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Le Congrès américain adopte la loi sur la Sécurité intérieure de Bush

Des mesures de type état-policier menacent les droits démocratiques

Par le bureau de rédaction
19 novembre 2002

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La Chambre des représentants américaine a voté le 13 novembre, et le Sénat le 19, pour établir un nouveau département fédéral de la Sécurité intérieure selon les critères fixés par l'administration Bush.

La loi sur la Sécurité intérieure représente un assaut frontal sur les droits démocratiques, tant au niveau des clauses qui établissent, pour la première fois dans l'histoire des États-Unis, une agence fédérale centralisée pour la sécurité intérieure, que pour son impact sur les travailleurs du nouveau département qui seront privés de toute protection civile ou droits syndicaux.

Sur la question des droits des travailleurs au sein du nouveau département, qui a paralysé le Congrès au cours des trois derniers mois et bloqué tout accord, la loi représente une victoire complète pour la Maison blanche. Elle permet au président d'abolir la négociation collective et d'engager et de congédier des travailleurs à volonté.

Le vote à la chambre des Représentants était un écrasant 299-121, près de la moitié des Démocrates se joignant à la quasi totalité des Républicains pour approuver la mesure. Parmi ceux ayant voté en faveur de la loi se trouvait Nancy Pelosi, la Démocrate de Californie qui succède à Richard Gephardt en tant que chef de la minorité à la Chambre. Le choix de Pelosi à ce poste dirigeant a été vivement critiqué par des sections du Parti démocrate qui la jugent trop «libérale».

La loi ayant été adoptée par les deux chambres, l'administration Bush va agir rapidement pour mettre sur pied le nouveau département. Il s'est donné 60 jours pour en nommer les hauts fonctionnaires et obtenir leur confirmation du Sénat. Selon des reportages parus dans la presse, Tom Ridge, l'actuel responsable de la sécurité intérieure à la Maison blanche, et ancien gouverneur de la Pennsylvanie, en sera nommé le secrétaire. L'un des haut fonctionnaires du nouveau département sera John Gannon, un ancien directeur adjoint du CIA. Jusqu'ici, la loi interdisait à la CIA de mener des opérations d'espionnage à l'intérieur des États-Unis.

Avec 170 000 employés et une présence dans tous les coins du pays, le nouveau département de la Sécurité intérieure ressemblera le plus à la force nationale de police que l'Amérique n'a jamais eue. Il combinera 22 agences fédérales ayant un certain lien avec la sécurité interne, notamment la garde côtière, le service des douanes, le service secret, le service d'immigration et de naturalisation, les garde-frontières, l'agence fédérale de gestion de crise, et le service de sécurité du transport (nouvellement établi pour effectuer des contrôles de sécurité sur les passagers et les bagages à la plupart des aéroports).

La nouvelle loi donne au gouvernement fédéral des pouvoirs qui dépassent de loin la somme des pouvoirs précédemment détenus par ces 22 agences. Une clause de la loi permettra au gouvernement fédéral de suivre à la trace les transactions par cartes de crédit, les données médicales, les déplacements, les abonnements à des revues, l'emprunt de livres aux bibliothèques et l'utilisation de l'internet ou du courrier électronique. Toutes ces informations seront centralisées dans une immense base de données couvrant chaque citoyen et chaque visiteur. Sous l'appellation de programme pour «la maîtrise totale de l'information», elle sera administré par une nouvelle Agence de recherche avancée en sécurité (SARPA).

Jusqu'ici, il était illégal dans la plupart des circonstances pour des agences fédérales comme le Service d'immigration et de naturalisation, le FBI ou la CIA de partager des données. La Loi sur la sécurité intérieure démolit ces murs de séparation, créant avec SARPA un bureau centralisé avec le pouvoir sans précédent de relier des bases de données gouvernementales et commerciales grâce à une technique connue sous le nom d' «extraction de données» (data mining).

SARPA se servira des méthodes développées par le Pentagone au sein de son Agence de projets avancés de recherche pour la défense. Celle-ci a déjà commencé la recherche sur le prototype de ce qu'elle appelle «une grande base de données virtuelle et centralisée».

L'identité du responsable de ce projet de $200 millions du Pentagone est en soi très significative: l'amiral à la retraite John Poindexter, le conseiller en matière de sécurité nationale dans l'administration Reagan qui avait été reconnu coupable de cinq chefs d'accusation dans l'affaire Iran-Contra, y compris d'avoir menti au Congrès. La condamnation de Poindexter avait été renversée en appel et il avait reçu un pardon présidentiel de George H. W. Bush, le père de l'actuel président.

Un homme déjà condamné en tant que principal organisateur de la guerre secrète de Reagan en Amérique centrale, menée dans le dos des Américains et en violation d'une prohibition explicite du Congrès, est maintenant occupé à développer un instrument vital de régime autoritaire aux États-Unis.

L'Association américaine pour les libertés civiles, qui est restée presque silencieuse concernant la loi sur la Sécurité intérieure, a émis un communiqué tardif le 14 novembre pour condamner le programme de Maîtrise totale de l'information, après que des détails aient été rendus publics par le chroniqueur du New York Times William Safire. Tous les Américains «se trouveront dans le cyber-état accusateur d'un appareil tout puissant de sécurité nationale», affirme l'association dans son rapport.

Il y de nouvelles restrictions majeures à l'application de la loi sur l'accès à l'information, qui a été pratiquement suspendue par l'administration Bush depuis les attaques terroristes du 11 septembre. La Maison blanche a le pouvoir légal, en invoquant la «sécurité nationale», d'exempter le fonctionnement interne et les opérations de collecte d'informations du nouveau département des requêtes d'accès à l'information. Des restrictions semblables s'appliquent déjà au Pentagone, à la CIA, au FBI, à l'agence de sécurité nationale et à d'autres organismes militaires et de renseignement.

La nouvelle loi va encore plus loin, prolongeant ces restrictions à toute information fournie volontairement au département de la Sécurité intérieure par des entreprises privées. Si une compagnie demande par écrit que l'information reste confidentielle, tout fonctionnaire qui en informerait la presse ou le public pourrait écoper d'une amende, être congédié ou emprisonné jusqu'à un an.

Une compagnie qui a déversé des déchets dangereux dans un fleuve, par exemple, pourrait fournir des informations sur ses opérations au département de la Sécurité intérieure, s'arranger pour que celles-ci soient qualifiées d' «informations critiques sur les infrastructures», et criminaliser de ce fait tout effort pour dévoiler les conséquences de ses actions pour l'environnement ou la santé publique.

La nouvelle loi comprend d'autres clauses anti-démocratiques, y compris tout le texte de la loi sur la cyber-sécurité (Cyber Security Enhancement Act), une loi d'espionnage de l'internet adoptée par la Chambre en juillet mais restée coincée au Sénat. Elle donne des pouvoirs accrus au FBI pour obtenir des fournisseurs d'accès à l'internet des renseignements sur les utilisateurs du web, et elle augmente les pénalités pour le hacking, dont la définition demeure vague, pénalités pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement à vie.

Le rôle des Démocrates

Le processus par lequel la loi sur la Sécurité intérieure a été ranimée et imposée au Congrès démontre la complicité du parti démocrate dans l'assaut que mène l'administration Bush sur les droits démocratiques. La version initiale de la loi a été présentée par le sénateur démocrate Joseph Lieberman, bien avant que la Maison blanche ait décidé de soutenir la création d'un département ministériel. Lieberman et d'autres Démocrates ont rédigé plusieurs des clauses les plus réactionnaires de la loi et la soutiennent avec enthousiasme, sauf les sections auxquelles sont opposés les dirigeants des syndicats des fonctionnaires fédéraux.

Les Républicains du Sénat ont fait traîner les débats au cours des trois derniers mois pour empêcher qu'une version démocrate de la loi sur la sécurité intérieure, qui conservait une certaine protection des droits civils et syndicaux, ne soit présentée en chambre. Ils ont accepté de laisser tomber leurs manoeuvres après que trois partisans du projet de loi démocrate aient accepté de changer de position et de s'y opposer. Le projet de loi démocrate fut alors soumis au vote et rejeté par une marge de 50-47, permettant ainsi à la version voulue par l'administration Bush d'être présentée.

Les Démocrates contrôlent la chambre haute au début de cette session dite de «canard boîteux», et pourraient avoir bloqué la loi. D'un point de vue parlementaire, il aurait été parfaitement possible pour les Démocrates d'adopter la même tactique que les Républicains et de faire traîner les débats jusqu'à ce que la Maison blanche fasse des concessions. Mais le chef sortant de la majorité au Sénat, Tom Daschle, a fait savoir que rien de tel ne serait tenté.

Daschle et le président de la Chambre des représentants Dennis Hastert, ont convoqué la session de «canard-boiteux» parce que seulement deux des treize lois budgétaires requises pour financer le gouvernement fédéral avaient été votées avant l'ajournement du Congrès pour les élections de mi-mandat. Ils avaient dit le Congrès se réunirait le 12 novembre afin de voter les loi budgétaires manquantes.

Mais les Républicains de la Chambre et du Sénat ont décidé de repousser l'examen des lois budgétaires jusqu'à ce que le nouveau congrès se réunisse en janvier, lorsqu'ils auront le contrôle des deux chambres. Lorsque Bush proclama que la sécurité intérieure était la question majeure de l'actuelle session, les Démocrates ont accepté sans protester.

La loi parrainée par la Maison blanche tourne la procédure législative en ridicule. La plus importante réorganisation du gouvernement fédéral en 50 ans a été imposée au Congrès dans une loi de 484 pages que la plupart des sénateurs et députés n'ont pas lue. De nombreuses clauses n'ont même pas été présentées ou fait l'objet d'un débat public. Le sénateur Robert Byrd, le doyen du Sénat, a pris la parole au Sénat jeudi dernier pour dénoncer la loi comme étant une «fraude» et inviter ses collègues «à ne pas s'étendre et faire le mort».

Mais Daschle et la direction démocrate n'ont pas tenté la moindre lutte sérieuse contre la loi. La complicité des Démocrates souligne le fait qu'il n'y a aucun soutien significatif dans aucun des deux partis pour la défense des droits démocratiques contre un état de plus en plus autoritaire. Le Congrès est devenu rien de plus qu'une caution automatique pour les demandes d'un pouvoir exécutif qui s'apprête à combiner la guerre à l'étranger à la répression de toute opposition ou dissidence politique dans son propre pays.


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