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L'affaire Microsoft, le développement de logiciels et le marché capitaliste

par Mike Ingram
2 mai 2000

La proposition du gouvernement américain de scinder Microsoft, pour détacher son système d'exploitation (Windows, NT, etc.) de sa suite bureautique (Word, Excel, etc.), soulève des questions essentielles sur le développement des logiciels et les liens entre ce développement et le marché capitaliste.

Microsoft contrôle présentement plus de 80 % du marché du système d'exploitation et 90 % du marché des applications bureautiques. La compagnie nie avoir adopté un comportement anticompétitif, et défend l'idée que la domination du marché du logiciel par Microsoft a mené à la fois à une standardisation et à des logiciels relativement bon marché pour les consommateurs.

Ses compétiteurs, Netscape, Sun Microsystems et d'autres encore, déclarent que Microsoft a plutôt bloqué la concurrence et qu'elle étouffe efficacement l'innovation. Toutefois les deux côtés s'entendent à dire que le marché est la source de l'innovation technique. Mais est-ce bien les conclusions qu'on peut tirer de la situation présente du marché du logiciel ?

À tout le moins, on peut dire que la domination sans partage du marché par Microsoft lui permet d'offrir des logiciels qui sont loin d'être parfaits. Pour un exemple récent, considérons son produit amiral, Windows 2000. Il est dit que le nouveau système d'exploitation aurait au moins 60.000 bogues, ce qui revient de douze bogues en moyenne pour chacun des 5.000 programmeurs qui travaillent sur ce logiciel.

Le logiciel Windows vendu par Microsoft, que ce soit la version 3.1, 95, 98, 2000 ou NT, n'est pas vraiment le système d'exploitation de choix. Il est plutôt perçu comme l'unique joueur. Très peu parmi ceux qui ont déjà utilisé un ordinateur Macintosh d'Apple, par exemple, vont défendre le système d'exploitation de Microsoft. Le problème est que les utilisateurs d'Apple forment moins de 10 % des utilisateurs, et que ceux-ci sont surtout concentrés dans le domaine de l'éducation et des arts graphiques. Le petit bassin d'utilisateurs entraîne une pénurie quant au choix des applications et un équipement coûteux.

Du point de vue du marché capitaliste, on peut soutenir que le dirigeant de Microsoft, Bill Gates, n'a rien fait qu'un bon capitaliste ne ferait pas. Il a utilisé la domination du marché dont il bénéficie avec son système d'exploitation Windows pour tenter de percer les marchés de la technologie internet, intégrer un navigateur dans le système d'exploitation et signer des ententes avec les fabricants de composants pour qu'ils intègrent les produits Microsoft au lieu de ceux de ses compétiteurs. Rien ne laisse croire que les compétiteurs de Microsoft auraient agi différemment s'ils s'étaient trouvés dans la même situation que Gates.

Le problème avec la plupart des commentaires sur l'affaire Microsoft est que la façon actuelle de développer et de distribuer les logiciels est considérée comme donnée. De la même façon dont le marché capitaliste est célébré comme la seule façon d'organiser la vie économique, le développement de programmes avec droits de propriété (proprietary software) [1] est présenté comme la seule forme possible du développement de logiciels.

Ce que l'affaire Microsoft révèle sur les relations entre le marché et l'innovation technique est encore plus important que toute action que décidera d'entreprendre la cour. De ce point de vue, un aspect intéressant de la poursuite contre Microsoft a été l'attention croissante accordée au développement de logiciel libre (open source software) [2], et au système d'exploitation Linux en particulier.

La plupart des logiciels commerciaux ne distribuent que le code exécutable, une longue suite de uns et de zéros que seuls les composants de l'ordinateur peuvent comprendre. Au contraire, les logiciels libres ont toujours fourni l'ensemble du code, les programmes écrits dans des langages de programmation comme le C++ ou Java, que tout programmeur peut comprendre.

Les programmeurs ont ainsi la liberté de modifier le code source pour corriger les bogues, ou même de le modifier et l'incorporer dans de nouveaux programmes. Les différents permis d'utilisation donnent différentes libertés sur ce qui peut ou ne peut pas être fait avec un logiciel libre. Alors qu'avec certaines licences il est possible d'incorporer le code public dans des programmes avec droits de propriété sans que le code de ces derniers ne soit lui-même public, le projet GNU [3] l'interdit formellement, insistant pour que tout programme qui incorpore une partie du code d'un logiciel libre doit aussi être offert avec la même licence et que tout son code doit être du domaine public.

Intérêt croissant pour le logiciel libre

En réponse à la chute spectaculaire de la valeur des actions des compagnies qu'on appelle les point.com (dot.com), quelques articles ont été publiés dans la presse financière et technologique qui attiraient l'attention sur l'existence des projets de développements de logiciels libres.

Par exemple, le New York Times du 20 avril a publié un article dans sa section affaires qui disait : « Lorsque les actions des compagnies technologiques ont culbuté la semaine passée, plusieurs compagnies ont semblé perdre un de leurs plus importants actifs : la possibilité d'attirer les employés talentueux avec des options d'achats. Pour attirer et garder les meilleurs, vous vous devez de leur offrir la possibilité de devenir riche ».

Le Times demandait ensuite : « Mais est-ce vraiment le cas ? Que penser lorsque la crème de la crème, les programmeurs d'élite que les gourous de l'industrie disent être cent fois plus productifs que le programmeur compétent moyen, donne leur temps précieux au développement de programmes que n'importe qui peut utiliser sans frais ? »

Incapable de comprendre que quiconque puisse entreprendre quoique ce soit sans un gain financier, l'article du Times soutient que la motivation des programmeurs est la reconnaissance. « Contribuer aux projets de logiciel libre peut ouvrir les portes d'une carrière en programmation ».

Le Times continue : « L'exemple le plus frappant en est M. Torvalds, qui était un bachelier en Finlande lorsqu'il a lancé Linux et détient maintenant un poste de direction extrêmement bien payé d'un start-up de Silicon Valley ».

Linux est un système d'exploitation distribué gratuitement depuis sa naissance en 1991. Il est souvent mentionné dans les médias depuis que des compagnies de distribution commerciale, comme Red Hat, sont cotées en Bourse. Avec le développement d'interfaces graphiques à la Windows, comme KDE et Gnome, Linux gagne en popularité aussi bien dans les entreprises que dans les foyers.

International Data Corporation estime que Linux aurait de sept à vingt et un millions d'utilisateurs à travers le monde, et que le nombre de ses utilisateurs croîtrait de 200 pour cent par année. Les observateurs croient qu'il représente un aspirant important sur le marché des systèmes d'exploitation pour ordinateurs personnels que domine Microsoft. Plusieurs commentateurs croient qu'une partie du raisonnement du gouvernement pour scinder Microsoft est que la nouvelle compagnie responsable des applications Office développerait une version pour Linux, ce qui accroîtrait la concurrence sur le marché des systèmes d'exploitation eux-mêmes.

Une brève histoire du développement des programmes informatiques

Les références à Linux et aux logiciels libres dans les médias sont souvent empreintes d'un certain étonnement, et ils sont présentés comme un développement récent et inexplicable. Un examen plus attentif de l'histoire du développement de la technologie informatique montre toutefois que loin d'être une digression de la norme, le développement de logiciels libres a été la façon par laquelle la plupart des percées technologiques se sont réalisées.

À la fin des années 1960 et dans les années 1970, la pratique commune des programmeurs était de partager le fruit de leur labeur sans restrictions. À cette époque, les compagnies et les personnes étaient plus intéressées au développement de la technologie dans son ensemble que de sauvegarder les « secrets de fabrication ».

Non seulement des institutions universitaires comme l'Université de Californie à Berkeley et le Massachusetts Institute of Technology (le MIT), mais encore des centres de recherche privés comme Bell Labs ou le Centre de recherche de Xerox à Palo Alto (PARC) fonctionnaient dans le cadre d'une politique de logiciels libres grâce à laquelle le code des programmes était librement échangé entre les organisations.

Plusieurs des concepts originaux pour l'ordinateur personnel qui furent popularisées par Apple et Microsoft furent en fait développées par des scientifiques travaillant aux laboratoires de PARC. Parmi ceux-ci, on compte le premier ordinateur personnel, la première souris commerciale, la technologie de réseau Ethernet et plusieurs autres innovations.

Les premiers efforts dans les années 1970 se concentraient sur le développement d'un système d'exploitation qui fonctionnerait sur plusieurs types d'ordinateurs. Celui qui a connu le plus de succès fut le système d'exploitation Unix et le langage de programmation C utilisé pour développer les utilitaires Unix. Ils furent développés aux laboratoires Bell AT&T. Les programmes furent installés dans plusieurs institutions, transférés soit gratuitement soit pour une somme symbolique. Une fois les programmes installés, ils furent souvent améliorés, et ces progrès étaient à leur tour partagés entre tous.

Le processus de développement coopératif de programmes et l'échange de code source ont grandement facilité le développement de l'Internet et en particulier, la création d'Usenet en 1979. Usenet est un réseau d'ordinateurs qui liait la communauté des programmeurs Unix. En 1979, il n'y avait que trois sites Usenet, mais dès 1982, il y en avait plus de quatre cents. La possibilité qu'avaient les programmeurs des milieux corporatifs et universitaires d'échanger rapidement les technologies a permis d'immenses avancées technologiques.

Dans les débuts, la coopération prenait place de façon officieuse. Il n'y a pas eu, en fait, d'effort pour affirmer des droits de propriété ou pour restreindre l'utilisation de programmes jusqu'au début des années 1980. Avec la croissance rapide de l'utilisation d'ordinateurs à des fins commerciales, AT&T a commencé à vouloir faire valoir des droits de propriété intellectuelle sur Unix, en dépit du fait que des centaines de programmeurs à d'autres institutions avaient participé à son développement.

Ce n'est qu'avec l'arrivée de l'ordinateur personnel en tant que produit de consommation de masse au début des années 1980 que le système avec droits de propriété en est venu à être considéré comme la norme de l'industrie.

Alors que les systèmes d'exploitation produits par Apple et par Microsoft commençaient à trouver un bassin d'utilisateurs de masse, un développement parallèle a pris place pour maintenir la structure de logiciels libres pour le développement de programmes. Sous la forme du projet GNU et de la Free Software Foundation établis par Richard Stallman en 1982, ce développement a pris un caractère ouvertement idéologique et politique.

Stallman travaillait au laboratoire d'intelligence artificielle du MIT entre 1971 et 1983. Le laboratoire d'intelligence artificielle utilisait un système d'exploitation avec partage de temps appellé Incompatible Timesharing System, développé par l'équipe de programmeurs du laboratoire. Stallman explique qu'alors que le terme « logiciel libre » n'était pas encore inventé, c'était dans les faits ce que ce système était. « Lorsque quelqu'un d'une autre université ou d'une autre compagnie voulait utiliser un programme, nous les laissions faire avec joie. Si vous voyiez quelqu'un utiliser un programme peu courant et intéressant, vous pouviez demander à voir le code source, et donc vous pouviez le lire, le modifier, ou en cannibaliser des parties pour construire un nouveau programme » a-t-il dit.

Dans un article intitulé Le projet GNU, Stallman écrit : « l'idée que le système social du programme avec droits de propriété, le système qui dit que vous n'avez pas le droit de partager ou de changer un programme, est antisocial, c'est-à-dire qu'il n'est pas éthique, qu'il est tout simplement erroné peut surprendre certains lecteurs. Mais comment qualifier autrement un système basé sur la division du public et qui rend les utilisateurs impuissants ? Les lecteurs surpris par l'idée ont peut-être considéré que le système social avec droits de propriété est donné, ou l'ont jugé sur la base des critères proposés par l'industrie des programmes avec droits de propriété elle-même. Les vendeurs de logiciels ont vraiment travaillé d'arrache-pied pour convaincre la population que c'était la seule façon de considérer cette question. »

Au sujet des compagnies informatiques qui ont le « droit inaliénable à posséder les programmes et ainsi acquérir un pouvoir sur tous ses utilisateurs », Stallman déclarait un peu naïvement que la constitution américaine et la tradition juridique infirmaient ce point de vue. « Le droit d'auteur n'est pas un droit naturel, mais un monopole artificiel, soutenu par le gouvernement, qui limite le droit naturel de l'utilisateur à copier », écrit-il. Stallman s'oppose à la conception que « seul compte dans la programmation le travail qu'un logiciel permet d'accomplir, et que nous, les utilisateurs d'ordinateurs ne devrions pas nous inquiéter de quelle société il nous est permis d'avoir. »

Les systèmes de logiciels libres et les systèmes de logiciels avec droits de propriété

Le projet GNU a progressé de façon constante au cours des années qui ont suivi grâce à des programmeurs bénévoles qui se sont penché sur les différentes parties du système, les développant pour qu'elles soient compatibles avec Unix. Le seul élément qui manquait était la base du système, le noyau (kernel). En 1991, le noyau GNU qui était en développement a été abandonné en faveur du noyau Linux, développé comme passe-temps par un jeune étudiant de l'Université de Helsinki en Finlande, Linus Torvalds.

Avec la fusion du projet GNU et de Linux, pour former le projet GNU/Linux, le travail de ces premiers programmeurs volontaires portait fruit, et fournissait la preuve de la supériorité technique de la méthode de travail qu'offrait le code public

Prenant le petit système Unix appelé Minix comme point de départ, Torvalds a développé un système qui dépassait les normes Minix. Son travail a commencé en 1991 quand il rendait publique la version 0.02. Il a constamment progressé jusqu'en 1994 quand la version 1.0 du noyau Linux fut rendue publique. Nous en sommes maintenant à la version 2.3.

Le noyau de Torvalds et le travail du projet GNU se sont fusionnés pour former un système complet totalement libre de la domination des compagnies de programmes à marque déposée. Aujourd'hui, il y a des douzaines de distributions Linux disponibles sur le marché qui contiennent des milliers d'utilitaires et d'applications disponibles pour une fraction du prix d'un système d'exploitation Microsoft ou Apple.

Il est souvent dit que Linux est le système d'exploitation le plus stable, le plus largement supporté, flexible, et puissant qu'il est possible de trouver aujourd'hui. Il est fonctionnel sur un large éventail de processeurs, y compris les clones d'Intel et les ordinateurs Macintosh d'Apple. Les distributions comprennent le serveur web Apache, qui est utilisé par 55 % des sites web publics sur l'Internet.

Le succès de Linux repose précisément sur le fait que son code est public. Les utilisateurs du système d'exploitation en sont eux-mêmes les programmeurs. Si le programme ne fonctionne pas de façon adéquate, quelqu'un, quelque part le réparera. Cette amélioration sera disponible pour le public et rapidement incorporée dans les versions officielles du noyau Linux. Même les utilisateurs peu portés sur l'aspect technique peuvent tirer avantage du système de code public. Il y a littéralement des milliers de forums de discussion sur l'Internet où les utilisateurs peuvent obtenir des réponses à leurs questions en ce qui concerne l'utilisation du système d'exploitation et des erreurs auxquelles il faut s'attendre.

Comparez cela à l'attitude du PDG de Microsoft, Bill Gates. Dans une « lettre ouverte aux hobbyistes » qu'il écrivait en 1976, Gates invectivait les utilisateurs d'ordinateurs amateurs ou « hobbyistes », les accusant de « vol ».

« Une des choses à laquelle vous arrivez, c'est d'empêcher que de bons programmes soient écrits. Qui peut se permettre de faire un travail professionnel gratuitement ? Quel hobbyiste peut donner l'équivalent de trois années de travail pour programmer, trouver tous les bogues, documenter son produit et le distribuer gratuitement ? En fait, personne à part nous n'a investi beaucoup dans le programmation de hobby ... mais il y a très peu qui pourrait nous inciter à rendre disponibles ces programmes aux hobbyistes. Plus directement, ce que vous faites, c'est du vol » (publié dans la lettre publique Homebrew Computer Club du 3 février 1976).

Le marché en tant que barrière à l'innovation

La question des systèmes à code public en opposition aux systèmes avec droits de propriété dépasse l'éthique et le choix de l'individu. Peu importe les avantages du système d'exploitation Linux, jusqu'à maintenant il est l'apanage d'utilisateurs chevronnés. Une des raisons pour cela est le manque de soutien des périphériques comme les cartes graphiques, les imprimantes et le reste. Cela n'est pas dû à une carence en personnes qualifiées qui pourraient écrire les pilotes (drivers) nécessaires pour connecter cet équipement au système d'exploitation. Le problème est le peu d'enthousiasme montré par les fabricants de composants à rendre publiques les informations pertinentes pour faciliter un tel développement.

On assiste à un certain changement à cet effet au cours des dernières années, alors que des compagnies comme Compaq et Hewlett Packard vendent leurs ordinateurs avec Linux déjà installé.

Certaines compagnies importantes ont aussi rendu leur code public. Apple en est sûrement l'exemple le plus remarquable. Alors qu'il leur présentait pour la première fois le serveur X du système d'exploitation de Mac l'an dernier, le PDG Steve Jobs a surpris les journalistes et les développeurs de programmes en annonçant que ce programme serait un logiciel libre. Ce 11 avril, Intel a annoncé que son programme Common Data Security Architecture (CDSA) serait aussi un logiciel libre.

Des antagonismes économiques bien définis entrent en jeu dans la campagne contre Microsoft. En dernière analyse, la proposition du gouvernement de scinder le géant de l'informatique vient de la lutte féroce que se livrent de puissantes rivales pour la domination des marchés et des profits.

Mais dans la cause contre Microsoft, on trouve aussi une compréhension toujours importante que le rythme même des changements technologiques et la demande pour de nouveaux et meilleurs systèmes demandent une percée technologique que la domination continue de Microsoft empêche.

Le fait qu'Internet devient un médium de masse, conforme en grande partie aux normes du code public, exigera beaucoup de flexibilité de la nouvelle génération de programmes informatiques. Avec de nouveaux périphériques comme les téléphones mobiles et les appareils à ondes hertziennes qui nous arrivent à un rythme endiablé, les fabricants exigent des programmes qui peuvent être modifiés et dont les fonctions pourront être facilement étendues, en d'autres mots, ils demandent à avoir accès au code source.

L'environnement du logiciel libre est tellement en opposition avec la pratique de Microsoft que des sections puissantes du monde des affaires, qui sont finalement appuyées par les gouvernements, ont conclu qu'il fallait rappeler Microsoft à l'ordre. Jusqu'à quel point ce rappel sera-t-il vigoureux n'est pas encore décidé, au moins parce que Microsoft a des ressources pour mener la bataille beaucoup plus importantes que le Département de la justice américain.

Il est impossible à ce moment de prédire l'issue finale de la poursuite contre Microsoft. Toutefois on peut dire que le conflit n'a pas été engendré par l'avarice de l'individu Bill Gates ou par un soubresaut inattendu de démocratie du Département de la justice américain. Au niveau le plus fondamental, il est l'expression de tensions grandissantes entre le développement de la technologie, particulièrement de l'Internet, et la subordination de cette technologie au marché capitaliste et au système de la propriété privée sur lequel il est basé.

Les questions fondamentales soulevées par l'affaire Microsoft sont d'une grande importance pour les masses de la population laborieuse. Quelles ont été les conséquences sur la classe ouvrière de la domination par la grande entreprise de la nouvelle technologie ?

Des percées technologiques phénoménales n'ont pas contribué à éliminer la pauvreté pour la masse des travailleurs en Amérique ou ailleurs. Loin de diminuer les inégalités sociales, les développements technologiques, sous la domination des compagnies géantes, ont été utilisés pour enrichir encore plus la poignée de privilégiés aux dépens de la majorité de la société. Aucun geste, aucune action que pourra entreprendre le gouvernement des États-Unis et les rivaux de Microsoft ne changera quoi que ce soit à cette situation.

Il vaut la peine de noter que la poursuite contre Microsoft a été initiée par la compagnie Netscape qui est aujourd'hui la propriété d'un autre des principaux requérants dans cette affaire, America Online. Alors que pour leurs propres raisons ils insistent sur l'impact négatif du monopole de Microsoft sur le marché du logiciel, on attend toujours des accusations du même type relativement à la fusion de AOL et Time Warner, qui représente la tentative la plus crue de la part de la grande entreprise pour monopoliser l'Internet.

La monopolisation est intrinsèque au système capitaliste lui-même. Pour lutter contre elle, il faut lutter politiquement contre de très réels intérêts de classe qui sont inscrits dans un système dans lequel la production dans son ensemble n'est pas organisée en fonction des besoins humains, mais pour le profit privé.

 

Notes

1. Nous utilisons le terme « logiciel avec droits de propriété » pour décrire le caractère non public de plateformes d'ordinateur comme Microsoft. Sous un système avec droits de propriété , le code des programmes aussi bien que les détails nécessaires pour développer les applications qui fonctionneraient avec les systèmes d'exploitation de Microsoft sont un secret bien gardé, dont la teneur n'est révélée qu'aux compagnies qui ont signé des accords avec Microsoft.

2. Le terme « logiciel libre » se réfère aux applications et aux systèmes d'exploitation dont le code écrit par le programmeur est distribué en même temps que le logiciel lui-même. Écrit dans un langage que tout programmeur peut comprendre, le logiciel peut être modifié ou corrigé sans que l'acheteur ne dépende de la compagnie qui l'a développé.

3. GNU est l'acronyme pour « GNU is not Unix » (GNU n'est pas Unix). C'est le nom donné au système développé par un groupe de bénévoles sous la gouverne de Richard Stallman. Son projet GNU est connu pour sa collaboration avec le système d'exploitation Linux.

 

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