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Les pourparlers de paix au Congo réactivés après l'assassinat de Kabila

Par Chris Talbot
23 février 2001

Après l'assassinat le mois dernier du président de la République démocratique du Congo (RDC), Laurent Kabila, c'est son fils Joseph qui se trouve au centre d'initiatives de paix d'inspiration occidentale.

De nouvelles preuves sont apparues quant à la responsabilité de l'assassinat. Toutefois, la rapidité avec laquelle le groupe au pouvoir à Kinshasa prit le contrôle des événements tout comme la succession en douceur de Joseph Kabila indique qu'il s'agissait d'une opération bien préparée et bénéficiant du soutien de l'Occident.

Une semaine à peine après les funérailles de son père, Joseph Kabila entreprit une tournée de négociations en vue d'un règlement de la guerre que se mènent depuis deux ans et demi entre l'Angola, le Zimbabwe et la Namibie dont les troupes supportent le régime de la RDC et l'Ouganda et le Rwanda qui soutiennent les rebelles en lutte pour le renverser.

Après avoir rencontré le président sud-africain Thabo Mbeki, Kabila junior s'envola pour Paris où il rencontra le président Jacques Chirac. Il se rendit ensuite à Washington pour prendre part à un petit déjeuner de prière « prayer breakfast » dont l'hôte était le président George W. Bush. Durant la journée, il rencontra le secrétaire d'État Colin Powell, qui insiste pour une reprise des accords de Lusaka de l'été 1999. Kabila eut des entretiens avec des officiels américains concernant l'application des accords. Plus tard, il tint une réunion avec le président rwandais Paul Kagamé qui avait également participé au déjeuner de prière pour discuter des objections du Rwanda de se retirer du Congo. Les Interahamwe, la milice Hutu qui avait organisé le génocide au Rwanda en 1994, sont à présent en grande partie stationnés au Congo et constituent un contingent clé des forces militaires soutenant le régime de la RDC.

Dans la soirée, Joseph Kabila participa à un dîner avec des directeurs de groupes organisés par Maurice Tempelsman, le chef du consortium minier. Aucun détail de ce qui fut dit ne fut divulgué bien que Kabila soit censé avoir lancé un appel à plus d'investissements en affirmant qu'il ouvrirait l'économie de la RDC et qu'il supprimerait les restrictions légales imposées sur les affaires par son père. Il avait auparavant rencontré James Wolfensohn, le président de la Banque mondiale, ainsi que des officiels du FMI afin de promettre une coopération future. Aucun effort ne semble avoir été épargné dans le but de faciliter la voie à un accord de paix. L'intérêt premier d'accéder à une certaine stabilité dans ce vaste pays réside dans l'ouverture de ses immenses ressources en diamant, or, cobalt et autre minerai précieux aux corporations minières de l'Occident.

Le lendemain, Kabila participait à une réunion aux Nations unies où sa demande de retrait du Congo des troupes rwandaises et ougandaises fut largement soutenue. Le secrétaire général, Kofi Annan, indiquait que l'ONU serait prête à envoyer une force constituée par des observateurs en vue de relancer les initiatives de paix.

Enfin, Kabila s'envola pour Bruxelles pour y rencontrer le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères belges, l'ancienne puissance coloniale du Congo. Il fut également reçu en audience par le roi, un descendant du tristement célèbre roi Léopold II dont le règne personnel sur le Congo fut à l'origine de son ouverture à l'exploitation occidentale et se soldant par des millions de morts parmi la population indigène dans une course effrénée à l'ivoire et au caoutchouc.

Bien que Kabila n'ait pu s'insinuer davantage dans les bonnes grâces des divers gouvernements occidentaux dans sa volonté de réactiver les accords de paix de Lusaka, plusieurs obstacles entravent la voie à un règlement. Alors que tous les pays extérieurs participant à la guerre, le gouvernement de la RDC et les principaux groupes rebelles, aient signé l'accord initial, aucune des parties ne le respectait dans la pratique. La reprise des combats ne permit pas à l'ONU de déployer une force de paix. Le dialogue politique qui aurait dû démarrer entre les parties belligérantes ne put avoir lieu. Il est évident que des intérêts divergents quant à l'exploitation des ressources minérales du pays en furent la cause principale, mais les gouvernements occidentaux en rejetèrent la faute sur l'intransigeance de Laurent Kabila.

Kabila père étant à présent écarté de la scène, les intérêts économiques des autres pays à la poursuite du conflit demeurent. Ceci étant particulièrement valable pour le Zimbabwe qui stationne un quart de ses forces armées au Congo. Etant donné que le gouvernement du président Robert Mugabe a été ciblé « d'Etat voyou » (rogue state) par la Grande-Bretagne et les puissances occidentales et que son économie se trouve dans un état de désolation en raison des sanctions punitives du FMI, Mugabe ne sera pas enclin à se retirer à moins que son armée ne bénéficie des concessions diamantaires et minérales promises par Laurent Kabila en échange de son support.

L'Angola serait plus portée à accepter un accord car formant le principal soutien de la clique dirigeante dans l'entourage de Joseph Kabila. Après l'assassinat, l'Angola avait envoyé des troupes supplémentaires en provenance du Congo-Brazzaville dans le but d'étayer le régime de la RDC. Mis à part l'Afrique du Sud, c'est l'Angola qui dispose de la plus forte armée dans la région; elle s'est servie de ses énormes richesses pétrolières pour établir d'étroites relations avec les compagnies pétrolières américaines de sorte qu'il soit probable que le gouvernement Bush les encourage.

Selon le magazine Africa Confidential, une délégation angolaise, dirigée par le chef des services secrets militaires angolais, aurait rencontré, en novembre dernier au ministère des Affaires étrangères américain, une délégation des services secrets militaires du Rwanda. Des réunions similaires eurent également lieu avec l'Ouganda. Il est possible que l'assassinat et le changement de direction à la tête du régime de la RDC ait été discuté ou bien même préparé lors de ces réunions. Les dirigeants angolais n'approuvant plus la conduite de la guerre de Laurent Kabila.

L'Angola a remporté plusieurs succès militaires contre les forces rebelles de l'Unita qui, depuis 25 ans, combattent le régime angolais MPLA. L'Unita a dû enduré des sanctions imposées par l'Occident contre des « conflits » diamantaires. À la condition que le régime de la RDC soit complaisant, à l'image de son voisin le Congo-Brazzaville, en permettant à l'Angola d'accéder au pétrole et au diamant de la région, l'Angola accepterait alors un accord de paix. Le second souci majeur de l'Angola est d'empêcher que la RDC ne serve de base aux forces rebelles de l'Unita.

L'Ouganda et le Rwanda qui reçoivent tous les deux le soutien de l'Occident, tout comme une aide militaire non déclarée des Etats-Unis, ont tenu tête aux pressions occidentales en refusant de se retirer du Congo. La semaine passée, un sommet avait eu lieu à Lusaka pour discuter la reconduction de l'accord de 1999. Le président Yoweri Museveni (Ouganda) n'y participa pas, mais envoya une délégation alors que le Rwanda refusa d'y participer en affirmant que la Zambie n'était plus neutre dans ce conflit.

Il est possible que l'Ouganda accepte de retirer ses troupes de ce conflit tout en envisageant de poursuivre ses relations avec les mouvements rebelles qu'elle soutient afin de sauvegarder sa part des profits qu'elle tire de l'extraction d'or et de bois du Congo. Le Mouvement de libération du Congo (MLC) qui jouit du soutien de l'Ouganda et qui est dirigé par l'ancien partisan de Mobutu, l'homme d'affaires Jean-Pierre Bemba, est parfaitement établi dans la région septentrionale du Congo en bénéficiant du soutien de l'Occident tout comme du gouvernement Bush.

Le Rwanda est tout à fait opposé à un retrait de ses troupes. À l'occasion d'une interview dans le New York Times, Paul Kagamé a nié le fait que l'exploitation des ressources minérales du Congo soit la principale préoccupation du Rwanda. Il reprocha aux puissances occidentales leur manque d'intérêt à venir à bout des différentes milices, notamment des Interahamwe qui opèrent dans l'Est du Congo en menaçant le Rwanda. La France tout particulièrement (le principal appui du régime rwandais Hutu d'avant 1994) aimerait obscurcir la question. « Le monde entier s'était élevé contre l'Unita pour soutenir le gouvernement angolais en menaçant de sanctions tous ceux qui collaboreraient avec l'Unita », précisa-t-il. Mais, avec les Interahamwe « il existe toujours une certaine ambiguïté - une condamnation mais pas d'action. »

Il est évident que Kagamé redoute que le traitement de faveur que l'Occident accorde à son régime depuis sa prise de pouvoir en 1994 puisse changer. Il est remarquable que sa visite aux Etats-Unis ait soulevé de la part de journalistes et de militants des questions très critiques quant au bilan des atteintes aux droits de l'homme de son gouvernement.

Quoiqu'il advienne du marchandage de Lusaka, il est orchestré par les intérêts des groupes occidentaux au Congo et un éventuel accord de paix n'est pas fait à l'avantage de la population de la région. Dans son dernier rapport au Conseil de sécurité de l'ONU, Kofi Annan expliquait que le nombre des personnes déplacées au sein de la RDC avait quadruplé dans le courant de l'année passée pour atteindre plus de deux millions, auxquels s'ajoutent 332 000 réfugiés. L'on estime que seize millions de personnes ont un « besoin urgent de nourriture », non seulement en raison de la guerre mais à cause « d'une augmentation considérable des prix ». Au dire de Annan, un grand nombre d'enfants souffrent de malnutrition, et 1,1 million de personnes souffrent du Sida voire cinq pour cent de la population. La santé publique est dans une situation alarmante en raison de « la négligence et de la destruction des installations sanitaires, du manque de médicaments de première urgence et des difficultés à approvisionner le vaste pays en fournitures médicales ». Un appel lancé en novembre dernier par l'Inter-Agency Appeal de l'ONU pour collecter 37 millions de dollars, un montant qui est complètement insuffisant compte de l'envergure du désastre humanitaire, ne récolta que trente pour cent en promesses de dons.


 

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