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La France impliquée dans une tentative de coup d'Etat en République de Centrafrique

Par John Farmer et Chris Talbot
Le 19 juin 2001

Après onze jours de combats intenses à Bangui, la capitale de la République de Centrafrique (RCA), une tentative de putsch semble avoir été évitée. Selon des estimations officieuses, près de trois cents personnes ont été tuées au cours de combats entre les troupes loyales au président Ange-Félix Patassé et un groupe rebelle mené par le général Kolingba qui avait gouverné le pays de 1981 à 1993.

Près de 100 000 personnes ont été déplacées suite aux combats et les agences d'aide commencent maintenant à envoyer des ravitaillements en médicaments et en eau. On rapporte que la population va se trouver à court de nourriture et que le prix de l'essence a triplé. La République Centrafricaine est entourée par le Tchad et la République démocratique du Congo. C'est l'un des pays les plus pauvres d'Afrique centrale et il a subi un dur coup lorsque la guerre au Congo lui a bloqué sa principale voie commerciale, le fleuve Congo.

L'on rapporte que Kolingba et ses rebelles se sont retirés de la capitale bien que des troupes gouvernementales fouillent encore maison par maison. De nombreux comptes rendus font état de troupes exerçant des représailles contre la population appartenant au groupe ethnique des Yakomas, la tribu de la partie sud du pays à laquelle appartient Kolingba. D'après Radio France International, ceux qui soutiennent Patassé ne feraient pas de distinction entre civils et putschistes, «à Bangui, on lance des messages de haine.»

Les divisions tribales étaient encouragées quand la RCA était colonie française ­ une plus grande proportion des Yakomas qui était traditionnellement un peuple commerçant bénéficiait d'une éducation et se voyait employé par le gouvernement. L'implication de la France en RCA avait continué après l'indépendance en 1960 quand elle avait soutenu de 1966 à 1979 le dictateur infâme et sadique Jean-Bedel Bokassa, y compris le financement de la cérémonie de son couronnement comme empereur.

Patassé qui vient du groupe tribal Sara du nord avait accédé au pouvoir en 1993 quand des élections avaient été tenues sous la pression du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Depuis, son gouvernement a glissé d'une crise à l'autre. Les salaires des agents de la fonction publique restent souvent impayés des mois durant et des grèves répétées ont été organisées par les syndicats.

Le mouvement de grève qui s'était amplifié depuis le début de l'année a, éventuellement, été annulé par les dirigeants syndicaux après que le gouvernement ait payé trois mois d'arriérés de salaires. Les grèves des enseignants continuent pour n'avoir pas été payés depuis neuf mois. Il semble que la grève générale ait été évitée après que le FMI ait débloqué de l'argent destiné au gouvernement de la RCA. Une aide bilatérale est aussi venue de la France et de la Libye. Le régime de Patassé a réagi à la grève par un bâillonnement de toute opposition, dispersant les manifestants et jetant en prison les parlementaires de l'opposition.

Il existe une importante opposition au gouvernement en raison de l'aggravation des conditions sociales. Plus de 50 pour cent de la population survit grâce aux cultures vivrières. Le gouvernement a perdu le contrôle des parties à l'est du pays et des braconniers chassent librement les éléphants pour leur ivoire. Bangui a été pillé trois fois par des soldats mutins et il n'y a plus une seule salle de cinéma en ville. On estime que 15 pour cent de la population est séropositive et que 95 pour cent des lits d'hôpitaux sont occupés par des victimes du sida.

Oluyemi Adeniji, l'ancien responsable de la mission de paix des Nations unies en RCA et l'actuel représentant spécial de l'ONU en Sierra Leone, a mis la situation sur le compte de «l'erreur habituelle de la communauté internationale, qui aide un pays à se stabiliser politiquement mais après, oublie qu'à moins que les conditions économiques ne s'améliorent, une crise politique se reproduira vraisemblablement.» Après une série de mutineries, une mission de l'ONU a été envoyée en RCA comme force de paix mais elle a été retirée l'année dernière et, depuis, le pays a été privé d'aide.

La mission onusienne avait été présentée comme une des rares réussites en Afrique après le désastre de la Somalie et du Rwanda. Le Premier ministre français, Lionel Jospin, a pressé les Nations unies de remplacer les troupes françaises qui avaient été dans l'ancienne colonie française depuis 1996. Ceci faisait partie d'une nouvelle politique française envers l'Afrique qui était marquée par un retrait du réseau de protection et de corruption qui avait caractérisé la période précédente.

Le ministre des Affaires étrangères français, Hubert Védrine, a dit des récents événements: «Le temps des interventions en Afrique est fini.» Mais il a regretté l'implication du général Kadhafi de Libye. La Libye avait envoyé deux avions, de l'équipement et des soldats pour défendre le Président Patassé. Exprimant le souci d'une partie de la classe dirigeante française qui avait, autrefois, considéré l'Afrique équatoriale française comme lui étant réservé personnellement, le journal Le Monde s'est plaint de ce que Kadhafi agissait comme le gendarme de la France. Le journal a insisté pour savoir pourquoi il était correct d'intervenir militairement partout ailleurs qu'en Afrique. «Les droits humains universels ne sont-ils que blancs?» voulait-il savoir.

Quelle que soit la ligne officielle de Jospin et de Védrine, il y a des preuves qui sembleraient indiquer que la France était impliquée dans les événements mais pas du côté du gouvernement. Radio France Internationale avait retransmis un discours tenu par le Président Patassé dans lequel il demandait l'établissement d'un rapport international sur l'arsenal saisi au domicile de Kolingba. Il était dit qu'il contenait des armes françaises qui auraient dû être envoyées aux forces de police de la RCA. Selon le reportage de la station de radio, Patassé «avait plus ou moins mis en question le rôle de la France».

Encore plus significatif a été le fait que Jospin a refusé de condamner la mutinerie contre ce qui est, à ce qu'il paraît, un gouvernement élu démocratiquement. Au lieu de cela, il a dit: «Nous n'avons pas ménagé nos efforts pour les presser au dialogue afin d'essayer de résoudre cette crise.»

Le général Kolingba a appelé la France à le soutenir, prétendant qu'il n'avait pas eu l'intention de tenter un coup d'Etat mais de restaurer «la cohésion nationale, la paix et la sécurité dans le pays». Même si Kolingba n'a pas reçu le soutien direct de la France, il est possible qu'il ait reçu le soutien d'alliés de la France en Afrique.

D'après le gouvernement de la RCA, 300 mercenaires africains menés par deux généraux rwandais se battent aux côtés des rebelles de Kolingba. Il est probable qu'ils viennent de la milice hutue du Rwanda, l'Interahamwe. Les Interahamwe se battaient jusqu'ici au Congo voisin, et les accords de paix de Lusaka les ont peut-être forcés à chercher un autre champ pour leurs activités.

Des divisions intenses au sein de la classe dirigeante française s'expriment par rapport aux événements en République centrafricaine. Jospin, les yeux fixés sur le palais de l'Elysée aux élections présidentielles de l'année prochaine, n'est pas prêt à exposer les activités d'éléments de l'armée qui aimeraient poursuivre la vieille politique d'interventions directes en Afrique.

Pendant ce temps, Kadhafi fait la cour à Patassé comme composante de sa politique panafricaine parce que la RCA offre une base militaire potentielle à des opérations au Tchad. Un nouvel oléoduc qui doit être ouvert en 2004 transportera du pétrole de la région sud du Tchad jusqu'au Cameroun sur la côte ouest de l'Afrique.

S'intéresse également à la RCA, Jean-Pierre Bemba, le dirigeant du Mouvement de Libération du Congo (MLC) qui a rejoint Kadhafi en envoyant des troupes pour soutenir le régime de Patassé. Bemba, un homme d'affaires millionnaire, est soutenu par l'Ouganda et se bat contre le régime de Kabila en République démocratique du Congo (RDC). Son mouvement comprend les anciens partisans de Mobutu, qu'on sait être des proches de la famille du président des Etats Unis, George W. Bush, et du vice-président Cheney. Dans le passé, Patassé entretenait des relations étroites avec la RDC qui a protesté contre l'implication de Bemba.

Les gisements d'or, de diamants et d'uranium trouvés en RCA motivent sans doute les opérations de Bemba. Il n'est pas clair s'il s'agit d'un travail free-lance ou bien si ce sont les Etats Unis qui soutiennent Bemba mais ce qui est certain, c'est que l'implication de Bemba et peut-être bien celle des Interahamwe sont un signe supplémentaire que les accords de paix de Lusaka n'ont pas stabilisé la situation en Afrique centrale mais ont simplement déplacé le conflit aux pays alentours.


 

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