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Le sommet des Amériques et le développement d'une véritable opposition au capital global

Keith Jones
21 avril 2001

Voici le texte d'une déclaration diffusée par le WSWS aux manifestants venus protester à l'occasion du Sommet des Amériques, tenu à Québec à la fin du mois d'avril.
L'opposition au sommet se concentre en large mesure sur le projet visant à créer une zone hémisphérique de « libre-échange » d'ici fin 2005. Il ne fait aucun doute que la majorité des travailleurs et des jeunes qui manifestent ce week-end dans les rues de Québec expriment par là leur profonde inquiétude quant à la domination croissante exercée par les compagnies et institutions financières transnationales sur les vies des gens ordinaires et sur la société en son entier.

Mais il faut dire franchement que les forces politiques qui sont à la tête des manifestations anti-sommet, et le programme politique qui anime le mouvement contre la ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques), ne représentent nullement une alternative légitime et progressiste.

Beaucoup d'eau a coulé sous le pont depuis qu'une inquiétude générale quant aux conséquences sociales de la mondialisation capitaliste a fait surface lors des protestations contre la conférence de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) tenue à Seattle en 1999.

La bureaucratie syndicale s'est positionnée de façon à s'approprier le soi-disant mouvement anti-mondialisation afin de l'affaiblir politiquement tout en l'utilisant pour promouvoir son propre agenda politique réactionnaire.

Les syndicats américains et canadiens se sont opposés à l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), et s'opposent au projet de la ZLEA, non pas dans la perspective de développer une lutte unifiée de la classe ouvrière internationale contre l'ordre capitaliste, mais dans celle de faire alliance avec les sections plus faibles du capital qui craignent d'être éliminées si les barrières protectionnistes sont démantelées.

Similairement, face à la campagne du capital pour abolir à toutes fins pratiques les lois sur le travail et l'environnement, les syndicats et leurs alliés libéraux et sociaux-démocrates se contentent d'encourager les gens à faire pression sur l'état pour qu'il « contrôle » le capital.

L'appel pour que les travailleurs s'orientent vers l'état national, lui-même un produit et un instrument du capital, est diamétralement opposé à la lutte pour organiser la classe ouvrière en tant que force politique indépendante par la construction d'un parti ouvrier international. Au lieu de chercher vainement à ressusciter l'état-providence capitaliste, les travailleurs doivent lutter pour un tout nouvel ordre économique et social à l'échelle internationale.

Les nombreux tenants de l'action directe ne sont d'aucune façon politiquement indépendants des opposants à la ZLEA qu'on retrouve parmi les dirigeants syndicaux et d'autres membres de l'establishment. Ils ne font que prôner des protestations plus musclées. Leurs bouffonneries politiques visent à attirer le maximum de couverture médiatique, et non à développer un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière internationale. Ils contribuent à renforcer la bureaucratie syndicale en se joignant à ses protestations et en faisant croire que les syndicats pro-capitalistes sont les représentants légitimes des travailleurs.
Les dessous de la campagne pour la ZLEA
Depuis sa création en 1948, l'OEA a servi d'instrument à l'impérialisme américain. Par la création de la ZLEA , la grande entreprise américaine cherche, avec le soutien enthousiaste du capital canadien, à institutionnaliser et à renforcer sa domination économique traditionnelle de l'Amérique latine. Ce changement de cap est lié à l'inquiétude suscitée à Washington et à Wall Street par l'émergence de l'Union européenne et de l'Asie de l'est en tant que puissants blocs commerciaux rivaux, et par les percées du capital européen et du capital japonais en Amérique du sud au cours des deux dernières décennies.

Mais la création de la ZLEA est loin d'être la seule initiative prise par les États-Unis pour assurer sa position stratégique en Amérique du sud. Sous le couvert d'une campagne contre la drogue, le Plan colombien a servi à augmenter massivement la présence de personnel militaire américain en Amérique du sud, renforçant ainsi le pouvoir géopolitique des États-Unis.

La bourgeoisie brésilienne, qui nourrit le rêve de faire du Brésil la puissance régionale en Amérique du sud, craint que ses quelques compagnies multinationales (ou aspirant le devenir) seront détruites par la compétition nord-américaine. Elle cherche par conséquent à retarder le démantèlement des barrières tarifaires, tout en évitant soigneusement de défier ouvertement les intérêts américains en s'opposant aux négociations de la ZLEA.

Les efforts du Brésil sont minés par l'extrême faiblesse des autres bourgeoisies d'Amérique latine. De plus en plus économiquement marginalisées, et forcées d'abandonner leurs projets de développement capitaliste indépendant, les diverses bourgeoisies nationales d'Amérique latine ont laissé tomber leur rhétorique anti-américaine. Elles aspirent plutôt à devenir des fournisseurs de « cheap labor » et de ressources naturelles au capital nord-américain.

Leur modèle est le Mexique. Depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA, les investissements étrangers dans les maquiladoras mexicains ont monté en flèche, permettant à l'élite économique et politique du Mexique de s'enrichir. Mais pour les masses mexicaines, l'ALENA a amené la dislocation économique et sociale, ainsi que l'accroissement de la pauvreté et des inégalités sociales. Leur niveau de vie est plus bas aujourd'hui qu'au début des années 80.

Peu importe son nom, la ZLEA n'a rien à voir avec la liberté. Il s'agit plutôt de créer un bloc commercial régional qui fournisse à Wall Street une meilleure base pour rivaliser avec l'Europe et le Japon pour la conquête des marchés et l'accumulation des profits. Et il s'agit de promouvoir davantage la mobilité du capital afin de faire baisser les salaires et les conditions sociales, tout en dressant les travailleurs les uns contre les autres dans la lutte pour accroître la compétitivité des entreprises.

En s'opposant à la ZLEA, toutefois, les travailleurs doivent clairement faire la distinction entre le caractère de plus en plus global de la production et de l'échange des biens - développement progressiste en soi qui découle des avancées révolutionnaires de l'informatique, des télécommunications et des transports - et le programme socialement destructeur du capital organisé à l'échelle mondiale.

Comme l'a écrit le World Socialist Web Site à l'occasion des protestations de Seattle : « La grande question qui se pose aujourd'hui n'est pas de ramener le développement à une quelconque, et largement mythique, ère de vie économique nationale isolée. Il s'agit plutôt de déterminer qui va contrôler l'économie globale et quels intérêts vont dicter l'utilisation des immenses capacités techniques et culturelles existantes. La seule force sociale capable d'organiser l'économie globale dans le sens du progrès est la classe ouvrière internationale. »

Le sommet des peuples ou la défense pour l'ordre social actuel?

Un examen plus détaillé du mouvement de protestation anti-sommet montre combien ses organisateurs sont opposés à cette perspective ainsi que l'urgence de libérer la classe ouvrière de leur influence.

Dans les jours précédant l'ouverture du sommet des Amériques, un contre-sommet, désigné du nom de sommet des peuples, a eu lieu à Québec même. Les organisateurs de ce contre-sommet sont impliqués dans une myriade d'autres actions anti-ZLEA et sont les commanditaires officiels de ce qui devrait être la plus grande manifestation anti-sommet, la « Marche des peuples ».

Il n'est pas exagéré de dire que le sommet des peuples est un appendice du capital, et pas seulement parce que les gouvernement canadien et québécois ont contribué 500 des 800 mille dollars de son budget.

De nombreux groupes forment une « coalition arc-en-ciel » du sommet, d'Oxfam et le Club Sierra jusqu'à l'Église catholique. Mais son principal organisateur est l'Alliance sociale continentale (ASC), qui tire ses origines d'un organisme fondé par l'AFL-CIO basé aux Etats-Unis et par les syndicats canadiens pour s'opposer à l'ALENA.

Dans leur opposition à l'Accord de libre-échange entre les États-Unis et le Canada de 1988, les syndicats canadiens s'étaient ouvertement alliés avec les sections du capital canadien qui craignaient une augmentation de la compétition américaine, surtout le parti de la grande entreprise traditionnellement au pouvoir, les libéraux.

Dans leur opposition à l'ALENA, les TUA et les autres syndicats de l'AFL-CIO ont accueilli des droitistes avoués comme le milliardaire Ross Perot sur leurs tribunes. Et en faisant campagne contre l'admission de la Chine au sein de l'OMC et contre la diminution des tarifs douaniers sur les textiles africains, les syndicats américains se sont alliés avec l'ancien assistant de Nixon et démagogue nationaliste américain Pat Buchanan.

Ces campagnes nationalistes menées en alliance avec les sections les plus faibles du capital allaient main dans la main avec la suppression systématique par les syndicats nord-américains de la lutte des classes, plus précisément l'imposition de diminutions des salaires et les congédiements de masse au nom de la compétitivité, ainsi que la surbordination de la classe ouvrière aux partis politiques de la grande entreprise.

Quant à la prétention du sommet des peuples de représenter les masses opprimées de l'Amérique latine, il est démenti par le rôle important de l'AFL-CIO qui a non seulement appuyé pendant des décennies la politique étrangère de Washington en Amérique latine, mais surtout est connu pour avoir participé aux opérations de la CIA dans cette région.

Parmi les participants les plus importants du sommet des peuples, et en fait du mouvement contre le libre-échange, on trouve le parti social-démocrate du Canada, le Nouveau parti démocratique (NPD). La dirigeante du NPD Alexa McDonough s'est dernièrement transformée en croisée contre la grande entreprise. Mais chaque fois que le NPD a pris le pouvoir, surtout de 1990 à 1995 en Ontario, il a implanté toutes les politiques que la grande entreprise lui demandait, sabrant dans les services publics et remettant en cause les droits des travailleurs.

Le chef du Parti québécois, Bernard Landry s'est adressé au sommet des peuples lors de son ouverture. Peu importait que Landry, ministre des Finances du gouvernement provincial du Québec jusqu'à mars dernier, ait présidé à des coupes massives des dépenses sociales, et que son gouvernement vienne de déposer un budget qui offre d'importants réductions d'impôts aux compagnies.

En fait, Landry est depuis longtemps un avocat du libre-échange et a passé les semaines précédentes à se plaindre que le gouvernement canadien ait refusé de permettre au gouvernement québécois de participer au sommet officiel.

Cette ambivalence n'est en aucun cas un fait exceptionnel au sein des participants au sommet des peuples. Les bureaucrates syndicaux nord-américains, bien qu'ils soient toujours prêts à fouetter le chauvinisme contre les travailleurs des autres pays lorsqu'il s'agit de se défendre contre les pressions des membres de la base qui veulent défendre leurs emplois et leurs conditions de travail, reconnaissent que les intérêts de leurs patrons corporatifs sont liés à la lutte pour la domination des marchés mondiaux.

Le modèle des dirigeants syndicaux est l'Union européenne qui offre de très nombreuses structures tripartites au sein desquelles la bureaucratie syndicale se voit donner un grain de pouvoir en échange de son rôle de policier de la classe ouvrière.

Avec raison, des groupes de défenses des droits civils, des artistes et plusieurs gens ordinaires se sont élevés contre les mesures que le gouvernement canadien a pris pour isoler le sommet de tous signes d'opposition populaire. La clôture construite autour du site du sommet est devenue le symbole de la détermination du gouvernement à s'opposer aux droits démocratiques pour imposer le programme de la grande entreprise.

Mais il faut aussi reconnaître que le sommet des peuples est un mouvement d'opposition qui a reçu l'approbation de l'establishment. Il est sanctionné parce que ses politiques ne transgressent pas les limites des débats au sein de la classe dirigeante elle-même sur la meilleure façon de défendre ses intérêts.

Quant aux défenseurs de l'action directe, ils peuvent paraître très radicaux au premier coup d'oeil. En fait certains parmi eux ont même une réthorique anti-capitaliste. Mais un examen plus attentif de leur orientation révèle qu'elle diffère bien peu de celle des bureaucrates syndicaux : faire pression sur la grande entreprise et l'État-nation.

Plusieurs commentateurs ont noté l'ironie de voir plusieurs participants importants au sommet des Amériques qui auraient il y a une décennie seulement participé plutôt au somment parallèle. Prenons, par exemple le cas du président haïtien Jean-Bertrand Aristide. En 1990, il s'élevait contre les États-Unis pour leur domination d'Haïti et leur soutien aux régimes répressifs. Aujourd'hui, en tant que président haïtien, il applique les diktats du Fonds monétaire international et a, sous les pressions américaines, incorporé à son gouvernement des éléments associés aux dictatures de Duvalier et de Cédras.

L'évolution d'Aristide et de bien d'autres comme lui en Amérique latine ou au sein des organisations staliniennes, sociales-démocrates ou syndicales dans les pays capitalistes avancés, n'est pas simplement une question de carrière ou de corruption. L'opposition au capital et à l'impérialisme par ses forces n'a jamais été enracinée dans une perspective socialiste internationale, plus précisément dans un programme qui articule les intérêts historiques de la classe ouvrière. Plutôt, il s'agit d'une opposition qui par son programme articule les angoisses de la petite-bourgeoisie, des petits producteurs qui sont victimes de la poussée du capital à consolider et à développer la technique pour faire la compétition à leurs rivaux.

Cela n'est pas pour dire que la classe ouvrière est indifférente aux souffrances des classes moyennes. Mais la classe ouvrière défend ses intérêts propres et ceux de toutes les classes opprimées de l'humanité en avançant un programme pour réorganiser l'ordre social et économique à partir des tendances progressistes socialement présentes au sein du capitalisme lui-même. Pour arriver à ce but, la classe ouvrière doit tirer les leçons des grandes luttes de classe du siècle dernier et construire un véritable parti ouvrier international et socialiste. C'est à cette tâche que ce consacre le World Socialist Web Site.

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