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Les élections en Colombie-Britanique: les sociaux-démocrates pavent le chemin du pouvoir à la réaction

par Keith Jones
18 mai 2001

Le pouvoir en Colombie-Britannique, la troisième province quant à l'importance de la population, est passé aux mains du nouveau gouvernement qui a promis des diminutions d'impôts « remarquables», d'éliminer les normes de travail et les normes environnementales, d'abolir le droit de grève dans le système de l'éducation et de promouvoir la désyndicalisation dans l'industrie de la construction.

«Nous avons beaucoup de mesures très agressives à mettre en place» a proclamé le premier ministre élu, Gordon Campbell, en soirée de mercredi peu après que son Parti libéral ait obtenu une des plus grandes victoires aux urnes de l'histoire du Canada.

Avec cinquante huit pour cent du vote exprimé, les libéraux de Campbell ont obtenu soixante treize des soixante seize sièges de la Chambre. Autre côté de la même médaille, le Nouveau parti démocrate, le parti social-démocrate qui formait le gouvernement en Colombie-Britannique depuis 1991, s'est littéralement effondré. La part du vote qui est allé au NPD a été réduite de moitié, passant de près de quarante pour cent aux dernières élections de 1996 à un plus de vingt et un pour cent. Non seulement le premier ministre Ujjal Dosanjh et la plupart de ses collègues du cabinet ministériels ont perdu leur siège, mais le NPD n'a pas réussi à faire élire suffisament de députés pour être reconnu comme parti officiel.

Les libéraux de la Colombie-Britannique et le parti qui forme le gouvernement au niveau fédéral portent le même nom mais sont deux organisations distinctes. Et en fait, dans la presse et les cercles politiques, on sait que les libéraux de la Colombie-Britannique sont beaucoup plus près du parti de droite l'Alliance canadienne que du Parti libéral fédéral du premier ministre Jean Chrétien.

«Pendant les deux ou trois prochaines années, s'enthousiasmait le chroniqueur et idéologue conservateur du Globe and Mail John Ibbitson, la Colombie-Britannique sera l'endroit le plus intéressant du Canada. Hier soir, les électeurs de la Colombie-Britannique ont donné au dirigeant libéral Gordon Campbell le mandat clair de lancer les habitants de la province sur le même sentier qu'ont déjà battu les Albertains et les Ontariens menés par [le premier ministre conservateur d'Alberta] Ralph Klein et [le premier ministre conservateur de l'Ontario] Mike Harris.»

Ça n'a pas été long avant que Klein reconnaisse Campbell comme un membre de la famille. Dans une déclaration qu'il faisait mercredi soir, le premier ministre albertain a dit que les gouvernements des deux provinces les plus occidentales du Canada collaboreraient désormais beaucoup plus étroitement. «J'ai eu de brèves discussions avec Gordon Campbell et je lui ai laissé savoir que nous lui ferions parvenir nos programmes et la façon dont nous les avons mis en place.»

Klein a ensuite averti le futur premier ministre de ne pas sous-estimer l'opposition qu'il rencontrera. «Je ne sais pas si ce sera facile pour M. Campbell de faire ce que nous avons fait parce qu'il passe d'un gouvernement néo-démocrate à un gouvernement conservateur qui porte le nom de libéral.

«Les changements qu'il propose quant au droit du travail, aux questions soulevées par les traités avec les peuples aborigènes en Colombie-Britannique, je crois qu'ils soulèveront une grande controverse et qu'ils seront très difficiles à gérer.»

Campbell n'a pas cherché à cacher qu'il voulait faire cause commune avec les gouvernements conservateurs d'Alberta et d'Ontario pour limiter le rôle du gouvernement fédéral dans la définition des politiques sociales et pour réduire la péréquation, les transferts de fonds des provinces les plus riches aux plus pauvres. La grande entreprise et la droite perçoivent la décentralisation comme un moyen pour éroder, et en bout de ligne éliminer, les services publics comme le système national de santé universel.

Campbell déclarait dans une entrevue dernièrement : «Je suis ce que vous pourriez appelé un fédéraliste zen. S'il [le gouvernement fédéral] fait moins, il fait en réalité plus pour le pays.»

Les mesures d'austérité procapitalistes des sociaux-démocrates

Campbell et ces bailleurs de fonds au sein de la grande entreprise tenteront d'intimider tous ceux qui s'opposeront à leur programme de droite en faisant valoir la majorité des voix qui sont allées aux libéraux et leur immense majorité des sièges à la législature. Mais même les sondeurs ont dû concéder que le vote pour les libéraux était plutôt un vote de protestation : beaucoup de ceux qui ont voté pour les libéraux l'ont fait sans grand enthousiasme, et plutôt pour se débarrasser du NPD.

Reconnaissant que plusieurs électeurs s'inquiétaient des liens trop étroits qu'ils ont avec la grande entreprise et l'Alliance canadienne, les libéraux ont essayé de cacher leurs véritables intentions en déclarant dans leur plateforme électorale qu'ils augmenteraient les dépenses dans les secteurs de la santé et de l'éducation. Bien entendu, ils n'ont jamais expliqué comment ils pourraient y arriver tout en diminuant radicalement les impôts et en équilibrant le budget. Mais Campbell s'est quand même trahi. Le dirigeant libéral a souvent déclaré qu'il ne faisait pas confiance aux chiffres du budget néo-démocrates, et il y a fort à parier qu'il se présentera bientôt devant l'électorat pour déclarer que les finances publiques sont dans un état catastrophique.

Il y a un parallèle frappant entre le sort du régime néo-démocrate d'Ontario, qui est arrivé au pouvoir en 1990, et celui de Colombie-Britannique, dont le règne débute en 1991, même si la victoire du NPD de Colombie-Britannique a été le résultat de luttes de masse par les travailleurs contre les gouvernements du Crédit social de Bill Bennett et de Bill Vander Zalm. Le NPD avait alors tout fait pour limiter cette opposition aux politiques réformistes.

Les régimes néo-démocrates de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ont tous deux réagi à la récession de 1991-92 en larguant les modestes réformes de leur plate-forme électorale pour laisser toute la place aux mesures d'austérité capitalistes. Ils ont sabré dans les dépenses à caractère social, imposé d'importantes hausses d'impôts et diminuer le salaire en termes réels des employés de l'État.

En trahissant et en étouffant la classe ouvrière, le gouvernement du NPD d'Ontario et leurs alliés dans la bureaucratie syndicale ont préparé le terrain pour que le gouvernement le plus à droite dans l'histoire d'Ontario prenne le pouvoir en 1995. Se peignant comme le porte-parole des «petites gens» désabusés et comme les adversaires «radicaux» du statu quo, les conservateurs de Harris ont gagné l'élection sur un programme inspiré du «contrat avec l'Amérique» des républicains aux États-Unis.

Lors de l'élection de 1996, les sociaux-démocrates de Colombie-Britannique sont venus à un cheveu de rejoindre leurs frères ontariens dans l'opposition. Le NPD de la Colombie-Britannique avait en fait gagné moins de voix que les libéraux mais à cause d'un système électoral où seuls les candidats qui ont gagné le plus de votes dans une circonscription sont élus, il avait quand même obtenu une majorité de députés à la Chambre.

Au cours des cinq dernières années, le gouvernement du NPD en Colombie-Britannique a continué sur sa lancée de droite, fermant des hôpitaux, brisant des grèves et diminuant les impôts des compagnies. Mais la grande entreprise, surtout après le dur coup qu'a porté la crise financière asiatique de 1997 à l'économie de la province, s'est inquiété que la Colombie-Britannique pourrait prendre du retard sur les autres législatures dans la course au démantèlement de l'État-providence, ou plutôt de ce qui en restait. Elle exigeait que toute contrainte sur les profits soit levée.

Les bureaucrates syndicaux, réagissant à l'affrontement annoncé entre la classe ouvrière et le nouveau gouvernement libéral, ont déclaré qu'ils étaient prêts à travailler avec Campbell. En fait, depuis un bon bout de temps déjà, les représentants des syndicats de la Colombie-Britannique n'ont pas ménagé leurs efforts pour se distancier du NPD, en partie pour ouvrir des voies de communications avec les libéraux et en partie en réponse à l'animosité grandissante des membres de la base envers les néo-démocrates.

Quant au NPD, la défaite électorale n'est rien de moins que l'équivalent d'une crise cardiaque, et ce pour un corps politique déjà sur le respirateur artificiel. (En novembre dernier, lors des élections fédérales, le NPD n'a obtenu que treize sièges, un de plus que le minimum requis pour être officiellement reconnu comme parti, et seulement huit et demi pour cent du vote.)

Historiquement, les liens entre la classe ouvrière industrielle et la social-démocratie n'ont été nulle part au Canada aussi fort qu'en Colombie-Britannique. Avant mercredi passé, dans toutes les élections provinciales depuis 1933, le NPD ou son prédécesseur, le CCF n'ont jamais obtenu moins de sept sièges et vingt-sept pour cent du vote.

Les attentes du NPD étaient si minimes dans les derniers jours de la campagne électorale que certains représentants du parti se réjouissent du fait que le parti a réussi à gagner trois des soixante-seize sièges de la législature. Une semaine avant le vote, fait sans précédent pour le dirigeant d'une formation politique au pouvoir, le premier ministre Dosanjh a publiquement concédé que son parti irait sur les bancs de l'opposition. Il entrait ainsi en mode de survie, cherchant à convaincre les anciens partisans du NPD de ne pas s'abstenir ou voter pour les verts de peur que les libéraux se retrouvent sans opposition aucune à la Chambre. Cette tactique a connu un petit succès. Alors que les sondages d'opinion montraient que le NPD et les verts étaient nez à nez avec quinze pour cent du vote une semaine avant la date du scrutin, le NPD a réussi à obtenir un peu plus de vingt et un pour cent des voix exprimées. Les verts, qui n'avaient obtenu que deux pour cent des voix lors des élections de 1996, ont quant à eux réussi à rallier un peu plus de douze pour cent des électeurs.


 

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