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Un rapport de l'ONU sur le SIDA dépeint un tableau sombre de dévastation

[Première partie]

Par Paul Scherrer
Le 17 juillet 2000

[Deuxième Partie]

Le récent rapport conjoint des Nations Unies et de l'Organisation mondiale de la Santé sur le SIDA dépeint le tableau de dévastation qui prévaut en Afrique et nous met en garde contre la possibilité que la catastrophe s'étende à de nombreuses autres régions du monde, sans pour autant offrir de solution à cette épidémie galopante.

Publié en prévision de la XIIIe conférence mondiale sur le SIDA qui se tenait au début de juillet en Afrique du Sud, le « Rapport sur l'épidémie mondiale de VIH/SIDA - Juin 2000 » avait pour objectif de démontrer l'étendue de l'épidémie mondiale et de donner le ton de la conférence.

Premier de deux, le présent article sur le rapport conjoint de l'ONU et de l'OMS traite de l'étendue de la destruction causée par le virus VIH/SIDA, surtout en Afrique, mais également dans d'autres régions. Le second article examine la crise qui sévit dans les soins de santé et les propositions mises de l'avant par l'ONU et l'OMS.

En prenant connaissance de la dernière partie du rapport, le lecteur a l'impression effroyable que ses auteurs se rappellent à peine des sections traitant de l'étendue de l'épidémie. Même si elles étaient toutes appliquées intégralement, les propositions de l'ONU et de l'OMS ne freineraient pas l'infection et le décès de millions de personnes annuellement. Un examen de l'information fournie dans le rapport conjoint de l'ONU et de l'OMS entraîne inéluctablement le lecteur à conclure que le virus VIH/SIDA n'est plus seulement une crise de la santé, mais également une gigantesque crise sociale.

Malgré la découverte au cours des cinq dernières années de traitements médicaux extrêmement efficaces pour traiter le virus du VIH/SIDA, l'épidémie mondiale atteint des proportions catastrophiques et touche des millions de personnes et des régions entières de la planète. C'est ainsi que l'an dernier, plus de 5,4 millions de personnes étaient infectées par le virus du VIH, soit près de 2 millions de plus que ce que l'ONU avait estimé en décembre 1999. Parmi ces 5,4 millions de nouveaux cas, 4,7 millions sont des adultes, 2,3 millions sont des femmes et 620 000 des enfants.

Plus de 34,3 millions de personnes vivent actuellement avec le virus du VIH/SIDA, dont 15,7 millions de femmes, soit près de la moitié des adultes ayant contracté la maladie. Environ 1,3 million d'enfants de moins de 15 ans sont porteurs du virus, la vaste majorité de ces derniers l'ayant acquis de leur mère. Plus de 18,8 millions de personnes sont mortes depuis que l'épidémie de VIH/SIDA a été identifiée pour la première fois à la fin des années 1970 : 15 millions d'adultes, dont 7,7 millions de femmes et 3,8 millions d'enfants de moins de 15 ans. L'an dernier seulement, 2,8 millions de personnes en sont mortes : 2,3 millions d'adultes et 500 000 enfants. Bien qu'elle sévit principalement en Afrique, l'épidémie de VIH/SIDA est en train de s'implanter fermement dans certaines parties de l'Asie, de l'Amérique latine, des pays de l'Europe de l'Est et de l'ex-Union Soviétique.

La catastrophe africaine

L'épidémie de SIDA est de loin la pire dans les pays de l'Afrique sub-saharienne. Actuellement, 24,5 millions de personnes vivent avec le virus du VIH/SIDA dans cette région du monde, dont 4 millions ayant été infectées en 1999. Dans la plupart des pays sub-sahariens, les gens contractent le virus du VIH à un rythme plus vite que jamais. L'an dernier, 2,2 millions de personnes sont mortes du SIDA en Afrique sub-saharienne, un chiffre qui représente près des 80 p. 100 des 2,8 millions de morts de cette maladie dans le monde. Depuis le début de l'épidémie, 14,8 millions de personnes d'Afrique sub-saharienne ont été tuées par le SIDA, soit trois fois plus que ce que l'ONU avait prédit en 1991.

Le SIDA est maintenant la première cause de mortalité dans cette région, y représentant plus d'un cinquième des décès. Cette maladie a tué plus de personnes l'an dernier que toute autre cause, y compris la guerre, la malaria ou la tuberculose. Un dixième de la population adulte de 16 pays âgée entre 15 et 49 ans est infecté par le virus du VIH. Dans sept pays, une personne sur cinq vit avec le virus du VIH/SIDA. Au Botswana, 35,8 p. 100 des adultes en sont maintenant atteints. Avec ses 4,2 millions de personnes infectées, l'Afrique du Sud abrite le plus grand nombre de personnes au monde vivant avec le virus du VIH/SIDA. Quelques 19,9 p. 100 de la population adulte y est maintenant infectée par le VIH. Ce chiffre n'était encore que de 12,9 p. 100 il y a de cela seulement deux ans.

Selon le rapport conjoint de l'ONU et de l'OMS, « si l'action de lutte ne s'intensifie pas de manière radicale, les ravages déjà observés sembleront dérisoires par rapport à ce qui nous attend. Sans vouloir paraître mélodramatique, il est difficile de minimiser les effets d'une maladie qui risque de tuer plus de la moitié des jeunes adultes dans les pays où elle s'est le plus fortement enracinée ­ la plupart d'entre eux avant qu'ils aient pu élever leurs enfants ou subvenir aux besoins de leurs parents âgés.. »

Les femmes et les enfants

Les jeunes femmes de cette région contractent le VIH/SIDA à un taux allant en s'accélérant. Onze études menées dans diverses zones urbaines et rurales sur les taux d'infection chez les adolescentes et les femmes dans la jeune vingtaine ont révélé des taux élevés et alarmants.

« On a peine à croire les niveaux atteints chez les adolescentes et surtout chez les jeunes
femmes au début de la vingtaine, soutient le rapport. Dans 7 études sur 11, plus d'une femme sur cinq au début de la vingtaine était infectée par le virus; une vaste proportion d'entre elles ne vivront pas jusqu'à leur trentième anniversaire. Près de 6 femmes sur 10 dans ce groupe d'âge dans la ville sud-africaine de Carletonville sont séropositives au VIH ».

Les taux d'infection chez les jeunes Africaines sont beaucoup plus élevés que chez les jeunes hommes. Dans les 11 études de population présentées, les taux moyens d'infection chez les adolescentes étaient cinq fois plus élevés que ceux chez les adolescents. Parmi les facteurs contribuant à cette différenciation des taux d'infection, les chercheurs ont identifié les habitudes sexuelles prévalantes, notamment la tendance qu'ont les hommes plus âgés à avoir des rapports sexuels avec des femmes plus jeunes, et le fait que les femmes exercent moins de contrôle sur l'utilisation des condoms.

Le taux élevé d'infection des jeunes femmes a entraîné une augmentation tragique du nombre d'enfants infectés par le virus ou d'orphelins de l'épidémie. Depuis le début de l'épidémie de SIDA, 13,2 millions d'enfants de moins de 15 ans ont perdu leur mère ou leurs deux parents à cause du SIDA. Nombre de ces enfants sont également morts après avoir contracté la maladie de leur mère. Enfin, 95 p. 100 des survivants vivent en Afrique.

Selon le rapport :

« En 1997, la proportion des enfants qui avaient perdu un de leurs parents ou les deux avait grimpé à 7% dans de nombreux pays africains pour atteindre même dans certains cas le chiffre astronomique de 11%. Dans les pays africains connaissant des épidémies graves et de longue durée, le SIDA génère des orphelins à un tel rythme que les structures familiales ne peuvent plus faire face. Les dispositifs traditionnels de protection sociale se décomposent à mesure que s'accroît le nombre des jeunes adultes qui meurent de cette maladie. Les familles et les communautés peuvent à peine subvenir à leurs propres besoins, sans avoir encore à s'occuper des orphelins. En général, la moitié de toutes les personnes séropositives sont infectées avant l'âge de 25 ans, elles contractent le SIDA et décèdent avant de parvenir à 35 ans, laissant derrière elles une génération d'enfants qui devront être élevés par leurs grands-parents ou seront abandonnés à eux-mêmes dans des familles dont le chef est un enfant ».

L'an dernier, 480 000 enfants de moins de 15 ans mourraient du SIDA, dont 430 000 en Afrique sub-saharienne. Depuis le début de l'épidémie de SIDA, 3,8 millions d'enfants sont mort de cette maladie, dont 3,3 millions en Afrique sub-saharienne. Enfin, 1,3 million d'enfants vivent actuellement avec le virus du VIH/SIDA, dont 1 million en Afrique sub-saharienne. La vaste majorité de ces derniers seront morts d'ici 10 ans.

La majeure partie des enfants infectés par le VIH sont nés d'une mère infectée par le virus. Ces enfants contractent le virus dans l'utérus, à la naissance ou peu de temps après par l'allaitement maternel. Des études ont révélé qu'environ le tiers des enfants nés de mères sidatiques devenaient infectés et que la moitié d'entre eux contractaient le virus en étant nourris au sein.

Malgré tout, les femmes de l'Afrique sub-saharienne se voient bloquées l'accès à des traitements réduisant nettement la possibilité de transmettre le virus à leurs enfants. Ces mêmes traitements sont disponibles depuis plusieurs années dans les pays capitalistes avancés pour les femmes infectées par le VIH. Par ailleurs, le biberon ne peut constituer une option pour la vaste majorité des mères infectées au VIH de l'Afrique sub-saharienne en raison du manque de biberons et de l'absence d'approvisionnement en eau propre et potable.

Le déclin de l'espérance de vie

L'épidémie de VIH/SIDA en Afrique entraîne un immense déclin de l'espérance de vie au point tel que la majorité, sinon la totalité des gains enregistrés depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale reculent. C'est ainsi que l'espérance de vie au Botswana qui avait franchit le cap des 60 ans à la fin des années 1980 n'est plus maintenant que de 47 ans. En Afrique du Sud, elle a chuté à 55 ans, au Zimbabwe à 44 ans, en Zambie et en Ouganda à 40 ans. Les taux de mortalité infantiles qui avaient également diminués sont à nouveau en hausse, une augmentation entièrement causée par l'épidémie de SIDA.

Le rapport explique que ces chiffres sont pour la plupart inférieurs à la réalité du fait que les données sur les taux de mortalité sont récoltés au moyen de sondages à domicile. Or, parmi les collectivités les plus touchées, de nombreux foyers ont péris en entier et ne sont pas comptés par conséquent. Par ailleurs, puisque les taux actuels ne tiennent pas compte de ceux qui sont déjà morts du SIDA, les chiffres cumulatifs sont en fait beaucoup plus élevés. Par conséquent les possibilités qu'un jeune homme non infecté par le virus du VIH/SIDA contracte la maladie sont en fait beaucoup plus élevées que ce que laisse entrevoir les chiffres actuels, un fait qui reste véridique même si les taux d'infection venaient à diminuer éventuellement.

Selon une étude démographique menée au Zimbabwe, la moitié des hommes âgés de 15 ans en 1997 pourraient mourir avant leur 50 ans, une donnée qui resterait vraie même si les taux d'infection diminuaient de moitié. En 1983, ce chiffre était de 15 p. 100. Au Botswana, les possibilités qu'un jeune homme de 15 ans puisse mourir avant son cinquantième anniversaire dépassent les 90 p. 100.

Selon le rapport, « La situation était tout aussi mauvaise pour les femmes : la probabilité pour une jeune fille de 15 ans de mourir avant la fin de sa période de reproduction avait quadruplée, passant de 11% environ au début des années 1980 à plus de 40% en 1997 ».

Les coûts du développement

Le rapport conjoint de l'ONU et de l'OMS consacre de nombreuses pages à détailler l'impact économique du VIH/SIDA en Afrique sub-saharienne. Il commence en déclarant qu'« il y a dix ans, le VIH/SIDA était vu avant tout comme une grave crise de santé... Aujourd'hui, le SIDA constitue de toute évidence une crise du développement et, dans certaines régions du monde, il est rapidement en train de devenir une crise de la sécurité ».

Pour les familles des zones urbaines de la Côte d'Ivoire dont l'un des leurs est infecté par le virus du VIH/SIDA, les sommes consacrées à l'éducation ont diminué de moitié et pour la consommation d'aliments de 41 p. 100 par personne. En revanche, les dépenses pour les soins de santé ont quadruplées. La République Centrafricaine a un tiers moins d'enseignants d'école primaire qu'elle en a besoin. Le nombre d'enseignants morts entre 1996 et 1998 est presque aussi élevé que celui de ceux ayant pris leur retraite. En tout, 107 écoles ont fermé par manque de personnel. Il n'y a plus que 66 écoles ouvertes dans tout le pays. En Zambie, au cours des 10 premiers mois de 1998, 1 300 enseignants sont morts.

Un sondage mené dans le district rural de Bukoba en République-Unie de Tanzanie a révélé qu'une femme dont le mari est malade consacre 60 p. 100 moins de temps aux activités agraires qu'elle ne le pourrait normalement. Une étude en Namibie révèle qu'une famille ayant à sa tête une femme perdait généralement son cheptel, mettant ainsi en danger la sécurité alimentaire des membres de la famille survivants.

Une organisation de lutte contre le SIDA en Afrique du Sud a annoncé que le Zimbabwe pourrait bien vivre une crise alimentaire au cours des 20 prochaines années, la population active et le nombre d'âcres cultivés ne cessant d'y diminuer. La majeure partie de la production agricole de subsistance y a chuté de 50 p. 100 au cours des cinq dernières années, en majeure partie à cause de l'épidémie de SIDA. La production de maïs a chuté de 54 p. 100, celle de coton de 47 p. 100, et celles d'arachides et de graines de tournesol de 40 p. 100.

L'épidémie de VIH/SIDA s'étend à d'autres parties de la planète

Bien que l'épidémie de VIH/SIDA est de loin la pire en Afrique sub-saharienne, l'ONU et l'OMS rapportent également la présence de tendances des plus troublantes en Asie, en Amérique du Sud, en Europe de l'Est et dans les républiques de l'ex-URSS.

Le taux prévalent pour l'ensemble de l'Asie est beaucoup plus bas que celui qui prévaut en Afrique. Il n'y a en effet que trois pays asiatiques (Cambodge, Myanmar et Thaïlande) où plus de 1 p. 100 des 15 à 49 ans sont atteints du virus du VIH/SIDA. En Indonésie, il n'y a que 5 personnes sur 10 000 qui sont atteintes du VIH, tandis qu'aux Philippines, ce taux est de 7 sur 10 000. Cependant, ces chiffres ne révèlent pas toute l'histoire. Les populations de plusieurs de ces pays sont en effet tellement élevées que même un petit pourcentage représente en fait un très grand nombre de personnes atteintes. Ainsi, l'Inde a beau n'afficher qu'un taux de 7 personnes infectées sur 1 000 seulement, il n'empêche pas moins que ce pays compte plus de 3,7 millions de personnes vivant avec le virus, ce qui en fait le deuxième pays le plus affecté au monde après l'Afrique du Sud.

Par ailleurs, le virus du VIH/SIDA se trouve ainsi confiné à des sous-groupes de la population et dans des endroits ou les taux d'infection sont beaucoup plus élevés que la moyenne nationale. Si le virus s'étend, il pourrait produire une catastrophe aussi grandes qu'en Afrique.

En Amérique latine et dans la Caraïbe, 1,7 million de personnes vivent avec le virus du VIH/SIDA. Plusieurs des nations de la Caraïbe affichent la plus haute concentration de SIDA au monde à l'extérieur du continent africain. Plus de 5 p. 100 des adultes en Haïti sont atteints du VIH, alors que dans les Bahamas, le taux chez les adultes dépasse les 4 p. 100, et en République dominicaine les 2,5 p. 100.

Avec un taux d'infection encore relativement bas, les républiques de l'ex-Union Soviétique enregistrent la plus forte progression du nombre de nouveaux cas d'infections de toutes les régions du monde entier. En Ukraine, le nombre de personnes récemment infectées par le virus du VIH/SIDA est passé de près de zéro qu'il était en 1995 à environ 20 000 par année. Bien que la maladie soit surtout concentrée chez les utilisateurs de drogues injectables, l'effondrement du système des soins de santé en ex-URSS fait courir le danger que l'épidémie ne s'étende à la population en général.

 

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