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La lutte entre Onex et Air Canada: les syndicats montent les travailleurs les uns contre les autres

Par Guy Leblanc
10 novembre 1999

C'est une lutte à finir que se livrent depuis des mois les deux géants des airs, l'Alliance Star, qui compte United Airlines, Lufthansa et Air Canada dans ses rangs, et One World dans lequel on trouve American Airlines, British Airways et Canadien International.

Le combat a pris un autre tour le 4 novembre lorsque Onex, qui bénéficie de l'appui d'American et de One World, a été forcée de retirer son offre d'acheter Air Canada et Canadien pour les fusionner, suite à un jugement de la Cour Supérieure du Québec qui a déclaré l'offre illégale en vertu de la loi sous laquelle Air Canada avait été privatisé à la fin des 1980.

Onex, qui possède des actions de Canadien, ne voulait pas en prendre le contrôle à moins qu'il puisse aussi acheter Air Canada. Toutefois, une loi fédérale interdit à tout actionnaire d'en posséder plus de 10% des actions votantes. Onex avait un temps espéré que son offre serait considérée légale, étant donné que divers gouvernements et comités parlementaires sont en train de réviser les politiques du transport aérien au Canada.

Le retrait de l'offre d'Onex est loin de résoudre la question de savoir qui maintenant réorganisera l'industrie du transport aérien au Canada, et profitera de l'élimination de 15% de sa main-d'oeuvre. Mais le corps à corps entre Air Canada et Onex a permis de jeter la lumière sur l'inaptitude des syndicats à offrir toute perspective aux travailleurs qui pourrait leur permettre de défendre leurs véritables intérêts de classe. Au contraire, le programme corporatiste de la bureaucratie syndicale, c'est-à-dire son insistance à subordonner les intérêts des travailleurs à la marge de profit de ceux qui les emploient, a miné la solidarité des travailleurs aériens et a empêché toute lutte commune contre la destruction des emplois dans l'industrie aérienne.

Au cours des semaines qui viennent de passer, les travailleurs chez Air Canada et Canadien se sont fait dire par les syndicats qu'il fallait serrer les rangs derrière un groupe d'investisseurs pour augmenter les chances que la plus grande partie des pertes d'emplois ait lieu chez le compétiteur.

Cette politique a atteint un nouveau sommet la semaine dernière, alors que Buzz Hargrove, le président des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA), donnait une conférence de presse conjointe avec Gerry Schwartz, le dirigeant d'Onex, pour annoncer que son syndicat appuyait l'offre d'Onex, ou plus exactement, celle de One World.

Depuis que la guerre de la fusion aérienne a atteint son paroxysme en août, Hargrove, que la presse décrit souvent comme un «militant», a de tous les principaux dirigeants syndicaux été celui qui a dit le plus clairement qu'il travaillerait en collaboration avec les investisseurs pour réorganiser et réduire les effectifs de l'industrie. Le président des TCA a répété à qui voulait l'entendre que son syndicat admettait qu'il y avait trop d'emplois dans l'industrie du transport aérien au Canada. Le rôle du syndicat, instita Hargrove, est d'aider à rationaliser l'industrie de façon disciplinée, en échange d'indemnités pour les travailleurs avec le plus d'ancienneté, et si possible, avec la garantie qu'il n'y aurait pas de congédiements.

L'appui qu'a donné Hargrove à l'offre d'Onex a été vu par la presse et les analystes financiers comme un bon coup de Schwartz qui pourrait faire pencher la balance de son côté lors du vote des actionnaires d'Air Canada devant avoir lieu quelques jours plus tard. Hargrove a déclaré qu'en échange de son appui, Onex avait donné la garantie écrite qu'il n'y aurait pas de congédiements pour deux ans. Cet accord n'était valable que pour les membres des TCA, pour qui les coupures d'emplois ne prendraient place qu'au moyen de démissions, de retraites, et de départs avec indemnisation.

Cette entente a immédiatement provoqué la colère des 5000 membres des TCA chez Air Canada. Les représentants des TCA chez Air Canada ont dénoncé Hargrove pour s'être entendu avec Onex sans discussion avec les membres et ont organisé des manifestations bruyantes en face des bureaux des TCA dans plusieurs villes canadiennes. Il est hors de tout doute que les manifestants ont bénéficié de l'appui d'Air Canada.

S'adressant à Hargrove, un agent de billet en charge d'une des manifestations lui aurait dit: «Vous couchez avec Gerry Schwartz, vous couchez avec (le ministre des transports du Canada, David) Collenette. Vous avez le plus beau ménage à trois [en français dans le texte] du pays. Mais vous n'avez pas eu le courage de venir nous voir avant.» Hargrove, pour toute réponse, s'est plaint de ce que «nous perdons notre pouvoir de négociation lorsque les membres s'opposent à leurs syndicats.» Des travailleurs d'Air Canada ont menacé de commencer une campagne contre pour se désaffilier des TCA.

Peu après, tous les syndicats chez Air Canada, hormis l'Association internationale des machinistes, ont tenu une conférence de presse conjointe pour dénoncer l'offre d'Onex. Il est significatif qu'une des raisons invoquées par les bureaucrates syndicaux pour expliquer pourquoi la fusion entre Air Canada et Canadien ne fonctionnerait pas est qu'il y avait trop de haine entre les travailleurs des deux compagnies aériennes. Cette haine entre travailleurs est la conséquence directe des politiques des syndicats qui encouragent les travailleurs à considérer que leurs intérêts et ceux de leur employeur sont les mêmes, et qui appuient leurs compagnies respectives dans la lutte pour les parts de marchés et les profits. «La fusion ne marchera pas», déclarait un représentant syndical des agents de la billetterie, Blaise Wojcik, parce que les travailleurs d'Air Canada ne voudront pas faire pour Schwartz les mêmes sacrifices qu'ils ont faits pour le président d'Air Canada, Robert Milton. «Nous le faisons pour M.Milton. Nous ne le ferons pas pour M.Schwartz.»

Hargrove a dit que la garantie de deux ans sur les emplois donnée par Schwartz justifiait son appui à l'offre d'Onex. Mais plusieurs travailleurs d'Air Canada étaient plutôt sceptiques. Au cours de la dernière décennie, les travailleurs aériens ont constamment dû réouvrir leur contrat pour accepter des coupures de salaires, des augmentations de leurs charges de travail et d'autres concessions. Plusieurs analystes financiers s'entendaient à dire que les garanties d'Onex étaient intenables. Selon certains, il faudrait éliminer 10000 emplois si l'industrie aérienne veut offrir un retour sur l'investissement «compétitif».

Les travailleurs d'Air Canada se sont opposés au plan de fusion d'Onex parce qu'ayant souvent moins d'ancienneté que ceux de Canadien, ils craignaient d'avoir à subir la majorité des pertes d'emplois. Air Canada, plus profitable que Canadien depuis dix ans, a embauché pour soutenir sa croissance alors que Canadien a plutôt imposé coupures d'emplois par-dessus coupures d'emplois.

Les travailleurs de Canadien, quant à eux, voyaient dans l'offre d'Onex la bouée de sauvetage qui pouvait les sauver du coulage à pic de Canadien International.


Voir aussi:
Les syndicats se plient à la réorganisation de l'industrie aéronautique au Canada 2 octobre 1999

 

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