wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

Entrevue avec le député du Parti communiste français Maxime Gremetz

Par David Walsh

25 juin 2002

Maxime Gremetz est le député du Parti communiste français (PCF) pour Amiens-Nord. Il a parlé au WSWS aux portes de l'usine de Whirlpool à Amiens, ville industrielle au nord de Paris. Il sollicitait des suffrages à l'usine, entre les deux tours des élections législatives. Le 16 juin, il a été réélu avec 54,8 pour cent des suffrages, l'emportant sur un candidat de l'Union pour la démocratie française (UDF) de droite.

Gremetz, élu pour la première fois en 1978, s'est fait un nom en tant que politicien du genre flamboyant, à la manière d'un démagogue stalinien. En avril 1998, il a foncé à bord de son véhicule en plein milieu d'une cérémonie officielle à laquelle participait Charles Baur, le président régional qui venait d'être réélu avec l'aide du Front national néo-fasciste. Pour ce petit numéro, Gremetz a été privé de «ses droits civiques, civils et familiaux et à deux ans d'inéligibilité», ce qui l'aurait empêché de se présenter aux élections législatives de juin cette année. Le président Jacques Chirac est toutefois intervenu et a accordé le pardon à Gremetz en mai. L'ancien premier ministre de droite Alain Juppé avait argumenté en sa faveur, qualifiant la peine de «disproportionnée et injuste».

Gremetz est un opposant au secrétaire général du PCF Robert Hue depuis un certain temps. Il est un des «refondateurs», un groupe de staliniens français opposé à la politique générale du parti et à la direction de Hue. Les divergences entre les factions ne portent pas sur des questions de principe. Les refondateurs croient que le PCF, ou leur faction, a les meilleures chances de survie en suivant les traces de la Rifondazione Comunista (Refondation communiste) italienne. C'est le genre de tendance vaguement définie dans la presse bourgeoise comme étant «communiste de la vieille école», mais cette terminologie ne veut rien dire.

Le PCF en tant qu'entité politique a rompu irrévocablement avec le marxisme il y a près de trois quarts de siècle. Les staliniens français ont trahi des occasions révolutionnaires en 1936, 1945 et 1968. Ils ont soutenu et défendu le génocide réalisé par la bureaucratie stalinienne en URSS contre ses opposants socialistes à la fin des années 30. Dans la période de l'après-guerre, le PCF a été l'un des piliers de l'ordre bourgeois français. Les divergences actuelles de faction sont des divisions au sein d'une tendance politique discréditée et en train de s'écrouler.

Ce qui inquiète vraiment les refondateurs staliniens français c'est que le discrédit et la désintégration du PCF ne créent un dangereux vide politique à gauche. Les refondateurs réagissent, à la manière qu'ils jugent la plus efficace, à la crise du cadre politique bourgeois en France. Ils ont sans doute été particulièrement alarmés par les suffrages accordés par trois millions de gens lors du premier tour de l'élection présidentielle le 21 avril à trois partis soi-disant «trotskystes».

Le PCF tient une conférence nationale cette semaine au cours de laquelle une rude lutte de faction, et peut-être une scission, sont tout à fait possibles. Un groupe de refondateurs a publié une déclaration dans l'Humanité du 18 juin, signée par de nombreux dirigeants du parti de la région du Nord-Pas de Calais, et demandant la convocation d'un «congrès extraordinaire de sortie de la mutation réformiste», dans une référence ironique au projet caressé par Hue d'une «mutation» du Parti communiste. Le document continue ainsi: «Aujourd'hui, le PCF "mutant" est menacé d'extinction pure et simple». Les refondateurs demandent un «total renouveau stratégique», et rejettent «l'union de sommet avec la direction maastrichtienne du PS», référence nationaliste à l'Union européenne.

Dans l'entrevue qui suit, Gremetz critique le PCF pour avoir «abandonné» la classe ouvrière, mais ne mentionne aucunement qu'il a soutenu la participation du parti au gouvernement Jospin, lequel a présidé à la privatisation de nombreuses industries, à la destruction d'emplois, à des fermetures d'usines et à la montée de l'inégalité sociale. En juillet 1998, alors qu'une grosse crise secouait la coalition dirigée par les sociaux-démocrates, Gremetz a rassuré Hue qu'il continuerait de soutenir la participation du PCF au gouvernement. L'Humanité, le quotidien stalinien, a commenté sur un ton approbateur que Gremetz, malgré ses diverses critiques, «dit enfin ne pas souhaiter le départ des communistes du gouvernement».

Aujourd'hui le député du PCF a tous les sens en éveil. Le vote pour les «extrêmes», de gauche et de droite, au premier tour de l'élection présidentielle française en avril l'a clairement encouragé à prendre une position «militante» contre Hue et le reste de la direction du parti, dont la politique et la tactique menacent de faire dérailler l'organisation stalinienne. Mais la posture «de gauche» de Gremetz, ainsi que ses références aux «principes communistes» et aux «idées communistes» ne réussiront pas à berner quiconque est familier avec l'histoire du PCF. C'est une organisation contre-révolutionnaire, avec une longue histoire de gangstérisme et de violence contre tous ses opposants politiques de gauche.

Pendant des décennies, les représentants staliniens au sein du syndicat CGT ont répondu aux militants ouvriers, et aux trotskstes et autres critiques de gauche, non pas avec des arguments politiques, mais avec des barres de fer, des bâtons et leurs poings. Les organisations opportunistes de gauche en France, telles que Lutte ouvrière (LO) et la Ligue communiste révolutionnaire qui glorifient les «militants» du PCF trouvent commode d'oublier et de passer sous silence cette histoire de violence. En juin 1967 par exemple, 300 staliniens armés de pierres se sont rués sur un groupe de membres de LO à l'extérieur de l'usine de camions de Berliet près de Lyon, et les ont tabassés.

Gremetz lui-même n'a pu se retenir quand nous lui avons demandé ce qu'il pensait de Trotsky. «Qui?», a-t-il demandé en prenant une mine sévère. Nous avons répété le nom. «Trotsky? Il est mort. Paix à son âme», a-t-il dit avec un sourire malicieux, alors qu'il disparaissait dans son automobile.

* * *

WSWS: Que pensez-vous de la situation politique en France?

Maxime Gremetz: C'est une situation qu'on a rarement connue avec le traumatisme politique du 21 avril, on n'a jamais connu ça en France. Se retrouver pour le 2e tour des élections présidentielles avec ou le choix pour l'extrême-droite ou le choix d'utiliser le vote Chirac, c'est à dire la droite, pour barrer la route à l'extrême-droite avec une sanction très forte à l'égard du gouvernement de gauche, PS et PC associés...Je crois que c'est un séisme politique. On n'a jamais connu ça en France.

C'est lié à la crise, au fait que la responsabilité des dirigeants politiques est engagée, qu'ils soient de droite ou de gauche car en fait c'est une fois la droite une fois la gauche mais comme c'est à peu près la même politique à quelques nuances, et que les gens ne voient rien changer dans leur vie mais les inégalités grandir et les riches d'un côté toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres, eh bien ça pose de vraies questions et vous avez des gens, y compris d'ici, j'en connais, qui m'ont dit: «pourquoi aux législatives on vote? Si les gens là-haut ils se foutent de nous, ils ne nous écoutent jamais, on va leur dire en votant Front National». Voilà une situation sérieuse avec des problèmes sérieux qui sont posés au plan économique et au plan social.

Mais avec une Europe, une mondialisation capitaliste qu'on vit là aujourd'hui, on parle, on fait des thèses sur la mondialisation capitaliste, mais qu'est-ce que c'est que Whirlpool avec cette délocalisation en Slovaquie sinon la mondialisation capitaliste?! Ils ont décidé, Whirlpool c'est un grand groupe, le premier grand groupe américain qui a décidé de se restructurer pour faire plus de profits encore pour les actionnaires, et donc quelles sont les conséquences immédiates? On cherche des théories sur la mondialisation, mais on la vit, là, et on dit là on va délocaliser, il y a 12% de rentabilité financière pour les actionnaires on veut en faire 16%. Où on va les faire? On va délocaliser en Slovaquie où les salaires sont encore plus bas, où la législation est très souple pour les patrons et où la Slovaquie est, comme par hasard, le premier pays candidat à l'entrée de l'Union Européenne, c'est à dire à la libre concurrence, à l'ultra libéralisme, etc... Ils vont aller là-bas, ils vont faire plus de profits, ils vont attaquer le marché ici, ils vont encore nous liquider plein d'emplois parce qu'il y aura concurrence déloyale et puis si on laisse partir la ligne de production lave-linge, après ce sera le sèche-linge et le site sera fermé.

Eh bien, face à cela, l'impuissance ou la prétendue impuissance dont font preuve les gouvernements de droite ou de gauche en disant «on n'y peut rien», ou en allant à Barcelone (Chirac et Jospin) signer pour faire reculer l'âge de la retraite, un grand problème les retraites, comment voulez-vous qu'il y ait des perspectives pour les gens de gauche? Ils sont complètement déçus et cela se traduit par deux choses essentielles, un, une abstention massive des milieux populaires qui ne vont pas voter, et ce n'est pas un vote de négligence, c'est un vote politique, et d'autre part, la montée du FN. C'est ça la situation politique aujourd'hui. C'est une situation pré-o-ccu-pante!

WSWS: Et comment expliquez-vous la chute des voix pour le Parti Communiste?

MG: La gauche a été durement sanctionnée et comme on exige plus du PC, on attend tout, les milieux populaires attendent tout du PC, ils ont bien raison parce que c'est notre vocation de les défendre, de lutter, d'agir et d'être combatif, etc, comme le PC s'est lié complètement les mains au gouvernement en ne disant rien - nous ne combattons pas comme il faut. Moi c'est ce que je dis depuis 90. Cela explique peut-être que moi j'ai de bons résultats dans ma circonscription. Parce que moi, je n'ai pas baissé les bras, je suis là tous les jours, je suis avec les salariés. Ce que le PC a abandonné, c'est cela, à mon avis. Donc pas de projet de perspective politique et en même temps abandon des fondamentaux du PC qui est la défense intransigeante des intérêts des gens, de se battre avec eux pour obtenir des résultats, de proposer à l'Assemblée Nationale et d'ouvrir une perspective politique. A mon sens c'est ça la question.

WSWS: Est-ce qu'il y a d'anciens électeurs et membres du PC qui votent maintenant FN?

MG: Oui, il y en a de tous les partis. Les déçus du socialisme, les déçus de la gauche. Ils montrent leur déception. C'est ce que j'appellerai, comme on dit chez moi en picard, des réactions de cocu. Quand on est trompé une fois, vous savez bien qu'on a une mauvaise réaction. Eh bien là c'est pareil. Le pire c'est que c'est plus grave, bien plus grave. Je ne dis pas que c'est bien d'être cocu mais en l'occurrence être cocufié trois fois de suite, une fois par la gauche, ensuite une fois par la droite - fracture sociale - et une nouvelle fois par la gauche, à force d'être cocufié on commence à... Donc des électeurs du FN qui ne sont pas durablement obligatoirement des racistes, fascistes etc, c'est l'exaspération de ne pas être entendus, écoutés et d'être trompés.

WSWS: Comment voyez-vous l'avenir du PC?

MG: L'avenir du PC? Il faut le refonder le PC. Il faut le reconstruire sur ses bases. On a abandonné la classe ouvrière, on a abandonné les travailleurs. On a même abandonné le mot parce que cela nous faisait peur. Écoutez, moi, je suis un ouvrier, je suis avec les ouvriers, avec les salariés, avec les employés. La classe ouvrière a changé bien sûr, mais elle existe. Et regardez ce qu'il y a: la précarité aujourd'hui dans l'emploi. Tous ces jeunes que vous voyez là qui vous disent être intérimaires parce qu'ils travaillent pour rien et qui sont payés avec deux fois rien et ils n'ont même pas la perspective, seulement la perspective, de fonder une famille parce qu'ils ne savent pas s'ils vont être embauchés ou s'ils vont être licenciés demain. Il faut leur donner de l'espoir, de la perspective mais pas avec des mots, avec des mesures concrètes, précises, vous voyez. Il faut que le PC retrouve l'idée communiste qui est toujours valable. Il y a des gens ici qui m'ont dit «on aime bien le communisme que vous appliquez», c'est un journaliste d'ailleurs qui a dit ça. Eh bien oui, le communisme de proximité, un communisme qui donne l'espoir, qui se bat, qui donne des perspectives mais pas en restant dans les bureaux feutrés, les lambris dorés, mais être proche des gens, à l'écoute, au dialogue.

WSWS: Comment voyez-vous l'expérience de l'Union Soviétique?

MG: Cela a été une expérience historique donnée qui a joué un grand rôle dans le monde, y compris dans les pays capitalistes. Nous n'aurions pas ce que nous avons dans les pays capitalistes aujourd'hui s'il n'y avait pas eu l'Union soviétique. Historiquement parlant. Mais le plus grand défaut pour avoir bien connu ces pays-là, avoir beaucoup discuté avec les dirigeants, c'est que, quand on ne fait pas confiance au peuple, quand on dépolitise le peuple, quand on ne joue pas la démocratie, la participation citoyenne, on ne peut pas transformer une société. On ne peut pas avoir des dirigeants qui disent d'un côté «c'est nous qui déciderons le bonheur qu'on vous fait». Ben non! Cela ne se conçoit pas comme ça. La construction d'une société nouvelle cela fait obligatoirement appel à la liberté, la créativité des gens, à leur épanouissement complet. C'est ce qu'ils n'ont pas compris. C'était bureaucratique.

WSWS: Que pensez-vous de Trotsky?

MG: De qui?

WSWS: Trotsky.

MG: Trotsky? Il est mort. Paix à son âme.

Voir aussi :


 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés