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La politique de « la loi et de l'ordre » pour les jeunes contrevenants

Par François Legras
Le 30 mars 1999

Un nouveau projet de loi modifiant la loi sur les jeunes contrevenants, déposé jeudi le 11 mars aux communes par la ministre de la justice Anne McLellan impose un autre virage à droite dans la politique sociale canadienne.

Le projet de loi, discuté depuis un an, puise en large mesure dans le programme de la loi et de l'ordre du Parti Réformiste de Preston Manning et de la politique de droite des conservateurs de Harris en Ontario. Si le projet a été si long à aboutir au parlement, c'est parce qu'il soulevait l'opposition de la part de groupes de défense, avocats de la défense, travailleurs et intervenants des centres-jeunesse et du ministre de la justice du Québec.

McLellan a finalement trouvé la solution satisfaisant les demandes du Québec en donnant la liberté au gouvernement de chaque province de choisir d'appliquer ou non les nouvelles dispositions ( en vertu de la constitution canadienne, les provinces ont la responsabilité de l'application du droit criminel ).

Les réformistes, qui forment l'opposition officielle au parlement, ont été outrés par la mollesse de la proposition libérale. Ils ont dénoncés McLellan pour ne pas avoir abaissé l'âge de la criminalisation des jeunes à dix ans et d'avoir maintenu la catégorie « jeunes contrevenants» ayant juridiction pour la plupart des infractions commises par des jeunes entre 14 et 17 ans. Les réformistes demandaient que les jeunes de 16 et 17 ans soient accusés devant les tribunaux pour adultes même pour les infractions mineures. De plus, ils dénoncent la ministre pour avoir laissé la latitude aux provinces quant à l'application des nouvelles mesures, une attaque, disent-ils, contre l'uniformité canadienne du droit criminel.

Les cyniques calculs politiques derrière la présentation du projet de loi sont clairement exprimés par le contenu de la déclaration faite par l'une des aides de McLellan au journal The Globe and Mail : « Nous voulons aller à droite, mais juste assez pour les laisser ( les réformistes ) avec les 10 ans. »

Les opposants à la loi actuelle sur les jeunes contrevenants dénoncent le système comme étant une véritable pépinière du crime parmi les jeunes, nourri par le libéralisme judiciaire actuel. C'est une grossière déformation de la réalité. Premièrement le taux général de criminalité a diminué constamment depuis 1990. Même le nombre de crimes violents commis par des jeunes, qui avait effectivement grimpé au cours de la première moitié de cette décennie, a diminué de plus de 2% entre 1995 et 1997.

Deuxièmement, le Canada est loin de traiter les jeunes contrevenants avec trop d'indulgence. Le Canada incarcère deux fois plus de jeunes que la plupart des États américains et dix fois plus que nombre de pays européens. En 1997, seulement un quart des jeunes contrevenants ont été dirigés vers des travaux communautaires dans le cadre d'un programme de réhabilitation, au lieu d'avoir eux des accusations de portées, contrairement à un peu plus de 50% en Angleterre et aux États-Unis. Un jeunes contrevenant au Canada, a une probabilité quatre fois plus élevée qu'un accusé adulte, de se voir imposer une forme ou une autre de détention, bien que 82% des accusations portées contre les jeunes, en 1997, l'étaient pour des crimes non violents, tel la possession de stupéfiants et le vol à l'étalage

Les changements proposés sont fondamentalement réactionnaires et répressifs. La réforme repose sur le principe de la sanction pénale au lieu de la réhabilitation et transfère en grande mesure la responsabilité du problème social qu'est la criminalité aux jeunes en tant qu'individus, et à leurs parents et familles.

Les principaux changements proposés sont les suivants :

* Actuellement la majorité pénale est de 18 ans, et la loi sur les jeunes contrevenants s'applique aux jeunes entre 12 et 17 ans, mais sur présentation d'une demande, un procureur de la couronne peut demander à un juge de transférer un jeune vers le tribunal pour adultes à partir de 16 ans ;

* Le projet va abaisser de 16 à 14 ans l'âge permettant d'accuser un jeune d'avoir commis un crime violent, tel que meurtre, tentative de meurtre, homicide involontaire et agression sexuelle grave; cette mesure s'applique aussi aux récidivistes de crime avec violence ;

* La possibilité d'imposer une peine adulte même lorsque le jeune a passé devant un juge du tribunal de la jeunesse ;

* La levée de l'interdiction de publier les noms des jeunes trouvés coupables et ayant reçu une sentence adulte ;

* L'imposition d'une période de probation obligatoire équivalente à la moitié de la peine adulte purgée par le jeune ;

* Les parents, ou l'accusé lui-même, s'ils ne sont pas considérés comme étant dans le besoin, vont devoir payer les frais de justice ;

* La sentence d'emprisonnement passera de 6 à 24 mois pour ceux qui ont délibérément omis de faire respecter une des conditions imposées au jeune pour la remise en liberté sous la supervision de ses parents ;

* Les tribunaux pourront accepter plus facilement les déclarations faites par les jeunes aux policiers, même lorsqu'elles ont été faites en violation du droit au silence ;

* Les victimes des infractions se verront accorder le droit d'avoir accès au dossier du jeune et de connaître quelles mesures lui ont été imposées. Il est aussi question d'introduire dans la loi un droit de réparation ou de remboursement pour les victimes de la part de l'accusé.

La présentation du projet de loi n'est pas une réponse à l'augmentation du crime chez les jeunes, mais une adaptation de plus en plus ouverte par le Parti Libéral de Chrétien à l'agenda de la droite politique au Canada, du programme de la loi et l'ordre, surtout mis de l'avant par les Réformistes de Manning et les conservateurs de Harris en Ontario.

La campagne d'indignations contre le crime, particulièrement la délinquance juvénile, menée par Harris et Manning, vise à canaliser les tensions sociales croissantes causées par l'augmentation de la pauvreté et de l'insécurité économique pour les diriger dans une direction réactionnaire. Mais ça fait aussi partie d'une campagne plus globale, visant d'un côté à favoriser l'interventionnisme de l'état pour réglementer la vie, et de l'autre, à abandonner toutes responsabilité de la part de l'État et de la société à l'égard des problèmes sociaux.

En Ontario, le gouvernement Harris qui mène un assaut frontal contre la classe ouvrière et les jeunes depuis plusieurs années, fait le lien entre la soi-disant augmentation de la délinquance juvénile et une attitude irrespectueuse plus générale des jeunes envers l'autorité, pour réintroduire le port de l'uniforme dans les écoles publiques.

Récemment, la Cour Suprême du Canada a décidé qu'il n'était pas inconstitutionnel pour un directeur d'école ou un enseignant de fouiller sans mandat un étudiant ou son casier pour ensuite permettre à la police de porter des accusations criminelles. La Cour a appuyé sa décision en invoquant l'augmentation de la délinquance et du crime dans les écoles, un fléau contre lequel il fallait donner des outils de lutte efficaces. Même si l'on suppose que les juges du plus haut tribunal au Canada étaient très mal informés sur la question du taux de criminalité, il n'en reste pas moins significatif, que dans leur décision, les juges n'ont pas cherché à expliquer, ni même soulevé la question du pourquoi de cette augmentation.

En Colombie Britannique, le gouvernement NPD a introduit une loi rendant les parents financièrement responsables des dommages causés par leurs enfants dans les écoles. Une des juges de la Cour d'Appel de la Colombie Britannique, confrontée à un tel cas, remarquait que la loi pourrait entraîner des conséquences financières catastrophiques pour les parents malgré le fait qu'ils n'aient commis aucune faute. En réponse à ces commentaires, le NPD a indiqué qu'il n'était pas question de changer quoi que ce soit, l'État et les citoyens qui paient leurs taxes pour les écoles n'ont plus les moyens de payer pour les vandales, a t-il affirmé.

Le gouvernement du Québec se vante d'aborder les jeunes d'une manière moins punitive en favorisant la réinsertion sociale plutôt que l'incarcération et la punition. Bien que formellement, ce soit vrai, la politique de réinsertion sociale est elle aussi une catastrophe. Toute la politique sociale du gouvernement est subordonnée aux besoins des marchés financiers globaux et de la concurrence internationale. Cette politique s'est traduite, entre autres, par l'objectif du déficit zéro et l'« assainissement des finances publiques », euphémisme utilisé pour appauvrir et exploiter encore plus la classe ouvrière. Pour les jeunes de la classe ouvrière cela signifie plus de chômage et d'emplois mal payés, des emplois sur appel, à temps partiel, parfois deux emplois pour être capable de boucler le mois.

C'est au Québec qu'il y a le plus haut taux de suicide chez les jeunes au Canada et le plus élevé des pays industrialisés.

Les centres-jeunesse, qui ont la responsabilité de la réinsertion sociale des jeunes délinquants, sont si sous-financé et aux prises avec des problèmes si graves que le gouvernement a dû en mettre plusieurs sous tutelle.

Le transfert des coûts légaux et sociaux vers la famille pour les actes criminels posés par les enfants doit être vu dans le contexte de la politique de droite, appliquée aussi bien ailleurs au Canada qu'au Québec avec le PQ, politique consistant à transférer le fardeau des soins médicaux, des personnes âgées, des pauvres, du parrainage pour les nouveaux immigrants, des malades psychiatriques, etc., de l'État aux individus et aux familles.

 

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