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Le congrès du PQ et le faible appui pour la souveraineté

 

par Guy Leblanc
5 mai 2000

Le Parti québécois, le parti indépendantiste qui forme le gouvernement provincial du Québec, tiendra son congrès du 5 au 7 mai. Même s'il en est au milieu de la deuxième année de son deuxième mandat, qui peut durer jusqu'à cinq ans (les élections ont traditionnellement lieu toutes les quatre années), le premier ministre Lucien Bouchard et ses ministres ont bien de la difficulté à débarrasser le parti de l'odeur de fin de régime qui en émane.

La plupart des sondages depuis un an indiquent que la majorité des Québécois sont insatisfaits ou très insatisfaits du gouvernement péquiste. De plus, l'appui au projet « souverainiste », sa proposition pour un nouveau partenariat économique et politique entre une république du Québec capitaliste et le Canada, stagne aux alentours de 40 %.

Le dernier congrès du PQ a eu lieu seulement un an après le référendum sur la souveraineté de 1995. L'option indépendantiste avait perdu par quelques dizaines de milliers de voix, ayant rallié 49,4 % des votes exprimés. Les péquistes pensaient alors toucher « le pays » du doigt, et proposaient comme stratégie de réunir « les conditions gagnantes » pour gagner le prochain référendum qui devait avoir lieu à l'orée du vingt et unième siècle. Mais l'impopularité du gouvernement péquiste et de son option constitutionnelle fait qu'il est impossible de penser tenir un référendum pour le PQ.

Le PQ et le programme de guerre des classes de la grande entreprise

Bien que ce soit pour des raisons différentes, le PQ perd de sa popularité aussi bien dans la population en général qu'aux yeux de l'élite économique québécoise.

Durant la campagne référendaire de 1995, Lucien Bouchard, Jacques Parizeau, qui était alors chef du PQ et premier ministre du Québec, et les partisans du PQ au sein de la bureaucratie syndicale ont cherché à gagner de façon démagogique l'appui de classe ouvrière. Ils déclarèrent qu'un Québec indépendant serait une barrière naturelle contre le vent de droite qui soufflait sur l'Amérique du Nord. Mais lorsqu'il prenait la place de Parizeau en janvier 1996, Bouchard disait plutôt que la meilleure façon de gagner l'appui pour l'indépendance était d'éliminer le déficit de la province, qui atteignait 6 milliards par année, en diminuant les dépenses publiques.

Au nom de la « solidarité nationale », les dirigeants des syndicats québécois ont participé à un sommet économique avec des représentants de la grande entreprise et ceux du gouvernement où ils ont souscrit à la proposition de Bouchard de faire de l'atteinte de l'équilibre budgétaire pour l'an 2000 le principal objectif du gouvernement péquiste. Ainsi, en pratique, réunir les « conditions gagnantes » pour un vote pour la souveraineté ne signifiait rien d'autre que de prouver à la grande entreprise que le PQ était le plus apte à mettre en place le programme de guerre de classe du patronat.

Il ne fait aucun doute que le rôle qu'a joué le PQ dans les compressions budgétaires des services sociaux et publics est la principale cause de sa chute de popularité. Quand les infirmières ont fait la grève durant trois semaines l'été passé malgré les lois antisyndicales, le gouvernement s'est trouvé isolé politiquement et ce n'est que grâce à l'aide de ses alliés au sein de la bureaucratie syndicale qu'il a pu contenir le mouvement. Si on considère les dépenses gouvernementales par habitant, le PQ a entrepris des compressions plus importantes que celles réalisées par le gouvernement conservateur ontarien, ouvertement de droite. Récemment, le gouvernement péquiste a admis que plus de 100.000 personnes pour une population de 7,5 millions attendaient pour subir une opération. Toutefois, l'opposition de la population aux politiques de Bouchard n'arrivent pas à trouver une forme articulée, contrairement à celle de l'élite économique du Québec.

Comme dans le cas du gouvernement Chrétien, les dirigeants d'entreprise applaudissent le gouvernement péquiste pour avoir réussi à équilibrer son budget pour l'an 2000 et ils accueillent aussi les réductions des impôts pour les particuliers tout en se plaignant qu'elles soient nettement insuffisantes. Toutefois, ils expriment de vives inquiétudes que le PQ ne puisse s'engager suffisamment vigoureusement dans ce qu'ils considèrent constituer la prochaine étape, c'est-à-dire des diminutions importantes des impôts pour les particuliers et pour les entreprises, l'abrogation de réglementation, entre autres sur l'environnement et le travail, et la réorganisation des programmes et des services sociaux pour les soumettre plus directement aux impératifs du marché.

Gilles Taillon, le président du Conseil du patronat, le lobby du monde des affaires au Québec, a récemment exigé des péquistes qu'ils laissent le secteur privé compétitionner contre le secteur public dans le domaine de la santé tant en ce qui touche les services auxiliaires, comme l'entretien ménager et les cafétérias que ce qui touche les soins eux-mêmes, en permettant aux cliniques privées d'offrir des opérations. Le Conseil du patronat demande aussi que soit resserré les dépenses pour l'éducation secondaire et postsecondaire, l'autre grand poste budgétaire du gouvernement.

« Nous ne pouvons continuer à être un État social-démocrate, dans le sens le plus pur du terme, dans un environnement qui permet aux forces du marché de jouer un plus grand rôle. Je crois qu'au Québec, il y a trop d'État et pas assez de marché » a dit Taillon selon le Globe and Mail.

« Nous devons dire à ce gouvernement que s'il refusait d'adopter cette vision... nous devrions appuyer un parti qui représente notre programme ».

Pour le Conseil du patronat, le problème est que « ce gouvernement est captif des organisations syndicales. Il dit que ce qui nous lui proposons lui paraît très sensé, mais ils ont un peu peur d'affronter de face les grands syndicats ».

Taillon a parfaitement raison de dire qu'il y a une liaison profonde entre le PQ et les appareils syndicaux. La bureaucratie syndicale est une des couches de la petite bourgeoisie au Québec la plus fidèle au PQ. En fait, presque un député péquiste sur cinq provient du milieu syndical et la bureaucratie syndicale québécoise a appuyé avec enthousiasme le PQ tout au long des trente dernières années.

Mais accuser ce gouvernement de trop pencher du côté des travailleurs frise la fraude. Utilisant ses bonnes relations avec les appareils syndicaux, le gouvernement péquiste a pu imposé des compressions budgétaires de plusieurs milliards par année et une réduction importante du personnel du secteur public avec une relative paix sociale grâce à l'entière coopération des dirigeants syndicaux.

Cette coopération est un élément essentiel du succès du PQ dans ces politiques de compressions budgétaires et une bonne part de la crise qu'il connaît vient justement du fait que les dirigeants syndicaux rencontrent de plus en plus de résistance de la part des travailleurs pour leurs plans de soutien aux politiques gouvernementales.

Après la grève des infirmières de l'été passé où elles avaient répudié l'entente intervenue entre leur direction syndicale et le gouvernement, on a vu plusieurs articles dans les grands médias questionnant la pertinence du « modèle québécois », la liaison corporatiste entre les syndicats, le gouvernement et la grande entreprise.

Le taux de croissance économique au Québec a été nettement inférieur à celui des autres provinces au cours des années 1990. Le patronat manifeste son insatisfaction à voir que le Québec continuer de perdre du poids par rapport au reste du Canada et plusieurs sections du monde des affaires favorisent de plus en plus une politique ouvertement plus à droite, du type de celle que propose la nouvelle Alliance canadienne et le gouvernement conservateur ontarien de Harris. Ce dernier a financé ses diminutions d'impôts aux particuliers par d'immenses compressions budgétaires des programmes sociaux. Et sans aucun doute, les dirigeants d'entreprise envient les restrictions sur les droits syndicaux qu'a imposées le gouvernement conservateur ontarien.

Faible appui à l'option souverainiste

Toute comme l'impopularité du gouvernement, l'impopularité de l'option indépendantiste a différentes causes selon la classe sociale.

Le rôle qu'a joué le PQ pour imposer les importantes compressions budgétaires a sans doute surpris ceux qui croyaient que ce parti, s'il n'était pas anticapitaliste, était à tout le moins social-démocrate.

L'élite industrielle, commerciale et financière québécoises s'inquiètent évidemment beaucoup moins du vent de droite soufflant sur le Québec, mais reste plutôt froide pour plusieurs raisons.

Malgré les déclarations du PQ voulant que la création de l'État du Québec est le meilleur moyen de le rendre compétitif à l'échelle mondiale, la bourgeoisie québécoise, comme la canadienne, s'inquiète de plus en plus de voir la place du Canada, et celle du Québec, marginalisée internationalement.

Avec la mondialisation de l'économie, de plus en plus les entreprises du Canada sont déclassées par les très grandes compagnies qui naissent des fusions. La séparation du Québec menacerait l'appartenance du Canada au G7 , qui peut ainsi influencer, être informer et prendre part aux grandes manoeuvres impérialistes, une question vitale pour de nombreux secteurs stratégiques de l'économie canadienne et québécoise.

Les déclarations de l'administration Clinton qui a constamment réitéré son appui au maintien de la confédération canadienne pèsent aussi lourdement dans la balance. Il y a quelques mois seulement, l'ex-gouverneur du Michigan et ambassadeur américain au Canada, James Blanchard, a dit qu'un Québec indépendant ne se verrait pas automatiquement offrir l'accès à l'Accord de libre-échange nord-américain.

L'inquiétude de la bourgeoisie canadienne quant à son avenir étant donné la nouvelle donne économique mondiale l'incite à vouloir en finir autant que possible avec la question de l'indépendance du Québec pour pouvoir consacrer son attention à l'extérieur à ses compétiteurs et à l'intérieur aux travailleurs.

Profitant du faible appui pour la souveraineté au sein de la population, le gouvernement Chrétien a voté une loi pour préparer le terrain juridique et politique pour qu'Ottawa puisse refuser reconnaître une demande de sécession endossée par un vote majoritaire lors d'un éventuel référendum. Avec cette loi, la sécession serait conditionnelle à la renégociation des frontières du Québec, ce qui soulève directement la menace d'un dépeçage de la province advenant un vote majoritaire pour l'indépendance.

La réponse du gouvernement péquiste, un contre projet de loi qui affirmait que seul le gouvernement du Québec avait le droit de décider du libellé de la question et que les frontières du Québec ne pouvaient être modifiées sans son consentement, a reçu un appui beaucoup plus faible que celui qu'il espérait. À part les traditionnels alliés du PQ, les bureaucraties syndicales et les organisations des radicaux de la classe moyenne comme Gauche socialiste et le Parti de la démocratie socialiste, à peu près personne n'a répondu à l'appel pour « l'union sacrée de tous les Québécois » qu'a lancé Bouchard.

En se proclamant les défenseurs du « droit du Québec à l'autodétermination », le PQ et ses alliés de la bureaucratie syndicale espèrent détourner l'attention populaire du programme droitiste du PQ et nourrir les illusions que, parce que l'indépendance du Québec est une idée opposée à l'ordre constitutionnel actuel et, par conséquent, aux sections les plus puissantes du Capital canadien, cette option revêt un caractère progressiste et même radical. Mais ces affirmations commencent à se buter sur des oreilles sceptiques, les classes laborieuses ayant vu en pratique comment le PQ défend les intérêts de la grande entreprise avec autant de vigueur que ses opposants fédéralistes.

Sous pression de la grande entreprise pour virer encore plus à droite, le gouvernement péquiste et spécialement son appareil de parti petit bourgeois écoute attentivement les appels chauvins de ses membres de la base pour qu'il redonne vie au mouvement indépendantiste. Les « purs et durs », l'aile radicale extrêmement chauvine du PQ, a mis de l'avant toute une série de résolutions pour restreindre les droits des immigrants et de la minorité anglophone. Il est demandé que le droit à fréquenter un cégep anglophone (le premier niveau postsecondaire) soit sévèrement restreint pour les immigrants et que soit banni l'usage de toutes langues sauf le français dans l'affichage commercial. Bouchard quant à lui a annoncé la tenue d'États généraux cet automne pour discuter du statut de la langue française au Québec.


 

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