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La conférence de la Réserve Fédérale souligne l'instabilité financière

Par Nick Beams
1er septembre 2000

La conférence annuelle des hauts fonctionnaires de la Réserve Fédérale des États-Unis à Jackson Hole, Wyoming a fait ressortir la position financière de moins en moins stable de l'économie américaine et exprimé les inquiétudes de certains membres des cercles dirigeants sur les résultats politiques que pourrait avoir un déclin majeur de la croissance économique.

Dans sa présentation à la conférence, Alan Greenspan, le chef de la Réserve Fédérale, prévenait les dirigeants qu'une « antipathie profonde envers la concurrence et le libre-marché » pourrait survenir si la croissance économique s'affaiblit.

« Une défaillance observable de la performance économique par rapport aux normes établies dans les années précédentes risque de ranimer le sentiment contre les systèmes basés sur le marché, même chez certains dirigeants établis. A présent nous n'attendons pas de défaillance, et de telles opinions ne sont pas largement répandues. Mais elles résonnent dans certains arguments contre le système de commerce mondial qui ont fait surface à Washington, D.C. et à Seattle au courant de l'année dernière ».

Un des aspects les plus remarquables du discours de Greenspan est qu'il y décrivait ce que l'on pourrait appeler le secret ouvert du boom économique américain et de l'arrivée du capital étranger sur lequel ce boom dépend de plus en plus.

Selon Greenspan, une des principales raisons pour lesquelles il y a plus d'investissements en haute technologie aux USA qu'en Europe ou au Japon est que « légalement et traditionnellement, les employeurs américains ont beaucoup moins d'obstacles à laisser partir des employés ». C'est à dire que les firmes américaines reçoivent davantage de profits parce qu'ils peuvent opérer des limogeages en masse avec beaucoup plus de facilité que leurs rivaux dans d'autres pays.

Il continuait : « La différence est importante dans notre nouveau monde technologique, car beaucoup, sinon la plupart, des profits réalisés à l'aide des nouvelles technologies résultent de la réduction des dépenses, ce qui signifie finalement, pour la plupart, la réduction des dépenses sur les employés. Ainsi les mesures légales qui nuisent à la capacité de facilement réduire les dépenses réduisent aussi les profits que l'on anticipe des nouvelles technologies, réduisant ainsi leur attrait. Même si ces technologies sont disponibles à tous, l'intensité de leur application et la croissance résultante est ainsi la plus élevée aux USA et dans les pays avec moins d'obstacles à leur mise en marche ».

Comme résultat des profits plus élevés aux USA, remarquait Greenspan, « les européens ont de plus en plus apprécié les investissements aux USA et représentent une proportion de plus en plus élevée du total croissant de l'investissement étranger dans les biens aux USA ».

Ces conclusions entraînent des observations politiques décisives. Elles démontrent qu'un des facteurs essentiels soutenant la capacité des USA d'importer le capital étranger, qui permet de financer sa balance des paiements déficitaire et sa dette extérieure croissante ­ à présent à peu près $400 milliards ou 4% du PNB ­ est la suppression de toute lutte ouvrière pour la défense des emplois et des salaires.

Une étude rédigée par les économistes Maurice Obstfeld et Kenneth Rogoff examine la montée en flèche de la balance de paiements déficitaire des USA dans la période récente. Après être resté à un niveau de 1,7% du PNB de 1992 à 1998 (niveau déjà élevé par rapport à sa position historique), le déficit est monté à 3,7% du PNB en 1999 ; on s'attend à ce qu'il atteigne les 4,4% du PNB en 2001.

Si ce niveau n'est pas inouï parmi les grands pays capitalistes ­ l'Australie ayant eu un déficit d'environ 4,3% de 1991 à 1999 ­ le déficit de $316 milliards était néanmoins « le déséquilibre le plus important de l'histoire, en termes absolus ». Ceci amène la question de combien de temps le système économique global pourrait continuer à soutenir ce niveau d'endettement par son plus grand membre, et de ce que seraient les conséquences d'un renversement soudain de ces tendances.

Les auteurs soulignaient qu'à la fin de l'an 2000 l'endettement net des USA serait d'à peu près $1,900 milliards ou 20% du PNB, et que même si le taux de croissance annuel des USA de 5% par an se maintenait, avec une balance des paiements déficitaire de 4,4% du PNB il y aurait « dans l'avenir proche une montée rapide de la proportion de la dette extérieure au PNB ».

Obstfeld et Rogoff remarquent que si la proportion de dette à production de 20% semblait pouvoir se gérer, elle est néanmoins « très élevés du point de vue historique ».

« A la fin du 19ème siècle, quand les USA étaient un géant économique en formation, la proportion de dette à PNB n'a jamais dépassé les 26% (un point culminant en 1894). Si les processus actuels continuent, ce chiffre sera rapidement dépassé. On n'a qu'à se souvenir que juste avant la crise de l'endettement en Amérique latine en 1980, la dette extérieure de l'Argentine atteignait 22%, celle du Brésil les 19% et celle du Mexique les 30%, pour comprendre que la proportion de la dette au PNB des USA atteint un niveau très élevé ».

Le seul fait qu'on mentionne ensemble la position économique des USA et celle des pays surendettés de l'Amérique latine indique que, même si on continue à faire des éloges officiels sur les merveilles de « la nouvelle économie », il y a des signes d'instabilité croissante.

Obstfeld et Rogoff soulignent que si d'autres pays capitalistes avancés, tels le Canada, la Finlande, et la Suède, ont vu des proportions dette-PNB de 40 à 50 %, et même de 60% dans le cas de l'Australie, le système financier international ne pourrait pas soutenir un pareil niveau de la dette dans la plus grande économie nationale au monde.

« Le choc le plus évident serait un déclin soudain dans les taux de croissance aux USA relatifs au reste du monde, apportant peut-être aussi une chute des investissements. Un choc pourrait amener les étrangers à réduire les exportations de leurs épargnes aux USA et, en même temps, augmenter les exportations des épargnes des américains à l'étranger ­ les deux tendant à réduire la balance des paiements déficitaire ».

Dans leurs conclusion, les auteurs remarquaient qu'un « ajustement soudain de la balance des paiements déficitaire des USA pourrait causer une très grande dépréciation du dollar ». De pareilles dépréciations ont « causé de grands désordres » dans d'autres pays, et si l'économie américaine était sans doute plus résistante « le risque d'une forte et rapide dévaluation du dollar est néanmoins réel ».

De l'autre côté, si rien ne se passait et les taux d'épargne aux USA restaient à leurs niveaux bas actuels, « l'économie américaine pourrait finalement faire face au pire : une dette extérieure immense et des chances grandissantes d'une panique des investisseurs étrangers et la fin des emprunts des USA à l'étranger ».

L'étude, présentée par Paul Krugman, professeur d'économie à Princeton et journaliste pour le New York Times, n'est pas intéressante parce qu'elle avance de nouvelles idées, mais parce qu'elle exprime la confusion généralisée des économistes bourgeois professionnels face à l'instabilité grandissante du système capitaliste global.

Selon Krugman : « Toute personne qui a suivi les affaires financières internationales pendant quelques temps connaîtra ce sentiment ; appelons-le le déjà vu des idées conventionnelles. On écoute ou on lit quelque chose sur un débat dans lequel il y a certaines présuppositions communes, et soudain on a la tête qui tourne, parce que l'on se souvient des présuppositions d'il y a 5, 10, ou 15 ans ­ et ce n'étaient pas les mêmes ».

Si la crise en Asie a causé « un torrent de communications universitaires et gouvernementales, il n'y a aucun modèle universellement accepté de la crise », et les économistes se disputent sur la question de savoir si c'était « un tournant temporaire vers un mauvais équilibre » ou le résultat d'une « fragilité intrinsèque ».

« Ce manque d'unanimité sur la nature des crises économiques modernes complique la tâche de décrire les effets d'autres facteurs sur la vulnérabilité aux crises, car si nous ne pouvons pas nous mettre d'accord sur ce qui s'est passé, comment pouvons-nous dire qu'une augmentation du commerce ou telle autre mesure réduira les chances qu'une crise se reproduise ? »

Krugman offre la conclusion générale que « l'intégration grandissante de l'économie mondiale a augmenté les risques d'une crise financière. Essentiellement, les gains potentiels grandissants du commerce et de l'investissement étranger augmente les pertes causées par les contrôles nationaux, qui pourraient nuire aux échanges de produits et de services et décourager les entreprises multinationales. Mais l'abolition des contrôles nationaux augmente la possibilité que les pays développeront les vulnérabilités financières qui rendent possibles les crises ».

S'il n'écartait pas la possibilité que le risque d'une crise pourrait s'amenuiser et que finalement les choses se calmeraient, « l'intégration grandissante de l'économie mondiale signifie probablement de plus grands risques de crise dans les années à venir » et « le plus probable est que le chemin sera cahoteux pendant des années à venir ».

Ce que cet économiste bien payé appelle un « chemin cahoteux » signifie, pour la majorité des gens, y compris les américains, le chaos économique, les faillites, et la destruction des emplois et des conditions de vie dont la crise asiatique n'était qu'un avertissement.

Voir aussi:
Le déficit commercial record des USA : symptôme de graves problèmes économiques
 28août 2000


 

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