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Le budget albertain ou la guerre de classe lorsque l'argent coule à flot

Par Guy Charron
29 février 2000

Le gouvernement albertain du Parti conservateur a déposé le 24 février son budget pour l'an 2000 dans lequel il annonce qu'il devancera d'un an l'application du taux d'imposition unique de 11% : il sera mis en place dès janvier 2001 plutôt qu'en 2002. De plus, pour couvrir ses politiques de privatisation du système de santé d'un écran de fumée, le gouvernement Klein a remis un peu d'argent dans un réseau de santé sous-financé aux limites du possible depuis des années.

Alors que traditionnellement les budgets provinciaux sont déposés après le budget fédéral parce qu'ils en dépendent en grande partie, le gouvernement albertain, dont les politiques de droite ont fait dire au Wall Street Journal qu'il était un exemple que devrait suivre l'Amérique du Nord, a déposé le sien une semaine avant le budget fédéral. Il voulait ainsi marquer son indépendance envers la politique du Parti libéral du Canada. Avec ce geste symbolique, la droite voulait faire pression sur le gouvernement Chrétien qui, selon elle, menace la compétitivité internationale du Canada en ne coupant pas assez les impôts fédéraux.

L'Alberta est le premier État en Amérique du Nord à adopter un taux unique d'imposition, et rejoint ainsi les six autres endroits au monde, tous fortement liés au monde bancaire, où ce mode d'imposition est en vigueur.

Le taux unique d'imposition jouit d'une grande popularité auprès de la grande entreprise et la droite. L'Alliance des conservateurs réformistes du Canada, un nouveau parti que cherche à lancer Preston Manning du Parti réformiste, très lié politiquement à Klein, veut en faire le principal point de son programme. Aux États-Unis, Steve Forbes en a fait le cheval de bataille de sa campagne à la candidature présidentielle du Parti républicain qu'il a dû abandonner parce que même ces droitistes convaincus jugeaient qu'il était présentement impossible de gagner la population à cette idée.

L'abrogation de l'imposition progressive fait partie du courant politique de la droite qui demande l'abandon de toute mesure visant à atténuer les inégalités sociales et l'élimination de toute contrainte qui empêcherait les lois du marché de s'appliquer librement. Ces politiques sont justifiées sur la base que le marché est le meilleur processus social pour distribuer les biens et les privilèges, et ce, selon le mérite.

Il y a vingt ans seulement, l'expression « redistribution de la richesse » signifiait encore que les privilégiés de la société se devaient de supporter les sections moins favorisées. Aujourd'hui, cette expression prend exactement le sens contraire. Il s'agit maintenant d'éliminer tout soutien aux classes les plus modestes pour permettre aux classes aisées d'augmenter encore plus leurs revenus.

L'Alberta privilégiée

La situation économique du gouvernement albertain est privilégiée à cause de l'importance des ressources en hydrocarbures de son sous-sol. La taxe sur le pétrole et le gaz naturel génère près de 4 milliards de dollars, ce qui compte pour plus de 20% des revenus de la province. L'année passée seulement, l'augmentation des prix du pétrole et du gaz naturel a généré deux milliards de dollars supplémentaires en taxes. Toutefois, le très à droite gouvernement de Ralph Klein tient à ce que cette manne tombée du ciel (ou du marché comme on l'appelle aussi) ne profite qu'aux seuls multimillionnaires et aux classes moyennes aisées qui constituent la base sociale de ses politiques.

Jusqu'à cette année, l'impôt sur le revenu en Alberta, comme celui de toutes les provinces canadiennes sauf le Québec, était calculé à partir de l'impôt fédéral auquel il faut rajouter un certain pourcentage pour la province. L'Alberta demande comme impôt 52,5% du montant dû au gouvernement fédéral. Les tables de taxation du gouvernement fédéral sont dites progressives, c'est-à-dire que le pourcentage demandé pour les impôts est relativement faible pour les premiers dollars gagnés dans une année, et va en augmentant pour les revenus supplémentaires. Par exemple, en 1999, le gouvernement canadien ne demande rien pour les premiers 6 794$, 17% pour les revenus entre 6 794$ et 29 590$, 26% pour les revenus entre 29 950$ et 59 180$, et 29% pour les revenus au-delà de 59 180$.

Il s'en suit que pour les Albertains, chaque dollar entre le 6 794ème et le 29 590ème est présentement imposé à 8,9% et à 15,2% au-delà de 60 000$. Le taux unique de 11% signifie donc une économie substantielle pour les sections les plus aisées de la classe moyenne et les grands capitalistes. Le ministre des finances en Alberta, Stockwell Day, estime que cette mesure coûtera 852 millions au gouvernement la première année seulement.

Selon les calculs de l'auteur effectués à partir de données publiées sur l'impôt de 1996, l'Alberta compte un million de contribuables pour une population d'environ trois millions d'habitants. Les 6000 personnes qui ont déclaré un revenu de 250 000$ ou plus se verront offrir un généreux 90 millions de dollars avec cette nouvelle politique ( ou 15 000$ en moyenne); les 250 000 personnes qui ont un revenu imposable compris entre 50 000$ et 250 000$ se partageront environ 600 millions (ou 2400$ en moyenne), et les 750 000 contribuables restants auront eux environ 160 millions de dollars (ou 213$ en moyenne).

C'est ainsi que les sections les plus riches de la société s'acoquinent avec quelques pour cents de la population, des professionnels surtout, très influents dans la presse et les milieux du pouvoir. Ces sections les plus riches demandent des politiques qui leur permettra de bénéficier chaque année d'une somme supplémentaire plus importante que le revenu annuel de la majorité des membres de la société. Peu leur importe les maux sociaux que cela doit engendrer, ils ont déjà l'argent suffisant pour s'en prémunir, et en auront encore plus bientôt. Et pour arriver à imposer ces politiques, ils achètent pour quelques milliers de dollars par année l'appui de la classe moyenne aisée.

Pour dorer la pilule, Day a indiqué que les 132 000 plus démunis des 3 millions d'Albertains ne payeront aucun impôt. En vertu du système de taxation actuel, la plupart paie déjà un montant assez faible ou pas d'impôt et pour eux une diminution d'impôt ne représente pas un grand changement. En tous les cas, la centaine de dollars supplémentaire dont ils pourront bénéficier chaque année, deux ou trois dollars par semaine, ne contribuera en rien à les sortir de leur misère quotidienne.

Coupures et surplus

Si aujourd'hui les classes les plus riches peuvent s'accaparer les surplus engendrés par les fluctuations du prix du pétrole sur le marché mondial, c'est grâce aux immenses compressions budgétaires réalisées depuis des années par le gouvernement Klein.


Avec ce budget, Klein et Day se sont vantés d'avoir injecté environ un milliard de dollars dans le système de santé et celui de l'éducation. Toutefois, la plus grande partie de cet argent ne servira pas à augmenter les services à la population mais à combler les déficits accumulés des hôpitaux, des cliniques, des écoles, des collèges et des universités, qui ont résulté des compressions irréalisables du gouvernement albertain.

Depuis plusieurs années, le gouvernement Klein mène une politique de coupures sauvages des programmes sociaux et utilise l'état lamentable des services publics pour tenter de mettre de l'avant différents plans de privatisations. Par exemple, après avoir fermé des hôpitaux il y a quelques années, Klein évoque aujourd'hui l'engorgement chronique du système de santé pour proposer de privatiser la santé. Selon ses plans, l'entreprise privée construirait des hôpitaux qui pourraient désengorger le système de santé en effectuant des opérations et en fournissant des soins desquels le gouvernement ne payerait que la « partie essentielle ».

Ce type de politiques trouve une oreille enthousiaste au sein de la classe moyenne aisée et de la grande bourgeoisie qui voit dans l'exploitation d'hôpitaux et de cliniques médicales une nouvelle source de profit. De plus, ils espèrent que les nouvelles économies budgétaires du gouvernement leur permettront de bénéficier dans un avenir pas trop lointain d'une autre redistribution de la richesse du même type que celle qu'ils viennent de connaître.

Le dernier budget albertain est un signal d'alarme pour toute la classe ouvrière. Il démontre que la campagne contre les déficits gouvernementaux est moins une crise fiscale du gouvernement qu'un mécanisme de changement radical de la politique sociale. Les milliards de dollars libérés après des années de politiques d'austérité où les plus démunis sont les plus durement touchés par des politiques de coupures sauvages des programmes sociaux iront directement dans les poches des quelques-uns uns de ceux qui en ont le moins besoin, déjà riches à n'en savoir que faire.


 

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