Les preuves explosives venues du camp Trump

Assange traîné hors de l’ambassade «sur ordre du président»

Le témoignage de Cassandra Fairbanks, personnalité des médias, a été lu au tribunal hier, apportant la preuve que Donald Trump, le président des États-Unis, a initié et dirigé larrestation de Julian Assange en avril 2019 à lambassade équatorienne à Londres.

Fairbanks a témoigné quArthur Schwartz, un riche donateur du Parti républicain et allié clé de Trump, lui avait dit quon avait enlevé Julian Assange de lambassade équatorienne «sur ordre du président». La conversation entre Schwartz et Fairbanks a eu lieu en septembre 2019 et Fairbanks la enregistrée.

Schwartz, un visiteur fréquent de la Maison-Blanche et «conseiller informel» ou «fixateur» de Donald Trump Jr, a dit à Fairbanks que cest lambassadeur américain en Allemagne Richard Grenell qui a transmis les ordres du président et qui a négocié un accord avec le gouvernement équatorien pour le renvoi dAssange. Grenell est actuellement directeur du renseignement national (par intérim), nommé par Trump en février de cette année.

Lavocat dAssange, Edward Fitzgerald QC, a expliqué limportance des révélations de Fairbanks, déclarant à la juge Vanessa Baraitser quelles étaient «la preuve des intentions déclarées de ceux qui, au sommet, ont planifié les poursuites et lexpulsion de lambassade».

Fairbanks, qui écrit pour le site web pro-Trump «Gateway Pundit», est un éminent supporter dAssange qui a rendu visite au fondateur de WikiLeaks à lambassade à deux occasions clés. Son témoignage a été lu hier après-midi sans opposition, et Fitzgerald a expliqué: «Mon ami James Lewis, QC, pour laccusation, se réserve le droit de dire parce quelle est une partisane de Julian Assange, vous devez en tenir compte dans l’évaluation de son témoignage”». Mais nous disons que [son témoignage] est vrai.»

Compte tenu de ses liens étroits avec des personnalités de lentourage fasciste du gouvernement Trump, Fairbanks est particulièrement bien placée pour exposer les principaux aspects de la vendetta à motivation politique contre le fondateur de WikiLeaks. Tout au long de laudience dextradition, les avocats du gouvernement américain ont affirméà plusieurs reprises que les accusations portées contre Assange en vertu de la loi sur lespionnage se trouvent motivées par des «préoccupations de justice pénale» et ne sont «pas politiques».

Les preuves de Fairbanks déchiquettent le récit officiel du ministère de la Justice (DoJ) selon lequel Assange a été arrêté le 11  avril 2019 pour «piratage informatique». Dans un appel téléphonique avec Schwartz le 30  octobre 2018, il a clairement indiqué quAssange serait arrêté pour se venger politiquement de son rôle dans «laffaire Manning», cest-à-dire la divulgation par Chelsea Manning, lanceuse dalerte de larmée américaine, des crimes de guerre américains en Afghanistan et en Irak.

«Il ma également dit quils sen prendraient à Chelsea Manning», a rappelé Fairbanks à propos de sa conversation téléphonique doctobre 2018 avec Schwartz. Cest lune des nombreuses prédictions de linitié de Trump qui ont été confirmées (Manning a été arrêtéà nouveau en mars 2019), Fairbanks concluant: «Il connaissait des détails très précis sur une future poursuite [dAssange] que seuls les proches de la situation de l’époque auraient connu.»

Le témoignage de Fairbanks a fourni des preuves effrayantes des plans du gouvernement Trump pour imposer la peine de mort. Lors de son appel téléphonique doctobre 2018 avec Fairbanks, Schwartz a déclaré quAssange ne purgerait «probablement» que la prison à vie, mais il a poursuivi en précisant que «le gouvernement américain a déclaré quil ne poursuivrait pas la peine de mort, ce qui aurait empêché le Royaume-Uni et l’Équateur de lextrader ici.»

Moins de six mois plus tard, quelques heures seulement après l'arrestation dAssange à lambassade, Fairbanks a de nouveau envoyé un message à Schwartz pour lui demander sil «savait quelque chose». «Il a répondu par une série de messages sur le fait quAssange méritait une injection mortelle et que lui et Manning devaient mourir en prison.» De plus, «Il ma envoyé une série de messages sur la façon dont toutes les personnes impliquées dans WikiLeaks méritaient la peine de mort. Jai noté dans notre conversation quon a reporté que Grenell navait obtenu quun accord verbal selon lequel on ne cherchera pas de peine de mort. Rien par écrit. La réponse de Schwartz à cela a été de menvoyer un émoji qui haussait les épaules et il a continué sa tirade sur le fait quAssange méritait de mourir.»

Le 7  janvier 2019, Fairbanks sest rendu à Londres pour avertir Assange des plans des États-Unis de e faire arrêter à lambassade et de le faire extrader aux États-Unis. Ils ont discuté calmement, Assange utilisant «une petite radio pour couvrir la conversation». Ils ont échangé des notes écrites.

Le témoignage de Fairbanks relate les mesures extraordinaires auxquelles ils ont dû faire face lors dune seconde visite de deux heures le 25  mars. On la laissée seule dans une chambre froide pendant une heure entière, tandis quon a maintenu Assange à lextérieur. On la soumise à un «balayage complet du corps avec un détecteur de métaux» avant de la laisser entrer. Les deux nont eu que deux minutes pour discuter. Fairbanks est ensuite amenéà comprendre la raison de cette visite avortée après que Schwartz «ma appelé et ma informé quil savait que jen avais parléà Assange» lors de la visite précédente.

Le témoignage de Fairbanks donne un aperçu du monde criminel qui entoure la Maison-Blanche. Après que Trump ait licencié le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, et quon a proposé le nom de Grenell comme remplaçant, Fairbanks tweet sur son implication dans larrestation dAssange, ce qui suscite un appel «frénétique» de Schwartz. Schwartz ma informé quen coordonnant le retrait dAssange de lambassade, Grenell lavait fait sur «ordre direct du président» et que «dautres personnes qui, selon Schwartz, pourraient également être touchées, y compris des personnes quil a décrites comme des amis de longue date”».

Parmi ces personnes figuraient le patron de Grenell et des Sables de Las Vegas et un allié de longue date de Trump, Sheldon Adelson.

Dans la première moitié de la journée, le professeur Christian Grothoff de la haute école spécialisée de Berne a témoigné de la chronologie des événements qui ont conduit à la diffusion en masse de câbles non censurés du Département d’État américain en septembre 2011. Cest un informaticien expérimenté qui a fait des reportages sur les révélations dEdward Snowden. Son témoignage a démoli laffirmation de laccusation selon laquelle Assange et WikiLeaks étaient responsables de cette divulgation massive.

Grothoff a expliqué que les câbles ont été stockés en ligne par WikiLeaks et «chiffrés avec un code qui les rendait pratiquement inutiles à quiconque ne possédait pas la clé de chiffrement». C’était, selon lui, une pratique courante lorsquil sagissait de données sensibles trop importantes pour être envoyées entre des parties de confiance par courrier électronique crypté.

Lorsque on a attaqué le site web de WikiLeaks fin  2010, limitant laccès à celui-ci, des tiers ont commencéà créer des copies du site. Une minorité de ces tiers ont copié les documents cryptés, contrairement aux instructions de WikiLeaks.

Lune des personnes ayant reçu la clé de cryptage de ces documents était le journaliste du Guardian, David Leigh. En février 2011, il a publié avec son collègue du Guardian Luke Harding un livre intitulé WikiLeaks: Inside Julian Assanges War on Secrecy (WikiLeaks: au cœur de la guerre du secret de Julian Assange), dans lequel la clé a été révélée dans son intégralité.

Fin août 2011, le lien entre la clé de Leigh et les documents cryptés affichés sur des copies du site web de WikiLeaks, mais hors du contrôle de WikiLeaks, a été signalé. Les 31  août et 1er  septembre, les câbles ont commencéàêtre publiés sur des sites comme Cryptome et Pirate Bay. Ce nest quensuite, le 2  septembre, que WikiLeaks a publié les câbles, en expliquant leurs raisons dans un éditorial:

«Les révolutions et les réformes risquent d’être perdues à mesure que les câbles non publiés se répandent dans les entreprises de renseignement et les gouvernements devant le public. Le printemps arabe naurait pas commencé de la même manière si le gouvernement tunisien de Ben Ali avait eu des copies de ces publications de WikiLeaks qui ont contribuéà faire tomber son gouvernement.»

Le témoignage de Grothoff a mis en évidence le rôle central joué par David Leigh dans ces événements. Il a expliqué: «Pour autant que je sache, M.  Leigh était lun des rares à avoir eu accès à lensemble des câbles». Assange, Grothoff a déclaré, sur la base du récit fourni par le propre livre de Leigh, quil était «très réticent»à donner cet accès au journaliste du Guardian. Pour étayer ce point, Summers a fait référence à une section du livre de Leigh qui se lit comme suit.

«[Leigh] a demandéà Assange darrêter de tergiverser et de lui remettre le plus grand des trophées: les câbles. Assange a dit: Je peux vous en donner la moitié contenant les premiers 50  pour cent et Leigh a refusé. Tout ou rien, a-t-il dit. Que se passe-t-il si vous vous retrouvez en combinaison orange en route pour Guantánamo avant de pouvoir rendre les dossiers complets?”… Finalement, Assange a capitulé.»

Dans une autre section du livre, à laquelle laccusation fait référence, Leigh décrit comment «Il a fallu se battre pour sortir ces documents dAssange.»À peine six mois plus tard, alors que WikiLeaks s’était engagé dans un long processus de publication de documents sûrs et censurés avec des partenaires médiatiques du monde entier, Leigh a publié le mot de passe de la boutique en ligne complète de câbles classifiés et non censurés.

Le père dAssange, John Shipton, a déclaré devant le tribunal: «Aujourdhui, laccusation a essayé de prouver que leau monte et descend La défense a répondu et a démontré de façon concluante que c’était David Leigh [qui a fait en sorte que les câbles non censurés soient publiés]. Nous ne pouvons que conclure, au vu du temps que laccusation a passéà défendre David Leigh, que David Leigh est un bien de l’État.»

À la fin de la séance du matin, un échange entre la juge de district, Vanessa Baraitser, et les équipes juridiques a montré que dautres restrictions étaient imposées à la capacité de la défense à présenter ses arguments.

Profitant des retards causés par une éventuelle épidémie de COVID-19 dans la première semaine de laudience, Baraitser a insisté pour que la défense prépare un calendrier qui permette à laudience de «se terminer dans les deux semaines». Lorsque la défense a répondu que cela ne laisserait pas de temps pour les conclusions finales, elle a réagi avec enthousiasme à la suggestion de lavocat de laccusation, James Lewis QC, selon laquelle celles-ci pourraient être présentées sous forme écrite et résumées en une demi-journée seulement pour laccusation et la défense. La décision finale sera prise prochainement.

L'audience se poursuit aujourd'hui.

(Article paru dabord en anglais le 22 septembre 2020)

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