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Le Canada attaque les droits démocratiques

François Legras
13 octobre 2001

Le gouvernement canadien invoque la crise provoquée par les attaques du 11 septembre et sa participation à la guerre contre l'Afghanistan pour justifier l'adoption d'une série de nouvelles lois et de mesures mettant en péril les droits démocratiques au Canada.

Déjà le gouvernement libéral a annoncé un renforcement des pouvoirs des services secrets de renseignement canadien et des restrictions aux droits démocratiques des canadiens, particulièrement des réfugiés et des immigrants. Le 1er octobre, le premier ministre Chrétien a annoncé la formation d'un comité ministériel de crise ayant pour tâche de réviser tous les aspects politiques et législatifs du gouvernement sous l'angle de la « guerre au terrorisme ». L'une des principales responsabilités du Comité va être de coordonner et d'harmoniser les mesures de sécurité et d'immigration avec celles des États-Unis et de travailler en collaboration avec le nouveau « ministère de l'intérieur » américain.

Même si le gouvernement Chrétien n'a pas sauté dans le train du président Bush en déclarant que l'élimination du terrorisme était devenu la raison d'être de son gouvernement, lui et ses ministres reprennent la rhétorique de Bush à l'effet que « le 11 septembre a tout changé ». En conséquence, toutes les normes et vérités acceptées relativement aux libertés civiles et l'équilibre entre la liberté et les impératifs de la « sécurité » doivent être réévalués. Selon Mauricio Bevilacqua, l'influent président du Comité des finances, « Pour les canadiens, » la guerre au terrorisme « pourrait bien vouloir dire de sortir de leur zone de confort, d'élever l'importance de la sécurité nationale, continentale et globale en donnant plus de ressources et de latitude à nos partenaires responsables de l'application de la loi pour défaire l'ennemi, dont les stratégies et les tactiques ont changé. »

Pour leur part, l'opposition officielle formée par l'Alliance canadienne et la droite en général dénoncent le gouvernement pour être trop «mou» et trop «lent» dans l'octroi de nouveaux pouvoirs aux forces de sécurité. Ce n'est pas exagéré de dire que plusieurs éléments de la droite, commençant par le bureau de rédaction du National Post, ont été déçus d'apprendre que les rapports initiaux selon lesquels certains terroristes auraient transité par le Canada pour se rendre aux États-Unis étaient faux. La droite voyait dans cette « filière canadienne » terroriste une opportunité pour redonner de la vigueur à leur agenda de la loi et de l'ordre et militariste. Mais plus fondamentalement, elle y voit la possibilité de relancer la lutte contre le gouvernement libéral de Chrétien pour le remplacer par un gouvernement dédié à l'élimination de ce qui reste du filet de sécurité social et des contraintes législatives et réglementaires au capital.

La loi antiterroriste et le « comité de guerre» de Chrétien

Lundi, les libéraux vont présenter une nouvelle loi antiterroriste. Bien que les détails de la loi n'aient pas été divulgués, il est prévu qu'elle renforcera les sanctions pour certains crimes au code criminel, criminalisera la collecte de fonds pour tout organisme désigné par l'État comme étant «terroriste», investira la police de nouveaux pouvoirs de détention, relâchera les restrictions sur l'écoute électronique et l'interception de communication via internet, et élargira la catégorie de ce qui constitue un « secret d'état » en vertu de la loi sur le Secret d'État. A bien des égards, les propositions avancées sont à l'image de celles adoptées par l'administration Bush.

La Ministre de la justice, Anne McLellan, a dit que la loi allait aussi inclure une définition de terrorisme. Plus tôt cette année, les libéraux avaient décidé de ne pas inclure une telle définition dans un autre projet de loi, parce qu'elle était si large et imprécise qu'elle allait sûrement être déclarée inconstitutionnelle par les tribunaux.

Quelles que soient les modalités de la nouvelle définition, il est évident que les gouvernements canadien et américain ont, selon les besoins de leurs politiques étrangères, placé et enlevé l'étiquette de « terroriste » sur tel ou tel groupe. Ben Laden et les fondamentalistes Afghans étaient hier encore des « combattants de la liberté », alors que l'Organisation pour la libération de la Palestine et le Congrès National Africain étaient condamnés par Washington et Ottawa pour être des organisations terroristes.

Le comité ministériel a déjà été désigné par les médias de « comité de guerre ». Le 10 octobre, son président, John Manley, ministre des affaires étrangères annonçait l'injection immédiate de 250 millions pour «l'achat de matériel devant aider les services de renseignement canadien», y compris de l'argent pour la création d'une nouvelle carte d'identité pour tous les nouveau immigrants ­ une carte qui devrait pouvoir avoir la capacité de stocker des informations biotechnologiques comme les empreintes digitales et des images de la rétine. « Ce n'est pas la réponse tous azimuts du gouvernement, ce n'est que la première phase de l'impact » déclarait un représentant libéral.

Entre autres choses, le comité ministériel devra considérer augmenter les pouvoirs du SCRS, augmenter les budgets de la GRC et de l'armée et de donner au SCRS ou à une nouvelle agence, un mandat élargi de surveillance et de renseignement international.

La nomination de Manley à la tête du comité ministériel est particulièrement significatif parce qu'il avait été très tranchant dans ses commentaires relativement à la soi-disant insuffisance du gouvernement à donner assez d'hommes et d'argent à la « sécurité internationale ». Sous les applaudissements des médias, il ajoutait que le Canada avait joué sa réputation, gagnée durant les deux guerres mondiales et la seconde moitié du 20ème siècle, et doit radicalement changer de direction s'il veut demeurer un « joueur global. » « Si vous voulez jouer un rôle dans le monde » déclarait Manley, « il y a un prix à payer. »

Les lois C-11 et C-16

Le gouvernement libéral a aussi saisi la tragédie du 11 septembre pour faire adopter à toute vapeur deux projets de loi très controversés et vivement contestés par la plupart des groupes de défense en immigration, des avocats spécialisés, du Barreau canadien, par le Conseil des réfugiés et par Amnistie Internationale qui y voient tous une atteinte aux droits et libertés des immigrants.

Le projet de loi C-16 intitulé loi sur l'enregistrement des organismes de bienfaisance (service de sécurité), qualifiée «d'antiterroriste», donne la possibilité au gouvernement de refuser ou de retirer à un organisme le statut d'organisme de bienfaisance - un avantage fiscal ­ s'il est soupçonné d'être lié d'une manière ou d'une autre à des activités terroristes.

Ce qui caractérise cette loi et la rend si réactionnaire, c'est qu'elle met de côté les principes juridiques de démocratie relativement au droit de connaître la preuve utilisée contre soi et la possibilité de pouvoir utiliser une preuve obtenue illégalement.

Le ministre du revenu peut procéder devant la Cour fédérale en l'absence même de l'organisme visé et utiliser des éléments de preuve autrement inadmissibles devant une Cour de justice. Le représentant de l'organisme peut alors présenter ses arguments, sans même savoir ce qui lui est reproché. De plus, le juge peut alors rendre sa décision sans divulguer les informations sur lesquelles il se base s'il considère que cela porterait atteinte à la sécurité nationale. La décision est sans appel et n'est pas susceptible de révision judiciaire, le mode habituel de contrôle judiciaire pour les décisions qui ne sont pas autrement susceptibles d'appel.

La réforme de la loi sur l'immigration quant à elle va réduire de façon drastique les droits démocratiques des demandeurs de statut de réfugié et des résidents en attente de citoyenneté. La ministre Caplan admet elle même être très fière que la loi contient « des dispositions très sévères ».

La loi prévoit écourter de façon drastique les délais pour l'examen, devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, des demandes d'asile ­ de ceux qui fuient la persécution étatique dans leur pays - et du même coup, les mesures de déportation. Ce qui prenait auparavant six mois devra maintenant se faire en dedans de 72 heures. De plus la loi donnera aux agents d'immigration le pouvoir discrétionnaire de rejeter dès l'arrivée les demandes d'asile faites par des personnes simplement soupçonnées de présenter un risque de sécurité pour le Canada, sans passer par la Commission.

Une autre mesure prévue par la loi C-11, donnera des pouvoirs accrus de déportation d'immigrants reçus, peu importe le nombre d'années qu'ils résident au Canada, s'ils commettent une infraction au Code criminel passible de plus de deux ans de prison. Ce pouvoir accordé à l'état dans la période actuelle d'instabilité politique pourra permettre au gouvernement de cibler ses ennemis politiques, comme durant la période des années 30.

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