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Une conseillère du Premier ministre canadien perd son poste pour avoir traité Bush de crétin

par Keith Jones
28 novembre 2002

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Ce 26 novembre, le premier ministre canadien, Jean Chrétien, a cédé aux pressions de la droite canadienne et américaine et accepté la démission de Françoise Ducros. La directrice des communications du premier ministre était dénoncée pour avoir déclaré que le président américain, George W. Bush était un «crétin».

Ducros avait fait cette remarque le 20 novembre lors d'une conservation officieuse dans la salle de presse du sommet de l'OTAN à Prague. Le National Post, un quotidien ultradroitiste canadien a décidé de publier la remarque, dans l'espoir d'offrir des munitions politiques aux adversaires de Chrétien au Canada ainsi qu'à l'administration Bush.

L'Alliance canadienne et les conservateurs sont immédiatement passés à l'attaque, accusant Ducros de mettre en danger les relations entre le Canada et les États-Unis. Le leader conservateur, Joe Clark, a déclaré «lorsqu'elle [Ducros] insulte le président des États-Unis, c'est le premier ministre du Canada qui insulte le président des États-Unis». Pour ne pas être en reste, le député allianciste Jason Kenney a accusé les libéraux de «toujours prendre une attitude antiaméricaine» qui nuisent aux relations commerciales du Canada avec les États-Unis.

Ducros est loin d'être la première personne à discuter publiquement des faibles capacités intellectuelles de Bush. Il est bien connu qu'il est un ignorant dont les capacités intellectuelles sont limitées et qui puise ses arguments, ses idées et ses déclarations chez les idéologues du marché libre et les militaristes.

Mais Chrétien n'avait pas l'intention ou même la possibilité de défendre politiquement sa conseillère ou encore d'exposer pour ce qu'elles sont les forces de la droite derrière la furieuse campagne contre Ducros. Au lieu de cela, le premier ministre a plutôt cherché à les apaiser. Il a dit à une conférence de presse du 22 novembre que Ducros avait fait une erreur tout en tentant de défendre Bush, ajoutant que le président américain «était son ami». Chrétien a déclaré que Ducros lui avait offert sa démission, mais qu'il l'avait refusée.

Sentant de la faiblesse dans la position de Chrétien, la droite et les médias ont augmenté l'intensité de leurs attaques, recyclant des commentaires des Américains pour avancer l'idée que Chrétien abîmait ce qui est la plus importante relation du Canada tant en matière de commerce que des affaires étrangères. L'administration Bush s'était quant à elle déclarée satisfaite des explications de Chrétien.

La vérité était tout autre. Selon le Globe and Mail, plusieurs diplomates canadiens ont dit que les représentants américains les avaient froidement accueillis lors de plusieurs séances de pourparlers sur des affaires bilatérales au cours de la fin de semaine.

Dans cette affaire, la Maison blanche a décidé de donner la tâche de la venger à des congressistes américains et des chacals des médias. Presque toute l'émission Crossfire du 25 novembre au réseau CNN a été consacrée à des plaintes de la part des commentateurs de droite Bob Novak et Jonah Goldberg contre le Canada et le gouvernement canadien. L'ancien candidat à la présidence Pat Buchanan a dénoncé les Canadiens pour être «les morveux du nouvel ordre mondial».

Dans de telles conditions, la lâcheté de Chrétien était prévisible. Mardi dernier, il annonçait qu'il acceptait la démission de Ducros.

Il est ironique que quelques jours auparavant, juste avant le sommet de l'OTAN, Chrétien donnait le signal le plus clair à ce jour que l'armée canadienne participerait à la guerre des États-Unis contre l'Irak. «Nous allons voir ce que nous avons et ce dont ils ont besoin» a déclaré Chrétien au sujet d'une demande officielle des États-Unis quant à la nature de la contribution canadienne à l'invasion de l'Irak. Chrétien a ajouté «Nous avons déjà des navires là-bas. Nous avons des avions là-bas... Alors, ce sera la même chose.»

Les relations entre les premiers ministres canadiens et les présidents américains ont souvent été difficiles, à cause des liens étroits entre deux pays qu'imposent la géographie, l'histoire et l'économie et le grand déséquilibre qu'il y a entre leur puissance économique et géostratégique. Ceci étant dit, l'incident Ducros en dit long sur l'état des relations interimpérialistes en général et celles entre le Canada et les États-Unis en particulier.

Lorsque Ducros a traité Bush de crétin, c'était alors qu'elle exprimait sa colère devant le fait que les États-Unis utilisaient le sommet de l'OTAN, qui avait été appelé pour discuter de son expansion, comme une occasion pour gagner des appuis pour un «changement de régime» en Irak. «Naturellement, s'est-elle empressée d'ajouter, notre position officielle est qu'il [Bush] n'essaie pas de détourner le sommet.»

Comme plusieurs gouvernements européens, le régime Chrétien est profondément troublé par la façon agressive avec laquelle l'administration Bush impose des politiques qui défendent ouvertement les intérêts de la grande entreprise américaine. Il craint que le militarisme et l'unilatéralisme des Américains ne se retournent contre l'ensemble des impérialistes en incitant l'opposition des masses et en déstabilisant les institutions et les régimes traditionnels. Une autre crainte, au moins aussi importante, est que les tentatives des États-Unis de maintenir leur position dans le monde au moyen de leur puissance militaire, économique et géopolitique viennent introduire un nouvel aspect explosif dans les rapports entre les classes au Canada même.

Alors que les bourgeoisies européennes cherchent à utiliser l'Union européenne comme une base pour résister à la puissance américaine, la géographie et l'économie ne laissent d'autre choix aux dirigeants canadiens que d'accommoder les demandes de l'impérialisme américain. Ce sont ces concessions obligatoires qui frustrent tant le gouvernement libéral et qui sont à la source de l'augmentation des tensions entre le Canada et les États-Unis. Selon l'éditorial du jour du 26 novembre du Globe and Mail, les relations entre le Canada et les États-Unis sont déjà «si tendues» qu'une «autre insulte ici ou là ne change pas grand-chose».

Au même moment, l'opposition officielle au parlement, l'Alliance canadienne, et une section de plus en plus importante de l'élite du monde des affaires au Canada défendent l'idée que la meilleure façon de défendre les intérêts indépendants du Capital canadien est d'accepter le nouvel ordre géopolitique international. Plutôt que s'accrocher aux vieux idéaux du multiculturalisme et que d'être si réticents à s'accommoder à la stratégie américaine de la forteresse nord-américaine, déclarent-ils, le gouvernement canadien ferait mieux d'en devenir le plus grand défenseur. Dans un premier temps, le budget de l'armée canadienne devrait être massivement augmenté et Ottawa devrait donner son appui entier à la «guerre au terrorisme» américaine où qu'elle mène.

Ces éléments de la droite considèrent qu'en contribuant à faire tomber Ducros, non seulement ont-ils contribué à augmenter leur capital de sympathie à Washington, mais qu'ils ont aussi réussi à éroder la position politique de Chrétien et peut-être à avancer la date prévue de sa retraite, annoncée pour février 2004.


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