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La droite républicaine se prépare à la violence

par le comité éditorial
24 novembre 2000

Le déchaînement avec lequel a répondu au jugement de la Cour suprême de Floride du mardi 21 novembre le camp de Bush ainsi que ses alliés au sein des médias est révélateur d'un fait d'une importance capitale : le Parti républicain est devenu l'organe des forces d'extrême-droite prêtes à prendre des moyens extraparlementaires et violents pour arriver à leurs fins.

Les porte-parole de George W. Bush et la presse pro-républicaine ont répondu à la décision de la cour, qui venait simplement confirmer l'obligation constitutionnelle de compter tous les votes de façon juste, en demandant que la législature de la Floride défie le jugement ainsi qu'avec des appels qui avaient un caractère quasi insurectionnel aux militaires.

Le mur de mensonges et de désinformations : accuser la cour de « changer les règles du jeu » et de « réécrire les règles électorales », dénoncer le candidat démocrate Al Gore pour être un bandit qui veut voler les élections, appeler aux sentiments racistes et antisémites, tout ceci a produit l'effet désiré. Mercredi matin, un groupe de partisans de Bush déchaînés a assiégé le conseil des scrutateurs du comté de Miami-Dade, a empoigné un avocat des démocrates et a menacé les personnes qui recomptent les votes à la main. Quelques heures plus tard, le conseil dominé par les démocrates annonçait qu'il abandonnait le recomptage, ce qui a privé des centaines de partisans de Gore de faire valoir leur vote éliminé lors du premier décompte à la machine.

Il y a une grande différence entre les réponses officielles au jugement par le camp de Gore et par le camp de Bush. Gore a appelé mardi soir devant les caméras de télévision pour l'unité nationale et demandé au camp Bush de respecter le résultat de nouveau dépouillage des votes en Floride. Offrant à plusieurs reprises de rencontrer son adversaire républicain, Gore parlait comme un politicien bourgeois qui s'inquiète de la possibilité qu'une brèche ouverte au sein de l'élite politique pourrait miner une passation des pouvoirs selon les règles, avec toutes les conséquences imprévisibles et potentiellement explosives que cela suppose.

Le représentant de Bush, l'ancien secrétaire d'État, James Baker, ne s'est même pas donné la peine de faire mention des appels à l'unité de Gore, pas plus qu'à ses demandes pour rencontrer le gouverneur du Texas. Il a plutôt dénoncé le jugement de la Cour suprême pour être « inacceptable », et a incité la législature de l'État dominée par les républicains à défier la cour. « On ne devrait pas être surpris si la législature de Floride cherchait à réaffirmer les règles originales. »

Baker suivait en cela la voie proposée par le Wall Street Journal, qui répondait à l'avance au jugement de la cour dans un éditorial : « La législature a l'option, qui nous apparaît comme un devoir, de dire clairement qu'elle interviendra dans tout différent entre Mme Harris [la secrétaire d'État républicaine qui est aussi coprésidente de la campagne de Bush en Floride] et les démocrates de la Cour suprême. Et puisque les républicains tiennent solidement en main la législature, ils en sortiront gagnants. »

Reprenant le rôle qu'il avait joué dans la conspiration pour destituer Bill Clinton, le Wall Street Journal a servi de porte-parole pour les forces d'extrême-droite qui ont cherché dès le jour du vote à empoisonner l'opinion publique avec des accusations gratuites et de la désinformation et à voler l'élection pour les républicains. Le Wall Street Journal a été le fer de lance des efforts pour engendrer une véritable mutinerie au sein de l'armée contre une possible victoire de Gore, utilisant le prétexte du rejet, parce qu'ils n'étaient pas conformes, de centaines de vote par correspondance des militaires basés hors du pays.

Mercredi, le Wall Street Journal publiait une chronique coiffée du titre incendiaire « La guerre du Parti démocrate contre l'armée ». Qualifiant le rejet des votes des militaires de « nouvel épisode de la culture de la guerre continuelle entre le noyau du Parti démocrate et les militaires américains », l'article suintait le racisme, l'homophobie et la haine pour la classe ouvrière. L'auteur parle des « spasmes de la carcasse » de la « gauche » du Parti démocrate : « les syndicats d'enseignants, les activistes féministes, les victimologues homosexuels, les Églises noires, les associations étudiantes ».

Alors que la crise électorale s'approfondissait, des appels à peine voilés au racisme et à l'antisémitisme commencèrent à apparaître de plus en plus régulièrement dans les tracts des partisans de Bush. Les supporteurs républicains soulignaient le rôle de Jesse Jackson pour mieux fouetter les préjugés contre les noirs et s'attardaient sur le grand nombre de retraités juifs à Palm Beach pour galvaniser leurs partisans fondamentalistes.

Le Wall Street Journal ne s'est pas privé de reprendre de telles méthodes. Dans l'éditorial mentionné plus haut, on trouve, dans des mots spécialement choisis pour faire référence à la communauté juive en Floride, que Mme Harris « doit faire face à un barrage armé parce qu'elle est une aristocrate du Sud des États-Unis plutôt qu'une sophistiquée de New York. » Plus loin, on peut y lire une dénonciation des démocrates qui « ont importé Jesse Jackson pour monter une attaque fondée sur la race. »

Quant au fond, cet éditorial était un appel lancé au Parti républicain pour qu'il ne se laisse pas limiter par les contraintes constitutionnelles d'usage dans sa lutte pour gagner la Maison blanche. Il concluait en demandant presque ouvertement qu'une victoire pour le camp Bush se traduise par une administration avec une approche dictatoriale.

« Il semble plein de sagesse de penser que même si le gouverneur Bush accédait à la présidence, à la lumière des récents événements, il ne serait pas en position de faire grand-chose. Peut-être. Mais nous croyons qu'il est tout aussi pertinent de penser que le genre de problèmes qu'il doit surmonter présentement en Floride constitue précisément la meilleure des écoles pour ce qui se prépare. Le caractère du gouverneur Bush le pousse à porter un gant de velours, mais il aurait bien plus de succès si, de concert avec son parti, il pouvait mettre un peu d'acier dedans. »

Le titre de cet éditorial, « Le Parti républicain est-il trop facilement dégoûté ? » (« The Squeamish GOP? ») fait référence à l'aversion face au massacre. Le sens de l'éditorial est clair : un président républicain doit être prêt à user de violence pour imposer son programme social réactionnaire. Accéder à la Maison blanche en éliminant des votes et en piétinant la volonté populaire est une excellente préparation pour « ce qui se prépare », c'est-à-dire une opposition généralisée de la population.

Il est grand temps de cesser de masquer le véritable caractère de la droite républicaine sous le terme de « conservateur ». Ils sont plutôt des éléments fascistes qui ont brisé avec les méthodes traditionnelles de la démocratie bourgeoise.

Il y a une logique à la politique. Lorsque des sections influentes de l'élite dirigeante arrivent à la conclusion qu'elles ne peuvent arriver à leurs buts par des moyens démocratiques et prennent la voie de la conspiration et la répression, alors elles prennent le chemin qui mène à la guerre civile.

Il ne s'agit pas ici de la prédiction de l'arrivée éminente d'une dictature militaire. Mais il serait bien léger d'ignorer les signes avant-coureurs du danger. Si la campagne que mène les républicains pour prendre la Maison blanche commence à ressembler aux opérations de la CIA contre les adversaires libéraux ou gauchistes de l'impérialisme américain en Amérique du Sud, par exemple celle du Chili, alors il en découle que la « solution Pinochet » est sérieusement envisagée. Personne ne doit douter que l'éditeur du Wall Street Journal, Robert Bartley, et les réactionnaires qui font partie de son équipe peaufinent les arguments pour justifier l'usage de la violence contre leurs adversaires politiques et contre la classe ouvrière.

Le Wall Street Journal parle au nom de sections puissantes du monde des affaires américain. Ces forces au sein de l'élite financière ont adopté toujours plus franchement le point de vue de l'extrême-droite, et endossé, aussi bien financièrement que par d'autres moyens, la croissance de cet élément fasciste, précisément parce qu'elles en sont venues à la conclusion qu'elles ne pourront pas imposer leur programme social par les voies démocratiques normales.

Ils s'appuient sur la lie de droite qui peuple les grands médias pour concilier leurs visées antidémocratiques et saturer les ondes de demi-vérités et de mensonges. Leur force ne repose pas sur un grand appui populaire, bien au contraire, il ne trouve qu'un appui marginal dans la population en général.

Plutôt, la force de la droite républicaine vient du fait qu'elle articule avec plus de conséquences et moins de compromis que tout autre regroupement politique bourgeois les besoins de l'élite du monde des affaires américain. La droite radicale sait ce qu'elle veut et est prête à aller contre l'opinion publique pour l'obtenir. Les républicains ne jouent pas selon les règles constitutionnelles normales, alors que ses adversaires bourgeois du Parti démocrate restent sur le bord du terrain en observateurs impotents et passifs. Ces derniers incarnent le libéralisme démoralisé, dont la perspective d'entreprendre des réformes timorées est rejetée par la classe dirigeante.

Au même temps, la droite républicaine sent bien qu'elle n'a qu'un assez faible éventail de possibilités pour arriver à ses fins. Elle fut stupéfiée par les résultats de l'élection, où on a vu que Gore avait rallié la majorité des électeurs et que le Parti démocrate aurait gagnée s'il fallait comptabiliser tous les votes exprimés en Floride. Si l'on additionne le vote pour Gore et pour le candidat du Parti vert, Ralph Nader, on se rend compte que de façon générale, une majorité significative de l'électorat a appuyé des politiques de caractère libéral et gauchiste, et s'oppose à la domination de plus en plus ouverte de la grande entreprise sur la politique américaine.

La carte de la répartition des votes vient confirmer que la société américaine dans sa tendance générale ne se dirige pas vers l'acceptation du radicalisme de droite. Bush a obtenu la très grande majorité de ses votes électoraux dans les régions les plus rurales et les moins industrialisées du pays : le Sud, le Sud-Ouest, des sections du Midwest. Les régions les plus urbanisées, les plus industrialisées, le plus densément peuplées et les plus vibrantes culturellement parlant sont allées à Gore. Dans cette esquisse à grands traits, l'avance décisive de Gore dans le vote populaire vient de l'appui des Noirs et des autres sections très opprimées de la classe ouvrière, dont le vote est une expression du profond dégoût pour les républicains et de la détermination à défendre les gains passés en ce qui a trait aux droits civils et aux conditions sociales.

De plus, les conditions économiques qui ont permis la montée d'une couche de nouveaux riches, qui constitue une composante essentielle de la base sociale du Parti républicain, très clairement commencent à disparaître. Le boum boursier, basé sur une très grande croissance du capital spéculatif, le parasitisme, si ce n'est la manoeuvre qui frise la fraude, perd son élan et laisse dans son sillage une société plus divisée économiquement qu'en toute autre période depuis un demi-siècle ainsi que le spectacle de l'avidité et de la criminalité des grandes entreprises sans précédent.

La droite républicaine répond avec une hystérie grandissante. Sa frénésie et son arrogance annoncent la rébellion d'une minorité qui considère qu'elle doit miser sur une victoire immédiate, parce que l'avenir devient pour elle de plus en plus bouché. Les républicains sentent que l'élection de l'an 2000 est leur meilleure chance, peut-être la seule en fait, de prendre la direction de toutes les branches du gouvernement. S'ils perdaient la Maison blanche, ils feraient face à la possibilité des luttes intestines et de la désintégration politique.

Bien qu'il y ait plusieurs différences évidentes entre les deux, il y a des similitudes frappantes entre la crise politique engendrée par les élections de l'an 2000 et la période de convulsions qui a mené à la guerre civile de 1861. Une de celle-là est la ressemblance dans la psychologie et les méthodes des républicains d'aujourd'hui avec celle des représentants politiques de ceux qui possédaient des esclaves il y a 150 ans. Dans les deux cas, les forces les plus réactionnaires au sein de la nation sont poussées par le désespoir, désespoir engendré par le fait que le développement historique se fait contre eux, à employer les méthodes de la provocation sans égards aux dangers qu'elles soulèvent.

Une grande différence, pour continuer dans l'analogie historique, est l'absence au sein de toutes les factions politiques de la bourgeoisie d'aujourd'hui d'une force qui soit voudrait ou soit pourrait s'opposer et défaire la droite radicale. Comme ils l'ont à maintes reprises déjà montré, les rangs peu solides du libéralisme, institutionnalisé dans le Parti démocrate, sont organiquement incapables de monter la moindre défense pour les droits démocratiques. Cette tâche revient maintenant à la classe ouvrière, qui doit construire son propre parti de masse, un parti socialiste, pour la mener à bien.

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