits démocratiques. S’ajoutait a cela l’impossibilité d’apporter des changements et des améliorations significatifs aux conditions sociales dans le cadre des structures politiques existantes du système bipartite.

38. Le Socialist Equality Party, a salué et soutenu ces manifestations. Le 30 mai, le SEP a expliqué: «Ces manifestations – qui se déroulent sur fond de pandémie malgré les graves risques encourus – sont une démonstration puissante et inspirante de l’engagement profond pour la défense des droits démocratiques, de la haine de la police fascisante et du gouvernement Trump, et d’un engagement profond en faveur de l'unité de toutes les parties de la classe ouvrière. » [16] Ces manifestations ont justifié l'analyse du SEP selon laquelle une alternative véritablement progressiste au gouvernement Trump ne pouvait naître que sur la base d'un mouvement demasse d’en bas, et non d'une révolution de palais, initiée d'en haut par le Parti démocrate, en alliance avec une partie de l’appareil militaire et de renseignement, mécontente de la façon dont Trump traite les relations avec la Russie et la Chine Trump. Dans une déclaration publiée en 2017, le WSWS prédisait:

Les luttes de masse sont à l’ordre du jour aux États-Unis. Les rassemblements de protestation, les manifestations et les grèves tendront à acquérir un caractère général à l’échelle nationale. La conclusion politique découlant de cette analyse est que la lutte de la classe ouvrière contre Trump et tout ce qu’il représente soulèvera la nécessité de plus en plus pressante d’un mouvement de masse politique, indépendant et opposé à la fois aux républicains et aux démocrates contre le système capitaliste et son État. [17]

39. Le gouvernement Trump est directement responsable à la fois du meurtre de Floyd et de la répression policière contre les manifestants. En octobre dernier, Trump a prononcé une diatribe contre les socialistes et la «gauche radicale» à Minneapolis, soutenue par des flics qui brandissaient des banderoles disant « Loi & Ordre votez Trump». Trump a encouragé à maintes reprises la violence policière dans le cadre de ses efforts pour développer une base de soutien droitière, fascisante en faveur de la politique de l'oligarchie financière. Dans les semaines qui ont précédé le meurtre de Floyd, Trump a encouragé des manifestations d'extrême droite pour «libérer» le Minnesota, le Michigan, la Virginie et d'autres États de toute restriction visant à empêcher l’extension de la pandémie de coronavirus.

40. À sa racine, cependant, la violence policière – qui chaque année coûte la vie à plus de 1 000 travailleurs et jeunes de toutes ethnicités – est le résultat de la domination de classe. L'épidémie de meurtres par la police a persisté sous Obama et a lieu dans les États et les villes de tout le pays, qu'ils soient contrôlés par des républicains ou, comme dans le cas de Minneapolis, par des démocrates. Dans des conditions de troubles sociaux croissants, la police, de plus en plus intégrée à l'armée, sera utilisée comme force de répression violente.

41. Par conséquent, a conclu le SEP, la violence policière ne peut être combattue que par la mobilisation de la classe ouvrière contre la classe dirigeante et son État. « La lutte contre la violence policière doit être conjuguée avec le mouvement croissant de la classe ouvrière contre les conditions de travail dangereuses, le chômage, l’inégalité sociale et la pauvreté de masse. C’est là un combat contre le système capitaliste et pour le socialisme ». [18]

42. En expliquant l'importance historique des manifestations contre la violence policière, le SEP a particulièrement attiré l'attention sur leur caractère international, en tant que reflet de l'impact de la mondialisation économique et des transformations révolutionnaires des formes de communication, les conséquences révolutionnaires auxquelles le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) fit référence dès 1988. Dans une déclaration publiée le 15 juin, le SEP a écrit:

Ces processus interdépendants ont intensifié la contradiction fondamentale entre un système ossifié d’États nationaux et la réalité de l’économie mondiale. De plus, le processus de la mondialisation a créé la base d’un mouvement international unifié de la classe ouvrière contre le capitalisme. La possibilité d’une unité mondiale de la classe ouvrière n’est pas une vision utopique. Sa réalisation concrète émane des conditions existantes de la production capitaliste mondiale. [19]

2. 1er juin-juillet 2020: le coup d'État de Trump et la politique raciale du Parti démocrate

43. La réponse du gouvernement Trump a été de tenter d'organiser un coup d'État présidentiel, de renverser la Constitution et de déployer l'armée dans tout le pays. Le 1er juin, Trump a tenu une conférence de presse dans la roseraie de la Maison Blanche, où il a déclaré son intention d'invoquer la Loi sur l'insurrection de 1807 pour qualifier l'opposition à la violence policière de «terrorisme domestique». Alors que la police fédérale lançait une violente attaque contre des citoyens participant à des manifestations pacifiques devant la Maison Blanche, Trump a déclaré qu'il était le président de «la loi et de l'ordre». Si les villes ou les États ne prenaient pas des mesures jugées suffisamment agressives par la Maison Blanche, a déclaré Trump, «Je déploierai l'armée américaine et résoudrai rapidement le problème à leur place ».

44. Trump lança ses mesures de renversement de la Constitution au moment où la Maison Blanche activait de façon agressive sa campagne de retour au travail. Floyd a été tué au ‘Memorial Day’, qu’on avait promu comme étape clé de la réouverture de l'économie. Trump a déclaré dans un appel aux gouverneurs avant le discours de la roseraie: «C'est un mouvement. Et si vous ne l’écrasez pas, la situation deviendra de pire en pire ». Autrement dit, ce qui avait commencé comme des manifestations contre la violence policière pouvait rapidement se développer en mouvement plus large de la classe ouvrière contre le capitalisme.

45. Les démocrates ont abandonné toute opposition au complot de Trump aux militaires et généraux en retraite qui s’inquiétèrent de ce qu’une telle action ne poussât très vite le pays sur le chemin de la guerre civile. Aucun démocrate de premier plan n'a fait de déclaration publique majeure en dévoilant les vastes conséquences pour les droits démocratiques.

46. Joe Biden, le candidat désigné des démocrates à la présidence, a réagi en félicitant les «quatre chefs d'état-major [pour] s’être prononcés et avoir écharpé Trump». Si Trump refusait de quitter ses fonctions en cas de défaite aux élections de 2020, a déclaré Biden «je vous le promets, je suis absolument convaincu qu'ils [les militaires] vont l'escorter de la Maison Blanche dans un ... avec grande diligence ». Comme l'a écrit le WSWS:

Comme les commentaires de Biden l’indiquent clairement, les démocrates voient dans l’armée le dernier arbitre de la politique aux États-Unis. Ni le Congrès ni le Parti démocrate n’ont levé le petit doigt contre cette déclaration présidentielle de régime autoritaire. Ce n’est qu’en raison de l’opposition des hauts gradés du Pentagone, qui estimaient qu’une telle action militaire était à la fois mal préparée et pas encore nécessaire, que Trump a reculé. [20]

47. Le Socialist Equality Party fut le seul à alerter la classe ouvrière sur les dangers représentés par les actes de Trump. Dans un appel intitulé : «La classe ouvrière doit intervenir ! Empêchons le coup d’État de Trump ! le SEP écrivait, le 5 juin:

La cible de la conspiration à la Maison-Blanche est la classe ouvrière. L’oligarchie de la finance et des grandes sociétés est terrifiée à l’idée que l’éruption de manifestations de masse contre la violence policière se conjugue avec l’immense colère sociale des travailleurs face à l’inégalité sociale. Celle-ci s’est énormément intensifiée suite à la réaction de la classe dirigeante à la pandémie de coronavirus et à la campagne homicidaire de retour au travail.

Rien ne pourrait être plus dangereux que de penser que la crise est passée. Elle ne fait que commencer. La classe ouvrière doit intervenir dans cette crise sans précédent en tant que force sociale et politique indépendante. Elle doit s’opposer à la conspiration à la Maison-Blanche par les méthodes de la lutte des classes et de la révolution socialiste. [21]

48. Ces avertissements ont été confirmés en juillet lorsque le gouvernement Trump a déployé des forces paramilitaires fédérales à Portland et a menacé de les déployer dans d'autres villes, en violation flagrante de la Constitution et de la Déclaration des droits. Des policiers non identifiés en tenue militaire, opérant sous l'égide du Département de la Sécurité intérieure, ont kidnappé des manifestants non armés et les ont jetés dans des voitures banalisées pour les transférer vers des lieux inconnus.

49. En réponse à cet assaut sans précédent, les maires de Chicago, Washington, DC, Atlanta et Kansas City ont co-signé une lettre rédigée par le maire de Portland, dans laquelle ils déclaraient: «Le déploiement unilatéral de ces forces de type paramilitaire dans nos villes est totalement incompatible avec notre système démocratique et avec nos valeurs les plus fondamentales. » Dans une interview avec le commentateur fascisant de Fox News, Sean Hannity, le 23 juillet, Trump a averti: «Nous irons dans toutes les villes, dans n'importe quelle ville. Nous sommes prêts. Nous allons déployer 50 000, 60 000 personnes qui savent vraiment ce qu'elles font. Et elles sont fortes. Elles sont dures. Et nous pourrions résoudre ces problèmes sur-le-champ. »

50. Les implications dictatoriales du recours de Trump à la force armée contre l'opposition politique sont rendues explicites par les menaces qu’il a faites publiquement de rester au pouvoir quel que soit le résultat des prochaines élections.

51. Il n'y a pas que Trump qui ait été déconcerté par les manifestations de masse. Les parties de la classe capitaliste et de la classe moyenne aisée alignées sur le Parti démocrate, toujours extrêmement sensibles à tout signe de militantisme ouvrier et d'influence socialiste, sont intervenues pour détourner les manifestations et les fourvoyer en leur donnant une direction politique explicitement raciale. En opposition à cette tendance réactionnaire, le SEP a mis en garde:

L’objectif des sectaires raciaux est de détourner l’attention de la police en tant qu’instrument de l’État capitaliste et gardienne de première ligne de la domination de classe. Leurs efforts pour imposer un discours racial aux manifestations sont contredits par le caractère manifestement multi-racial, multi-ethnique et multi-national de celles-ci. [22]

52. Le New York Times, déterminé à désorienter le mouvement de contestation et à réprimer la croissance de la lutte de classe, aintensifié sa campagne – qu'il avait initiée en août 2019 avec le lancement du Projet 1619 – pour discréditer la Révolution américaine, la Guerre civile et ses principaux dirigeants. Ce qui a commencé comme une demande légitime pour le retrait des statues des dirigeants de la Confédération sudiste est devenu l'occasion de dégrader et de retirer des statues qui commémorent la vie de Washington, Jefferson, Lincoln, Grant et même d’un abolitionniste de premier plan.

53.En s'opposant à la campagne pour démanteler les statues des dirigeants de la Révolution américaine et de la Guerre civile, le WSWS a expliqué que si Trump lançait son appel aux éléments les plus politiquement désorientés de la société américaine, de manière à inciter les antagonismes raciaux, le Parti démocrate lui, employait une autre variante de la politique communautariste, évaluant et expliquant tous les problèmes et conflits sociaux en termes raciaux. Quel que soit le problème particulier – pauvreté, brutalité policière, chômage, bas salaires, décès causés par la pandémie – il est presque exclusivement défini en termes raciaux. Dans ce monde imaginaire racialisé, les «blancs» sont dotés d'un «privilège» inné qui leur épargne toute difficulté. En opposition à cette tendance réactionnaire, le SEP avertit :

Cette distorsion grotesque de la réalité actuelle exige une distorsion non moins grotesque du passé. Pour que l’Amérique contemporaine soit présentée comme une terre de guerre raciale implacable, il est nécessaire de créer un récit historique dans les mêmes termes. Au lieu de la lutte des classes, c’est toute l’histoire des États-Unis qui est présentée comme l’histoire d’un conflit racial perpétuel. [23]

54. Le racisme existe et est particulièrement encouragé parmi les couches réactionnaires recrutées dans les services de police. Il est, comme toutes les formes d’intolérance et de discrimination, fomenté pour servir d’instrument à la classe dirigeante. Mais les États-Unis ne sont pas divisés en une «Amérique blanche» et une «Amérique noire», qui auraient des intérêts distincts, de même que tous les «blancs» ne bénéficient pas non plus de la violence et de l'oppression policières, comme le prétendent les défenseurs de la politique raciale.

55. Malgré les tentatives visant à faire de la race l’axe central de la politique américaine – tentative étroitement liée à la demande réactionnaire d’une partie de la bourgeoisie et de la classe moyenne supérieure afro-américaines pour des «réparations» – l’écrasante réalité sociale des États-Unis est l’inégalité économique, qui a ses racines dans la division de la société en classes. Un examen récent de la répartition des richesses et des revenus par les économistes réputés Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman a révélé:

une forte divergence dans la croissance des 50 pour cent les plus pauvres par rapport au reste de l’économie. Le revenu moyen avant impôt des 50 pour cent d’adultes les plus pauvres stagne à environ 16.000 dollars par adulte (en dollars constants de 2014, en utilisant le déflateur du revenu national) depuis 1980 alors que le revenu moyen par adulte a augmenté de 60 pour cent pour atteindre 64.500 dollars en 2014. En conséquence, la part de revenu des 50 pour cent les plus pauvres s’est effondrée, passant d’environ 20 pour cent en 1980 à 12 pour cent en 2014. Dans le même temps, le revenu moyen avant impôt des adultes du 1 pour cent supérieur est passé de 420.000 dollars à environ 1,3 million de dollars. Leur part de revenu est passée d’environ 12 pour cent au début des années 1980 à 20 pour cent en 2014. Les deux groupes ont pratiquement échangé leurs parts de revenu, huit points de revenu national se trouvent transférés des 50 pour cent les plus pauvres aux 1 pour cent des plus riches. La part de revenu du 1 pour cent supérieur est maintenant presque deux fois plus importante que celle du 50 pour cent inférieurs, un groupe qui est par définition 50 fois plus nombreux. En 1980, les adultes du 1pour cent supérieur gagnaient en moyenne 27 fois plus que les adultes des 50 pour cent inférieurs avant impôt, alors qu’ils gagnent 81 fois plus aujourd’hui.

3. Six mois de pandémie: Résultats et perspectives

56. Six mois après la première détection du virus COVID-19, celui-ci se propage dans tous les États-Unis. Les discussions antérieures sur les dangers potentiels d’une seconde vague de la pandémie à l’automne ont fait place à la prise de conscience qu’on n’a pas maîtrisée la première vague et qu’elle continue de faire des ravages dans tout le pays. Même les médias audiovisuels sont devenus beaucoup plus prudents et économes dans leur utilisation des expressions courantes, si souvent entendues en avril et mai, telles que «lueur d’espoir», «prendre le virage» et «lumière au bout du tunnel». Selon les dernières estimations officielles, 225.000 d’Américains auront succombé à la maladie d’ici novembre – chiffre qui s’avérera selon toute probabilité bien inférieur au nombre réel de victimes.

57. Malgré le fait que l’oligarchie au pouvoir ait subordonné toutes les considérations de santé publique à la protection des investisseurs de Wall Street, la situation économique devient de plus en plus désespérée. La hausse spectaculaire du marché boursier, depuis l’adoption de la Loi CARES en mars, est un phénomène spéculatif sans rapport avec une quelconque reprise de l’économie réelle. Mais les milieux financiers s’inquiètent du fait que l’impression numérique d’argent par la Réserve fédérale ne peut durer éternellement et que ses interventions sont de plus en plus inefficaces. Le Financial Times a récemment mis en garde contre «les limites du pouvoir de la Réserve fédérale»:

Les actions remarquables de ce printemps ont sans aucun doute donné un coup de pouce à l’économie. Mais il sera extrêmement difficile à la Réserve fédérale de délivrer à nouveau un choc similaire au sentiment dans un avenir proche; nous sommes maintenant dans le domaine de l’action marginale. Et la Réserve fédérale ne peut pas boucher les trous de plus en plus larges dans les bilans des entreprises insolvables, remplacer la demande perdue des consommateurs ou inverser toutes les suppressions d’emplois. Même le soutien fiscal ne peut probablement que retarder, et non supprimer, la douleur.

Pour comprendre cela, il suffit de penser aux compagnies aériennes. Ce printemps, les transporteurs américains ont reçu un soutien fiscal et se sont engagés en échange à ne pas réduire leurs effectifs avant le 1er octobre. Mais au cours des deux dernières semaines, Delta a annoncé 17.000 départs en préretraite et United a envoyé des avis de congé à 45 pour cent de ses employés américains.[24]

58. La réaction de la classe dirigeante à la pandémie a dominé la première moitié de l’année. La réponse de la classe ouvrière sera au premier plan au cours du second semestre. Les conséquences désastreuses des politiques de la classe dirigeante ont donné un coup d’assommoir à la légitimité du système capitaliste. La réponse des entreprises à l’effondrement économique – licenciements massifs, réduction des salaires, demandes de réduction supplémentaire des dépenses pour le Medicare, le Medicaid, la sécurité sociale et d’autres programmes sociaux vitaux et déjà sous-financés – rencontrera une résistance croissante de la classe ouvrière. L’opposition s’intensifiera à l’idée de travailler dans des conditions dangereuses et de rouvrir des écoles qui favorisent la propagation du virus COVID-19. Il y aura une opposition aux expulsions et aux saisies. Par conséquent, le Socialist Equality Party prévoit une énorme croissance des luttes de la classe ouvrière, qui, grâce à l’intervention du parti, prendra un caractère politiquement conscient et anticapitaliste.

L’impérialisme et le danger de guerre

59. La classe dirigeante américaine reconnaît la menace mortelle que représente la croissance du militantisme social et de la conscience politique dans la classe ouvrière. Comme nous l’avons déjà expliqué, elle est prête à employer tous les moyens qu’elle estime nécessaires pour contrer le danger menaçant son pouvoir : de l’utilisation de la politique raciale pour diviser la classe ouvrière au rejet des normes constitutionnelles et au recours ouvert à la dictature, en passant par l’intensification des mesures d’État policier pour supprimer l’opposition progressiste, et surtout socialiste.

60. Mais ces tactiques destinées à l’intérieur iront de pair avec une énorme escalade du militarisme impérialiste. Comme tous les autres domaines de la politique économique, sociale et politique, la pandémie accélère aussi les préparatifs de guerre de l’impérialisme américain. Au tout début de l’année 2020, avant le déclenchement de la pandémie aux États-Unis, le «World Socialist Web Site» a attiré l’attention sur les implications de l’assassinat par le gouvernement Trump du général de division iranien Qassem Suleimani le 2 janvier 2020:

Au tout début de 2020, le meurtre du général de division iranien Qassim Suleimani ordonné par le président américain Donald Trump menace de déclencher une guerre entre les États-Unis et l’Iran aux conséquences incalculables. La participation d’un président américain à un assassinat ciblé de plus, suivi de vantardises sanguinaires, témoigne du délire généralisé dont est saisie l’élite dirigeante. [25]

61. Malgré la décision tactique de retarder de nouvelles frappes militaires contre l’Iran, le WSWS avertissait: «Rien de ce qui s'est passé ces deux derniers jours n'a changé les objectifs militaires des États-Unis. Les mêmes impératifs géopolitiques qui ont provoqué la crise de cette semaine en provoqueront de nouvelles».[26]

62. Tout au long de la pandémie, la politique belliqueuse des États-Unis n’a connu aucun répit. En mai, le gouvernement Trump a soutenu, au Venezuela, une tentative avortée de coup d’État de la part de mercenaires dirigés par les États-Unis. Le secrétaire d’État américain Michael Pompeo a maintenu un programme de voyages chargé, réclamant qu’on soutienne les menaces américaines à l’encontre de la Russie et du principal rival géopolitique, la Chine. Le gouvernement Trump a cherché à provoquer l’hostilité en faisant régulièrement référence au «virus de Wuhan», au point de prétendre, sans la moindre preuve, que la Chine avait entrepris d’infecter le public américain. Le Washington Post et des commentateurs en vue des médias comme Fareed Zakharia ont soutenu cette affirmation saugrenue. Pour ne pas être en reste en fait de propagande de guerre, le New York Times a fabriqué une information selon laquelle la Russie avait payé des combattants talibans pour tuer des soldats américains en Afghanistan.

63. En dernière analyse, les préparatifs de guerre de l’impérialisme américain sont motivés par ses efforts pour contrer le défi croissant de la part de la Chine au maintien de sa position hégémonique mondiale. L’érosion à long terme de leur domination économique contraint les États-Unis à s’appuyer de plus en plus sur leur puissance militaire. L’impact économique et politique de la pandémie de COVID-19 a accentué cette tendance. La décision prise début juillet d’envoyer deux porte-avions et leurs groupes aéronavals dans la mer de Chine méridionale témoigne de l’irresponsabilité qui prévaut au plus haut niveau du gouvernement américain.

64. On ne soit pas sous-estimer le danger de guerre. Les exemples abondent de régimes en crise au XXe siècle – celui d’Hitler étant l’exemple le plus notoire – ayant eu recours à la guerre pour résoudre ce qu’il ont perçu comme une crise désespérée sur leur propre territoire. Les attaques belligérantes du gouvernement Trump contre la Chine en particulier sont motivée en grande partie par son besoin de diriger les énormes tensions sociales à l’intérieur des États-Unis vers l’extérieur, contre un ennemi externe.

65. L’accélération de la crise du capitalisme mondial n’alimente pas seulement la campagne de guerre des États-Unis contre la Chine et la Russie. Elle intensifie également les conflits entre les États-Unis et les principales puissances impérialistes européennes, en particulier l’Allemagne. Dans le même temps, les guerres impérialistes et les opérations de changement de régime sans fin au Moyen-Orient et en Amérique latine ont créé une crise des réfugiés sans précédent, plus d’un pour cent de l’humanité – près de 80 millions de personnes – se trouvant déplacé de force. La pandémie a un impact particulièrement catastrophique sur ces populations migrantes.

66. La seule réponse à ce danger, c’est le développement d’un puissant mouvement anti-guerre de la classe ouvrière américaine et internationale.

4. Les tâches du Socialist Equality Party

67. Le travail du parti est guidé par la conviction inébranlable que la classe ouvrière est la force révolutionnaire fondamentale et principale de la société et que la classe ouvrière américaine, nonobstant les immenses défis auxquels elle fait face dans le plus puissant bastion de l’impérialisme mondial, sera à la hauteur de ses tâches historiques.

68. Un quart de siècle s’est écoulé depuis la fondation du Socialist Equality Party en juin 1995. Auparavant, les co-penseurs américains du Comité international de la Quatrième Internationale avaient existé sous le nom de Workers League (Ligue des travailleurs – fondée en 1966). Le passage d’une ligue à un parti répondait à l’effondrement, dans les années 1980 et au début des années 1990, de tous les vieux partis et syndicats de masse nationalistes et dominés par des bureaucraties. La tactique précédente consistant à adresser des revendications aux vieilles organisations – dans l’attente que la croissance du parti révolutionnaire prendrait la forme d’une radicalisation se déroulant dans le cadre de ces organisations – avait été rendue caduque par des processus et des événements objectifs.

69. Tirant les conclusions politiques nécessaires de la nouvelle situation, David North expliqua ainsi le passage de la Ligue des travailleurs au Socialist Equality Party:

Si l’on veut donner une direction à la classe ouvrière, il faut que ce soit notre parti qui la fournisse. Si l’on veut ouvrir une nouvelle voie aux masses de travailleurs, il faut qu’elle le soit par notre organisation. Le problème de la direction ne peut être résolu sur la base d’une tactique intelligente. Nous ne pouvons pas résoudre la crise de la direction de la classe ouvrière en «exigeant» que d’autres fournissent cette direction. S’il doit y avoir un nouveau parti, alors nous devons le construire.[27]

70. Grâce à cette initiative, mise en œuvre par toutes les sections du Comité international, la Quatrième Internationale a pu étendre considérablement son influence politique dans la classe ouvrière. Le lancement en février 1998 du «World Socialist Web Site» né de la transformation des ligues en partis, a été un facteur crucial pour établir le rôle du CIQI en tant que représentant du socialisme faisant autorité. Au cours du dernier quart de siècle, fut démasqué le rôle réactionnaire d’agences petites-bourgeoises de l’impérialisme comme Syriza en Grèce, Podemos en Espagne et le Parti de gauche en Allemagne, pour n’en citer que quelques-unes. La campagne présidentielle avortée de Bernie Sanders – dans laquelle s’étaient dissoutes l’Organisation socialiste internationale et d’innombrables autres tendances petite-bourgeoises – ne se distinguait de ces autres organisations que par l’ampleur américaine de sa fatuité pragmatique et de sa faillite programmatique. Le Comité international peut réaffirmer les mots écrits par Trotsky dans le programme fondateur de la Quatrième Internationale: «En dehors de ces cadres [du CIQI], il n’existe pas un seul courant révolutionnaire sur cette planète qui mérite vraiment ce nom».

71. Le Socialist Equality Party doit agir par rapport aux implications révolutionnaires de la crise actuelle. L’opposition aux politiques de la classe dirigeante s’accroît. Alors même que la pandémie fait rage de manière incontrôlée, le gouvernement Trump, avec le soutien du Parti démocrate, exige la réouverture des écoles à l’automne, mettant en danger la vie de centaines de milliers d’enseignants et d’élèves. L’allocation chômage fédérale sera supprimée ou réduite fin juillet car les oligarques financiers cherchent à utiliser la crise sociale à laquelle font face des millions de gens comme un genre de chantage économique.

72. En novembre 2019, peu avant le déclenchement de la pandémie, le Centre d’études stratégiques et internationales, un groupe de réflexion de haut niveau, a fait de la situation mondiale l’évaluation suivante:

Des mouvements de protestation de masse bousculent la politique dans le monde entier… Les protestataires se trouvent frustrés par la corruption et l’inégalité économique qu’ils perçoivent. Souvent jeunes, en colère et urbains, les manifestants ne sont pas une opposition organisée qui propose la substitution de leur parti ou de leur idéologie à un parti ou à une idéologie existants, mais un mouvement sans direction qui exige que sa voix soit entendue. Dans certains cas, les demandes des manifestants sont claires; le plus souvent, elles sont confuses. Dans l’ensemble, ceux qui sont lésés veulent un changement dans des systèmes trouvés dépassés, brisés ou ne répondant pas. [28]

73. Le 3 janvier, avant même qu’on apprenne que le coronavirus se propageait hors de Chine, le Socialist Equality Party a publié une déclaration définissant les années 2020 comme une « décennie de révolution socialiste ». Pointant les manifestations de masse et les grèves au Mexique, à Porto Rico, en Équateur, en Colombie, au Chili, en France, en Espagne, en Algérie, en Grande-Bretagne, au Liban, à Hong Kong, en Irak, en Iran, au Soudan, au Kenya, en Afrique du Sud, en Inde et dans de nombreux autres pays, le SEP a écrivait: « les conditions objectives de la révolution socialiste naissent de la crise mondiale. » [29]

74. Comme tous les autres éléments de la crise capitaliste, la pandémie accélère considérablement la croissance de l’opposition sociale dans la classe ouvrière. Mais aussi grande que soit la crise, elle ne conduit pas automatiquement au socialisme. Écrivant en 1935, une autre période de conflits sociaux explosifs à la veille de la Seconde Guerre mondiale, Trotsky expliquait: « le marxisme, seule théorie scientifique de la révolution prolétarienne, n'a rien de commun avec l'attente fataliste de la "dernière" crise. Le marxisme est par son essence même une direction pour l'action révolutionnaire. Le marxisme n'ignore pas la volonté et le courage, mais les aide à trouver la voie juste. » Il poursuivait:

« Il n'y a aucune crise qui d'elle-même puisse être "mortelle" pour le capitalisme. Les oscillations de la conjoncture créent seulement une situation dans laquelle il sera plus facile ou plus difficile au prolétariat de renverser le capitalisme. Le passage de la société bourgeoise à la société socialiste présuppose l'activité de gens vivants, qui font leur propre histoire. Ils ne la font pas au hasard ni selon leur bon plaisir, mais sous l'influence de causes objectives déterminées. Cependant, leurs propres actions – leur initiative, leur audace, leur dévouement ou, au contraire, leur sottise et leur lâcheté – entrent comme des anneaux nécessaires dans la chaîne du développement historique ». [30]

75. Critiquant le fatalisme bureaucratique des staliniens Trotsky ajoutait : « une situation révolutionnaire ne tombe pas du ciel, elle se forme dans la lutte des classes. Le parti du prolétariat est le plus important facteur politique quant à la formation d'une situation révolutionnaire ».

76. Le travail du Socialist Equality Party au cours du second semestre 2020 se développera dans des conditions de crise politique croissante. La prochaine campagne présidentielle apportera de nouvelles preuves de la faillite politique des deux principaux partis capitalistes, qui sont les serviteurs de l’oligarchie financière et patronale. Aussi acerbes que soient leurs différences tactiques, les démocrates et les républicains sont également voués à la défense du système capitaliste. Quel que soit le parti qui remporte les élections – et cela requiert l’hypothèse discutable que ces élections auront lieu – les tendances qui se sont manifestées de façon aussi délétère durant l’administration Trump persisteront et s’aggraveront.

Il est indéniable que Trump est un gangster fasciste. Mais il ne s’est pas faufilé comme un serpent dans un jardin d’Éden américain. Trump n’est rien d’autre que la personnification individuelle de la classe dirigeante la plus parasitaire, la plus impitoyable et la plus réactionnaire au monde. Les politiques de son gouvernement sont moins une rupture qu’une continuation, dans des conditions de crise intense, de celles de Reagan (1981-1989), de Bush I (1989-1993), de Clinton (1993-2001), de Bush II (2001-2009) et d’Obama (2009-2017).

77. Le Parti démocrate et ses agents de la pseudo-gauche cherchent à présenter les élections en termes existentiels, avertissant de ce qu’une catastrophe attend le pays si Trump était réélu. Mais la catastrophe s’est déjà produite, et elle continuera si Joseph Biden devenait président. L’assaut contre la classe ouvrière continuera. En ce qui concerne la politique étrangère, les démocrates ont clairement indiqué qu’ils entendaient intensifier la confrontation avec la Russie et la Chine.

78. La campagne présidentielle du Socialist Equality Party ne repose pas sur des calculs électoraux, mais sur la logique de la lutte des classes. Les candidats du SEP, Joseph Kishore et Norissa Santa-Cruz, utiliseront la campagne pour encourager le militantisme indépendant de la classe ouvrière, élever sa conscience politique et sa compréhension de la perspective socialiste, et pour préparer les travailleurs et les jeunes aux luttes à venir, quel que soit le parti capitaliste remportant les élections. Surtout, le SEP utilisera la campagne pour expliquer aux travailleurs américains qu’ils font partie d’une classe internationale et qu’une lutte contre le capitalisme aux États-Unis ne peut réussir que dans la mesure où elle est menée sur la base d’une stratégie internationale, opposée à toutes les formes de nationalisme

79. L’ampleur et l’étendue géographique des manifestations de masse de 2019 témoignent de la croissance d’une classe ouvrière internationale intégrée à l’échelle mondiale, composée aujourd’hui de 3 milliards de personnes. Les 30 dernières années ont vu un changement massif ; des centaines de millions de paysans et d’agriculteurs ont quitté le travail de la terre, migré vers les villes et rejoint les rangs de la classe ouvrière. En 2007, pour la première fois dans l’histoire mondiale, une majorité d’êtres humains vivait dans des zones urbaines. La classe ouvrière est de plus en plus interconnectée par la technologie. Entre 2014 et 2019 plus de 2 milliards de personnes ont pu accéder à l’Internet pour la première fois.

80. Dans le cadre de cette stratégie internationaliste, l’action centrale du parti doit être d’intervenir systématiquement dans la lutte des classes et de gagner au parti les travailleurs et les jeunes les plus politiquement conscients. Le parti doit garder à l’esprit les paroles de Trotsky : « Quelles sont les tâches? La tâche stratégique consiste à aider les masses, à adapter leur mentalité politiquement et psychologiquement à la situation objective, à surmonter les traditions préjudiciables des travailleurs américains, et de l’adapter à la situation objective de la crise sociale de l’ensemble du système ». [31]

81. Trotsky écrit dans le programme fondateur de la IVe Internationale : « La tâche stratégique de la IVe Internationale ne consiste pas à réformer le capitalisme, mais à le renverser. Son but politique est la conquête du pouvoir par le prolétariat pour réaliser l'expropriation de la bourgeoisie. Cependant, l'accomplissement de cette tâche stratégique est inconcevable sans que soit portée la plus grande attention à toutes les questions de tactique, mêmes petites et partielles. Toutes les fractions du prolétariat, toutes ses couches, professions et groupes doivent être entraînés dans le mouvement révolutionnaire. Ce qui distingue l'époque actuelle, ce n'est pas qu'elle affranchit le parti révolutionnaire du travail prosaïque de tous les jours, mais qu'elle permet de mener cette lutte en liaison indissoluble avec les tâches de la révolution ». [32]

82. En accomplissant ce travail, le SEP avance, comme le recommande Trotsky, des revendications transitoires, c’est-à-dire des revendications et des initiatives qui relient les questions et les besoins découlant d’une situation concrète à la stratégie de la révolution socialiste. Par rapport à la pandémie de coronavirus, le SEP réclame la terminaison de la campagne irresponsable et criminelle de retour au travail et luttera pour y mettre fin; l’abrogation du renflouement de Wall Street et de la grande entreprise; un programme d’urgence pour assurer la sécurité économique de tous les chômeurs et élargir considérablement l’infrastructure des soins de santé; l’expropriation de la richesse de l’élite industrielle et financière pour faire face à la crise sociale urgente à laquelle sont confrontés des dizaines de millions de gens; et l’établissement de la propriété et du contrôle démocratiques des travailleurs sur les grandes banques et les grandes sociétés.

83. Toutes ces revendications partent du principe que la réponse à la pandémie doit être basée sur ce dont les travailleurs et la société tout entière ont besoin, et non sur ce que le système capitaliste et les oligarques financiers sont prêts à donner. Elles conduisent inexorablement à la conclusion ultime: la nécessité d’établir le pouvoir des travailleurs et d’abolir le capitalisme.

84. Des tâches particulières découlent de cette perspective :

a. L’intensification de la lutte du parti pour développer un réseau de comités de sécurité de base reliant chaque usine, bureau et lieu de travail. Ces comités, contrôlés démocratiquement par les travailleurs eux-mêmes, devraient formuler, mettre en œuvre et superviser les mesures nécessaires pour protéger la santé et la vie des travailleurs, de leurs familles et de la collectivité en général. Cela doit être lié à la lutte pour développer une direction socialiste dans la classe ouvrière et au recrutement de travailleurs dans le parti.

b. La poursuite de la défense par le parti du contenu progressiste des deux révolutions américaines, qui est indissolublement liée à la lutte contre la politique raciale-communautariste du Parti démocrate et de ses agences petite-bourgeoises pseudo de gauche. L’affirmation selon laquelle les États-Unis sont déchirés par les antagonismes raciaux et que les travailleurs blancs sont à blâmer pour les conditions des travailleurs noirs est fausse et politiquement réactionnaire. Le SEP s’oppose à la demande de réparations, qui est une politique petite-bourgeoise visant à diviser les travailleurs et à faire avancer les ambitions capitalistes d’une partie privilégiée de la bourgeoisie et de la classe moyenne supérieure afro-américaines, qui veulent un meilleur accès à la richesse monopolisée par le un pour cent le plus riche.

c. Une vaste et active campagne pour bâtir l’International Youth and Students for Social Equality sur les campus et les écoles et auprès des jeunes de la classe ouvrière. En particulier, l’IYSSE doit organiser et mener l’opposition parmi les jeunes, en alliance avec les enseignants et l’ensemble de la classe ouvrière, à la campagne de réouverture des écoles dans des conditions dangereuses.

d. Le SEP et l’IYSSE doivent mener une campagne incessante pour défendre tous les travailleurs immigrés qui continuent d’être persécutés sans relâche par l’ICE. Le parti et son organisation de jeunesse exigent la fin des déportations. Ils demandent que les migrants soient accueillis et que ceux qui sont incarcérés soient libérés. Ils exigent la fin de la séparation des familles et la fourniture de logements décents et d’un soutien financier aux demandeurs d’asile et aux réfugiés. Il faut donner aux immigrants toutes les chances de jouir d’une vie sûre et productive aux États-Unis, avec des droits de pleine citoyenneté.

e. Le SEP doit intensifier sa campagne contre la guerre et le militarisme, qui menacent de déclencher une troisième guerre mondiale. Toutes les factions de la classe dominante sont vouées aux intérêts géostratégiques de l’impérialisme américain. La lutte contre la guerre doit être basée sur la classe ouvrière; elle doit être anticapitaliste et socialiste; elle doit être indépendante et hostile à tous les partis et organisations politiques qui défendent le système capitaliste; et surtout, elle doit être internationale, unir et mobiliser la vaste puissance de la classe ouvrière dans une lutte mondiale unifiée pour mettre fin au capitalisme et à ses divisions en États-nations, et établir le socialisme mondial.

f. La lutte contre l’oppression étatique et la guerre est indissolublement liée à la lutte contre la censure d’Internet et à la défense du droit des journalistes à dénoncer les crimes d’État. Le SEP et l’IYSSE doivent continuer à faire campagne pour la liberté inconditionnelle de Julian Assange, pour la fin de la persécution de Chelsea Manning, et contre la censure du WSWS et d’autres sites Web ou individus de gauche, anti-guerre ou socialistes par des géants de la technologie comme Google et Facebook.

85. L’impact politique et l’efficacité des initiatives et des campagnes du SEP dépendent du recrutement de travailleurs dans le parti. La politique révolutionnaire ne se déroule pas dans une sorte de sphère lointaine, éthérée et supra-humaine. Même dans les conditions objectives les plus favorables, l’intervention de travailleurs politiquement conscients ayant été éduqués par le parti est nécessaire. La création de comités de sécurité de base dans les usines automobiles de Detroit, Toledo et d’autres régions du pays a montré le rôle vital joué par le parti dans le développement de la classe ouvrière en tant que force politiquement et socialement consciente.

86. Le parti doit expliquer patiemment aux travailleurs et aux jeunes la nature de la crise et la stratégie de la lutte pour le socialisme. Mais la nécessité d’une explication patiente ne doit pas devenir une justification pour de la contemplation passive. Les occasions de traduire la compréhension politique en actions pratiques ne doivent pas être manquées. Le but du parti est de diriger les travailleurs dans la lutte.

87. Tous le travail du SEP sera réalisé en étroite collaboration avec le Comité international de la Quatrième Internationale. Il n’y a pas de solution nationale à la pandémie mondiale, car il n’y a pas de solution nationale aux grands problèmes auxquels est confrontée la classe ouvrière – l’inégalité, l’exploitation, la guerre, la dégradation de l’environnement. La construction d’un mouvement socialiste de masse dans la classe ouvrière américaine doit être liée à la mobilisation des milliards de travailleurs à travers le monde, la force sociale de masse qui peut enfin mettre fin à la barbarie capitaliste et tracer une nouvelle voie pour l’humanité.

88. Lors de son université d’été, il y a un an, le Socialist Equality Party, sur la base d’un examen du développement du mouvement trotskyste et de la situation objective, concluait que le CIQI était entré dans une nouvelle étape historique. Le président national du SEP, David North, a défini cette étape comme « une étape qui verra une vaste croissance du CIQI en tant que parti mondial de la révolution socialiste » :

Les processus objectifs de la mondialisation de l’économie, identifiés par le Comité international il y a plus de 30 ans, ont encore connu un développement colossal. Combinés à l’émergence de nouvelles technologies qui ont révolutionné les communications, ces processus ont internationalisé la lutte des classes à un degré qui aurait été difficile à imaginer il y a 25 ans. La lutte révolutionnaire de la classe ouvrière se développera comme un mouvement mondial interconnecté et unifié. Le Comité international de la Quatrième Internationale sera construit comme le leadership politique conscient de ce processus socio-économique objectif. Il opposera à la politique capitaliste de la guerre impérialiste la stratégie de classe de la révolution socialiste mondiale. Telle est la tâche historique essentielle de la nouvelle étape de l’histoire de la IVe Internationale. [33]

89. Pour s’acquitter de ses immenses responsabilités politiques, le parti et ses cadres doivent être fermement ancrés et éduqués dans les expériences historiques du mouvement marxiste. L’immense histoire incarnée par le CIQI doit être introduite dans le mouvement en développement de la classe ouvrière. L’intersection de la radicalisation objective de la classe ouvrière et de la pratique du parti créera les conditions de la victoire de la classe ouvrière, de l’abolition du capitalisme et de la transformation socialiste de l’économie mondiale.

Notes :

[1] La pandémie de COVID-19: un événement déclencheur dans l'histoire du monde par David North, World Socialist Web Site, 4 mai 2020.

[2] Le Capital, Karl Marx, Tome III (Londres 1974) p. 438

[3] « The Next Pandemic? » dans Foreign Affairs, Vol. 84, No 4 (juillet-août 2005), pp. 3-4. Traduit de l’anglais

[4] Ibid, p. 4.

[5] Ibid

[6] “The Wuhan coronavirus outbreak and the global threat of infectious diseases,” [l’éruption de coronavirus à Wuhan et la menace mondiale des maladies contagieuses], par Bryan Dyne, World Socialist Web Site, 28 janvier 2020. Traduit de l’anglais.

[7] « Covid-19 and corporate sector liquidity » [Le Covid.19 et les liquidités du secteur des entreprises] par Ryan Banerjee, Anamaria Illes, Enisse Kharroubi et José-Maria Serena, BIS Bulletin, No 10, 28 avril 2020, p.1. Traduit de l’anglais.

[8] Ibid.

[9] Pour une réponse coordonnée d'urgence au niveau mondial à la pandémie de coronavirus! par le Comité international de la Quatrième internationale, World Socialist Web Site, 29 février 2020.

[10] La réponse de l’élite dirigeante à la pandémie de coronavirus: la négligence maligne par Alex Lantier et Andre Damon, World Socialist Web Site, 14 mars 2020.

[11] « The Economic Lockdown Catastrophe » [La catastrophe du confinement économique] par la rédaction du Wall Street Journal, 8 mai 2020

[12] « The Market v the Real Economy, » [Marché contre économie réelle] Economist, 7 mai 2020

[13] Message des grandes entreprises sur la pandémie de coronavirus: sauvez les profits, pas des vies par Andre Damon, World Socialist Web Site, 25 mars 2020

14 La campagne de Trump pour rouvrir les entreprises menace des centaines de milliers de vies , déclaration du Parti de l'Égalité Socialiste (États-Unis), World Socialist Web Site,13 avril 2020

15 La pandémie, les profits et la justification capitaliste de la souffrance et de la mort par David North, World Socialist Web Site, 20 avril 2020

[16] Puissante démonstration d’unité de la classe ouvrière : des centaines de milliers de gens organisent des manifestations multiraciales contre la violence policière par le Socialist Equality Party (US), World Socialist Web Site, 1er juin 2020

17] Révolution de palais ou lutte des classes: la crise politique à Washington et la stratégie de la classe ouvrière par le Socialist Equality Party (USA), World Socialist Web Site, 14 juin 2017.

[18] Puissante démonstration d’unité de la classe ouvrière : des centaines de milliers de gens organisent des manifestations multiraciales contre la violence policière par le Socialist Equality Party (USA), World Socialist Web Site, 1er juin 2020

[19] Manifestations contre les meurtres policiers: comment avancer par le Socialist Equality Party (USA), World Socialist Web Site, 16 juin 2020.

[20] Führer en herbe, Trump intensifie son complot pour un coup d'État par Patrick Martin, World Socialist Web Site, 13 juin 2020.

[21] La classe ouvrière doit intervenir! Empêchons le coup d’État de Trump! par le Socialist Equality Party (USA), World Socialist Web Site, 5 juin 2020.

[22] Manifestations contre les meurtres policiers: comment avancer par le Socialist Equality Party (USA), World Socialist Web Site, 16 juin 2020.

[23] La politique raciale et communautariste et le second assassinat d'Abraham Lincoln par Niles Niemuth et David North, World Socialist Web Site, 26 juin 2020.

[24] “The US is having a bank-shaped recovery,” [Les États-Unis ont une relance en forme de banque] par Gillian Tett, dans Financial Times https://www.ft.com/content/26173096-7fe8-47e4-abeb-feafa3432901. Traduit de l’anglais

[25] «La décennie de la révolution socialiste commence» Par David North et Joseph Kishore dans World Socialist Web Site, le 4 janvier 2020.

[26] «Trump attend son heure, mais les préparatifs de la guerre contre l'Iran vont se poursuivre» Par Bill Van Auken et David North, dans le World Socialist Web Site, le 9 janvier 2020.

[27] « The Workers League and the Founding of the Socialist Equality », [La Workers League et la fondation du Socialist Equality Party], rapport par David North, 25 juin 1995 (Detroit: 1996), p.30. Traduit de l’anglais.

[28] « The Age of Leaderless Revolution, » [L’âge de la révolution sans chefs] par Samuel Brannen,1er november 2019, https://www.csis.org/analysis/age-leaderless-revolution Traduit de l’anglais

[29] La décennie de la révolution socialiste commence par David North et Joseph Kishore, World Socialist Web Site, 3 janvier 2020.

[30]: Léon Trotsky: Où va la France? https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ouvalafrance/ovlf31.htm

[31] Trotsky, « Discussions with Trotsky before the Transitional Program: A summary of transitional demands » [Discussions avec Trotsky avant le Programme de transition : un sommaire des revendications de transitions] (23 mars 1938), dans The Transitional Program for Socialist Revolution, [Le Programme de transition pour la révolution socialiste] Pathfinder (2019), p.132. Traduit de l’anglais.

[32]: Programme de transtion: https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/trans/tran3.html

[ 33]: « Les origines et les conséquences politiques de la scission de 1982-86 au sein du Comité international de la IVe Internationale », https://www.wsws.org/fr/articles/2019/08/06/ciqi-a06.html

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