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L'Alliance canadienne : le nouveau visage de la réaction politique

Par Guy Leblanc et Keith Jones
19 juillet 2000

L'Alliance canadienne, le nouveau parti de la droite né d'une transformation du Parti réformiste et auquel se sont joints des dissidents du Parti conservateur, a choisi Stockwell Day pour nouveau chef le 8 juillet dernier. Ayant obtenu 64 pour cent des 114.000 votes exprimés lors du second tour de scrutin, Day a nettement vaincu le fondateur du parti Preston Manning et lui succédera en tant que chef de l'Opposition officielle, une fois qu'il aura gagné un siège à la Chambre des Communes.

Ex-pasteur de l'Église de la Pentecôte et ancien membre du cabinet ministériel du gouvernement conservateur d'Alberta, Day a gagné la direction de l'Alliance en ralliant divers éléments politiques : la machine politique du premier ministre conservateur albertain Ralph Klein ; des réformistes opposés à la dissolution du parti au sein de l'Alliance ; un groupe d'anciens personnages influents du gouvernement conservateur fédéral de 1984-93 ; des sections de la grande entreprise qui ont bien peu d'estime pour l'actuel gouvernement fédéral libéral ; les franges de droite du mouvement séparatiste québécois ; et finalement mais non le moindre, la petite mais très organisée droite religieuse du Canada.

L'accueil enthousiate qu'a suscité l'élection de Day chez les médias officiels et de nombreux conseils d'administration à travers le Canada indiquent que des sections importantes de la classe dirigeante s'apprêtent à utiliser une Alliance dirigée par Day pour exiger encore plus énergiquement d'importantes diminutions d'impôt pour les biens nantis, ainsi qu'un nouvel assaut contre les services publics et les programmes sociaux.

À peine Day avait-il été choisi comme chef du parti que les médias annonçaient que l'échiquier politique canadien était fondamentalement modifié. Bien que l'Alliance n'ait aucun député ailleurs que dans une des quatre provinces de l'Ouest canadien et que tous les sondages, sauf un, n'aient jamais mesuré un appui populaire à l'échelle nationale qui atteignait les 20 pour cent pour ce parti, l'Alliance est présentée par les médias comme la seule alternative crédible au gouvernement libéral fédéral actuel. Tout le brouhaha médiatique qui cherche à présenter l'arrivée Day comme un vent de fraîcheur politique n'a qu'un seul but : empêcher toute analyse sérieuse de la politique que son parti et lui-même prônent.

L'Alliance a déjà choisi de centrer sa prochaine campagne électorale sur le remplacement du système actuel d'impôt progressif sur le revenu par une taxe à taux unique, un projet politique que les républicains américains eux-mêmes ont dû mettre de côté tant il était manifestement en faveur des riches. Selon l'Alliance elle-même, si son plan d'une taxe unique de 17 pour cent venait à être adopté, une personne gagnant 100 000 $ par année verrait son revenu net augmenter de plus de 10 000 $, alors que ceux qui gagnent 20 000 $ auraient environ 900 $ de plus par année. (Environ 40 pour cent de la population canadienne gagnent moins de 20 000 $ par année). L'Alliance se vante de ce que ses politiques offrent un généreux cadeau à la minorité la plus aisée. On peut lire sur le site web du parti que « Nous n'avons pas d'excuses à donner pour vouloir créer un système de taxation qui est pro-Canada, pro-famille, pro-croissance et pro-emplois. »

Fait tout aussi important, la taxe unique de l'Alliance entraînerait une forte baisse des revenus du gouvernement ce qui demanderait de nouvelles et draconiennes compressions budgétaires. Inutile de préciser que l'Alliance s'est montrée plutôt évasive lorsqu'il s'agissait d'expliquer comment elle comptait à la fois réduire les taxes d'un montant estimé à 20 milliards par année (l'équivalent de plus de 15 pour cent des dépenses gouvernementales) et respecter ses promesses d'équilibrer le budget et d'accélérer le paiement de la dette nationale. Mais Day s'est engagé à éliminer tous les programmes de création d'emplois et de développement régional.

Au nom d'un retour à la constitution de 1867, le nouveau chef de l'Alliance préconise également un transfert massif de responsabilités du fédéral vers les provinces. Un tel transfert remettrait en question l'existence de nombreux programmes sociaux et services publics vitaux pour la population, étant donné que les provinces plus pauvres n'ont pas les moyens de les financer elles-mêmes.

Parmi les autres éléments du programme mis de l'avant par Day, on retrouve : une augmentation immédiate de 20 pour cent des budgets militaires ; la participation du Canada au programme du bouclier nucléaire des États-Unis, souvent appelé « guerre des étoiles » ; des condamnations plus sévères pour les criminels ; le jugement de jeunes de 16 et 17 ans devant des tribunaux pour adultes ; l'envoi de jeunes contrevenants dans des « camps de travail » ; l'abolition de la loi des libéraux sur l'enregistrement des armes à feu ; et la levée pour les réfugiés et futurs immigrants de la protection qui leur est présentement accordée selon la Charte canadienne des droits et libertés.

Durant sa campagne, Day a ouvertement courtisé la droite religieuse, en affirmant son opposition à l'avortement et à l'octroi de droits égaux aux homosexuels, et a promis le soutien financier du fédéral aux écoles religieuses. Comme Manning, Day s'est également engagé à passer une loi autorisant des référendums contraignants « à l'initiative des citoyens », dans le but évident de fournir aux opposants à l'avortement et aux partisans de la peine capitale un mécanisme pour fouler aux pieds les droits démocratiques fondamentaux.

Durant la course à la direction de l'Alliance, Day avait été critiqué par les médias, y compris le National Post, grand supporteur de l'Alliance, pour avoir trop mis l'accent sur son conservatisme social. Mais la surexcitation produite dans le milieu des affaires et les cercles politiques canadiens par la victoire de Day indique que la grande entreprise est prête à tolérer les idées fondamentalistes réactionnaires de ce dernier s'il peut former un gouvernement qui pourra mener à bien leurs demandes pour une intensification importante de l'assaut contre la classe ouvrière.

Selon le National Post de Conrad Black, Day a déjà reçu la promesse de dirigeants clés du monde des affaires qu'ils donneraient un dollar à l'Alliance pour chaque dollar qu'ils donneraient aux libéraux. Le premier ministre albertain s'est publiquement interrogé sur la possibilité de transformer son Parti conservateur, intimement lié à l'industrie du pétrole et du gaz naturel, pour qu'il devienne le premier parti provincial de l'Alliance. (Même s'ils sont traditionnellement près de leur contre-partie fédérale, les Partis libéraux et les Partis conservateurs provinciaux en sont autonomes.) Day a même reçu son sceau d'approbation du Wall Street Journal, qui intitulait son éditorial du 17 juillet « Un vent rafraîchissant du nord ».

Ce qui motive l'intérêt envers Day, c'est la croissance de l'insatisfaction de la grande entreprise envers les deux partis traditionnels au pouvoir, les libéraux et les conservateurs. Le monde des affaires canadien a applaudi les libéraux de Chrétien pour avoir au cours de son premier mandat de 1993 à 1997, imposé des compressions de dépenses sociales bien plus importantes que ce à quoi rêvaient les conservateurs de Mulroney, et pour avoir adopté plusieurs politiques des conservateurs qu'ils avaient dénoncées alors qu'ils étaient dans l'opposition. L'accord du libre-échange et la taxe sur les produits et services, la TPS, en sont les deux exemples les plus remarquables. Mais la grande entreprise est enragée du fait que depuis qu'ils sont arrivés à l'équilibre budgétaire, les libéraux ont laissé tomber toute agressivité pour diminuer les impôts sur les profits et les revenus personnels ou pour relâcher les contraintes des lois sur l'environnement et les normes du travail.

Les conservateurs, au même moment, sont de moins en moins perçus par de grandes sections de la grande entreprise comme une alternative acceptable, et pas seulement parce qu'ils sont arrivés cinquième dans les élections de 1993 et 1997 et ont recyclé un ancien dirigeant du parti des années 1970. Au grand dam de l'élite entrepreneuriale du Canada, les Conservateurs de Joe Clark ont cherché à se faire du capital politique en faisant appel à la colère de la population devant les compressions budgétaires des libéraux. L'appui vacillant de la grande entreprise aux conservateurs explique l'état financier du parti. Alors que les élections sont prévues pour l'automne ou le printemps prochain, les conservateurs sont grevés d'un déficit de 7.4 millions de dollars.

Quant à Day, il est vu par plusieurs sections de la grande entreprise comme quelqu'un qui a fait ses preuves. Comme Trésorier en Alberta, Day a implanté en Alberta le premier système de taxation à taux unique en Amérique du Nord.

Du Parti réformiste à l'Alliance canadienne

Preston Manning fut celui qui dirigea la transformation du Parti réformiste en l'Alliance canadienne, ce qu'il entreprit avec l'espoir de repositionner son parti pour qu'il réponde mieux aux attentes de la grande entreprise, et puisse ainsi bénéficier de l'insatisfaction grandissante envers les libéraux et les conservateurs. Ce n'est pas que le monde des affaires canadien trouvait à redire au sujet de la politique économique et fiscale du Parti réformiste. En réalité, la percée électorale des réformistes en 1993 fut en grand partie le fait qu'il ait gagné le soutien de la grande entreprise en se faisant le plus grand défenseur de la nécessité de comprimer les budgets sociaux de façon importante.

Mais la grande entreprise, plus spécialement celle des centres que sont Toronto et Montréal, fut toujours sceptique face aux prétentions populistes anti-establishment des réformistes. Le chauvinisme anti-québécois du Parti réformiste était vu comme un risque potentiel trop sérieux pour l'État fédéral, alors que ses appels pour donner plus d'importance à l'Ouest canadien dans la détermination des politiques nationales entraient en collision frontale avec les intérêts économiques du monde financier de Bay Street et de la rue St-Jacques. Beaucoup au sein de la grande entreprise craignaient aussi que le conservatisme social revanchard des réformistes ne galvanise l'opposition populaire, et vienne compromettre l'assaut contre la classe ouvrière.

Avec la création de l'Alliance, Manning en profitait pour laisser tomber plusieurs des politiques les plus litigieuses du Parti réformiste, comme le Sénat avec représentation égale pour toutes les provinces et l'abrogation de la loi pour le bilinguisme officiel. Il chercha aussi à mettre l'accent sur le « conservatisme fiscal » (expression qui désigne un ensemble de politiques de diminutions des impôts, de compressions budgétaires, de privatisations et de déréglementations) plutôt que sur l'avortement ou autres dadas de la droite religieuse. En cela, Manning prennait comme modèles les gouvernement conservateurs de droite de l'Ontario et de l'Alberta, qui au nom de « la liberté de l'individu » ont éliminé des services publics, diminué les impôts pour les biens nantis, attaqué les droits syndicaux et imposé le travail obligatoire.

Mais en préférant Day à Manning, les membres de l'Alliance ont donné les rênes du nouveau parti à un homme qui est, selon les mots mêmes du chroniqueur du Globe and Mail Jeffrey Simpson, « plus réformiste que Manning ». Day est au moins aussi à droite que Manning sur l'ensemble des questions politiques. Au cours de ces dernières années, il a pu donner une importance accrue aux valeurs de la droite religieuse. Il a obtenu l'appui de chacun des 17 députés du Parti réformiste qui s'étaient opposés à la dissolution du parti en l'Alliance. À quelques exceptions près, les défenseurs du Parti réformiste faisaient partie de l'aile la plus conservatrice, et voyaient la création de l'Alliance et l'abandon de politiques comme l'opposition aux droits linguistiques des francophones comme une trahison des ses « racines de l'ouest ».

Day a commencé sa carrière politique vers les années 1985 comme porte-parole d'un groupe d'écoles religieuses qui ne voulaient pas se soumettre à la réglementation provinciale sur l'éducation. En se lançant dans la course à la direction de l'Alliance, il s'est tourné vers ses vieux supporteurs politiques, critiquant Manning pour tenter de cacher ses « valeurs familiales ». Des milliers d'activistes religieux, que Day avait gagnés à sa cause en leur promettant un financement fédéral des écoles religieuses, ont joint le parti en début de campagne. Lorsque des groupes antiavortement qui appuyaient Day ont critiqué un de ses adversaires pour avoir des homosexuels notoires dans son équipe électorale, Day a refusé de répudier leur appui.

Depuis quelques semaines, Day a choisi d'imiter Manning et d'adopter une ambiguïté étudiée sur la question de l'avortement et les autres questions du même type, en déclarant que s'il croyait fermement en un système de valeurs religieuses, il ne les imposerait à personne. Pourtant, son histoire politique récente prouve le contraire. En tant que membre du Cabinet en Alberta, Day a fait pression pour que le gouvernement conservateur provincial ne considère plus les avortements comme couverts par l'assurance santé et a insisté pour utiliser la tristement célèbre clause constitutionnelle « nonobstant » afin que l'Alberta n'ait pas à se soumettre à un jugement de la Cour suprême qui forçait le gouvernement à donner des droits civils aux homosexuels.

Sur les questions constitutionnelles, Day a pris une position moins conflictuelle vis-à-vis du Québec et des nationalistes québécois. Au cours de la course à la direction, il a critiqué Manning pour avoir défendu une publicité du parti au cours des élections de 1997 qui avait fait des vagues à l'époque. Les réformistes demandaient aux électeurs de rejeter les deux partis traditionnels parce qu'ils étaient dirigés par des Québécois. Bien que selon le programme de Day toutes les provinces auraient formellement les mêmes pouvoirs, la décentralisation est depuis longtemps défendue par l'élite économique et politique de l'Ouest canadien comme une façon de diminuer le pouvoir de leurs rivaux du Canada central, plus populeux.

La réaction et l'évaporation de l'appui aux politiques officielles

C'est une indication de l'importance du virage à droite de l'establishment politique et financier au Canada qu'après avoir refusé si longtemps d'offrir à Manning la respectabilité politique, il accueille maintenant Day à bras ouverts et qu'à tout le moins il se demande si une Alliance menée par Day ne pourrait pas diriger le Canada. C'est aussi une indication de l'importance qu'accorde la grande entreprise à un changement radical de politique au gouvernement, car la jeune Alliance est très certainement une formation politique hétérogène, potentiellement volatile et qui n'a pas encore fait ses preuves.

Lors des derniers jours de la campagne électorale, Manning et ses principaux conseillers, parmi lesquels il faut compter la plupart des leaders de l'ancien Parti réformiste, ont constamment répété qu'une victoire de Day menacerait l'alliance entre les soi-disant conservateurs fiscaux et sociaux. Manning s'est depuis rallié à Day, mais la tension interne au sein du parti, elle, demeure. L'Alliance est sujet à d'énormes tensions entre les supporteurs de la grande entreprise et des classes moyennes supérieures urbaines d'un côté, et la base électorale petite-bourgeoise des réformistes de l'autre. Ces derniers ont été gagnés au Parti réformiste par un populisme qui combinait la stigmatisation du pauvre, des minorités et des autres groupes vulnérables avec la prétention de défendre les petits contre les élites.

Déjà, les inquiétudes gagnent l'Alliance quant au rôle que joue un groupe d'anciens ministres de Mulroney, la plupart étant d'importants hommes d'affaires aujourd'hui. Les liens de Tom Long avec Mulroney et Bay Street comptent pour beaucoup dans la désaffection qu'il a connue dans la course à la direction. Sa campagne n'a jamais levé, et fut achevée par des révélations qu'il utilisait son « budget de guerre » de quatre millions pour acheter de fausses cartes d'adhésions au parti. Les conservateurs fiscaux avoués, c'est-à-dire des idéologues du capitalisme pro-marché, s'inquiètent de ce que la droite religieuse ait une oreille trop attentive avec Day, tout autant à cause de ses croyances fondamentalistes que de sa dette politique. Ils craignent que l'Alliance ne devienne comme le Parti républicain, et tombe sous la coupe de fanatiques religieux, ce qui lierait le programme de la grande entreprise aux mains d'une minorité fanatique et volatile.

L'attention accordée au rôle de la droite religieuse a contribué à passer sous silence une question qui deviendra selon toute vraisemblance beaucoup plus importante pour déterminer si l'Alliance sera le champion de la grande entreprise lors de la prochaine élection fédérale : l'appel de Day pour « une réforme de la confédération qui reconnaîtrait la souveraineté des provinces ». Alors que certaines sections de la grande entreprise voient ce transfert de pouvoir sur les questions sociales aux provinces comme une façon pratique pour démanteler les programmes sociaux, d'autres s'inquiètent de l'impact que pourrait avoir l'affaiblissement de l'État central. Dans les derniers jours de la campagne à la direction, le chroniqueur du National Post, Andrew Coyne, a demandé aux membres de l'Alliance de bien peser les conséquences de leur décision avant d'appuyer Day. « Il ne s'agit pas que de conservatisme social. De tous les candidats à la direction de l'Alliance, il fut celui qui le plus prôné une réduction du pouvoir fédéral en faveur des provinces... le fédéralisme « rééquilibré » de Manning est bien plus modéré ».

Finalement, il y a aussi la question du Québec. La crainte est grande qu'une victoire de l'Alliance renforce le mouvement séparatiste québécois, et pas seulement parce que tout transfert des pouvoirs d'Ottawa serait accueilli par les nationalistes québécois comme un pas vers l'indépendance. Pratiquement, il est impensable que l'Alliance, avec ses racines anglo-chauvines et son minuscule membership au Québec, puisse gagner un seul des 75 sièges du Québec lors des prochaines élections. Puisque que le Québec compte près du quart des députés en Chambre, il est très probable que l'Alliance doive compter au moins sur l'appui tacite de l'indépendantiste Bloc québécois pour évincer les libéraux et former le prochain gouvernement. Si, bien que cela soit improbable, l'Alliance réussissait à obtenir une majorité avec seulement des députés du Canada anglais, les séparatistes ne manqueraient pas de crier à l'exclusion du Québec des corridors du pouvoir pour faire valoir la cause indépendantiste.

L'Alliance représente une menace sérieuse pour la classe ouvrière. Un gouvernement formé par ce parti renforcerait la mainmise de l'entreprise sur la vie économique et sociale, irait encore plus loin dans le démantèlement des programmes sociaux et du service public, remettrait en question plusieurs droits démocratiques et accroîtrait l'appareil de répression de l'État. Il ne fait aucun doute que les libéraux voudront exploiter la crainte de la population envers l'Alliance en utilisant sa plateforme électorale comme faire-valoir pour mieux faire oublier leur propre rôle comme représentants de la grande entreprise. En vérité, les libéraux ont souvent adopté les politiques des réformistes/alliancistes. Pour n'en donner que l'exemple le plus important, en 1993 (on dirait presque il y a un siècle), les libéraux avaient gagné les élections avec le slogan « Des jobs, des jobs, des jobs », la question de l'emploi étant pour les électeurs la plus importante. Mais aussitôt au pouvoir, ils ont repris à leur compte le credo des réformistes que la question la plus brûlante était la question du déficit, et, au nom de son élimination, ont lancé une série de compressions budgétaires.

Si l'Alliance, naguère les réformistes, et des forces encore plus négligeables comme la droite religieuse peuvent avoir une telle influence sur la politique canadienne, ce n'est pas à cause d'une force intrinsèque. L'Alliance est minée par les contradictions et les tensions, et sa base sociale est bien étroite. Moins de 115 000 personnes, sur les 30 millions que compte le pays, ont participé au vote qui a désigné Day comme chef de l'Opposition officielle. Day lui-même n'a pas eu plus de 75 000 voix.

Au cours de la dernière décennie, la droite a en grande partie profité d'un vide politique. Elle a pu profiter de la confusion et de la désorientation causées par l'effondrement de toute opposition à la grande entreprise par les organisations que les travailleurs avaient traditionnellement fini par considérer comme défendant leurs droits : les syndicats et les sociaux-démocrates du Nouveau parti démocratique.

Il n'est pas possible de s'opposer au virage à droite de la politique officielle en appuyant tel ou tel autre parti de la classe dirigeante parce qu'il serait « un moindre mal ». Il ne mènera à rien d'essayer de ressusciter le libéralisme ou le réformisme des sociaux-démocrates. Plutôt, le fait que l'Alliance puisse devenir un prétendant sérieux au pouvoir souligne l'urgence que la classe ouvrière construise son propre parti pour mettre de l'avant le programme de la réorganisation radicale de la vie économique pour les intérêts de la vaste majorité.

Voir aussi :
Le Parti réformiste change de nom pour devenir l'Alliance canadienne; Un remaniement dans le but de gagner la grande entreprise 27 avril  2000

 

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