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Sur fond de guerre commerciale : le Canada annule son embargo sur le boeuf brésilien

par Keith Jones
26 février 2001

Le gouvernement canadien a annulé son embargo sur les importations de boeuf brésilien ce vendredi, 23 février.

Critiqué au niveau international et rencontrant l'opposition au sein même de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'embargo de trois semaines avait supposément été imposé à cause de crainte que le boeuf brésilien pourrait être atteint d'encéphalopathie spongiforme bovin (ESB), ou maladie de la vache folle.

Lorsqu'ils ont annoncé qu'ils annulaient l'embargo, les représentants gouvernementaux ont indiqué que le Brésil a accepté d'indiquer si la viande qu'il exportait au Canada ne provenait que du bétail né au Brésil après 1996, année où le Brésil interdisait de nourrir le bétail avec des farines de viandes et d'os.

Au sein des cercles diplomatiques toutefois, on disait plutôt que le Canada avait perdu la face avec cet embargo.

Depuis le début, le gouvernement brésilien avait dénoncé l'embargo canadien pour n'avoir rien à faire avec des inquiétudes sur la qualité du boeuf. Plutôt, c'était une tentative peu subtile de monter une attaque contre le Brésil dans la chicane commerciale qui oppose les deux pays sur la question des subventions de l'État aux constructeurs de jets régionaux. Embraer S.A. du Brésil est le principal compétiteur de la compagnie canadienne Canadair.

Le gouvernement libéral canadien a imposé un embargo sur le boeuf brésilien alors que le cabinet ministériel débattait de l'imposition de sanctions commerciales contre le Brésil. L'été dernier, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) avait jugé que les subventions que le Brésil avait octroyées pendant six ans à Embraer S.A. contrevenaient aux règles du commerce international. En novembre, l'OMC autorisait le Canada à imposer des sanctions commerciales de 233,5 millions américains par année contre le Brésil en compensations pour les pertes que Canadair aurait supposément subies à cause du programme de subventions.

Le premier février, un jour avant que le Canada n'annonce l'embargo sur le boeuf brésilien, le Brésil s'était opposé à une initiative canadienne qui voulait lancer une nouvelle commission de l'OMC sur les subventions dans l'industrie aéronautique.

Le représentant de l'Agence canadienne pour l'inspection des aliments (ACIA) qui a supposément recommandé au gouvernement d'imposer l'embargo a plus tard concédé aux journalistes qu'aucun cas d'ESB n'était connu au Brésil et qu'il n'y avait qu'un «risque théorique» que le bétail brésilien puisse avoir contracter la maladie. Le directeur exécutif de l'ACIA, le Dr Brian Evans, a aussi admis qu'il avait consulté le Département des affaires étrangères et du commerce international avant de recommander l'embargo au gouvernement canadien.

Grand embarras pour Ottawa, deux scientifiques de l'ACIA se sont élevés contre l'embargo, déclarant qu'ils croyaient qu'il avait été motivé plutôt pour des raisons politiques que pour des considérations de santé. Selon ces deux scientifiques, la haute gomme de l'ACIA a recommandé que cette mesure soit prise contre le boeuf brésilien sans consultation avec l'équipe en charge de contrôler le boeuf. Pourquoi, ont demandé les scientifiques, le Canada a-t-il choisi le Brésil et «pas l'Australie, l'Argentine, l'Inde ou tout autre pays duquel nous importons du boeuf? Pourquoi le Brésil fut-il choisi? À cause de la guerre commerciale.»

Selon l'Accord du libre-échange nord-américain, c'est le Canada qui a la responsabilité d'inspecter le boeuf en provenance de l'Amérique du Sud tant pour le Canada que les États-Unis et le Mexique. L'embargo canadien a donc forcé ces deux pays à emboîter le pas au Canada, mais dès le début, les représentants américains ont questionné les motivations et la pertinence du geste canadien. Trois jours seulement après le début de l'embargo, le représentant américain pour l'agriculture au Brésil a dit qu'il «ne semble pas y avoir de problèmes avec le boeuf brésilien.»

Le Canada n'importe qu'une petite quantité de boeuf brésilien, environ pour 10 millions par année. Mais les Brésiliens étaient déterminés à faire revenir le Canada sur sa décision de peur de miner la confiance internationale dans l'industrie brésilienne du boeuf. Et ils ont fait savoir qu'ils continueraient à offrir toute l'aide qu'ils pourraient à Embraer S.A. Le quatrième manufacturier de jets non-militaires au monde, Embraer S.A., qui appartenait au gouvernement il y a quelques années, est vu par la grande entreprise brésilienne comme un des succès industriels les plus importants du pays.

Quant au Canada, il a vigoureusement soutenu les intérêts de Canadair. En janvier, le ministre de l'Industrie, Brian Tobin, a annoncé qu'Ottawa était prêt à prêter un milliard avec un faible taux d'intérêt à Bombardier pour l'aider à arracher un contrat de plusieurs milliards à Embraer S.A. avec Air Wisconsin.

L'élite brésilienne a saisi l'opportunité que lui offrait l'embargo pour fouetter les sentiments nationalistes, encourageant les manifestations du sentiment anti-canadien. Le président brésilien Fernando Cardoso a donné l'avertissement que si l'embargo n'était pas levé avant le 2 mars, cela signifierait la «guerre» commerciale avec le Canada. Sans attendre la date butoir, la plus grande partie de la presse brésilienne a appelé à une campagne de boycott les services et les produits canadiens comme la potasse.

Finalement, le geste canadien fut perçu aussi bien à Ottawa qu'à Washington comme pouvant avoir des répercussions sérieuses sur le sommet des Amériques d'avril à Québec. Lors de ce sommet, le président américain George W. Bush et le premier ministre canadien Jean Chrétien ont l'intention de pousser pour un accord qui établirait une zone de «libre-échange» pour tout l'hémisphère dès 2005.

***

Même si le gouvernement canadien a reculé sur la question de l'embargo du boeuf brésilien, il n'a pas oublié, ni pardonné, aux deux scientifiques de l'ACIA qui ont exprimé leurs doutes sur l'embargo. La semaine passée, l'ACIA a suspendu Margaret Haydon pour deux semaines sans paie pour «avoir manquer à son devoir de loyauté». Si son collègue n'a pas subi de mesures disciplinaires, ce ne serait que parce qu'il ou elle n'a pas pu être identifié.

L'an dernier, Haydon avait obtenu un jugement d'une cour qui statuait qu'il n'était «pas raisonnable» pour Santé Canada d'empêcher ses scientifiques de faire des déclarations publiques sur des questions de santé, après qu'elle ainsi qu'un autre scientifique se sont plaints qu'ils avaient subi des pressions pour approuver une hormone de croissance pour les bovins au sujet de laquelle ils avaient des doutes. Haydon a prétendu que l'ACIA cédait à l'industrie agroalimentaire en se dépêchant à accepter l'hormone.


 

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