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Les élections du 3 juin en Ontario seront-elles un verdict de la « révolution du bon sens » des conservateurs ?

Par Keith Jones
Le 18 mai 1999

Les médias et les politiciens déclarent que les élections ontariennes du 3 juin prochain rendront le verdict populaire de la « révolution du bon sens » des conservateurs. Certes beaucoup de travailleurs, salariés ou non, iront aux urnes pour exprimer leur opposition aux énormes compressions des conservateurs imposées dans les services sociaux et publics, aux représailles contre les assistés sociaux et aux lois antisyndicales, mais la vérité brutale, c'est que tout l'establishment politique ontarien, y compris les deux partis d'opposition au parlement et la direction des centrales syndicales, acceptent et soutiennent maintenant les changements fondamentaux effectués par le gouvernement conservateur de Harris depuis son arrivée au pouvoir en juin 1995 dans le domaine des politiques sociales et des rapports de classe.

Tant les libéraux qui constituent l'opposition officielle dans le parlement sortant que les néo-démocrates social-démocrates ont en effet repris les incantations du grand Capital de « responsabilité fiscale », de « budgets équilibrés » et de « taux d'imposition compétitifs ». Aucun parti n'a en effet même promit d'abolir les programmes de travail obligatoire ou de révoquer les compressions de plus de 21 p. 100 effectuées par les conservateurs dans les allocations d'aide sociale. En outre, si les libéraux ou les néo-démocrates prennent le pouvoir, seuls quelques hôpitaux parmi les trois douzaines fermés par les conservateurs seront rouverts.

Plus le chef libéral Dalton McGuinty et son homologue néo-démocrate Howard Hampton se montrent véhéments dans leurs dénonciations du premier ministre conservateur Mike Harris, plus ils reprennent en fait la politique conservatrice. La plupart des critiques de l'opposition du gouvernement Harris se borne maintenant au style de gestion de confrontation et au supposé manque de compassion des conservateurs. En présentant la politique sociale du NPD, Hampton se contente de soutenir sèchement que « la question n'est pas l'argent ».

La semaine dernière, le chef libéral McGuinty a par ailleurs fait sien l'engagement des conservateurs de rendre illégaux les déficits budgétaires et de forcer légalement la tenue de référendums contraignants avant d'introduire toute augmentation d'impôt ­ des mesures en fait conçues pour interdire à tout gouvernement ontarien éventuel l'augmentation des dépenses sociales, même en période de crise économique. « Tel est le prix à payer pour former le gouvernement en 1999 », a tout bonnement déclaré McGuinty. Le chef libéral s'en est ensuite pris à Harris pour avoir annoncé une nouvelle vague de réduction d'impôts avant même d'avoir équilibré le budget provincial : « je suis prêt à payer ce prix (pour former le gouvernement) et les Ontariens doivent comprendre que Mike Harris, lui, ne l'est pas ».

Habituellement, la presse fait ressortir les différences entre les trois partis. Mais maintenant, les journalistes décrivent régulièrement les libéraux comme le parti « blue lite », faisant ainsi référence aux couleurs de la campagne électorale des conservateurs et à une marque de bière populaire canadienne, ou en les décrivant de conservateurs « doux », ce qui rappelle un peu les tentatives que George Bush utilisait pour prendre ses distances de l'administration Reagan.

Bien que divisée quant à la tactique électorale à employer, les deux ailes de la bureaucratie syndicale se sont clairement alignées vers la droite et espèrent propulser le chef libéral McGuinty au poste de premier ministre. Ainsi, une importante section de la bureaucratie syndicale ayant à sa tête le président des Travailleurs canadiens de l'automobile, Buzz Hargrove, appelle à un « vote stratégique » en faveur des libéraux dans tous les comtés où c'est candidat libéral qui a le plus de chance de battre le candidat conservateur. À la lumière des sondages d'opinion qui montrent que les libéraux et les conservateurs sont pratiquement à égalité et que le NPD n'obtient que l'appui de 12 p. 100 de l'électorat, ce « vote stratégique » revient à appuyer directement la formation d'un gouvernement libéral.

De son côté, le NPD espère un parlement sans majorité pour pouvoir former une coalition avec les libéraux, qu'elle soit formelle ou de facto. Mais les social-démocrates se compteront chanceux s'ils parviennent à remporter 12 des 103 sièges de la législature provinciale pour préserver leur statut de parti officiel. Parlant au nom de l'establishment néo-démocrate, l'ancien premier ministre du NPD, Bob Rae, a dit que les opposants aux conservateurs doivent s'inspirer de la Grande-Bretagne de Tony Blair et du président américain Bill Clinton, successeurs respectifs des régimes Thatcher-Major et Reagan-Bush, et reconnaître que « la formule a changé. Un programme basé sur le démantèlement de quelques-unes des réalisations de Harris ne peut recevoir qu'un appui minoritaire ».

Une décennie de trahison

L'acceptation par la bureaucratie syndicale de la « révolution du bon sens » des conservateurs constitue le point culminant d'une décennie de trahisons historiques. Le gouvernement néo-démocrate de Rae au pouvoir pendant la première moitié de la décennie a créé les bases politiques et idéologiques qui ont permis la venue au pouvoir des conservateurs avec un programme inspiré directement du « contrat avec l'Amérique » des républicains de Gingrich. Bien que les travailleurs se soient tournés vers le NPD en 1990 pour se protéger des ravages de la récession économique et de la restructuration entraînée par l'accord de libre-échange Canada-États-Unis, le gouvernement NPD de Rae s'est néanmoins transformé en fer de lance de l'offensive du grand Capital contre la classe ouvrière, imposant des compressions massives dans les dépenses sociales et des hausses impôts onéreuses, en plus de suspendre le droit de négociation collective pour un million de travailleurs du secteur public dans le cadre de son « contrat social » de compressions salariales.

Sous les conservateurs de Harris, la Fédération des travailleurs de l'Ontario a organisé des protestations de masse. Mais vers la fin de 1997, lorsque la grève des 120 000 enseignants contre la politique conservatrice en éducation commença à dépasser les limites de la simple négociation collective pour devenir le fer de lance d'une mobilisation politique massive opposée aux conservateurs, la bureaucratie syndicale poussa les enseignants à retourner au travail, mettant ainsi fin à la campagne de protestation contre les conservateurs.

Les sondages d'opinion ont montré que le caractère constant de la vaste opposition aux compressions conservatrices dans les dépenses sociales, surtout en matière de soins de santé et d'éducation. Mais la renonciation par la bureaucratie syndicale de son programme réformiste traditionnel et sa suppression de toute résistance au sein de la classe ouvrière contre les conservateurs a semé une confusion considérable.

Malgré le fait que le grand Capital finance somptueusement et sans précédent l'effort de réélection des conservateurs et que de soient les sections de la population les plus fortunées qui aient le plus profité, et de très loin, des réductions d'impôts, les conservateurs recueillent néanmoins quelques succès dans leur tentative de se présenter comme les porte-parole du soi-disant contribuable de la classe moyenne.

Tout comme en 1995, les conservateurs font appel à la colère et à l'angoisse profondémment enracinées et causées par l'insécurité économique croissante, de même qu'à l'aliénation répandue face aux politiques traditionnelles, et se présentent comme les protagonistes du changement tout en stigmatisant les groupes marginaux et vulnérables tels les assistés sociaux et les squeegees (jeunes qui nettoient le pare-brise des voitures au feu rouge pour quelques pièces).

L'opposition est incapable de répondre efficacement à la tactique du bouc-émissaire des conservateurs car cela nécessiterait qu'elle dénonce les contradictions de classes qui déchirent la société canadienne et l'échec du système de marché capitaliste.

Pareillement, les critiques de l'opposition à propos des compressions effectuées par les conservateurs dans les dépenses sociales ne sont pas crédibles. Les électeurs savent très bien que tous les gouvernements au Canada de toutes tendances et de toutes les couleurs politiques ont imposés des compressions énormes dans les dépenses sociales au cours des années 90.

Polarisation sociale

Bien que le spectre de la politique officielle se soit déplacé nettement vers la droite, la polarisation sociale croissante trouve néanmoins une certaine expression dans la campagne électorale. Harris est en effet confronté tous les jours par des manifestants furieux et les forces policières, agissant très certainement selon le désir des conservateurs, réagissent avec agressivité et effectuent de fréquentes arrestations. La campagne n'a pas même deux semaines qu'elle est déjà la plus âpre depuis 1945, alors que le grand Capital faisait la chasse aux communistes dans les rangs du CCF social-démocrate (l'ancêtre du NPD).

Harris a en effet accusé McGuinty d'avoir conclu un « pacte secret » avec les centrales syndicales et d'être mou en matière de criminalité. Les principales promesses électorales des conservateurs sont de réduire le taux d'imposition de 20 p. 100 au cours des cinq prochaines années, de réduire les taxes foncières et le taux d'imposition des sociétés, d'amender le code du travail pour faciliter la révocation d'accréditation syndicale, de développer rapidement les programmes de travail obligatoire dans le secteur privé, de forcer les assistés sociaux à subir des tests de dépistage de drogue et de forcer les gens testés positifs à participer à un programme de réhabilitation sous peine de perdre toute protection sociale.

McGuinty a commencé sa campagne en mettant l'accent sur la promesse des libéraux d'augmenter modestement le financement des soins de santé et en éducation. Mais devant la réaction des critiques des media selon lesquelles l'effort électoral libéral partait d'un pas hésitant, il a vite présenté les libéraux comme le parti de la « responsabilité fiscale » et de « compassion personnelle ». McGuinty a déclaré qu'en compressant sans réfléchir dans les soins de santé et l'éducation, les conservateurs ont mis en péril la position compétitive internationale de l'Ontario.

Des trois partis, c'est le NPD qui propose les plus petites augmentations d'investissements en santé et en éducation, bien que, il faut le reconnaître, il y a du vrai dans les déclarations des néo-démocrates selon lesquelles les promesses de leurs opposants sont basées sur des prévisions économiques utopiques « roses », pour ne pas dire qu'il s'agit en fait de mensonges éhontés. La principale feinte du NPD vers son passé réformiste est la promesse d'annuler les réductions d'impôts des conservateurs pour ceux dont le revenu est supérieur à 80 000 $, c'est-à-dire le 6 p. 100 des Ontariens les plus fortunés.

Alors que les libéraux s'attendent à bénéficier d'un effondrement du vote du NPD, Harris a à plusieurs reprise tenté d'aider ;a la campagne chancelante du NPD en contrastant favorablement Hampton, qu'il qualifie de « leader solide » par rapport à McGuinty.

En dernière analyse, le caractère âpre de la campagne électorale découle des tensions sociales croissantes produites par l'offensive toujours croissante du grand Capital contre la classe ouvrière. Certaines sections de la bourgeoisie, dont la vision est articulée par le quotidien Toronto Star proche des libéraux, craignent en effet que les conservateurs de Harris soient trop durs dans leur exaltation du marché et de l'argent et dans leur désir de se débarrasser des programmes et pratiques qui ont dans le passé été efficaces pour dissiper et adoucir le mécontentement social.

Plus précisément, ces sections du grand Capital croient que la bureaucratie syndicale a un rôle essentiel à jouer pour rendre l'Ontario « compétitive à l'échelle mondiale » en poliçant l'agitation ouvrière. D'autres sections du Capital craignent que toute temporisation de la guerre de classe affaiblira la position internationale du capital canadien et ne peut servir qu'à encourager l'émergence d'une contre-offensive de la classe ouvrière.

Voir aussi
Réélection des conservateurs en Ontario - Le gouvernement Harris va intensifier la lutte des classes 5 juin 1999



 

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