Une catastrophe sanitaire et la lutte de classes à l’horizon avec la rentrée de millions d’élèves dans les écoles américaines

Après le congé de la fête du Travail (le 5 septembre aux États-Unis), la grande majorité des écoles publiques de la maternelle au lycée ont maintenant commencé leur semestre d’automne dans l’ensemble des États-Unis. On a contraint des millions d’étudiants et d’enseignants à retourner dans des écoles surpeuplées et délabrées, ce qui va provoquer une propagation massive de la pandémie de COVID-19. Hier, les États-Unis ont dépassé les 6,5 millions de cas de COVID-19 et sont en passe d’atteindre bientôt le terrible bilan de 200.000 morts.

Les quelque 13.600 districts scolaires du pays ont dû décidé eux-mêmes en rouvrant: soit entièrement en personne, soit entièrement à distance, soit selon le modèle «hybride» qui combine les deux. Étant donné le niveau rapide de transmission communautaire de COVID-19 et la porosité des frontières des districts et des États, les dernières données scientifiques montrent clairement que la seule méthode d’enseignement sûre à l’heure actuelle est l’enseignement complet à distance.

Une étude publiée en juillet a révélé que le passage à l’apprentissage à distance au printemps a permis d’éviter 1,37 million d’infections sur une période de 26 jours et de sauver environ 40.600 vies aux États-Unis sur une période de 16 jours. Une autre étude réalisée le mois dernier a révélé que les particules vaporisées contenant du COVID-19 peuvent se déplacer sur une distance jusqu’à cinq mètres à l’intérieur des bâtiments. Cela révéle la fraude totale qu’un modèle «hybride» avec une distance sociale minimale peut être réalisé en toute sécurité.

Des enseignants, des parents et des enfants manifestent dans le quartier de Brooklyn à New York pour protester contre la réouverture des écoles publiques de la ville. En même temps les enseignants menacent de faire grève, le mardi 1er septembre 2020 à New York. (AP Photo/Mark Lennihan)

Les politiciens Démocrates et Républicains mettent consciemment en œuvre, au niveau national, une politique d’«immunité collective» dont ils savent qu’elle entraînera des pertes de vies humaines catastrophiques pour les catégories les plus vulnérables de la population. Ils le font afin de réduire les obligations en matière de retraite et de soins de santé. Mais aussi, de forcer les parents à retourner dans les usines et autres lieux de travail où ils font face à une exploitation accrue. Cette augmentation de l’exploitation sert de servir les niveaux de dette sans précédent produits par le renflouement de Wall Street et des grandes entreprises par la loi CARES.

Les organismes nationaux ou étatiques n’existent pas pour regrouper les plans de réouverture de tous les districts scolaires du pays, ce qui témoigne de façon accablante du mépris de la classe dirigeante pour les enseignants et l’ensemble de la classe ouvrière.

Le site web «La semaine de l’éducation» (Education Week) a établi la liste la plus complète des plans de réouverture. La liste fait état de plans pour 888 districts dans tout le pays, dont les 100 plus grands. Parmi ces districts, 219 dispensent un enseignement entièrement en présentiel, impliquant 2,54 millions d’élèves; 246 rouvrent selon le modèle «hybride», impliquant 3,84 millions d’élèves; et 423 rouvrent entièrement en ligne, impliquant 13,2 millions d’élèves.

Sur la base de cette liste, environ un tiers des élèves des écoles publiques sont retournés en classe au moins à temps partiel. Maintenant, en extrapolant ces chiffres pour l’ensemble des 50,8 millions d’élèves aux États-Unis cela nous donne environ 6,6 millions d’entre eux ont maintenant repris un enseignement entièrement en présentiel et 10 millions d’autres ont repris un enseignement partiellement en présentiel dans le cadre du modèle hybride.

Les résultats de ces politiques ont déjà été catastrophiques, avec des milliers d’infections par COVID-19 liées à la réouverture des écoles maternelles aux lycées et des dizaines de milliers sur les campus universitaires. À la suite de rapports qui font état d’importantes épidémies dans les écoles qui ont rouvert leurs portes fin juillet, on a mit en place un régime de censure dans tout le pays. Les districts et les États affirment à tort que les lois HIPAA (Health Insurance Portability and Accountability Act) les empêchent de partager les informations sur les épidémies dans les écoles.

Dans les semaines à venir, un flot de nouvelles annoncera la mort d’enseignants, de travailleurs de l’éducation, d’étudiants et de parents à la suite de la réouverture des écoles, ce qui provoquera une vague d’opposition. Des révoltes des enseignants vont avoir lieu; des tentatives de représailles de la part des administrateurs et de l’appareil d’État; et l’éruption de luttes plus larges de la classe ouvrière contre les politiques homicides de retour à l’école et au travail.

Les enseignants et les autres travailleurs du secteur scolaire n’ont pas d’autre choix que de prendre les choses en main, de former leurs propres organisations qu’ils contrôlent et de lutter pour leur autodéfense collective. La tâche essentielle à l’heure actuelle est de construire rapidement un réseau de comités de sécurité indépendants et de base pour se préparer aux immenses luttes qui nous attendent. Le Comité de sécurité des enseignants, qui s’est formé il y a quatre semaines pour faciliter la croissance de ce réseau de comités de sécurité, a fait la déclaration suivante qui condamne la réouverture massive des écoles:

Ces politiques entraîneront des souffrances et des morts indicibles, ce qui est tout à fait inutile. Nous demandons la fermeture immédiate de toutes les écoles qui ont rouvert, afin d’arrêter la propagation de la pandémie et de sauver des vies. Pour y parvenir, les enseignants, les parents et les élèves doivent prendre les choses en main et s’organiser indépendamment des syndicats et des deux grands partis bourgeois, qui font tout pour faciliter la réouverture des écoles.

Dans les écoles qui ont rouvert, les comités de sécurité de la base doivent exiger et faire appliquer la mise à disposition des équipements de protection individuelle (ÉPIS) les plus performants. Aussi ils doivent exiger des tests quotidiens et rapides pour tous les élèves et le personnel; la réduction de la taille des classes à 10 élèves maximum; la modernisation des écoles pour qu’elles soient équipées des systèmes de ventilation les plus avancés; et d’autres mesures pour assurer le plus haut degré de sécurité. En opposition à la conspiration qui vise à dissimuler des informations publiques vitales, ces comités exposeront la vérité; ils défendront les lanceurs d’alerte contre les représailles; et feront respecter le droit des enseignants de refuser collectivement de travailler lorsque des épidémies se produisent.

En se battant pour ces demandes, les comités obtiendront un large soutien parmi les enseignants; ils peuvent ainsi préparer le terrain pour une large lutte pour la fermeture complète des écoles et la transition vers un enseignement à distance de haute qualité, ces comités doivent également contrôler les conditions de travail en ligne.

La formation des comités de sécurité de base doit être totalement indépendante des Démocrates et des Républicains. Aussi ils doivent être indépendants des syndicats d’enseignants et de leurs apologistes au sein des Socialistes démocrates de l’Amérique (DSA — Democratic Socialists of America) et d’autres organisations de la pseudo-gauche. Tous ces gens soutiennent toutes les réouvertures des écoles avec seulement des différences tactiques mineures.

Tout au long de l’été et au cours des six dernières semaines où les écoles ont rouvert en masse. On a vu la Fédération américaine des enseignants (AFT), l’Association nationale de l’éducation (NEA), et leurs affiliés au niveau des États et au niveau local, qui ont directement facilité la réouverture meurtrière des écoles.

Les syndicats ont promu des illusions dans des procès impuissants. Ils se sont opposés à la mobilisation de millions d’enseignants dans des actions de grève conjointes. Enfin, ils ont conclu des accords de vendus misérables avec des politiciens Démocrates pour rouvrir des écoles avec un enseignement en présentiel à New York, Detroit et d’autres villes. Dans des districts tels que Chicago, Los Angeles et San Diego, les syndicats ont conclu des accords pour commencer le semestre en ligne, retardant simplement la reprise de l’enseignement en présentiel de quelques semaines.

L’opposition s’est manifestée en masse depuis le début du mois de juillet, lorsque le gouvernement Trump a commencé à intensifier la campagne de réouverture des écoles. Des centaines de manifestations ont eu lieu, qui se poursuivent, des votes en faveur de la grève et un large débat sur les médias sociaux. L’expression la plus consciente de cette opposition a été la formation de comités de sécurité de base à Detroit, en Floride, au Texas et dans d’autres endroits.

Ces comités s’adressent à l’ensemble de la classe ouvrière aux États-Unis et dans le monde. Ils luttent pour l’unification des enseignants avec les travailleurs: de l’industrie automobile; des soins de santé; de la logistique; de l’emballage de la viande; et tous ceux qui sont confrontés aux mêmes conditions mortelles dans le monde entier.

Ce n’est que grâce à cette unité que l’on pourra mener une lutte puissante pour fermer les écoles qui ne sont pas assez sûres; fournir un enseignement en ligne de haute qualité; et prendre les mesures nécessaires pour contenir la pandémie et sauver la vie des travailleurs. Tous ceux qui sont d’accord avec cette perspective devraient se battre pour construire de tels comités dès aujourd’hui.

(Article paru d’abord en anglais le 8 septembre 2020)

A lire également [en anglais] :

The global campaign to reopen schools and the international strategy of the working class

[4 septembre 2020]

For a general strike against the reopening of German schools!

[15 août 2020]

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