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Moins de la moitié des chômeurs canadiens admissibles aux prestations de chômage

Par François Legras
Le 26 août 1998

 

Les politiciens canadiens, les chefs d'entreprise et les éditorialistes de la presse ont récemment lancé un vif débat sur l'utilisation de l'énorme surplus accumulé dans la caisse de l'assurance-chômage, qui est supposée assurer un soutien financier aux sans-emploi.

Dans ce débat, presque personne ne mentionne le chômage de masse qui continue à régner au Canada. Selon les propres chiffres du gouvernement, 8,4 pourcent de tous les travailleurs sont présentement sans emploi. Le mois de novembre dernier marquait la première fois en plus de six ans que le taux mensuel de chômage au Canada descendait sous les 9 pourcent.

Le surplus de la caisse de chômage, qui devrait dépasser $20 milliards à la fin de l'année, est le résultat, non pas d'un retour aux taux de chômage relativement bas des années 50 et 60, mais du démantèlement du programme canadien d'assurance-chômage et de sa transformation en une taxe régressive.

En 1997, seulement 42 pourcent des chômeurs ont pu recevoir des prestations de chômage, comparés à 83 pourcent en 1989 et à 90 pourcent en 1971. La situation est pire pour les jeunes. En 1997, seulement 26,1 pourcent des jeunes chômeurs ont été admissibles aux prestations de chômage.

D'un filet de «sécurité» social à un «tremplin»

Le premier programme d'assurance-chômage du Canada a été établi en 1940, juste au moment où la Deuxième guerre mondiale mettait brusquement fin au chômage de masse de la grande Dépression. Durant le boum de l'après-guerre, les prestations d'assurance-chômage, assurées par les contributions obligatoires des employeurs et des employés ainsi que les subventions annuelles du gouvernement fédéral, sont devenues un pilier du «filet de sécurité» social.

Le régime a ensuite été élargi de façon à couvrir également les travailleurs temporaires ainsi que ceux étant en congé parental; le nombre requis de semaines de travail a été réduit jusqu'à huit semaines; et le taux des prestations a continuellement augmenté, pour atteindre, suite à la réforme de l'assurance-chômage de 1971, un plafond équivalant aux deux-tiers du salaire régulier.

Après la récession économique de 1981-83, qui a vu le taux de chômage grimper jusqu'à 12 pourcent, la grande entreprise a commencé à réclamer des coupures dans le régime d'assurance-chômage. Le patronat canadien et ses représentants politiques ont déclaré que l'aide financière ccordée aux chômeurs entraînait des coûts exorbitants. Mais leur principal argument en faveur d'une restructuration fondamentale du régime d'assurance-chômage était que ce régime contribuait lui-même à la crise du chômage en encourageant une culture de «dépendance».

Ce discours moralisateur cachait en réalité l'opposition du patronat à la possibilité pour les chômeurs de recevoir des prestations jusqu'à ce qu´ils se trouvent un emploi qui soit comparable au précédent au niveau des salaires et de la compétence requise. La campagne contre la «dépendance» envers l'assurance-chômage visait à rendre les sans-emploi dans un état de dénuement tel qu'ils seraient entièrement dépendants du capital pour leur gagne-pain et n'auraient aucun choix que d'accepter un emploi à bas salaire.

Durant les années 80, le gouvernement libéral, puis son successeur conservateur, ont dû se limiter à des changements mineurs dans le régime d'assurance-chômage parce qu'ils craignaient la réaction politique qu'aurait engendrée un assaut frontal sur les prestations de chômage. Mais dans les années 90, les conservateurs sous Mulroney, puis les libéraux sous Chrétien, ont bouleversé le programme canadien de prestations de chômage à quatre reprises.

Dans le cadre de la dernière «réforme», introduite en 1996, les libéraux ont changé le nom de l'assurance-chômage à celui de «assurance-emploi», afin de rendre clair que le but du programme réorganisé n'était pas d'assurer un soutien social, du genre «filet de sécurité», mais de faciliter la transition sur le marché du travail. L'image qu'ils utilisent maintenant pour les prestations de chômage est celle d'un tremplin qui aide les sans-emploi à rebondir dans la force de travail. Ils passent ainsi entièrement sous silence un fait évident: s'il y a une telle masse de chômeurs, c'est parce la grande entreprise cherche de façon systématique à obtenir plus de production avec moins d'employés, en augmentant la cadence et en introduisant de nouvelles technologies pour mettre des travailleurs à la porte.

Suite aux changements apportés à l'assurance-chômage en 1990, 1993, 1994 et 1996, les travailleurs qui laissent leur emploi ou qui sont virés pour une «bonne raison» ne sont plus admissibles aux prestations. La période au cours de laquelle un chômeur peut recevoir des prestations a été réduite de huit semaines et le temps de travail nécessaire pour être admissible a été haussé d'un facteur de trois.

L'un des changements qui a eu le plus d'impact sur la vie des chômeurs est celui de 1996 portant sur le mode de calcul des prestations. Auparavant, les chômeurs recevaient un pourcentage de leur salaire hebdomadaire; maintenant ils reçoivent entre 50 et 55 pourcent de la moyenne hebdomadaire de leurs revenus d'emploi au cours des 26 semaines précédentes, peu importe s'ils étaient effectivement employés toutes ces semaines. Dans plusieurs cas, des travailleurs au chômage se voient accorder des prestations de moins de $100 par semaine, et dans certains cas, moins de $10.

Une fraude à l'endroit des chômeurs et des employés

En 1990, le gouvernement fédéral a cessé sa contribution à l'assurance-chômage sous le prétexte de rendre le régime autonome. Ce retrait a mené, dans le contexte de la forte hausse des demandes

entraînée par la récession de 1990-92, à la rapide accumulation d'un déficit de plusieurs milliards dans la caisse d'assurance-chômage. Ce déficit a ensuite été invoqué par les porte-paroles du gouvernement et de la grande entreprise pour justifier la réduction drastique des prestations. Au même moment, Ottawa a augmenté les contributions obligatoires des employeurs et des travailleurs afin de faire face à ce déficit.

L'énorme baisse du nombre de chômeurs recevant des prestations, la réduction des montants accordés et un léger répit dans la crise de l'emploi au cours des deux dernières années ont rapidement mené au surplus qui existe aujourd'hui. Bien que ce surplus soit techniquement crédité à la caisse de chômage, le gouvernement fédéral l'a ajouté aux comptes fédéraux, violant ainsi sa propre décision prise en 1990 de retirer tout soutien financier au régime de l'assurance-chômage pour le rendre autonome.

Ainsi, alors que les chômeurs ont été privés de prestations, les contributions des employés à la caisse de chômage, qui existe supposément pour leur fournir un soutien financier au cas où ils perdent leur emploi, ont été expropriées par le gouvernement. En fait, l'assurance-chômage (ou assurance-emploi selon le nouveau jargon bureaucratique) est devenue une taxe cachée, taxe régressive en l'occurrence, vu que les cotisations sont basées sur les revenus d'emploi et non les revenus totaux.

Et que dire du débat sur les surplus de la caisse d'assurance-chômage? C'est un conflit entre diverses sections de la grande entreprise pour savoir si le gouvernement devrait continuer à utiliser ce régime comme une taxe cachée. Les libéraux favorisent une telle approche, parce qu'ils veulent garder une marge fiscale de manoeuvre en cas de nouvelle récession.

Le parti réformiste, le gouvernement conservateur ontarien et une bonne partie de l'élite des affaires, réclament de leur côté une diminution des cotisations de chômage pour les employeurs et les travailleurs. Ils pensent qu'une baisse de taxe stimulerait l'économie. Mais surtout, ils veulent s'assurer que le gouvernement fédéral continue à faire face à la crise fiscale et sente une pression contiuelle pour imposer de nouvelles coupures dans les programmes sociaux.

Durant les récessions de 1981-83 et de 1990-92, jusqu'à une famille canadienne sur trois avait un de ses membres qui recevait des prestations de chômage. Les coupures dans l'assurance-chômage et dans les programmes provinciaux d'aide sociale signifient que la prochaine récession va amener avec elle le spectre de longues queues pour la nourriture, fléau social que la plupart des Canadiens croyaient aboli à jamais après la misère des années 30.

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