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Le budget libéral: une contre-révolution en politique sociale

 

Par Keith Jones

LE SECOND budget du gouvernement libéral de Chrétien, présenté au Parlement le 27 février dernier, constitue une véritable contre révolution en politique sociale.

Il comprend des réductions de $25,3 milliards, étalées sur les trois prochaines années, dans les programmes et les services gouvernementaux. En outre, il entraîne des changements fondamentaux dans les opérations et les obligations gouvernementales afin de permettre que les coupures des prochaines années soient encore plus importantes.

En 1993, après neuf ans de coupures budgétaires des Conservateurs, le gouvernement dépensait annuellement $120 milliards pour ses programmes. Pour l'année fiscale 1996-97, il n'en dépensera que $108 milliards. Par ces coupures massives, par l'abolition des normes nationales et les autres changements dans sa politique, le gouvernement libéral s'attaque aux piliers mêmes de l'État-providence. En fait, d'ici trois ans, les piliers que sont les pensions de vieillesse, l'assurance chômage, l'assurance-maladie et l'éducation post-secondaire abordable, auront été démolis. Ils auront beau porter les mêmes noms, ils offriront une protection de plus en plus limitée et les personnes qui y feront appel devront se plier à des critères humiliants. La politique sociale canadienne ressemblera de plus en plus à celle de l'époque victorienne, période où seuls les pauvres méritants recevaient l'aide de l'État et où les soins de santé et une éducation post-secondaire de qualité étaient le privilège des riches.

# Le budget prévoit que le système de pension publique sera révisé afin de «s'assurer qu'il reste abordable». Les haut fonctionnaires admettent que cette révision a pour but de préparer la hausse de l'âge de la retraite de 65 à 67 ou même 70 ans, ainsi que la transformation du régime de pension de vieillesse, qui est actuellement un droit, en programme admissible après examen seulement.

# L'assurance-chômage qui avait subi, lors des budgets précédents, le plus gros des coupures opérées dans les programmes sociaux, va être «réformée», et son budget réduit une fois de plus, «de 10 p. cent au moins».

# Les paiements de transfert versés par Ottawa aux provinces pour contribuer financièrement à l'assurance-maladie, l'aide sociale et l'éducation post-secondaire, seront réduits de $11 milliards au cours de la même période. Pour l'année fiscale 1994-95, les provinces recevaient $17,3 milliards en paiements de transfert. Pour 1997-98, ce ne sera plus que $11 milliards, et d'ici 2006, plus rien. Le ministre des Affaires inter-gouvernementales, Marcel Masse, a reconnu que les coupures fédérales obligeront les provinces à prendre des mesures extrêmes: «Nous mettons la hache dans le gouvernement fédéral. Maintenant, le Québec et l'Ontario devront faire exactement comme nous.»

# A partir de 1996, le gouvernement fédéral regroupera les transferts prévus au Plan d'aide canadien (aide sociale) et aux Programmes financés établis (assurance-maladie et éducation post-secondaire) en un seul versement, le «transfert social canadien». Cette mesure cache une coupure budgétaire, car elle abolit le partage égal entre Ottawa et les provinces des dépenses en aide sociale. Dorénavant, lorsque l'économie ralentit et que la demande en aide sociale augmente, la contribution fédérale restera gelée.

En «compensation», les provinces ne seront plus assujetties à plusieurs des normes qu'Ottawa imposait en matière de dépenses publiques, y compris: l'obligation de venir en aide à tous ceux qui sont dans le besoin; et l'interdiction d'exiger en retour la participation à des programmes d'emploi, véritables réservoirs de main-d'oeuvre à bon marché.

 

Un réseau de santé à deux paliers

 

Chrétien a déjà laissé entendre que le traitement de plusieurs maladies et troubles de santé ne sera plus assuré. L'assurance-maladie, a-t-il déclaré dans une entrevue post-budgétaire, avait été conçue, non pas pour garantir aux Canadiens des soins de qualité et accessibles à tous, mais seulement pour les protéger d'une catastrophe financière en cas de maladie grave. «Personne ne perd sa maison à cause d'un problème aux dents ou aux yeux», a affirmé Chrétien. «Mais c'est différent pour une grosse opération, et c'est pour ça que l'assurance-maladie a été conçue.»

Si la formule Chrétien est adoptée à la prochaine rencontre des ministres de la Santé, où il sera question des nouvelles normes nationales en matière de santé publique, la porte sera ouverte à la privatisation de grands secteurs du réseau de la santé, menant à un système à deux niveaux de style britannique, où les riches fréquentent des cliniques coûteuses, alors que les pauvres doivent se contenter d'un système public délabré et médiocre.

Quoi qu'il arrive, les coupures dans les paiements de transfert remettent en question la viabilité même de l'assurance-maladie. Selon le président de l'Association médicale canadienne, Léo-Paul Landry, «L'assurance maladie que connaissaient les Canadiens n'est plus. Il faut s'attendre à de profonds changements puisque nous n'avons plus les moyens financiers pour maintenir le système actuel.»

 

Un simple acompte

 

C'est un chaleureux accueil que les représentants de la grande entreprise et de la droite ont réservé au budget présenté par Chrétien et son ministre des Finances, Paul Martin. «La liste des réductions de dépenses est essentiellement la même que la nôtre», a déclaré le chef réformiste, Preston Manning, dont le «budget alternatif» propose que la quasi-totalité des programmes sociaux soit remplacée par l'exercice de la charité. De son côté, le Wall Street Journal déclarait que Martin était un exemple à suivre pour tous les gouvernements.

Mais ces éloges ont été tempérés par une mise en garde: les coupures effectuées ne sont qu'un commencement. Le lendemain de la publication du budget, l'éditorial de tête du Globe and Mail, le porte-parole de Bay Street, se lisait ainsi: «Donnons au ministre ce qui lui revient. Les coupures comprises dans ce budget ... vont encore plus loin que tout ce que les conservateurs ont jamais envisagé. En effet, ce qui n'a l'air de rien dans ce budget -- privatisation du CN, abolition de la sécurité d'emploi pour les fonctionnaires, etc. -- aurait fait la une des journaux il y a quelques années. Cependant, ce qui permet d'évaluer la véritable portée des actes d'un gouvernement, ce n'est pas la comparaison avec ce qu'il y avait avant, mais bien avec ce qu'il faut faire. Trop peu, trop tard? Difficile à dire. Disons: juste assez pour l'instant».

De son côté, Martin n'a cessé de répéter que le budget 95 n'était que le début d'une «redéfinition du gouvernement». Devant les investisseurs financiers de l'Empire Club, il déclarait: «Un seul budget ne peut nous rendre la santé fiscale. Pour cela, de nouveaux objectifs devront être fixés.»

 

Encore plus de pauvreté et d'inégalité

 

La destruction des programmes sociaux aura un impact dévastateur sur la classe ouvrière et d'importantes sections de la classe moyenne. La grande entreprise va utiliser l'appauvrissement croissant pour baisser les salaires et s'attaquer aux conditions de travail. Pour des millions de travailleurs, l'assurance-chômage, l'aide sociale et les autres programmes sociaux ont fait toute la différence entre les dernières décennies de «restructuration» capitaliste et les faméliques années 30. Selon une étude effectuée par le Caledon Institute of Social Policy, en 1992, le cinquième le plus pauvre des ménages canadiens a reçu 60,7 p. cent de son revenu sous la forme de transferts gouvernementaux: assurance-chômage, aide-sociale, crédits d'impôt pour enfants, pensions de vieillesse, etc.

Sans les programmes sociaux et l'impôt progressif, la polarisation des classes serait aussi extrême au Canada qu'ailleurs dans le monde. Toujours pour l'année 1992, le cinquième le plus riche de la population a empoché 44,1 p. cent des revenus (salaires, dividendes, rendements d'intérêts, etc.) contre un maigre 2 p. cent pour le cinquième le plus pauvre, soit 22 fois moins. Si l'on tient compte des prestations sociales et de l'impôt, le rapport descend à 5 pour 1, le cinquième le plus riche recevant 36,9 p. cent des revenus après impôt, et le cinquième le plus pauvre, 7,5 p. cent.

 

Les travailleurs ont besoin d'un nouveau programme

 

Plus l'impact de la politique réactionnaire des libéraux se fait sentir, plus l'opposition populaire va grandir. Mais la question cruciale est l'orientation politique d'un tel mouvement d'opposition.

L'erreur à ne pas commettre pour la classe ouvrière, c'est de persister dans la même voie, de se contenter de protester et de faire pression sur les politiciens capitalistes dans l'espoir que ces derniers changent d'idée.

L'assaut contre les programmes sociaux découle de la crise structurelle du capitalisme mondial. Qu'importe leur couleur politique, tous les gouvernements capitalistes -- des régimes ouvertement de droite comme en Allemagne et en Italie, aux social-démocrates de l'Australie et de la Suède -- s'attaquent aux revenus des sans-emplois et des retraités, et privatisent leur système de soins de santé. Les gains sociaux du passé ne peuvent être défendus aujourd'hui, que dans la mesure où la classe ouvrière rejette les impératifs du marché capitaliste et met de l'avant son propre programme de réorganisation de l'économie sur une base rationnelle et planifiée, ce qui requiert l'établissement d'un gouvernement ouvrier.

 

La chute de l'État-providence et l'effondrement du réformisme national

 

Pendant des décennies, l'État-providence a été présenté par la bureaucratie syndicale et néo-démocrate comme l'alternative réformiste au socialisme. Cette bureaucratie a miné l'indépendance politique de la classe ouvrière en limitant celle-ci à la lutte syndicale et parlementaire pour de simples réformes, sous le prétexte qu'on pouvait définitivement éliminer la gêne et la pauvreté sans toucher à la base économique du capitalisme: la propriété privée des banques et de l'industrie. Selon cette bureaucratie, on pouvait, au moyen de la réglementation économique nationale et de la coopération internationale (ou enfin ce qu'elle considérait comme tels), éviter les crises économiques et accroître régulièrement le niveau de vie.

Mais l'histoire a eu le dernier mot. Les concessions obtenues par la classe ouvrière entre 1945 et 1975, l'ont été sur la base de l'expansion capitaliste de l'après-guerre (que seule la destruction causée par deux guerres mondiales et la crise des années 30 a rendu possible), et sur la politique de la réglementation économique nationale. Le boum économique s'est essoufflé voilà maintenant 25 ans. C'est alors que se sont déclenchés les processus qui devaient finalement miner à sa base la réglementation économique nationale.

Pour compenser leurs baisses de revenus, les entreprises commencèrent à internationaliser leur production dans les années 70, en incorporant dans leurs opérations les sources de main-d'oeuvre à bon marché d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique. Les importants changements technologiques en informatique et en télécommunications, survenus au cours des 20 dernières années, ont énormément accéléré ce processus.

Le développement d'une production et d'un marché du travail à l'échelle de la planète, a apporté une intensification dramatique de la lutte entre les entreprises et les pays capitalistes pour les marchés et les ressources. Dans cette lutte, la victoire va à celui qui réussit à augmenter le plus l'exploitation de la force de travail qu'il emploie. Conséquemment, les programmes sociaux établis durant l'après-guerre pour apaiser les antagonismes sociaux sont aujourd'hui considérés par la classe dominante comme du luxe.

Actuellement, les gouvernements capitalistes rivalisent à qui établira les conditions les plus rentables pour la grande entreprise, à qui démantelera le plus vite possible les conquêtes sociales de «sa» classe ouvrière. Selon le Globe and Mail, «Le ministre des Finances, Paul Martin, doit mener une lutte sur deux fronts... Non seulement doit-il mettre clairement le cap sur un déficit zéro, mais il doit aussi maintenir nos taux d'imposition à un niveau proche de celui des États-Unis, où des réductions draconiennes d'impôts sont actuellement en cours.»

 

L'alternative socialiste

 

Sous le capitalisme, l'informatisation sert à éliminer les emplois et à transférer la production là où les salaires sont les plus bas et la productivité la plus élevée. Entre les mains de la classe ouvrière cependant, la révolution technologique serait utilisée pour augmenter le niveau de vie et la culture des travailleurs du monde entier.

Le POI lutte pour unir en une offensive politique pour un gouvernement ouvrier toutes les luttes des travailleurs et des jeunes contre: la destruction des programmes sociaux, les diminutions de salaires et les mises à pied, l'augmentation des frais de scolarité, le racisme et le chauvinisme pratiqués à l'endroit des immigrants, et les attaques contre les droits démocratiques.

Un gouvernement ouvrier placeraait les banques, les grandes industries et la production sous le contrôle démocratique des travailleurs, pour permettre la réorganisation de l'économie et répondre à leurs besoins. Des milliards seraient consacrés aux travaux publics et à l'amélioration des programmes sociaux, de l'éducation et des soins de santé.

Notre politique est diamétralement opposée à celle que poursuivent les directions du CTC, de la FTQ, de la FTO et des autres syndicats. Ces dernières réagissent à l'effondrement du réformisme national en abandonnant toute défense des besoins les plus élémentaires de la classe ouvrière. Défenseurs de l'ordre capitaliste, les bureaucrates syndicaux acceptent que les emplois, les salaires et les avantages sociaux soient réduits pour permettre à la bourgeoisie de rester compétitive au niveau international.

En Ontario, le NPD, parti financé par les syndicats, est le fer de lance de l'assaut contre les programmes sociaux. Avec son «contrat social», le gouvernement Rae a coupé plusieurs milliards dans les soins de santé, l'éducation et l'aide sociale. Au Québec, les bureaucrates de la FTQ, de la CSN et de la CEQ, cherchent à détourner l'opposition aux coupures libérales vers la campagne référendaire du PQ et du BQ. Pour eux, qu'importe que l'un des principaux arguments de Lucien Bouchard et de Jacques Parizeau pour la séparation soit que l'indépendance faciliterait une réduction drastique de la taille du gouvernement en imposant une réorganisation complète de l'appareil d'État. Richard Le Hir, l'ex-président de l'Association des manufacturiers québécois devenu aujourd'hui ministre de la Restructuration gouvernementale en vue de la souveraineté, déclarait: «Nous voulons organiser un État québécois qui sera plus efficace». Par cela, il entend seulement être «plus efficace» qu'Ottawa pour réduire les dépenses gouvernementales et épauler les grandes entreprises qui luttent pour s'emparer des marchés et des profits.

 

La classe ouvrière doit devenir une force politique indépendante

 

Si la position sociale et la capacité de lutte de la classe ouvrière ont décliné de façon si drastique au cours des 15 dernières années, c'est précisément parce que ses actions et son horizon politiques sont limités aux pressions contre le patronat et ses serviteurs politiques. La véritable puissance de la classe ouvrière ne sera libérée que lorsque celle-ci deviendra une force politique consciente, lorsqu'elle organisera ses luttes sur un axe internationaliste et socialiste. Les manifestations, les grèves et les occupations ne peuvent faire avancer la cause de la classe ouvrière que si elles visent à défaire le carcan politique où l'ont emprisonnée depuis si longtemps les bureaucrates syndicaux et néodémocrates, et que si elles fournissent aux travailleurs une nouvelle orientation.

La lutte du POI pour la construction d'une nouvelle direction révolutionnaire au sein de la classe ouvrière est axée sur trois principes fondamentaux:

# Pour l'unité de la classe ouvrière internationale dans la lutte commune contre le système capitaliste! Non au nationalisme économique, au séparatisme québécois, au nationalisme canadien et à sa campagne pour «sauver le Canada»! Pour les États-Unis socialistes d'Amérique du Nord!

# Pour une rébellion politique contre les bureaucrates syndicaux!

# Pour un gouvernement ouvrier et des mesures socialistes! La production et la distribution des biens doivent être organisées non pas pour servir la course aux profits du patronat, mais pour répondre aux besoins de la classe ouvrière en matière d'emploi, de logement, d'éducation et de soins de santé.

La destruction des programmes sociaux aura un impact dévastateur sur la classe ouvrière et d'importantes sections de la classe moyenne. La grande entreprise va utiliser l'appauvrissement croissant pour baisser les salaires et s'attaquer aux conditions de travail. Pour des millions de travailleurs, l'assurance-chômage, l'aide sociale et les autres programmes sociaux ont fait toute la différence entre les dernières décennies de «restructuration» capitaliste et les faméliques années 30. Selon une étude effectuée par le Caledon Institute of Social Policy, en 1992, le cinquième le plus pauvre des ménages canadiens a reçu 60,7 p. cent de son revenu sous la forme de transferts gouvernementaux: assurance-chômage, aide-sociale, crédits d'impôt pour enfants, pensions de vieillesse, etc.

Sans les programmes sociaux et l'impôt progressif, la polarisation des classes serait aussi extrême au Canada qu'ailleurs dans le monde. Toujours pour l'année 1992, le cinquième le plus riche de la population a empoché 44,1 p. cent des revenus (salaires, dividendes, rendements d'intérêts, etc.) contre un maigre 2 p. cent pour le cinquième le plus pauvre, soit 22 fois moins. Si l'on tient compte des prestations sociales et de l'impôt, le rapport descend à 5 pour 1, le cinquième le plus riche recevant 36,9 p. cent des revenus après impôt, et le cinquième le plus pauvre, 7,5 p. cent.

 

Les travailleurs ont besoin d'un nouveau programme

 

Plus l'impact de la politique réactionnaire des libéraux se fait sentir, plus l'opposition populaire va grandir. Mais la question cruciale est l'orientation politique d'un tel mouvement d'opposition.

L'erreur à ne pas commettre pour la classe ouvrière, c'est de persister dans la même voie, de se contenter de protester et de faire pression sur les politiciens capitalistes dans l'espoir que ces derniers changent d'idée.

L'assaut contre les programmes sociaux découle de la crise structurelle du capitalisme mondial. Qu'importe leur couleur politique, tous les gouvernements capitalistes -- des régimes ouvertement de droite comme en Allemagne et en Italie, aux social-démocrates de l'Australie et de la Suède -- s'attaquent aux revenus des sans-emplois et des retraités, et privatisent leur système de soins de santé. Les gains sociaux du passé ne peuvent être défendus aujourd'hui, que dans la mesure où la classe ouvrière rejette les impératifs du marché capitaliste et met de l'avant son propre programme de réorganisation de l'économie sur une base rationnelle et planifiée, ce qui requiert l'établissement d'un gouvernement ouvrier.

 

La chute de l'État-providence et l'effondrement du réformisme national

 

Pendant des décennies, l'État-providence a été présenté par la bureaucratie syndicale et néo-démocrate comme l'alternative réformiste au socialisme. Cette bureaucratie a miné l'indépendance politique de la classe ouvrière en limitant celle-ci à la lutte syndicale et parlementaire pour de simples réformes, sous le prétexte qu'on pouvait définitivement éliminer la gêne et la pauvreté sans toucher à la base économique du capitalisme: la propriété privée des banques et de l'industrie. Selon cette bureaucratie, on pouvait, au moyen de la réglementation économique nationale et de la coopération internationale (ou enfin ce qu'elle considérait comme tels), éviter les crises économiques et accroître régulièrement le niveau de vie.

Mais l'histoire a eu le dernier mot. Les concessions obtenues par la classe ouvrière entre 1945 et 1975, l'ont été sur la base de l'expansion capitaliste de l'après-guerre (que seule la destruction causée par deux guerres mondiales et la crise des années 30 a rendu possible), et sur la politique de la réglementation économique nationale. Le boum économique s'est essoufflé voilà maintenant 25 ans. C'est alors que se sont déclenchés les processus qui devaient finalement miner à sa base la réglementation économique nationale.

Pour compenser leurs baisses de revenus, les entreprises commencèrent à internationaliser leur production dans les années 70, en incorporant dans leurs opérations les sources de main-d'oeuvre à bon marché d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique. Les importants changements technologiques en informatique et en télécommunications, survenus au cours des 20 dernières années, ont énormément accéléré ce processus.

Le développement d'une production et d'un marché du travail à l'échelle de la planète, a apporté une intensification dramatique de la lutte entre les entreprises et les pays capitalistes pour les marchés et les ressources. Dans cette lutte, la victoire va à celui qui réussit à augmenter le plus l'exploitation de la force de travail qu'il emploie. Conséquemment, les programmes sociaux établis durant l'après-guerre pour apaiser les antagonismes sociaux sont aujourd'hui considérés par la classe dominante comme du luxe.

Actuellement, les gouvernements capitalistes rivalisent à qui établira les conditions les plus rentables pour la grande entreprise, à qui démantelera le plus vite possible les conquêtes sociales de «sa» classe ouvrière. Selon le Globe and Mail, «Le ministre des Finances, Paul Martin, doit mener une lutte sur deux fronts... Non seulement doit-il mettre clairement le cap sur un déficit zéro, mais il doit aussi maintenir nos taux d'imposition à un niveau proche de celui des États-Unis, où des réductions draconiennes d'impôts sont actuellement en cours.»

 

L'alternative socialiste

 

Sous le capitalisme, l'informatisation sert à éliminer les emplois et à transférer la production là où les salaires sont les plus bas et la productivité la plus élevée. Entre les mains de la classe ouvrière cependant, la révolution technologique serait utilisée pour augmenter le niveau de vie et la culture des travailleurs du monde entier.

Le POI lutte pour unir en une offensive politique pour un gouvernement ouvrier toutes les luttes des travailleurs et des jeunes contre: la destruction des programmes sociaux, les diminutions de salaires et les mises à pied, l'augmentation des frais de scolarité, le racisme et le chauvinisme pratiqués à l'endroit des immigrants, et les attaques contre les droits démocratiques.

Un gouvernement ouvrier placeraait les banques, les grandes industries et la production sous le contrôle démocratique des travailleurs, pour permettre la réorganisation de l'économie et répondre à leurs besoins. Des milliards seraient consacrés aux travaux publics et à l'amélioration des programmes sociaux, de l'éducation et des soins de santé.

Notre politique est diamétralement opposée à celle que poursuivent les directions du CTC, de la FTQ, de la FTO et des autres syndicats. Ces dernières réagissent à l'effondrement du réformisme national en abandonnant toute défense des besoins les plus élémentaires de la classe ouvrière. Défenseurs de l'ordre capitaliste, les bureaucrates syndicaux acceptent que les emplois, les salaires et les avantages sociaux soient réduits pour permettre à la bourgeoisie de rester compétitive au niveau international.

En Ontario, le NPD, parti financé par les syndicats, est le fer de lance de l'assaut contre les programmes sociaux. Avec son «contrat social», le gouvernement Rae a coupé plusieurs milliards dans les soins de santé, l'éducation et l'aide sociale. Au Québec, les bureaucrates de la FTQ, de la CSN et de la CEQ, cherchent à détourner l'opposition aux coupures libérales vers la campagne référendaire du PQ et du BQ. Pour eux, qu'importe que l'un des principaux arguments de Lucien Bouchard et de Jacques Parizeau pour la séparation soit que l'indépendance faciliterait une réduction drastique de la taille du gouvernement en imposant une réorganisation complète de l'appareil d'État. Richard Le Hir, l'ex-président de l'Association des manufacturiers québécois devenu aujourd'hui ministre de la Restructuration gouvernementale en vue de la souveraineté, déclarait: «Nous voulons organiser un État québécois qui sera plus efficace». Par cela, il entend seulement être «plus efficace» qu'Ottawa pour réduire les dépenses gouvernementales et épauler les grandes entreprises qui luttent pour s'emparer des marchés et des profits.

 

La classe ouvrière doit devenir une force politique indépendante

 

Si la position sociale et la capacité de lutte de la classe ouvrière ont décliné de façon si drastique au cours des 15 dernières années, c'est précisément parce que ses actions et son horizon politiques sont limités aux pressions contre le patronat et ses serviteurs politiques. La véritable puissance de la classe ouvrière ne sera libérée que lorsque celle-ci deviendra une force politique consciente, lorsqu'elle organisera ses luttes sur un axe internationaliste et socialiste. Les manifestations, les grèves et les occupations ne peuvent faire avancer la cause de la classe ouvrière que si elles visent à défaire le carcan politique où l'ont emprisonnée depuis si longtemps les bureaucrates syndicaux et néodémocrates, et que si elles fournissent aux travailleurs une nouvelle orientation.

La lutte du POI pour la construction d'une nouvelle direction révolutionnaire au sein de la classe ouvrière est axée sur trois principes fondamentaux:

# Pour l'unité de la classe ouvrière internationale dans la lutte commune contre le système capitaliste! Non au nationalisme économique, au séparatisme québécois, au nationalisme canadien et à sa campagne pour «sauver le Canada»! Pour les États-Unis socialistes d'Amérique du Nord!

# Pour une rébellion politique contre les bureaucrates syndicaux!

# Pour un gouvernement ouvrier et des mesures socialistes! La production et la distribution des biens doivent être organisées non pas pour servir la course aux profits du patronat, mais pour répondre aux besoins de la classe ouvrière en matière d'emploi, de logement, d'éducation et de soins de santé.

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