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Le principal problème des manifestants à Washington

L'absence de perspective politique menace le mouvement d'opposition au FMI et à la Banque mondiale

Par le comité de rédaction
Le 15 avril 2000

Au cours des six derniers mois, un important mouvement de protestation est apparu contre les inégalités et les injustices produites par le capitalisme mondial. Fin novembre, début décembre, des milliers de personnes manifestaient contre l'Organisation mondiale du commerce à Seattle. Une semaine de manifestation est maintenant en cours à Washington contre le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, les points forts prévus étant un rassemblement le dimanche 16 avril et l'obstruction à deux rencontres des institutions le 17. Avant même que les principaux événements ne se déroulent, une dure vérité doit être dite : l'absence de perspective politique de ce mouvement de protestation le rend vulnérable à la manipulation par les forces mêmes qui représentent le système qui suscite la colère de milliers d'opposants.

Les premières activités survenues cette semaine avaient une allure très « respectable » et même droitiste. Le 9 avril dernier, l'inoffensif « Jubilee 2000/USA » appelait les nations riches à faire preuve de « charité chrétienne » en annulant la dette des nations les plus pauvres qui s'élève à plusieurs milliards de dollars. Sur leur site Web, les organisateurs de cette campagne « applaudissent » le Congrès américain pour ses efforts en matière de soulagement de la dette, soit l'octroi d'un misérable 110 millions $ consacré à l'annulation de la dette. En contrepartie, Bill Clinton a louangé l'« extraordinaire effort populaire pour réduire la dette des pays les plus pauvres de la planète ».

Les deux rassemblements organisés par l'AFL-CIO le 12 avril contre la normalisation des relations commerciales avec la Chine ont été dominés par le chauvinisme et l'anticommunisme. La bureaucratie du syndicat des Teamsters de James Hoffa a invité l'ultradroitiste Patrick Buchanan à prendre la parole pour haranguer les manifestants avec sa démagogie nationaliste et belliqueuse. Lors du principal rassemblement de l'AFL-CIO auquel Hoffa a également pris la parole, George Becker des Métallurgistes unis d'Amérique a repris le même type de propos que Buchanan.

Parmi les protestataires à Washington, certains tentent sincèrement de rejoindre la classe ouvrière et considèrent les syndicats actuels comme de véritables organisations ouvrières. Or, rien n'est plus faux. L'AFL-CIO est un appareil bureaucratique qui impose un carcan aux travailleurs américains. La direction de cette centrale syndicale est constituée d'une couche sociale privilégiée dont les intérêts sont hostiles à ceux des membres de la base et des masses non syndiquées. Le fait qu'un représentant des United Students Against Sweatshops (Union des étudiants contre les conditions de travail de misère) ait pris la parole au rassemblement nationaliste et droitiste de l'AFL-CIO ne fait que souligner le danger réel que ce mouvement puisse être récupéré par les ennemis du changement social avant même de prendre son envol.

Le FMI et la Banque mondiale sont des cibles tout à fait légitimes contre lesquelles exprimer sa colère et ses protestations. Représentant des banques et des institutions financières les plus puissantes de la planète, le FMI intervient, pays après pays, pour imposer diverses « réformes structurelles » telles que les privatisations, les compressions dans les dépenses gouvernementales et l'élimination des barrières à la propriété étrangère, pour assurer la domination du marché financier mondial.

Pour les vastes masses d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine, d'Europe de l'Est et de l'ex-Union Soviétique, les résultats des politiques du FMI et de la Banque mondiale ont été désastreuses. Des centaines de millions de personnes vivent maintenant dans la pauvreté la plus absolue et leur nombre ne cesse de croître. Le sida affecte une personne sur quatre dans certains pays africains. De nombreuses autres maladies ne sont pas traitées faute de fonds suffisants pour assurer des soins de santé et des traitements. Le FMI et de la Banque mondiale ont également contribué matériellement au développement des tensions sociales et des conflits intercommunaux et fratricides sanglants.

Les défenseurs du statu quo estiment que le système économique mondial actuel constitue la meilleure garantie pour la prospérité. Oui mais pour qui ? L'écart entre les riches et les pauvres n'a cessé de croître au cours des 50 dernières années. La richesse des 475 milliardaires de la planète est égale au revenu annuel de plus de 50 % de la population mondiale, soit trois milliards de personnes subsistant avec moins de 2 $ par jour.

Les pays pauvres de l'Afrique sud-saharienne doivent actuellement plus de 200 milliards $ en dette étrangère, soit trois fois plus que leurs recettes annuelles d'exportation. Clinton, le premier ministre britannique Tony Blair et d'autres politiciens bourgeois se disent favorables au « soulagement de la dette », des prétentions qui suscitent le plus grand scepticisme. La proposition d'annuler 28 milliards $ de la dette des pays les plus pauvres n'est qu'une immense fraude. D'abord, la majeure partie de cette dette ne pouvait être payée de toute façon. Ensuite, même avec ce modeste soulagement, les pays pauvres vont continuer de consacrer encore plus d'argent pour couvrir leurs intérêts et effectuer leurs paiements aux banques et aux institutions financières internationales qu'ils ne peuvent en dépenser en santé et en éducation.

Devant l'état du monde, une jeune personne intègre ne peut être autrement que scandalisée ? Et non seulement pour ce qui se passe « ailleurs dans le monde », mais même aux États-Unis avec les inégalités sociales criantes, la corruption politique et morale, la vénération de la richesse et la cruauté officialisées. Ce qui emballe les éditorialistes du Wall Street Journal, le boum du marché boursier qui progresse « à un rythme quasi incompréhensible » ne peut provoquer qu'une réaction d'adversité chez quiconque se préoccupe du sort de la société américaine.

Quel genre de mouvement construire ?

Après avoir réalisé combien les conditions actuelles sont intolérables et la nécessité d'agir, la grande question reste à savoir sur quelle base et selon quelle orientation politique doit-on construire un mouvement de protestation ?

Est-il possible d'organiser une campagne sincère contre le FMI et la Banque mondiale sans se pencher sur la société dont ces institutions sont issues et sur les intérêts qu'elles représentent ? Apparemment, les organisateurs des manifestations et les divers experts et groupes politiques « de gauche » auxquels ils appartiennent aimeraient bien nous le faire croire.

Selon Mobilization for Global Justice (Mobilisation pour la justice dans le Monde), le but des démonstrations est de « faire pression sur les institutions pour qu'elles suspendent immédiatement les politiques qui ravagent l'environnement mondial, institutionnalisent la pauvreté et perpétuent la misère parmi les plus pauvres ». Le réseau 50 Years is Enough Network (50 ans c'est assez !) maintient que « l'existence, la structure et les politiques futures des institutions internationales tels le Groupe de la Banque mondiale et le FMI doivent être déterminés par le biais d'un processus démocratique, participatif et transparent ».

Tout opposant sérieux au FMI et à la Banque mondiale doit d'abord identifier les fondements sociaux et économiques de ces institutions et déterminer ce à quoi il ou elle s'oppose. Le FMI et la Banque mondiale sont deux des principaux organismes par lesquels le système économique actuel régularise ses affaires depuis 1944. Ces outils sont entre les mains des intérêts financiers et politiques, banquiers, chefs d'entreprises et d'État les plus puissants, bref du groupe social qui, plus que tous les autres, détermine le destin économique de millions de personnes.

Prétendre que le FMI et la Banque mondiale peuvent être transformés en instruments de la volonté démocratique et populaire, c'est encourager les pires illusions. Or, c'est justement cette orientation générale qui découle des positions politiques réformistes prônées par les organisateurs. Dans les documents qu'ils ont préparés pour les manifestations, la pauvreté et la misère sociale ne sont attribuées qu'aux seuls FMI et Banque mondiale, ce qui est leur donner plus de « crédit » qu'elles n'en méritent. Loin d'être des espèces de forces surnaturelles qui planent au dessus de l'économie mondiale, ces institutions sont « l'interface » entre le grand Capital et les sections les plus pauvres et les plus vulnérables de la population mondiale.

Les organisateurs des manifestations ne font que très peu mention des conditions dans lesquelles vivent les travailleurs aux États-Unis : destruction des emplois décemment payés, baisse du niveau de vie, écart entre les riches et le reste de la population, progression de l'insécurité économique, de la pauvreté, de la misère et de l'itinérance. Et il y a des raisons bien précises pour cela. Leur stratégie est en effet de faire pression sur le Congrès et la Maison Blanche. Or, il existe des liens étroits entre les organisateurs et le Parti démocrate. Après avoir flatté les participants du « jubilé » du dimanche précédent, Clinton serait bien prêt, si les circonstances l'exigeaient, à louanger le rassemblement du dimanche suivant de la même façon. Un président démocrate est bien prêt en effet à « partager la souffrance » des populations du Tiers Monde, quand bien même que son administration, en partenariat avec les républicains, poursuit des politiques ­ compressions budgétaires, destruction des programmes sociaux, attaques contre les droits démocratiques ­ directement aux dépens de la classe ouvrière et des pauvres, en plus de présider à une croissance sans précédent des inégalités sociales dans les temps modernes. Tant et aussi longtemps que la direction du mouvement d'opposition au FMI et à la Banque mondiale restera entre les mains des organisateurs petits-bourgeois de diverses tendances, il restera ouvert à la manipulation, y compris dans des buts réactionnaires.

Une section de l'élite dirigeante offre son soutien à ce mouvement car elle y voit l'occasion de coller une étiquette « humaniste » et « écologiste » aux activités des entreprises américaines par rapport à celles de leurs rivaux d'Europe et d'Asie, et ainsi augmenter sa compétitivité face à ces derniers et poursuivre plus facilement son exploitation des peuples du Monde.

La mondialisation et le capitalisme mondial

Il ne peut y avoir de retour en arrière aux jours, grandement mythifiés, de l'« économie nationale isolée ». Mais plusieurs opposants sincères au système économique actuel nourrissent également une vision irréfléchie de la « mondialisation » et du « capitalisme mondial ». Ils confondent en effet le caractère international de la production sous le capitalisme, qui est synonyme d'exploitation accrue et de détérioration des conditions de vie pour les travailleurs dans le monde entier, avec la tendance progressive objective représentée par la pénétration de la vie économique sur toute la surface du globe qui est accentuée par les percées technologiques et le développement des transports.

Diverses forces politiques, dont Ralph Nader, candidat des Verts à la présidence des États-Unis, mettent de l'avant le slogan de restaurer le pouvoir de l'État national pour pouvoir l'opposer aux organisations internationales que sont l'OMC, le FMI et la Banque mondiale. La « souveraineté nationale » est un objectif utopique et réactionnaire. Objectivement, l'économie mondiale a rendu les frontières nationales désuètes. Ces dernières constituent en effet un frein aux déplacement des ressources techniques, culturelles et productives de l'humanité. La mondialisation comme telle recèle en son sein le potentiel d'une société capable de satisfaire tous les besoins matériels et immatériels. La question est de savoir qui doit contrôler et orienter cette immense et complexe économie mondiale : l'élite richissime ou les grandes masses de la population ?

Ceux qui veulent lutter contre le capitalisme mondial pour créer une société avec des priorités et des valeurs tout à fait différentes de celles qui prévalent doivent se tourner vers la seule force de la société actuelle en mesure de réorganiser la vie économique et politique de façon progressiste : la classe ouvrière internationale.

Intégrée mondialement, l'économie apporte également une vaste augmentation de la taille et de la force objective de la classe ouvrière. Dans des pays où, il n'y a pas si longtemps encore, n'existait que de grandes sociétés agraires, la paysannerie constituant la majorité écrasante de la population, il y a maintenant des dizaines de millions de travailleurs dans les usines, les mines et les bureaux. À maintes reprises déjà, les travailleurs de ces pays récemment industrialisés tels l'Indonésie et la Corée du Sud, ont démontré leur volonté de lutte, et bien souvent contre les privatisations et les mesures imposées par le FMI.

Aucun des problèmes soulevés cette semaine à Washington par les protestataires ­ la détérioration des conditions de vie et de travail des vastes masses de la population, les attaques contre les droits démocratiques, la pollution de l'environnement ­ ne peut être stoppé, encore moins résolu, sans la construction d'un mouvement anticapitaliste armé d'une conscience politique et profondément enraciné au sein du peuple travailleur international.

Le XXe siècle a posé le problème de l'élimination de l'injustice, de l'inégalité et de l'exploitation. La Révolution russe a été la première tentative opiniâtre de créer une société libre de tous ces maux. Cette tentative a certes échoué, une bureaucratie contre-révolutionnaire ­ le stalinisme ­ ayant réussi a usurper le pouvoir et à finalement restaurer le capitalisme. Mais le besoin objectif d'abolir le système de profit et d'organiser la vie sociale selon un principe supérieur, l'internationalisme socialiste, subsiste toujours.

Pour poursuivre cette lutte, la classe ouvrière doit avant tout établir son indépendance politique. Aux États-Unis, elle doit se détourner des démocrates et des républicains et ne plus nourrir d'illusions à l'égard de Buchanan, du Reform Party, de Nader et des Verts. Il ne pourra y avoir de mouvement anticapitaliste important tant et aussi longtemps que la classe ouvrière restera liée de quelque façon que ce soit aux basques des représentants politiques de la grande bourgeoisie. Nous demandons aux travailleurs et aux jeunes d'étudier le programme et les perspectives du Parti de l'égalité socialiste, l'alternative socialiste révolutionnaire aux partis bourgeois.

Tant parmi les manifestants que dans l'ensemble de la population, l'énergie politique ne manque pas. Pas plus que l'indignation et la détermination à lutter contre le système actuel. Ces qualités doivent être combinées aux connaissances historiques et politiques qui constituent les outils essentiels de toute lutte sociale victorieuse. Nous invitons tous les participants et tous ceux qui se sentent concernés par les questions que nous soulevons à lire le World Socialist Web Site, à apporter leur contribution et à participer au débat politique qui permettra d'organiser un vaste mouvement socialiste.

Voir aussi:

L'échec des pourparlers à l'OMC : la signification pour le capitalisme mondial 22 décembre 1999

Des milliers de personnes manifestent lors de la réunion de l'Organisation Mondiale du Commerce de Seattle
Principes politiques premiers pour un mouvement contre le capitalisme global
6 décembre 1999

 

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