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Les choix de Bush pour son cabinet ministériel : La table est mise pour des luttes politiques et sociales de masse

par Patrick Martin
5 janvier 2001

À voir la façon dont la nouvelle administration républicaine a formé le cabinet américain, on dirait qu'elle croit que George W. Bush et Richard Cheney ont obtenu un mandat fort pour des politiques d'extrême droite plutôt que de perdre le vote populaire et de n'arriver au pouvoir qu'avec l'aide réactionnaire et antidémocratique de la Cour suprême américaine.

Lors de la campagne électorale, Bush et Cheney ont déclaré qu'ils offraient un visage plus « unificateur » et plus modéré du Parti républicain. Ils s'étaient distancés des dirigeants républicains au Congrès qui sont grandement impopulaires. Bush n'a même pas visité la capitale, Washington, pendant huit mois, la dernière fois étant en avril dernier lors d'un banquet pour collecter des fonds, et n'y retournant qu'après que Gore ait concédé la victoire.

Et maintenant, sont jetées aux orties les prétentions que le Parti républicain élargira sa base et tendra la main aux mécontents. La nouvelle administration est surtout composée d'idéologues de droite et de représentants directs de la grande entreprise américaine. Plusieurs nominations au cabinet, notablement celle de John Ashcroft au poste de ministre de la Justice, celle de Gail Norton au poste de secrétaire à l'Intérieur et de Linda Chavez au Travail, sont des provocations pour la classe ouvrière, les minorités ainsi que pour les défenseurs des droits civils, des libertés civiques et de l'environnement.

Ces choix démontrent non seulement le caractère réactionnaire de l'administration Bush-Cheney, mais son insensibilité à l'approfondissement de la crise sociale et politique aux États-Unis. Les élections ont révélé un pays profondément divisé, et même avant que la nouvelle administration ne commence à exercer le pouvoir, des millions de personnes la considèrent déjà comme illégitime. Mais plutôt que de chercher à faire la paix avec ses adversaires, la nouvelle administration les défie ouvertement.

Le vote pour la présidence et la contestation de l'élection en Floride avait donné un aperçu des énormes divisions sociales aux États-Unis. Si Bush a pu gagner la présidence, c'est non seulement grâce à l'intervention de la majorité des cinq juges de la droite qui siègent à la Cour suprême fédérale, mais aussi parce que le Parti démocratique, la bureaucratie syndicale, l'élite des droits civils et les autres piliers du libéralisme américain ont confiné aux procédures judiciaires toute opposition au coup d'état politique en Floride.

L'administration Bush a obtenu le pouvoir par une violation flagrante de la souveraineté populaire, violation ratifiée par une majorité de la Cour suprême qui a basé sa décision sur l'argument que la population n'avait pas de droit constitutionnel de voter pour le président ou de droit à ce que ces votes soient comptés équitablement.

Il n'est pas difficile de prévoir ce qui en résultera : les politiques de l'administration Bush vont inévitablement se buter à la résistance des masses, discréditant du même coup ceux qui ont conseillé de se soumettre à la Cour suprême et d'accepter le coup républicain au nom du respect de « la primauté du droit ».

Des extrémistes et des membres de l'élite des grandes compagnies

On peut regrouper les membres du cabinet et les adjoints à la Maison Blanche les plus importants nommés au cours des trois dernières semaines en deux groupes principaux : le premier groupe est formé des représentants de l'extrême droite, choisis pour leur hostilité aux programmes qu'ils devront administrer, et l'autre formé d'anciens membres des administrations Ford, Reagan ou Bush qui ont traversé les années Clinton dans des postes bien rémunérés au sein de la grande entreprise américaine.

Bush n'a pu devenir président que grâce à la suppression de dizaines de milliers de votes en Floride, la plupart d'électeurs noirs ou d'autres minorités ethniques. Aussi, il difficile de concevoir une nomination plus irritante que celle du sénateur sortant John Ashcroft au poste de ministre de la Justice, qui est en principe le premier responsable pour protéger le droit de vote et pour choisir les nouveaux juges au niveau fédéral, y compris ceux de la Cour suprême.

Ashcroft, le fils et le petit-fils de pasteurs fondamentalistes, était un des membres du Sénat américain le plus à droite. La Christian Coalition et le Phyllis Schlafly's Eagle Forum lui ont donné une note d'appréciation de 100 pour cent. Le National Organisation for Women et les environnementalistes de la League for Conservation Voters lui ont donné un zéro. Ralph Neas, le président de People for the American Way, un groupe pour la défense des droits civils, a dit : « À l'exception, peut-être, du sénateur Jesse Helms, je ne pense pas que quiconque ait un aussi mauvais dossier sur la question des droits civils et des libertés civiques aux États-Unis. »

Durant ses six années au Sénat, Ashcroft fut associé aux politiques sociales les plus antidémocratiques et les plus punitives. Il a appuyé l'abolition complète de l'avortement, même pour les cas de viols ou d'incestes et que les médecins qui feraient un avortement soi-disant partiel soient passibles d'emprisonnement à vie. En 1996, alors que la loi qui réformait l'aide sociale était discutée au Sénat, il a essayé sans succès d'abolir toute aide pour les jeunes mères qui ne seraient pas mariées. Par contre, il a réussi à l'amender pour permettre aux États de forcer les bénéficiaires de l'aide sociale à recevoir le soutien de groupes religieux.

Relations avec les groupes racistes

Celui qui sera à la tête du département de la Justice a depuis longtemps des liens avec des groupes racistes. En 1998 et en 1999, il a jonglé avec l'idée de se lancer dans la course à la candidature présidentielle du Parti républicain où il se serait opposé à Bush de la droite. Il a donné une entrevue amicale au Southern Partisan, une publication qui se consacre à la défense de la réputation historique des esclavagistes des États confédérés. Ashcroft a louangé Robert E. Lee, Stonewall Jackson et Jefferson Davis, les décrivant comme des « patriotes », et a ajouté qu'il était erroné de dire que le Sud confédéré s'était battu « pour des objectifs pervertis ».

Ashcroft avait écrasé Bush à 2 pour 1 dans un vote de démonstration en Caroline du Sud, mais décida éventuellement de ne pas se présenter parce que Bush avait une caisse électorale trop bien fournie. Plus tard en 1999, il avait donné le discours d'ouverture à l'université Bob Jones, un collège fondamentaliste de la Caroline du Sud qui a levé l'interdit sur les couples interraciaux que l'an dernier, et encore, seulement après que cette politique vint à l'attention du public lors de la dernière campagne électorale.

Au cours de la campagne électorale, le candidat George Bush a souvent déploré ce qu'il appelait « la guerre des partis » à Washington. Ashcroft est la personnification de cette guerre. Il fut un des premiers et des plus militants partisans de la destitution de Bill Clinton. Durant le procès du Sénat, pour lequel Ashcroft était membre du jury, son comité d'action politique a donné sa liste de supporteurs financiers aux fonds de défense de Linda Tripp et Paula Jones. Si Ashcroft obtenait le poste de ministre de la Justice, cela ne manquerait pas d'avoir une influence déterminante sur l'évolution des poursuites contre Clinton dans l'affaire Monica Lewinsky.

Le sénateur républicain a utilisé sa position dans le Comité juridique pour retarder ou bloquer des nominations de Clinton. L'exemple le mieux connu est celui de Ronnie White, le premier Noir à la Cour suprême du Missouri, que Clinton avait nommé à un poste de juge fédéral. Ashcroft a lancé une attaque vicieuse contre White, déformant grossièrement ses jugements passés, ce qui a mené à un vote au Sénat divisé à 55-45 pour cent sur des lignes partisanes, qui rejetait ainsi pour la première fois en plus de cinquante ans la désignation à un poste de juge fédéral.

Il faut rappeler qu'en 1993, la Maison Blanche sous Clinton avait dû retirer deux nominations au poste de ministre de la Justice, celle de Zoe Baird et ensuite celle de Kimba Wood, au nom d'infractions mineures dans des affaires de nounous immigrantes. Ces incidents, grandement exagérés par les médias qui affirmaient que le « représentant en chef du gouvernement pour faire respecter la loi » aux États-Unis devait être immaculé en ce qui concerne son passé judiciaire, furent les premiers d'une longue suite de provocations montées par l'extrême droite contre l'administration Clinton, qui ont culminé avec la tentative de destitution.

La situation d'alors offre un contraste étonnant avec celle d'aujourd'hui. Bush a choisi un ministre de la Justice qui s'oppose à l'ensemble des libertés civiques et des droits civils qui ont été établis au cours des cinquante dernières années, qui a des liens étroits avec les organisations racistes et les organismes religieux fondamentalistes, tout ceci avec une résistance d'apparat par les démocrates. Pas un sénateur démocrate ne s'est encore opposé à la nomination de Ashcroft, et plusieurs, y compris Robert Torricelli du New Jersey et Russ Feingold du Wisconsin, ont dit que la nomination d'Ashcroft serait confirmée et qu'ils voteraient pour lui.

Plusieurs des nominations de Bush sont comme celle de Ashcroft, c'est-à-dire qu'elles mettent à la tête d'agences gouvernementales des individus avec un long passé d'attaques contre ceux-là même qu'ils devraient servir. Par exemple :

* Gail Norton, au poste de secrétaire à l'Intérieur. Elle fut avocat pour la Mountain States Legal Fondation, une organisation anti-environnementaliste, une adjointe et protégée de James Watt, le célèbre secrétaire à l'Intérieur de Reagan. Norton est une idéologue de la droite au sein du mouvement pour les « droits de la propriété », financé par les compagnies minières et pétrolières.

* Spencer Abraham, au poste de secrétaire à l'Énergie. Le sénateur du Michigan sortant, défait aux dernières élections, a introduit une loi en 1999 qui aurait aboli le département de l'Énergie en faveur d'une déréglementation généralisée. Ancien adjoint du vice-président Dan Quayle, il a aussi appuyé une législation qui aurait permis des forages pétroliers dans les régions sauvages du Refuge national de la nature d'Alaska.

* Tommy Thompson, au poste de secrétaire à la Santé et aux Affaires sociales. Le gouverneur du Wisconsin est bien connu pour ses nombreux conflits avec le département qu'il administrera au sujet de requêtes par le gouvernement du Wisconsin pour établir des politiques d'aide sociale plus restrictives que ce que prescrivaient les normes fédérales. Le Wisconsin a fini par servir de modèle aux réformes de l'aide sociale de Clinton en 1996. Ces réformes ont détruit une partie importante du filet de protection sociale et poussé des dizaines de milliers de bénéficiaires à la mendicité.

* Linda Chavez, au poste de secrétaire au Travail. Ancienne démocrate et bureaucrate syndicale, elle fut formée politiquement dans l'incubateur d'anticommunistes de droite que constitue le siège social national de l'American Federation of Teachers (la Fédération nationale des enseignants). Chavez doit sa notoriété aux attaques contre les droits civils et les lois d'affirmation positive qu'elle mena en tant que représentante gouvernementale dans l'administration Reagan. Elle dénonce le salaire minimum parce que « marxiste » et dénonce régulièrement les syndicats dans sa chronique achetée par plusieurs journaux aux États-Unis.

Plusieurs autres nominations montrent combien la nouvelle administration Bush-Cheney appuie les politiques de l'extrême droite.

Rod Paige, désigné au poste de secrétaire à l'Éducation, a introduit un programme de bons d'échange scolaires (vouchers) alors qu'il était le surintendant du réseau scolaire à Houston, Texas, mais seulement quelques parents avaient choisi d'y adhérer. Il avait aussi privatisé la collecte des ordures, les services alimentaires et les écoles pour enfants en difficulté, ainsi que lié la rémunération des directeurs d'école à la performance des étudiants aux tests standardisés. Sa nomination est le signe indéniable que Bush appuie le système des coupons scolaires et, plus généralement, qu'il encourage la privatisation de l'éducation.

Mel Martinez désigné au poste de secrétaire au Logement et au Développement urbain, n'a pas pris beaucoup d'expérience dans ce domaine dans sa carrière, lui qui était chef-exécutif élu d'Orange County, en Floride. Sa nomination est moins une indication de la politique du logement de Bush - il n'en a aucune - qu'un tribut aux groupes américano-cubains d'extrême droite qui ont joué un rôle clé dans le vol de l'élection en Floride. Martinez était coprésident pour la campagne de Bush en Floride et a joué un rôle important dans le mouvement pour empêcher qu'Elian Gonzalez soit rendu à son père à Cuba.

Donald Rumsfeld désigné au poste de secrétaire à la Défense, est identifié au système de défense antimissile américain. Chef du Pentagone au cours des 14 derniers mois de l'administration de Gerald Ford, il y a 25 ans, Rumsfeld a depuis été PDG. En 1998, il a présidé une commission mise en place par les républicains au Congrès qui avait pour but de promouvoir le développement du système de défense antimissile. On considère généralement que ce projet sera la plus importante priorité militaire de l'administration Bush.

Rumsfeld, le secrétaire au Trésor pressenti, Paul O'neill, et plusieurs autres nominés sont représentatifs de l'autre composante du cabinet Bush : la grande entreprise américaine. Rumsfeld fut PDG de la compagnie pharmaceutique G.D. Searle pour une douzaine d'années avant de joindre la compagnie électronique General Signal Corp.

Pour devenir secrétaire au Trésor, O'Neill quittera le conseil d'administration de l'Alcoa, le plus grand producteur d'aluminium au monde, de laquelle il est le PDG depuis 13 ans. O'Neill fut un haut fonctionnaire au budget lors de l'administration Ford, dirigea ensuite International Paper avant d'aller à Alcoa. Depuis longtemps un ami de Cheney, O'Neill fut recruté chez Alcoa par Alan Greenspan, alors membre du conseil d'administration de la compagnie géante, et aujourd'hui président de la Réserve fédérale américaine. O'Neill revient au gouvernement immensément plus riche grâce à son poste chez Alcoa. Il est dit qu'il vaudrait au moins 100 millions américains, et détient des options d'achats chez Alcoa qui font pâlir en comparaison celles que détient Cheney chez Alliburton, la compagnie pétrolière que Cheney dirigea pendant cinq années.

Le secrétaire au Commerce de Bush sera Donald Evans, un millionnaire texan qui a fait fortune dans le pétrole, qui est président de la campagne et un intime de Bush. Son secrétaire aux Anciens Combattants, Anhony Principi, était numéro deux dans ce même département dans l'administration de Bush père, avant de devenir un cadre supérieur chez Lockheed Martin, le grand contractant militaire. Le démocrate de service de ce cabinet, l'ancien congressiste Norman Mineta, nommé au poste de secrétaire des Transports, a aussi travaillé pour Lockheed Martin lorsqu'il quitta le Congrès en 1995.

Ann Veneman désignée au poste de secrétaire à l'Agriculture, est la première personne de l'industrie agroalimentaire californienne à détenir ce poste (son père cultivait le raisin et les pêches à Modesto avant de devenir un politicien républicain). Elle fut adjointe au secrétaire à l'Agriculture dans l'administration de Bush père, est ensuite retournée en Californie pour diriger le département des Aliments et de l'Agriculture alors que Pete Wilson était gouverneur. En 1996, après plusieurs cas d'empoisonnement d'enfants avec des fraises avariées, Veneman a tenu une conférence de presse où elle en mangeait pour enrayer la « panique ».

La grande entreprise est encore plus présente dans la nouvelle équipe de la Maison Blanche. Le secrétaire-général, Andrew Card, était à la tête de l'Association des manufacturiers automobiles américains avant de devenir le vice-président de General Motors. Le conseiller à la sécurité nationale, Condoleeze Rice, une ancienne adjointe à la Maison blanche sous Reagan et ancienne doyenne de Stanford, est sur le conseil d'administration de Chevron et de Charles Schwab et une conseillère de J.P. Morgan. Le directeur au budget, Mitch Daniels, était un vice-président chez la pharmaceutique Eli Lilly. L'adjoint aux politiques pour le secrétaire-général, Josh Bolten, vient de chez Goldman Sachs International. Joseph Hagin, l'adjoint aux opérations pour le secrétaire-général, était un cadre supérieur chez Chiquita Brands et Federated Department Stores. David Addington, conseiller de Richard Cheney, était conseiller général pour l'Association américaine du camionnage.

Le cabinet Bush fut louangé par les médias pour sa diversité : seulement six de ses 15 secrétaires sont des hommes blancs, et parmi les autres, on trouve des noirs, des hispanophones, des femmes, un arabo-américain, un sino-américain, etc. Mais c'est une mesure de combien isolés sont les élites politiques et médiatiques si elles croient que ces mesures cosmétiques rendront les politiques sociales profondément réactionnaires plus acceptables pour les masses du peuple américain.

Si on le considère du seul point de vue sérieux, c'est-à-dire par son caractère social et son caractère de classe, plutôt que par les détails que sont la couleur de la peau et le sexe, le cabinet Bush est un bloc homogène : réactionnaire politiquement, hostile aux intérêts des travailleurs, soumis aux dictats de la grande entreprise américaine. Il incarne la faille profonde entre l'élite politique et la population qu'elle prétend représenter. Cette administration, on ne peut en douter, mettra en branle les profonds et larges processus de radicalisation sociale aux États-Unis.

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