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Menaces des États-Unis pour forcer l'intervention armée au Timor oriental

par Nick Beams
14 septembre 1999

Ce sont les menaces du président américain Bill Clinton « d'écraser » l'économie de l'Indonésie qui ont été le facteur décisif pour forcer le gouvernement Habibie à « inviter » les « forces de la paix » des Nations Unies au Timor oriental.

Ce n'est qu'après un intense lobbying du Premier ministre australien John Howard pour gagner le soutien des États-Unis à une intervention militaire menée par les Australiens que Clinton a lancé son avertissement.

Lors d'un discours qu'il a donné jeudi passé, Clinton a avertit l'Indonésie qu'elle subirait des conséquences économiques « extrêmement sévères » si elle « n'invitait [pas] la communauté internationale à l'aider à rétablir la sécurité. » « Ce serait vraiment dommage si l'économie indonésienne devait être écraser à cause de cela. Mais d'une façon ou l'autre, les conséquences économiques seront très dures pour eux. »

Les menaces de retirer les prêts internationaux de 50 milliards de dollars, consentis en vertu d'un programme du Fonds monétaire international, ont été suivies de pressions intenses de la part des militaires américains au cours de la fin de semaine. Les représentants américains ont dit que le commandement militaire, y compris le président de l'État-major unifié, Henry Shelton, a téléphoné au chef des Forces armées indonésiennes, le général Wiranto pour lui demander de donner son autorisation aux forces [internationales]. Auparavant, le ministre australien de la défense, John Moore, avait essayé de rejoindre Wiranto, mais ses appels n'ont pas été retournés.

Il est significatif que les grosses légumes américaines ne se sont pas encombrées de contacter Habibie, reconnaissant que sa présidence n'est rien d'autres que symbolique, et que le véritable pouvoir est en fait dans les mains des forces armées.

Après que des représentants du gouvernement Habibie aient indiqué que l'Indonésie pourrait s'objecter à ce que « certains pays » participent à la force de paix, préférant plutôt une force asiatique, Clinton a annoncé que l'Indonésie n'aurait aucun droit de veto sur la composition de la force, qui serait sous la direction de l'Australie.

Des pourparlers ont présentement lieu aux quartiers généraux de l'ONU à New York pour déterminer les règles qui régenteront la force onusienne, le ministre australien des affaires extérieures demandant avec insistance qu'elles soient « robustes ». Le ministre australien de la défense, John Moore, a déjà avertit qu'il faut s'attendre à des morts.

L'opération militaire que propose l'Australie, pour ce pays « la plus grande depuis le Vietnam », a été l'objet d'un lobbying intense par Howard avant et pendant le Sommet de la coopération économique du Pacifique asiatique qui au lieu à Auckland, Australie.

Les demandes de Howard pour un appui américain ont rencontré une certaine résistance de sections du Pentagone et du Département d'État, qui ont clairement dit que les meurtres en masse du Timor oriental n'affectaient pas les intérêts nationaux américains, et qu'une intervention pourrait déstabiliser le régime indonésien.

Face à cette résistance, le gouvernement australien a dû faire monter la mise, avertissant l'administration Clinton que l'alliance australo-américaine deviendrait plus tendue si Washington n'appuyait pas les demandes de Howard. Le soutien américain était vital non seulement pour obtenir « l'invitation » de Jakarta, mais aussi la participation d'autres nations.

Au total, douze pays ont déjà indiqué qu'ils joindraient la force, dont la Malaisie, la Thaïlande, les Philippines et Singapour. Les autres pays impliqués sont les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, le Canada, la France, la Grande-Bretagne, le Brésil et la Suède. L'implication de l'Australie comprendra au moins 4500 soldats sur une force en comptant jusqu'à 7000.

Quelques heures après l'annonce du gouvernement Habibie, les tensions faisaient surface entre les principales puissances au sujet de l'organisation de la force. Le gouvernement portugais a déclaré qu'il était prêt à prendre part à l'intervention dès « le premier jour » avec un contingent de plus de mille hommes.

Mais un représentant de l'autre ancienne puissance coloniale dans la région, les Pays-Bas, s'y est immédiatement opposé. Le commissaire hollandais aux affaires extérieures pour l'Europe, Han van den Broek, a dit que les troupes européennes ne devraient pas y aller. Préoccupé de conserver les liens entre les Pays-Bas et l'Indonésie, il a dit que « si vous connaissiez la fierté du peuple indonésien et le passé colonial du pays, alors vous sauriez pourquoi une force internationale doit être composée de troupes de la région et non d'une ancienne puissance coloniale »

Le but supposé de l'intervention est de mettre un terme au désastre humain provoqué par les forces armées indonésiennes et les milices appuyées par l'Indonésie depuis l'annonce le 4 septembre que 78,5% de la population avait appuyé l'indépendance lors du référendum organisé par l'ONU le 30 août.

Des sources du Timor oriental ont indiqué que des milliers de personnes ont peut-être été assassinées lors de la fin de semaine passée. Des centaines de milliers de personnes ont été évacuées de leurs habitations et forcées de trouver refuge au Timor occidental ou dans les montagnes, sans nourriture ou abri. Dili, la capitale du Timor oriental, qui comptait une population de 100,000 habitants, a été en très grande partie vidée, et les habitations pillées et brûlées.

Mais l'historique des évènements fait mentir le gouvernement australien, et les autres gouvernements, qui déclaraient être choqués par l'ampleur du carnage. Tout au cours des derniers mois, des porte-parole de la milice ont constamment averti « qu'une mer de feu » engloutirait le Timor oriental si la proposition d'autonomie élaborée par l'Indonésie était refusée.

En janvier dernier, suite à une question sur la possibilité d'une « guerre civile » au Timor oriental, Downer a déclaré : « Si vous croyez que la solution au Timor oriental est de tenir un référendum demain, tout ce que je peux dire... c'est que ça amenerait plutôt du sang que des solutions. »

Alors que se préparait le vote, le gouvernement australien a continuellement défendu les militaires indonésiens, déclarant qu'il n'appuyait pas les fiers-à-bras composant les soi-disant milices.

Lors de l'émission de télévision [australienne] Sunday du 7 mars, alors qu'on lui demandait si les Indonésiens armaient les milices, Downer avait répondu : « En autant que ça se passe, ce n'est certainement pas la politique officielle du gouvernement indonésien. Ce n'est certainement pas excuser par le général Wiranto. »

Toutefois, trois jours plus tôt, la propre agence de contre-espionnage du gouvernement australien faisait circuler l'information que l'armée indonésienne armait et organisait la milice.

Après la signature de l'accord intervenu entre l'ONU, le Portugal, « l'ancienne puissance colonisatrice du Timor oriental », et le gouvernement indonésien sur la tenue d'un référendum par l'ONU le 5 mai, les activités de la milice ont augmenté.

Le 8 juillet, un article paru dans Australian Financial Review laissait supposer que des rapports du service de renseignements transmis aux gouvernements de l'Australie et des États-Unis démontraient que les dirigeants de l'armée indonésienne, aussi bien que des ministres indonésiens étaient complices de la campagne de terreur au Timor oriental.

L'armée indonésienne a publiquement fait connaître ses buts. Le commandant de la TNI [ les forces armées indonésiennes] à Dili, le colonel Tono Suratman a dit lors de l'émission Sunday: « J'aimerais vous communiquer ce qui suis : Si les partisans de l'indépendance gagnaient... tout sera détruit. Et le Timor oriental ne sera pas comme vous le voyez aujourd'hui. Ce sera pire qu'il y a 23 ans. »

C'est cette menace qui est maintenant mise à exécution.

L'histoire montre clairement que loin d'intervenir pour mettre fin au désastre humanitaire, les principales puissances impérialistes, en particulier l'Australie, ont plutôt mis en uvre les politiques qui ont créé les conditions menant tout droit à une telle catastrophe. En d'autres termes, si elles avaient voulu consciemment créer les conditions qui « justifieraient » une intervention militaire, elles n'auraient pas fait autrement.

La campagne du gouvernement Howard pour une intervention militaire a été appuyée par une coalition politique sans précédent regroupant des représentants de tous les principaux partis, des Églises, et des défenseurs des droits de l'homme. Les opposants à la guerre du temps de la guerre au VietNam se sont particulièrement fait entendre, nous assurant que si à l'époque ils scandaient « Ramenons nos troupes », ils demandaient maintenant « Envoyons nos troupes ».

Le caractère frauduleux de cette campagne est le mieux montré lorsque que l'on se demande : Quand est-ce que le gouvernement australien a été le moindrement concerné par le sort du peuple du Timor oriental ? Il a appuyé l'invasion de 1975, a fermé les yeux sur l'assassinat de plus de 200 000 personnes qui ont eu lieu au cours des années 70 et au début des années 80, et développé sa collaboration avec les militaires indonésiens et les célèbres unités de Kopassus dans les années 90.

Ceux qui disent que le gouvernement a retourné sa veste parce qu'il s'est ému de la dernière tragédie ou bien s'illusionnent ou bien veulent consciemment tromper le public.

Le changement de politique du gouvernement australien, qui passe de l'appui pour que le Timor oriental soit intégré à l'Indonésie à l'intervention d'une force militaire pour établir un protectorat de l'ONU n'est pas un virage vers la défense des droits humains, mais la continuation, par d'autres moyens, de l'atteinte des objectifs qu'il poursuit depuis longtemps. En particulier, il vise à s'assurer l'accès au très lucratives réserves de pétroles et de gaz naturel au large des côtes du Timor. De plus, l'intervention au Timor oriental est le début de la croissance du militarisme australien à travers la région.

À peine 24 heures après que « l'invitation » de l'Indonésie ait été obtenue, Howard a indiqué que l'Australie augmenterait ses dépenses militaires dans les années qui viennent. La crise indonésienne, a-t-il déclaré, a montré « la grande instabilité de la région dans laquelle nous vivons. »

L'établissement de ce qui sera en fait un protectorat de l'ONU au Timor oriental n'amènera ni l'indépendance, ni la paix au peuple du Timor oriental, comme il ne les a pas amenées non plus aux peuples de Bosnie ou du Kosovo. Plutôt, il signifie la résurgence du colonialisme. Il est déjà prédit que les troupes resteront au Timor oriental pour au moins 10 ans.


 

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