wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

La participation du Canada à la guerre contre l'Afghanistan

Par Lee Parsons
Le 16 octobre 2001

Le premier ministre canadien Jean Chrétien a annoncé le 7 octobre que les Forces canadiennes se joignaient à celles des États-Unis dans leur guerre contre l'Afghanistan. Cette annonce est survenue quelques heures seulement après que les avions de combat américains et britanniques eurent commencé à bombarder Kaboul et d'autres villes afghanes.

Chrétien a d'abord éludé les questions quant à savoir si le Canada allait participer ou non aux actions militaires des États-Unis contre l'Afghanistan ou d'autres pays. Mais par la suite, les porte-paroles du gouvernement ont déclaré que les militaires canadiens participeraient à toutes les phases de la « guerre au terrorisme » déclarée par Washington.

« Nous sommes présents lorsque vient le temps de régler le problème du terrorisme », a déclaré le ministre de la Défense Art Eggleton sur les ondes du réseau CTV lorsqu'on lui a demandé si les forces armées du Canada allaient participer à des actions ailleurs qu'en Afghanistan.

L'importance et le caractère inconditionnel de la participation du gouvernement libéral de Chrétien à la guerre menée par les États-Unis contredisent les déclarations des médias et des opposants de droite des libéraux selon lesquelles leur appui à la campagne « anti-terrorisme » des États-Unis est tiède. Elles démontrent également de façon claire le caractère impérialiste de l'État canadien.

À l'instar de leur homologues de Washington et de Londres, les leaders politiques canadiens cherchent à susciter un soutien public à la guerre contre l'Afghanistan en invoquant l'atrocité des événements du 11 septembre et le caractère antidémocratique du régime taliban. Pourtant, ils ont également admis que la participation du Canada permettra de conserver, sinon même de renforcer l'influence géopolitique du Canada. « Pour jouer un rôle dans le monde, déclarait il y a de cela une semaine le ministre des Affaires étrangères John Manley, il y a un prix à payer ».

Dans le cadre de l'Opération Apollo, le Canada envoie six navires de guerre, six avions de transport et de surveillance, mobilisant ainsi plus de 2 000 membres de ses forces armées pour participer à l'agression contre l'Afghanistan. Malgré la force relativement faible de ce contingent, ce dernier ne représente pas moins près du tiers de la flotte du pays et il s'agit de la plus grosse force de combat envoyée à l'étranger par le Canada depuis la guerre de Corée.

De plus, la Force opérationnelle II, une unité de commando entraînée pour contrer le terrorisme au pays, est également mobilisée. Cette force participera à des opérations de renseignements et de nature non dévoilée sur le terrain. Aucun des chasseurs-bombardiers CF-18 du Canada ne sera utilisé à cette étape-ci de la guerre du fait qu'ils ne sont pas équipés pour être utilisés depuis des porte-avions ou pour être ravitaillés en vol.

Ce déploiement sur le théâtre des opérations en Afghanistan va presque doubler le nombre de troupes canadiennes en service outre-mer -2 157 hommes participent actuellement à des missions de l'OTAN et de l'ONU, dont 1 653 en Bosnie dans le cadre de la force de « stabilisation » de l'OTAN.

Les troupes canadiennes dépêchées pour la guerre en Afghanistan le seront pour six mois. Mais le chef d'État-major, le général Ray Hénault, a refusé de fixer une limite à la durée ou à la taille de l'engagement canadien : « l'opération sera une opération militaire, diplomatique et politique longue dont nous ne savons pas clairement quand elle prendra fin nous savons cependant que nous y contribuerons aussi longtemps qu'il le faudra ».

À l'exception du Nouveau parti démocratique social-démocrate, tous les partis de l'opposition ont salué la participation du Canada dans la guerre contre l'Afghanistan. La leader Alexa McDonough s'est opposée à l'assaut mené par les États-Unis contre l'Afghanistan en déclarant que la lutte contre le terrorisme devait être menée sous l'égide des Nations Unies.

Le Bloc Québécois séparatiste qui rivalise régulièrement avec le gouvernement fédéral pour démontrer son soutien aux États-Unis a salué la participation du Canada dans cette guerre, en dépit des sondages d'opinion qui montrent que l'opposition aux actions militaires contre l'Afghanistan est plus grande au Québec que dans les autres provinces.

Le gouvernement libéral reconnaît que la taille de la contribution du Canada à la campagne en Afghanistan diminuera les capacités du pays à respecter ses autres engagements militaires et nécessitera un important recrutement ainsi que de nouvelles dépenses si elle doit être soutenue. Dans une déclaration visant à souligner la résolution du gouvernement, le ministre des Finances Paul Martin a déclaré que les libéraux allaient accepter un déficit dans le budget fédéral afin d'augmenter fortement les dépenses militaires et pour assurer la sécurité nationale. Le secrétaire-général de l'OTAN George Robertson, qui a déjà critiqué le Canada dans le passé pour ne pas dépenser suffisamment pour ses militaires, a publiquement applaudi l'engagement du Canada dans la campagne en Afghanistan lors d'une conférence à Ottawa. Lors d'un entretien privé avec Chrétien, il aurait pressé le Canada de relever les troupes américaines qui ont quitté les Balkans pour le golfe Persique.

Le redessinage de la carte du monde

Inutile de le dire, les forces que le Canada contribue à l'effort de guerre contre l'Afghanistan sont bien faibles en comparaison de celles engagées par les États-Unis. Mais elles n'en constituent pas moins le troisième plus important contingent national de la coalition militaire de six membres engagés dans la guerre contre l'Afghanistan.

Consciente que la carte géopolitique du monde est en train d'être redessinée en Afghanistan, l'élite dirigeante canadienne a supprimé tout doute quant à sa capacité sans cesse diminuante de poursuivre un cours indépendant en donnant son soutien total aux États-Unis.

Il s'agit ici d'une nouvelle étape dans la résurrection du militarisme canadien, notamment lorsqu'on pense que Washington a annoncé son intention de mener une lutte de durée illimitée contre des ennemis qui n'ont toujours pas été nommés.

Pendant trente-cinq ans, de la crise du canal de Suez de 1956 à la fin de la Guerre froide, la classe dirigeante canadienne a présenté le Canada comme un pays « gardien de la paix » et pacifiste. Cette fiction était bien pratique pour servir les intérêts des élites dirigeantes tant au Canada qu'aux États-Unis. Les États-Unis pouvaient compter sur leur allié fidèle, le Canada, pour l'aider à imposer les accords conclu avec l'URSS et les anciennes puissances coloniales européennes afin de supprimer les divers conflits régionaux en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. De leur côté, les dirigeants du Canada pouvaient défendre leurs propres intérêts, agissant soit comme l'interlocuteur de Washington, comme ce fut le cas pour la Chine, ou soit en prenant leurs distances des États-Unis, comme dans le cas de Cuba. De plus, en plaçant son supposé pacifisme et son soutien à l'ONU au centre de l'idéologie nationaliste canadienne, la classe dominante donnait un vernis libéral à son antiaméricanisme.

Mais avec la chute du mur de Berlin, le système des relations internationales de l'Après-guerre s'est mis à s'effilocher, inaugurant une nouvelle ère d'instabilité internationale dans laquelle les frontières des États allaient commencer à être redessinées. Dès la guerre du Golfe de 1991, la classe dirigeante canadienne fut contrainte de rejeter de plus en plus explicitement ses prétentions pacifistes de façon à assurer ses intérêts dans le refaçonnage de l'ordre géopolitique mondial.

Dans les années 1990, les troupes canadiennes ont participé à trois expéditions militaires menées par les États-Unis -dans le golfe Persique, en Somalie et dans les Balkans. Bien que dans toutes ces guerres le Canada n'ait joué qu'un rôle de soutien, les porte-paroles gouvernementaux et militaires ont fréquemment fait valoir que 10 p. 100 des missions de bombardement effectuées contre la Yougoslavie lors de l'assaut de l'OTAN de 1999 ont été effectués par des avions canadiens.

Articulant la nouvelle approche d'Ottawa, le ministre Manley des Affaires étrangères a carrément déclaré que « le Canada n'a pas le passé d'un pays pacifiste ou neutre. Ses soldats sont enterrés partout en Europe car ils ont combattu pour défendre la liberté. Et nous n'allons pas reculer face au défi maintenant simplement parce qu'on pense qu'on pourrait se faire mal ».

Bien entendu, la vérité est toute autre. Si des dizaines de milliers de Canadiens sont morts au cours des deux guerres mondiales de la première moitié du XXe siècle, c'est bien parce que les intérêts de la bourgeoisie canadienne étaient inextricablement liés au sort de l'empire britannique.

Attaques à venir contre les libertés civiles et les services publics

Avant l'annonce faite par Chrétien de l'entrée en guerre du Canada, lui et son gouvernement ont subi de fortes attaques tant de la droite que de la presse. Alors que le ton belliqueux du premier ministre britannique Tony Blair était qualifié de churchillien, la presse accusa Chrétien de prendre un ton poltron, sinon même chamberlainien. Lorsque le président américain George Bush omit de mentionner le Canada dans son discours au congrès comme l'un des pays appuyant les États-Unis, l'opposition accusa Chrétien de mettre en péril les relations du Canada avec Washington.

Les libéraux ont répliqué en citant les déclarations du gouvernement américain selon lesquelles cette omission était accidentelle -des déclarations tout simplement incroyables compte tenu que ce speech fut l'un des plus révisés de l'histoire des États-Unis et que l'ancien premier ministre canadien Brian
Mulroney, un opposant politique et ennemi personnel de Chrétien, est un ami intime et conseiller occasionnel du président.

En annonçant la pleine participation du Canada à l'effort de guerre américain, Chrétien a fait taire la plupart de ses détracteurs. Stockwell Day, le leader de l'opposition officielle et chef de l'Alliance canadienne, a publié une déclaration dans le Globe and Mail intitulée « Let's stand by our PM » (rallions-nous derrière notre premier ministre) dans laquelle on pouvait lire : « l'heure n'est plus à la critique du leadership du Canada. Nous avons une guerre juste à mener ».

Compte tenu de l'intégration économique et militaire du Canada avec les États-Unis et des enjeux géopolitiques de la guerre en Asie centrale, et en dépit de la propagande de la droite, le gouvernement libéral canadien représentant la bourgeoisie ne s'est jamais posé la question à savoir s'il devait ou non engager des troupes dans cette guerre menée par les États-Unis. La seule vrai question -comme l'a souligné Bush en omettant de mentionner le Canada dans son discours au congrès- a été de savoir si les États-Unis leur demanderaient de le faire.

Ceci étant dit, il ne faudrait pas sous-estimer l'importance du changement d'orientation qui a lieu à Ottawa. Le gouvernement a déjà entrepris des démarches qui, au nom de la lutte contre le terrorisme, menacent les libertés civiles de base. Avec la récession, la nécessité de renforcer la sécurité nationale et de financer l'expédition militaire canadienne outre-mer sera bientôt évoquée comme raison par les libéraux pour abandonner leurs promesses électorales de réinvestissement dans les services publics et sociaux.

La semaine passée, lors d'une rencontre avec le comité du caucus libéral fédéral sur les questions urbaines, les représentants de la ville de Toronto se sont fait dire qu'il y aurait peu , sinon pas d'argent neuf pour les transports en commun et les logements sociaux. « Le 11 septembre a tout changé, tant au niveau personnel que financier », déclarait la présidente libérale du comité Judy Sgro aux journalistes lors de la conclusion de la réunion.

Voir aussi :


 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés