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Derniers efforts de Clinton pour faire adopter le projet de loi d'aide à la Colombie

Par Patrick Martin
Le 4 mai 2000

Dans un discours prononcé le 2 mai dernier devant le Council of the Americas, (conseil des Amériques), un groupe de lobbyistes issus des entreprises possédant des investissements en Amérique Latine, le président Bill Clinton a demandé au Congrès d'approuver un imposant plan d'aide militaire et économique de 1,6 milliard $US pour la Colombie. Cette mesure vise à préparer le terrain à une intervention militaire plus importante des États-Unis en Amérique du Sud dans la région andine.

Les États-Unis verseraient la plus importante contribution (7,5 milliards $) au « Plan Colombie » préparé par le président colombien Andres Pastrana. Divers pays européens et latino-américains devraient également contribuer des sommes moins importantes une fois la portion américaine approuvée.

La Chambre des représentants a déjà adopté un projet de loi d'aide en mars, avec une marge des deux partis bien définie. Lors d'un entretien à Washington en tête à tête avec Pastrana il y a deux semaines, Trent Lott, chef de la majorité au Sénat, a accepté de soumettre le projet de loi aux voix en mai. Un porte-parole de Lott a déclaré que seules des questions de procédures retardait l'adoption du projet de loi qui ferait de la Colombie le troisième plus important récipiendaire de l'aide militaire américaine, après Israël et l'Égypte.

Dans son discours de mardi, Clinton a présenté le conflit en Colombie qui fait rage entre le gouvernement Pastrana et divers groupes de guérilla comme la lutte pour la démocratie contre le terrorisme et le trafic de la drogue. Il a dépeint en termes apocalyptiques les conséquences que pourrait avoir la chute du régime colombien en disant « ne vous méprenez pas. Si la plus vieille démocratie d'Amérique du Sud peut être détruite, les autres aussi ».

Clinton a déclaré aux représentants d'entreprise et aux experts politiques assemblés que la défaite des mouvements de guérilla en Colombie était essentielle à l'établissement de la ZLEA (zone de libre-échange des Amériques) qui s'étendrait de l'Alaska à l'Argentine d'ici 2005. « Nous devons l'emporter en Colombie. Nous devons remporter la lutte pour la zone de libre-échange des Amériques. Nous devons prouver que la liberté et le libre marché vont main dans la main ».

Dans sa couverture du discours de Clinton, l'agence de presse Reuters a décrit le but de l'aide en des termes inhabituellement brusques. Selon elle en effet, l'aide vise à « défoncer la puissance militaire des rebelles afin de les amener à modérer leurs demandes socialistes radicales à la table des pourparlers de paix qui durent déjà depuis un an et négocier une fin rapide au conflit qui a déjà coûté la vie à plus de 35 000 personnes en une décennie à peine ». Or, les objectifs politiques des deux principaux mouvements de guérilla colombiens que sont les Forces armées de libération nationale (FARC) et l'Armée de libération nationale (ELN) peuvent difficilement être qualifiées de socialistes. Ces deux groupes partagent en effet un mélange idéologique éclectique de maoïsme, de castrisme et de nationalisme. Mais ce long conflit est clairement perçu par Washington comme un obstacle à ses plans pour l'établissement d'un bloc commercial hémisphérique placé sous sa domination et comme une importante menace stratégique.

Ce dernier aspect ne découle pas que de la position géographique stratégique de la Colombie qui est limitrophe au Panama et constituant un véritable pont entre l'Amérique centrale et l'Amérique du sud, mais également de l'importance du pays dans les calculs américains d'approvisionnement pétrolier. Ce fait a été présenté on ne peut plus clairement par Paul Coverdell, le sénateur républicain de l'État de Géorgie, dans un commentaire publié sur la page en regard de l'éditorial du Washington Post la semaine dernière et dans lequel il écrivait :

« La déstabilisation de la Colombie affecte directement le Venezuela voisin, pays généralement perçu maintenant comme notre principal fournisseur en pétrole. En fait, la situation de l'approvisionnement pétrolier en Amérique latine est fortement similaire à ce qui prévaut au Moyen-Orient, à la différence près que la Colombie fournit maintenant plus de pétrole aux États-Unis que le Koweït ne le faisait autrefois. Tout comme ce fut le cas pour le Koweït, la crise actuelle menace de s'étendre à de nombreux pays qui sont tous nos alliés ...

« La crise dont je parle est la suivante : d'abord, nous importons maintenant autant de pétrole depuis notre hémisphère que du Moyen-Orient. Ensuite, le nombre de Colombiens chassés de leur foyer par la guerre dépasse celui des Kosovars. Enfin, déjà 35 000 Colombiens ont trouvé la mort dans ce conflit. Bref, pour toutes ces raisons, la situation commande notre attention la plus immédiate ».

De 1990 à 1999, la production pétrolière de la Colombie a augmenté de 78 p. 100, la plus grande partie étant exportée vers les États-Unis. La Colombie est le septième plus important fournisseur de produits pétroliers des États-Unis, le Venezuela voisin étant le premier. Les réserves en pétrole connues de la Colombie sont certes moindres que celles du Venezuela qui s'élèvent à 73 milliards de barils, mais les réserves inexplorées colombiennes pourraient être substantielles selon plusieurs qui avancent même le chiffre de 25 milliards de barils.

Ce sont ces intérêts matériels et non les préoccupations d'ordre « démocratique » qui entraînent les sphères dirigeantes américaines des États-Unis à envisager l'option de l'intervention militaire dans cette région dont les cinq pays présents (Venezuela, Colombie, Équateur, Pérou et Bolivie) sont de plus en plus aux prises avec l'instabilité politique et la violence.

Pour ce qui est des remarques de Clinton à propos du terrorisme, il est notoire que le principal vivier terroriste en Colombie n'est pas au cur des mouvements de guérilla, mais bien dans celui des forces paramilitaires de droite intimement liées à l'Armée. Selon les groupes de défense des droits de l'homme, les escadrons de la mort seraient responsables de 78 p. 100 des violations des droits de l'homme et des assassinats politiques de l'an dernier. Selon un rapport des Nations Unies rendu public le 14 avril dernier, les groupes paramilitaires comptent plusieurs membres des forces militaires gouvernementales qui seraient responsables de massacres et d'envois de menace de mort. On peut d'ailleurs y lire que « les forces de sécurité étant peu enclines à réagir, les groupes paramilitaires voient leur tâche indéniablement facilitée dans la poursuite de leurs objectifs d'extermination ».

La menace de la terreur droitiste est telle que Victor G. Ricardo, principal représentant du président Pastrana aux pourparlers avec le FARC et l'ELN, démissionnait le 26 avril dernier suite à de nombreuses menaces de mort provenant d'éléments paramilitaires opposés aux supposées concessions faites aux mouvements de guérilla. Ricardo quittait son poste deux jours seulement après avoir annoncé les détails d'une entente conclue avec l'ELN, le second groupe de guérilleros ayant accepté de signer un cessez-le-feu avec le régime.

Selon l'entente conclue, le gouvernement doit retirer ses troupes d'un territoire de 3 000 kilomètres carrés couvrant trois comtés des États de Bolívar et d'Antioquia. Mais l'ELN, qui compte selon les évaluations 5 000 combattants, a accepté des conditions beaucoup plus contraignantes que celles accordées au FARC qui contrôle le sud-ouest de la Colombie. Elle a en effet accepté de renoncer à établir son appareil gouvernemental dans la zone démilitarisée ou encore d'utiliser la zone comme base pour des opérations militaires de plus grande envergure.

L'accord prévoit également la création d'une « commission de vérification internationale » composée de représentants de quatre ou cinq pays chargés de veiller à ce que les belligérants respectent l'accord. C'est la première fois que des pays extérieurs se voient attribuer un rôle formel dans la guerre civile, et également la première fois que des pays autres que les États-Unis soient engagés de quelque façon que ce soit dans cette question. La presse a nommé la Norvège, l'Espagne, le Venezuela et l'Allemagne comme des candidats potentiels pour la commission, ainsi que Cuba qui a déjà eu des contacts avec la direction de l'ELN.

Pastrana a annoncé la conclusion de cet accord lors d'un discours à la nation au cours duquel il a déclaré que « d'aucune façon il n'y aura d'impact sur les droits et les devoirs des résidents tels que garantis par la constitution nationale et le pouvoir légal établi. Toutes les autorités civiles de la zone touchée continueront donc l'exercice de leurs fonctions sans aucun changement ». Les réseaux de radio colombiens ont diffusé une déclaration parallèle prononcée par Nicolás Rodríguez, le chef de l'ELN, dans lequel ce dernier s'est engagé à « s'efforcer sérieusement à mettre fin au conflit par des moyens autres que les armes ».

Le résultat cependant ne sera pas la paix, mais bien une forme de guerre civile plus irrégulière et sauvage puisque les groupes paramilitaires de droite ont déjà profondément infiltré la zone démilitarisée avec la complicité des propriétaires fonciers locaux. De plus, la zone cédée à l'ELN est de la plus haute importance au point de vue stratégique pour l'armée colombienne puisqu'elle est située aux abords de la principale voie navigable du pays, le fleuve Magdalena, et qu'elle coupe diverses routes reliant Bogota à la côte. Cette zone est également riche en or et en pétrole, en plus d'être adjacente au centre pétrolier de Barrancabermeja qui abrite la principale raffinerie de pétrole du pays.


 

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