Près d’un demi-million de cas de COVID par jour, l’OMS avertit que le monde se trouve à un moment critique

La montée des cas de COVID-19 pour l’automne et l’hiver a commencé comme prévu. Le nombre de cas en Amérique du Nord et en Europe augmente de manière exponentielle dans certaines régions.

Plus de 42,4 millions de cas de COVID-19 ont été recensés dans le monde à ce jour, ainsi que 1,14 million de décès. Vendredi, le nombre de nouveaux cas quotidiens a approché les 500.000. Le nombre quotidien de décès dans le monde a constamment dépassé les 6.000 quatre jours de suite.

Un patient COVID-19 est soigné avant d’être transporté par hélicoptère depuis le FlevoZiekenhuis, ou FlevoHospital, à Almere, aux Pays-Bas, le vendredi 23 octobre 2020 (AP Photo/Peter Dejong)

Lors de la conférence de presse de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) vendredi sur la pandémie de COVID-19, le directeur général Tedros Adhanom Ghebreyesus a lancé un sévère avertissement: «Nous sommes à un moment critique de cette pandémie. Il s’agit en particulier de l’hémisphère nord. Les prochains mois seront très difficiles et certains pays sont sur une voie dangereuse. Trop de pays connaissent une augmentation exponentielle du nombre de cas, ce qui fait que les hôpitaux et les unités de soins intensifs sont proches de leur capacité ou la dépassent, et nous ne sommes encore qu’en octobre. Nous demandons instamment aux dirigeants de prendre des mesures immédiates pour éviter d’autres décès inutiles, l’effondrement des services de santé essentiels et la fermeture des écoles. Comme je l’ai dit en février et je le répète aujourd’hui, “Ce n’est pas un exercice”». Il a fortement insisté sur le fait que les dirigeants du monde pouvaient encore «renverser la vapeur».

Au cours de la séance de questions-réponses, l’épidémiologiste Dr Maria Van Kerkhove a noté que de nombreuses régions pourraient atteindre leurs limites en fait de capacité d’unités de soins intensifs dans les prochaines semaines dans toute l’Europe et l’Amérique du Nord. Dans ce qui revenait à un plaidoyer, elle a averti que les pays devaient immédiatement procéder à «une évaluation honnête» de la situation, utilisant toutes les données disponibles pour apporter «les corrections de cap et les changements nécessaires» afin d’atteindre les objectifs de réduction de la transmission et de sauver des vies.

Le Dr Mike Ryan a renforcé ces avertissements: «Il n’est pas nécessaire de voir les décès revenir au niveau horrifiant atteints par rapport à l’ensemble des cas, comme au printemps. Les choses ont changé, nous sommes meilleurs, nous sommes meilleurs maintenant. Nous devons empêcher la transmission. Mais nous devons aussi nous concentrer sur la réduction du nombre des victimes qui, je n’en doute pas, va augmenter dans les jours à venir. Mais nous devons aussi investir davantage pour que notre système de première ligne ne s’effondre pas face à un nombre toujours croissant de malades».

Jeudi, les États-Unis ont fait état de 74.301 nouveaux cas. C’est le quatrième total le plus élevé jamais enregistré et le plus élevé depuis le 24 juillet, date à laquelle le nombre de cas quotidiens a atteint un pic de 79.000. Le taux de mortalité moyen mobile sur sept jours a également augmenté de plus de 800. Plus problématique est l’augmentation rapide du nombre de patients hospitalisés, qui a dépassé 41.000 dans tout le pays, soit une hausse de 33 pour cent au cours des trois dernières semaines.

L’Institut de métrologie et d’évaluation de la santé (IHME), basé à l’Université de Washington, a déclaré dans ses dernières projections pour les États-Unis que la situation s’intensifierait en novembre et décembre avant de culminer en janvier. Le taux d’utilisation des masques de protection est inférieur à 50 pour cent. Les gouvernements des États continuent à supprimer les prescriptions de distanciation sociale. Tout cela entraînera près de 500.000 décès évitables d’ici le 1er février, a déclaré l’IHME.

Dans tous les États du « Sunbelt » (Sud), le nombre de cas et de décès augmente à nouveau. Les États du Sud et du Midwest Kentucky, Nebraska, Dakota du Nord, Ohio, Oklahoma, Dakota du Sud, Wisconsin et Wyoming ont enregistré un nombre record d’hospitalisations. Douze États ont enregistré leurs moyennes les plus élevées de nouveaux cas sur sept jours. Tandis que six — le Colorado, l’Indiana, le Montana, l’Ohio, l’Oklahoma et l’Utah — atteignaient leur plus haut niveau de cas à ce jour.

Presque tous les services de santé locaux du pays, du Vermont au Nouveau-Mexique, ont tiré la sonnette d’alarme. Un verrouillage est en vigueur dans la réserve de la tribu des Sioux Oglala dans le Dakota du Sud, où on a signalé 391 cas actifs de COVID-19 sur 20.000 habitants. Les hôpitaux du nord de l’Idaho manquent de place pour les patients et les autorités ont prévu de les transporter par avion vers l’Oregon ou Washington. Les responsables de la santé publique de Floride ont demandé que le public cesse d’organiser des fêtes d’anniversaire pour les enfants. Le gouverneur du Texas, Greg Abbott, réoriente les ressources d’El Paso vu que 3.750 nouvelles infections ont touché la région cette semaine, dont 1.161 cas rien que jeudi.

Après un été marqué par la vantardise et la fierté mal placée, l’Europe a dépassé l’Amérique du Nord en tant que nouvel épicentre de la pandémie dans le monde. Le nombre de nouveaux cas de COVID-19 y est dix fois plus élevé: plus de 218.000 infections jeudi, représentant 45 pour cent de tous les nouveaux cas dans le monde.

Malgré les nombreux avertissements que si les pays ne renforçaient pas leurs capacités de dépistage et de recherche des contacts ou ne créaient pas de programmes pour traiter et soigner correctement les cas mis en quarantaine, ou ne préparaient pas les hôpitaux par des interventions matérielles appropriées et du personnel en sureffectif, la situation pourrait rapidement se dégrader en confinements afin de maîtriser la pandémie. Pourtant, malgré ces conseils et avertissements permanents, les nations voulant à tout prix rouvrir leurs économies ont rapidement crié victoire et éliminé toutes les restrictions.

La France a signalé plus de 42.000 cas hier, dont près de 300 décès. Avec la Russie et l’Espagne, elle se distingue en tant que nation ayant plus d’un million de cas de COVID-19. Les estimations indiquent que d’ici novembre, les cas quotidiens doubleront par rapport à leur niveau actuel. Bien qu’on ait établi un couvre-feu de 21 heures à 6 heures du matin pour 46 millions de personnes sur 67 millions, les entreprises et les écoles restent ouvertes. Le dernier décompte indique que 2.139 patients COVID-19 sont sous respirateur, ce qui représente un tiers de la capacité du pays.

Le Royaume-Uni a vu le nombre de nouveaux cas dépasser 20.000 pendant quatre jours consécutifs. Le Pays de Galles a imposé une fermeture nationale vendredi, avec des ordres de rester à la maison pour la population et toutes les entreprises non essentielles, dont les pubs, qui doivent être fermés. L’Irlande du Nord ferme les écoles pendant deux semaines, avec réexamen de la situation le 2 novembre. Les restaurants et cafés fonctionneront de manière limitée pendant les quatre prochaines semaines. Les Londoniens sont à nouveau confrontés à de nouvelles restrictions.

L’Hôpital de l’Université de Nottingham a déclaré à la BBC qu’un «service complet de personnes» avec le COVID-19 était admis chaque jour. Selon leur suivi du recensement des patients le Queen’s Medical Centre and le City Hospital enregistrent en moyenne 14 admissions dont sept personnes sous ventilation mécanique par jour.

La République tchèque a été la plus durement touchée ces premiers temps par la deuxième vague. L’augmentation des cas se poursuit à un rythme exponentiel, le nombre des nouveaux cas atteignant 15.000 par jour et les décès dépassant la centaine. Le Premier ministre, Andrej Babis, s’est adressé à la nation depuis Prague mercredi. Il a déclaré: «Nous avons certainement fait des erreurs lorsque nous avons pensé, à la fin du mois de mai, lorsque nous avons fini la réouverture, que nous y étions parvenus».

La Pologne a enregistré 13.632 cas et 153 décès vendredi. Le gouvernement est en train de convertir le stade national de Varsovie en hôpital de campagne temporaire pour gérer les patients. Le stade, d’une capacité de près de 60.000 places, permettra d’équiper plus de 500 patients en oxygénothérapie, selon Piotr Muller, porte-parole du gouvernement. L’oxygène médical, une intervention essentielle dans le traitement des patients atteints de COVID, est une fois de plus en grave pénurie.

L’Espagne et l’Italie ont signalé près de 20.000 nouveaux cas hier. L’Allemagne a enregistré 13.476 cas, la Belgique 16.746. Les Pays-Bas ont eu près de 10.000 cas. L’Europe est responsable de près d’un tiers de tous les décès dus au coronavirus. Face à cette vague massive d’infections, l’épidémiologiste d’État suédois controversé, le Dr Anders Tegnell, a été interviewé à l’émission «Today» de la BBC. Il a dit: «En gros, nous voulons dire que nous allons envoyer un message aux personnes âgées, vous n’avez plus besoin de vous isoler complètement».

Ces développements sont le produit d’échecs politiques abjects qui ont placé les besoins des marchés financiers au-dessus de la vie. Adam Kamradt-Scott, professeur de santé mondiale à l’université de Sydney, a déclaré à Vox: «C’était compréhensible que les pays imposent des blocages dans les premières semaines où ils se trouvaient touchés. Ils se sont rapidement fait dépasser. Mais six mois plus tard, les pays devraient avoir mis en place des systèmes suffisants pour entreprendre la recherche des contacts nécessaires. Ils devraient aussi disposer d’une série d’autres mesures qu’ils peuvent utiliser pour limiter la propagation du virus. Plutôt que de se contenter de mesures de confinement strictes».

Damiano Sandri, un analyste du FMI qui a étudié l’impact du virus sur l’activité économique, a noté que des «dommages économiques sont également causés si vous obtenez une forte vague d’infections et que les gens commencent à mourir».

(Article paru d’abord en anglais le 24 octobre 2020)

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