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Le gouvernement canadien embrasse la campagne anti-taxes de la grande entreprise

Par François Legras
Le 1er février 2000

Le gouvernement Libéral du Canada a indiqué à plusieurs occasions qu'il avait compris le message de la grande bourgeoisie à l'effet qu'il devait, sous la bannière de la baisse des taxes, lancer un nouvel assaut contre la classe ouvrière.

Dernièrement, le comité des finances, composé de députés du parlement et à majorité libérale, a livré ses recommandations budgétaires au ministre des finances Paul Martin, selon lesquelles, le gouvernement de Chrétien devrait faire des coupures de taxes le principal objectif de son prochain budget. Par le passé, le ministre Martin a suivi de près ces recommandations dans l'élaboration de ses politiques budgétaires.

C'est essentiellement ce que le ministre avait déclaré lors de sa présentation de la mise à jour économique, le 2 novembre dernier, durant laquelle il annonçait un surplus budgétaire projeté sur les 5 prochaines années, de 95 milliards de dollars et la mise en place d'un plan quinquennal de réduction des impôts. Ce plan devrait faire partie de son prochain budget.

Martin laissait savoir qu'il ne se sentait plus lié, après le présent mandat, par la promesse de son parti de réinvestir 50% des surplus dans de nouveaux programmes sociaux. Quant à l'«accumulation» des déficits et la «multiplication» des programmes gouvernementaux, «c'est une époque à ne jamais revivre», a déclaré le ministre. Ce qui était clairement un avis à l'effet qu'il n'y aurait pas de restauration des fonds coupés sur les programmes sociaux et pas de remise en question des résultats obtenus par les coupures.

Ce changement, annoncé par Paul Martin, vu par plusieurs comme le successeur le plus probable à la tête du parti libéral, annonce un nouveau virage à droite du gouvernement fédéral dans sa politique sociale.

Des sections importantes du patronat ont accueilli de façon positive les propos du ministre, satisfaction qui a été notée notamment dans le Globe and Mail, La presse, et le Devoir. « Le ministre Martin amorce très clairement un débat public sur la réduction du fardeau fiscal. Cela lui permet sans doute de gagner du temps et de désamorcer le mouvement de colère fiscale qui commençait à s'amplifier. () Mais plus fondamentalement, cela permet au ministre des finances () de créer une dynamique qui empêchera le gouvernement Chrétien de créer des situations de fait accompli et de se lancer dans d'irréparables et excessifs projets de dépense », écrivait Alain Dubuc, éditorialiste en chef du quotidien La Presse au lendemain de la présentation de Martin.

Mais des sections significatives de la bourgeoisie canadienne ont rejeté du revers de la main les prétentions du gouvernement Chrétien de réduire les taxes sur 5 ans, considérant qu'il ne va pas assez loin ni assez vite. Selon elles, la politique économique et sociale des libéraux n'est pas assez agressive et ne tient pas suffisamment compte de leurs propres intérêts de classe. Elles craignent d'être dépassées par la compétition internationale, surtout par celle des États-Unis.

Ce sont ces sections, surtout représentées par le Parti réformiste, les conservateurs de Mike Harris en Ontario et de Ralph Klein en Alberta, des quotidiens comme le National Post, des "think-tanks" comme le National Council on Business Issues et le Fraser Institute qui, insatisfaites du gouvernement Libéral, ont été à l'avant-garde de la campagne anti-taxes.

Mais au cours des derniers mois, tous les gouvernements ont soit adopté ou annoncé des politiques de réductions de taxes sur les revenus - incluant les gouvernements NPD du Manitoba et de la Saskatchewan.

Les gouvernements provinciaux se sont mis d'accord lors de la dernière conférence des premiers ministres, présidée par le Premier ministre du Québec Lucien Bouchard, pour conjointement faire pression sur les libéraux de Chrétien afin qu'il réduise les taxes.

Les gouvernements conservateurs de Harris en Ontario et de Klein en Alberta ont déjà adopté des programmes de coupures de taxes beaucoup plus radicales que celui proposé ou envisagé par les libéraux fédéraux. Harris a opéré une coupure de taxes de 30% et promis que d'autres suivraient. Quant au gouvernement albertain, il s'est engagé au printemps dernier à instaurer un impôt sur le revenu à taux unique de 11% à compter de janvier 2001.

La grande entreprise et le Parti Libéral

La grande bourgeoisie avait acclamé le gouvernement Libéral de Chrétien pour avoir au cours de son premier mandat mené, plus que tout autre gouvernement, l'assaut contre les programmes sociaux et créé les conditions pour un Canada corporatif compétitif globalement. Mais elle exige maintenant une immense intensification de cet assaut.

La lutte contre le déficit du gouvernement fédéral avait servi de prétexte politique pour entreprendre un réalignement complet de la politique sociale de la bourgeoisie canadienne, axée sur l'entreprise privée et le libre marché.

Ces succès obtenus par les libéraux étaient considérés par la grande entreprise comme le début de ce qui devait être une politique constante et soutenue. Dans le contexte de l'évolution rapide et féroce de la compétition globale, elle considère que le moindre relâchement de la politique menée contre le niveau de vie des travailleurs et l'amélioration des conditions d'exploitation, mettrait en péril la position compétitive du capital canadien.

Le programme relié au surplus avait été dès le départ critiqué de la droite, mais dans la mesure où les engagements demeuraient sur le plan démagogique et étaient subordonnés au démantèlement des programmes sociaux, la critique restait isolée.

Mais depuis qu'à l'horizon pointaient les surplus budgétaires, le gouvernement était de plus en plus critiqué pour sa lenteur à introduire de nouvelles mesures pro-patronales.

Quelles taxes sont visées ?

Il faut souligner que dans ce débat il n'est jamais question des taxes de vente sur les biens et services comme la TPS, la seule taxe que les libéraux avaient formellement promis d'abolir et qui affecte le plus les gens à faible revenu.

Les taxes servent à financer l'État et son appareil répressif contre la classe ouvrière, la police, l'armée, les prisons, les tribunaux, etc. Elles servent aussi à financer l'infrastructure nécessaire pour la circulation des marchandises et de la main-d'oeuvre, les routes, les ports, les systèmes d'aqueducs et de canalisations, les ponts etc., ainsi que des projets qui dépassent les capacités financières d'un seul capitaliste ou des projets qui devraient servir les intérêts de plusieurs sections différentes de la bourgeoisie, comme par exemple le chemin de fer ou l'hydro-électricité historiquement.

Plus récemment, en fait surtout depuis la seconde guerre mondiale, les taxes ont été utilisées pour mitiger les conflits entre la classe ouvrière et la bourgeoisie en réduisant les inégalités sociales par l'instauration d'un salaire social.

Le salaire social provient de tout ce qui est retourné aux travailleurs et aux pauvres via les programmes sociaux et les services publics, par exemple, les pensions de vieillesse, l'aide sociale, l'assurance-chômage, les crédits d'impôt pour les familles, les systèmes de santé et d'éducation, etc.

La réduction des taxes va affamer financièrement le gouvernement et donc créer les conditions nécessaires pour pousser à la baisse le salaire social. Cette politique va aussi creuser le gouffre des inégalités sociales en transférant l'argent des taxes sur les revenus, utilisé pour financer les programmes sociaux, dans les poches des sections plus aisées de la société. C'est ce processus qui est au coeur de la politique de la grande bourgeoisie.

La prétention du gouvernement de pouvoir tout faire, réduire les taxes et maintenir les programmes sociaux est un leurre. La réduction des taxes va inévitablement affaiblir les bases fiscales des programmes sociaux et jeter le gouvernement dans une crise d'endettement à la moindre récession. C'est un objectif ouvertement admis par la bourgeoisie: créer les conditions pour rendre impossible toute nouvelle dépense et maintenir la pression pour d'autres coupures.

La globalisation de la compétitivité

La réduction des taxes devient un enjeu compétitif international non seulement pour les taxes sur les revenus, mais pour l'ensemble du système de taxes, incluant surtout les taxes corporatives.

Il est fort à parier, qu'actuellement le gouvernement et la bourgeoisie utilisent la campagne pour réduire les taxes sur les revenus - calculant celles-ci beaucoup plus susceptibles de rallier l'opinion publique - pour préparer le terrain à la réduction des taxes corporatives.

La Grande Bretagne, la France, l'Italie, la Suisse et la Turquie ont toutes réduit leur taxes corporatives sous le niveau canadien depuis 1996. Selon Jack Mintz, nouveau président de l'institut C.D. Howe, firme d'analyse financière, le Canada se placerait au deuxième rang le plus élevé relativement aux taxes corporatives, après le Japon si l'Allemagne respecte ses engagements de réduction de taxes. Et il est nécessaire d'après lui de couper non seulement les taxes sur les revenus des particuliers, le point focal d'Ottawa, mais aussi les taxes corporatives. « Nous devons réduire les deux », déclare-t-il.

Dans une entrevue publiée dans l'édition du 23 août de L'International Herald Tribune, l'ex-président de la Bundesbank, Hans Tietmeyer, a déclaré: «Ce ne sont pas tous les Européens qui en sont actuellement conscients, mais l'union monétaire a introduit une "société de compétition" dans laquelle une nouvelle dynamique économique défie le système traditionnel de l'État providence.

«Dans cette nouvelle ère, les nations du bloc européen vont voir leur système national de bien être social et de taxes entrer en conflit les uns contre les autres La compétition sur les salaires va être "inévitable". Les petites et moyennes entreprises à travers l'Europe vont être exposées à une compétition plus "dure", comme les grands de l'automobile l'ont déjà été».

Toujours selon Mintz, cette fois concernant plus particulièrement les taxes sur les revenus et ses conséquences compétitives: « il y a des avantages fiscaux significatifs pour déménager vers les États-Unis, et les Canadiens les plus mobiles sont ceux qui ont les plus de compétences et de revenus Il y a des changements majeurs partout à travers le monde, pas seulement aux États-Unis ».

Au Canada, « nous sommes condamnés à suivre les États-Unis », déclare David Perry, chercheur à la Canadian Tax Foundation de Toronto, un groupe de lobby en faveur d'une réduction des impôts pour les particuliers et les entreprises .

Ses commentaires sont basés sur le fait que les couches privilégiées de la classe moyenne canadienne paient plus de taxes sur les revenus qu'aux États-Unis et perdent du terrain depuis trois décennies. L'annonce du gouvernement américain d'une nouvelle ronde de coupures massives de taxes (le congrès américain a adopté en août dernier, un plan de réduction de taxes de 792 milliards de dollars US ) augmente la pression pour des réductions de taxes au Canada.

Actuellement, les Canadiens gagnant plus de $50 000 par année paient plus d'impôts qu'aux États-Unis. Cette couche, représentant environ 15 % de la population canadienne, paie une part proportionnellement plus importante de taxes sur les revenus. C'est aussi cette couche qui va le plus bénéficier, du point de vue étroit du portefeuille, des réductions de taxes sur les revenus.

Et contrairement à ce qui est laissé entendre, selon une étude réalisée par Statistiques Canada, il a été établi que le taux de taxation pour les gens ayant un revenu inférieur à $50 000 est moins élevé au Canada qu'aux Etats-Unis, avec un système de transfert de richesse plus généreux au Canada qu'aux États-Unis.

«Cette étude», remarque Rosemary Speider, journaliste au Toronto Star, «nous rappelle que notre système de transfert social redistribue la richesse au Canada - adoucissant les extrêmes entre les très riches et les très pauvres».

Toujours selon les chiffres de Statistiques Canada, il s'avère que les inégalités de revenus au Canada entre les 20% les plus riches et les 20% les plus pauvres passent d'un rapport de 21 pour 1 à un rapport de 5 pour 1 via le système fiscal.

C'est justement ce que la droite canadienne considère comme étant «excessif». Le système de transfert social est trop généreux, trop d'argent est perdu dans les poches des pauvres.

«La redistribution massive des revenus au Canada se fait au détriment de ceux qui réussissent le mieux économiquement. Je crois qu'il est important de reconnaître que le système de taxes et de transferts est très excessif au Canada », affirme Jason Kenny du Parti Réformiste.


 

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