wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

Le couronnement de Landry comme premier ministre du Québec : le mouvement séparatiste en crise

Guy Leblanc
31 mars 2001

Bernard Landry fut «couronné» président du Parti québécois (PQ) au dernier conseil national du parti, le 9 mars dernier, devenant ainsi automatiquement le nouveau premier ministre du Québec, l'unique province majoritairement francophone au Canada. Il succède à Lucien Bouchard qui fut premier ministre pendant cinq années.

Bouchard était souvent décrit dans les médias comme « le meilleur vendeur » pour l'indépendance du Québec, et ce fut la surprise au sein du PQ lorsqu'il annonça sa démission en janvier. Dans son discours de démission, Bouchard déclara qu'il ne voyait pas comment un référendum portant sur la souveraineté pourrait être gagnant dans un proche avenir. Il exprima aussi sa frustration envers l'aile des « purs et durs » qui l'a critiqué à maintes reprises pour ne pas suffisamment promouvoir l'indépendance et qui lui demandait de restreindre encore plus l'accès à l`éducation en anglais et l'usage de toute autre langue que le français au travail.

Le départ de Bouchard a été perçu comme le moment d'entreprendre une discussion sur le programme du PQ. Alors que l'aile radicale faisait pression sur le PQ pour qu'il fasse usage de ses pouvoirs gouvernementaux pour promouvoir l'indépendance, des piliers du parti suggéraient que le PQ mette son option indépendantiste sur les tablettes et s'allie plutôt aux sections du Canada anglais (pratiquement toutes identifiées à la droite) qui demandent un nouveau partage des pouvoirs au sein de l'État fédéral en faveur des provinces.

Dès l'ouverture de la course à la direction, les ténors du parti ainsi que la majorité de la députation s'est rallié derrière Landry. L'ampleur de l'appui pour Landry a surpris les deux autres ministres préssentis comme prétendants au poste de Bouchard . Après quelques tractations, ils ont abandonné la lutte et rejoint le clan Landry.

Mais cet appui quasi-unanime doit plus être vu comme le reflet de la crainte de voir le parti se déchirer sur la place publique que celui de la popularité de Landry. Non seulement le parti est-il profondément divisé, mais son appui populaire a beaucoup diminué. Même si le PQ a gagné les élections de 1998, il a eu moins de voix que le Parti libéral, et aux dernières élections fédérales en novembre 2000, le parti frère du PQ, le Bloc québécois, a subi une bonne râclée.

Le PQ est un parti populiste qui a toujours eu un appui de plusieurs centaines de milliers de membres, surtout à cause de l'appui des syndicats. Mais, depuis le dernier référendum sur l'indépendance du Québec en 1995, que le PQ avait perdu par 50 000 voix (0,1 pour cent des voix), l'effectif du parti est passé de plus de 200 000 à 50 000 membres en règle. Alors que le Parti libéral (PLQ), dans l'opposition, a pu soulever plus de quatre millions de dollars en contribution, les contributions au PQ ont à peine dépassé les deux millions.

Et ce n'est pas que le PQ lui-même qui perd en popularité, mais aussi son option. Des sondages récents ont indiqué que le référendum serait perdant peu importe que la question porte sur l'indépendance ou une offre de partenariat politique avec le Canada.

Dans une telle situation, la grande majorité des dirigeants du parti craignait le caractère explosif qu'auraient pu prendre les débats qui auraient nécessairement résultés d'une course à la direction, avec en plus la menace que la question de l'option souverainiste ne devienne faire imploser le PQ.

En tant qu'ancien bras droit de Bouchard et de Parizeau, Landry est vu comme celui qui pourra le mieux balancer entre les différentes tendances au sein du PQ, aussi bien l'aile proche du monde des affaires et prête à soumettre la souveraineté à ses intérêts que l'aile des radicaux nationalistes complètement aveuglés par l'idéologie.

Sous Bouchard, Landry avait le statut «d'éminence grise économique», cumulant les fonctions de vice premier-ministre, ministre des Finances et ministre de l'Industrie et du Commerce. Avec Bouchard, il est le principal responsable du programme de compressions budgétaires pour atteindre «le déficit zéro». Ce programme, dont les grandes lignes furent tracées avec la participation active des appareils syndicaux, a poussé le système de santé et d'éducation aux bords de l'effondrement.

Membre du RIN (Ralliement pour l'indépendance nationale, un mouvement indépendantiste précurseur du PQ), il a déjà écrit, plus jeune que «le Québec souverain ne saura être s'il n'était socialiste». Il a abandonné assez vite ces prétentions socialistes pour adopter la politique du libéralisme économique. Il fut le plus ardent défendeur de l'accord du libre-échange de Mulroney, qu'il voyait comme une façon de soustraire le capital québécois de sa dépendance traditionnelle sur le capital anglocanadien, surtout de Bay Street à Toronto.

Et contrairement à Bouchard, les crédits souverainistes de Landry sont impeccables. « On ne peut douter de quelqu'un dont la carte de parti porte le numéro 53 » a dit Jean Garon, un ancien ministre péquiste.

Landry est un vieil ami d'Yves Michaud, le nationaliste dont les déclarations chauvines avaient mené à la condamnation unanime de ses propos par l'Assemblée nationale. C'est Landry qui avait proposé à Michaud quelques semaines auparavant qu'il devienne candidat pour le PQ dans le comté de Mercier, un compté sûr pour le PQ au centre de Montréal, et qui négociait pour sa réhabilitation au sein du parti.

Les grimaces du PQ

Depuis que cette désaffection pour le PQ et son option séparatiste a poussé Bouchard à démissionner, Landry n'a cessé de parler de souveraineté, un tournant bien accueilli par les « purs et durs » qui reprochaient à Bouchard de trop éviter cette question. Dans les semaines avant son « couronnement », il a fait une tournée du Québec où il a soigneusement évité de discuter du programme socioéconomique du PQ. Mais, presque chacun de ces discours mentionnait son appui à l'indépendance et au besoin de lancer une nouvelle offensive pour faire du Québec un nouvel État-nation.

Landry espère qu'en parlant de la nation et en blâmant le fédéral pour tous les problèmes sociaux et économiques engendrés par le capitalisme au Québec, il pourra ramener les brebis égarées au PQ. Mais les travailleurs ont été dégoûtés par le type de politique que leur a servie le PQ pour éliminer le déficit, imposant des coupes par habitant qui dépasse celle de l'Ontario dirigée par les conservateurs de Harris, des droitistes avoués.

Et si Landry a tenté de se démarquer de Bouchard avec des explosions démagogiques de nationalisme québécois, il est évident que le vieil apparatchik représente la continuité, comme le démontre le cabinet ministériel que Landry vient de nommer. Tous les ministres importants gardent leur poste, si ce n'est leur ministère et Landry lui-même a déjà poussé pour plus de compressions dans le domaine de l'éducation et de la santé pour permettre des diminutions d'impôts plus importantes.

Le PQ est en déroute tant quant à la forme exacte qu'il doit donner à son projet d'indépendance que sur ce qu'il doit faire pour le défendre. Lorsqu'il y a quelques mois, l'aile des purs et durs faisait pression sur Bouchard pour être plus agressif sur la question de la souveraineté, Bouchard a annoncé qu'il créerait des états généraux sur la langue pour mobiliser l'ardeur nationaliste. Complètement à l'opposé, Landry déclare maintenant qu'il faut mettre les états généraux en sourdine pour ne pas nuire à la question de la souveraineté.

Le PQ a trouvé un appui dans les classes moyennes francophones avec la loi 101, une loi chauvine qui force les grandes entreprises a utilisé le français comme langue de travail (ce qui leur garantit un bassin de postes de cadres) et qui limite l'accès à l'éducation anglaise aux seuls enfants de parents ayant eux-mêmes étudier en anglais au Québec. Ces mêmes couches maintenant menacées par l'arrivée sur le marché du travail des jeunes qui ayant été forcés d'étudier en français au primaire et au secondaire choisissent de continuer leurs études en anglais et deviennent bilingues et souvent trilingues dans le cas des immigrés. En conséquence, elles demandent l'extension de la 101 aux niveaux postsecondaires.

La grande entreprise quant à elle, privilégie une force de travail bilingue et craint que les chicanes sur les questions linguistiques ne découragent l'investissement et divertissent le gouvernement des diminutions d'impôts et des coupes dans les services sociaux.

Cette question divise tellement profondément le parti que deux semaines avant le congrès la majorité du cabinet ministériel votait contre Landry qui appuie le statu quo sur cette question.

Les divisions sont encore plus grandes en sein du PQ sur la signification de l'indépendance. Landry, pour tenter de concilier tous ces projets contradictoires reste le plus ambigu possible. Dans un discours, la souveraineté est une fédération incluant le Québec et le Canada sur le modèle européen, dans l'autre une fédération nord-américaine, dans un troisième la même chose qu'aujourd'hui, avec un corps diplomatique en plus.

En plus de connaître la désaffection populaire, le PQ n'a pas réussi à rallier l'appui ou parfois même à neutraliser l'opposition des sections les plus puissantes de la bourgeoisie à son projet de République du Québec. Bouchard avait espéré convaincre la grande entreprise qu'un Québec indépendant serait un meilleur véhicule pour la défense de ses intérêts en déclenchant la soi-disant guerre au déficit. Mais alors que le monde des affaires a applaudi le gouvernement de Bouchard pour ses compressions dans les services sociaux publics, les tendances économiques et politiques internationales sont venues renforcé le scepticisme sur la sagesse d'appuyer la séparation du Québec.

Le PQ défend l'idée qu'un État québécois serait le défenseur des intérêts québécois sur les marchés internationaux, puisqu'il n'aurait pas en prendre en compte les intérêts divergents et souvent contradictoires des autres sections du capital canadien. Mais la majorité du monde des affaires est plutôt gagnée à l'idée que sa position serait affaiblie s'il devait perdre l'avantage que lui procure la participation au G-7 et autres alliances internationales dont le Canada jouit présentement.

Et la grande entreprise n'a manqué de remarquer le changement de climat politique qu'indiquait le durcissement de la position de Washington et d'Ottawa qui a voté sa loi dite de la clarté sur les référendums et lancé des menaces de guerre civile en appelant à la partition du Québec dans le cas d'une séparation.

Voir aussi :


 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés