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Le brésilien «Lula» célèbre sa victoire, le FMI demande plus d'austérité

Par Bill Vann
29 octobre 2002

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L'élection fin octobre du candidat du Parti des Travailleurs (PT) et ancien dirigeant du syndicat des métallurgistes, Luiz Inacio «Lula» da Silva, a été accueillie par des concerts de klaxons et des manifestations drapeaux déployés à Sao Paulo, Rio de Janeiro et d'autres villes importantes du Brésil. Les marchés financiers à l'étranger et au pays ont cessé le feu en attendant l'annonce par le PT d'une équipe chargée de la transition économique.

Lula a gagné le deuxième tour de l'élection présidentielle par une marge de plus de 61 pour cent, gagnant 52 millions de voix, le plus grand nombre jamais reçu par un candidat brésilien.

Dans son discours de victoire, le candidat du PT s'est engagé à rassembler «toute la société brésilienne..., hommes d'affaires, syndicalistes, intellectuels, afin de bâtir une société plus juste et plus fraternelle faisant preuve de plus de solidarité.»

S'adressant à une foule de plus de 100.000 partisans sur l'Avenida Paulista de Sao Paulo, da Silva a déclaré: «Nous sommes les seuls à pouvoir garantir une réforme agraire et trois repas par jour pour tous.»

Dans sa campagne électorale, le PT a promis de doubler le salaire minimum, de créer 10 millions d'emplois et de fournir plus d'aide aux pauvres. Dans un pays dont la répartition des revenus est la quatrième la plus inégale au monde, et où plus de 50 millions de personnes vivent dans une abjecte pauvreté, de tels engagements à améliorer les conditions sociales ont fourni à Lula son vote massif.

Son adversaire, Jose Serra, a présenté un programme défendant le bilan du président sortant Fernando Enrique Cardoso. Ce dernier avait adopté un ensemble de mesures connues sous le nom de «consensus de Washington» qui enlevaient les entraves aux échanges et aux mouvements de capitaux, privatisaient les entreprises publiques et imposaient l'austérité fiscale. Ces mesures sont devenues de plus en plus impopulaires aux yeux des masses, non seulement au Brésil, mais dans toute l'Amérique latine, où les travailleurs ont vu leur niveau de vie se détériorer tandis qu'une mince couche au sommet de la société accumulait une richesse colossale.

Le vote a exprimé une hausse du militantisme au sein la classe ouvrière brésilienne et le mécontentement croissant nourri par de larges couches envers une structure sociale remplie de grossières inégalités, dont les bases furent jetées durant 20 ans de dictature militaire, à partir des années 60. Les résultats de l'élection feront de da Silva le premier président associé à un programme de gauche depuis Joao Goulart, qui fut renversé en 1964 par un coup d'état militaire soutenu par les États-Unis.

En réalité, cependant, il y avait relativement peu de différences entre la politique mise de l'avant par Serra et celle préconisée par le Parti des Travailleurs. Après avoir mis de côté il y a bien longtemps ses demandes de répudiation de la dette extérieure et de nationalisation de certains secteurs de l'industrie, le PT s'est tourné de plus en plus nettement vers la droite lors de la dernière campagne électorale.

Il est devenu de plus en plus clair qu'en dépit du cheminement personnel de Lula, le Parti des Travailleurs n'est pas un parti ouvrier, ni dans sa composition, ni dans son programme, ni dans les intérêts qu'il représente. Formé au début des années 80 par une section de la direction syndicale, des éléments de l'église catholique, des professeurs d'université et d'anciens étudiants radicaux, le PT s'est systématiquement tourné vers la droite au cours de trois campagnes présidentielles non victorieuses à partir de 1989.

Il a modifié sa politique à un point tel qu'elle correspond maintenant aux intérêts d'une section bien définie de la bourgeoisie brésilienne. C'est ce qui explique l'absence d'anxiété dans les casernes militaires du Brésil face à la prise du pouvoir par Lula.

Le tournant du PT vers la droite a trouvé son expression la plus concrète dans son choix de candidat à la vice-présidence, à savoir José Alencar, le magnat du textile le plus riche du pays et le chef à la fois d'un parti de droite et d'une église évangélique. Alencar est typique d'une couche substantielle de propriétaires industriels et agricoles du Brésil, qui voient la politique du «libre marché» favorisée par Washington comme une rue à sens unique, qui ouvre le Brésil au capital américain mais fournit peu de débouché aux produits brésiliens. Leurs intérêts sont reflétés dans la façon dont Lula condamne comme étant «annexionniste» la proposition de l'administration Bush pour une Zone de libre échange des Amériques couvrant tout l'hémisphère.

Le PT a clairement indiqué, cependant, qu'il n'a aucune intention de menacer le capital étranger dans son ensemble. En pleine campagne, Lula a rencontré Cardoso et s'est engagé à respecter les conditions négociées avec le Fonds monétaire international pour un prêt de $30 milliards. Le nouveau crédit avait été accordé en premier lieu pour renflouer d'importantes banques telles que Citibank et First Boston qui étaient fortement exposées au risque d'insolvabilité du Brésil.

Depuis lors, des fonctionnaires du PT ont annoncé que da Silva était prêt à augmenter l'excédent fiscal que son gouvernement mettra de côté afin d'accumuler un surplus budgétaire encore plus élevé pour éviter de faire défaut sur la dette publique de $260 milliards du pays. Alors que le gouvernement Cardoso avait accepté un excédent équivalent à 3,75 pour cent du Produit intérieur brut, des conseillers du PT disent que Lula pourrait augmenter ce montant à 4 ou même 5 pour cent.

Une telle mesure réduirait d'autant plus les ressources limitées disponibles pour la mise sur pied de programmes visant à améliorer les conditions sociales des masses de Brésiliens pauvres. Les conditions mûrissent pour une confrontation entre les nouvelles attentes des travailleurs brésiliens et les exigences des marchés financiers mondiaux.

Il y a quelques semaines, au plus fort du deuxième tour de la campagne présidentielle, des conseillers du PT ont émis une déclaration commune avec la Bourse de Sao Paulo et l'Association brésilienne des analystes financiers. La déclaration préconise notamment un tournant vers des fonds de retraite privés en tant que mécanisme pour canaliser l'argent des travailleurs dans un marché qui a vu le cours des actions tomber à son niveau le plus bas en trois ans et demi. Une telle mesure, affirme le document, «jouerait un rôle important dans le financement du capital productif, grâce à une participation significative dans le marché des capitaux, comme cela se fait dans les principaux pays développés.»

Le document suggère en outre de baisser l'impôt sur les gains en capitaux, déclarant que «le marché des capitaux devrait être vu comme partie intégrante du système productif, et donc, la politique fiscale devrait tenir compte de cet aspect stratégique du secteur».

La Fédération bancaire du Brésil était parmi les premières institutions à envoyer un message officiel de félicitations à da Silva. Les élections, ont déclaré les banquiers, «marquent un changement dans l'environnement politique, économique et social du pays». Ils ont poursuivi en avertissant le président élu que le défi principal qui l'attendait était d' «orienter l'économie sur la voie de la croissance, en liaison avec la justice sociale, mais sans compromettre la stabilité monétaire qui a été si durement acquise».

Kenneth Rogoff, économiste en chef du FMI, a invité le gouvernement entrant à choisir une équipe économique «qui puisse rassurer les marchés que sa politique sera raisonnable».

Parlant pour le capital étranger, The Economist était encore plus direct dans sa réaction à la victoire du PT. «Comme beaucoup d'autres chefs de gauche nouvellement élus, M. da Silva verra son espace de manoeuvre réduit», a fait savoir la revue britannique. «Etant donné le niveau d'inquiétude des marchés, qui a parfois frisé la panique, il ne devrait pas s'en étonner. Mais même des gens expérimentés peuvent être surpris par la puissance que peuvent exercer des marchés financiers hostiles et les durs jugements qu'ils peuvent imposer.»

Les marchés brésiliens sont demeurés calmes le jour après l'élection et il y a eu peu de changements dans la valeur de la monnaie nationale, le real, par rapport au dollar, ou dans le cours des obligations du gouvernement. La tranquilité relative faisait contraste avec l'attaque brutale sur le real qui avait précédé l'élection. Le real a perdu plus d'un tiers de sa valeur dans les derniers mois, et la cote des obligations du pays a été revue vers le bas.

Durant cette période, des analystes financiers avaient admis que la fuite des capitaux hors du Brésil était une réponse à la victoire probable du PT. Un établissement financier de New York avait même révélé l'existence d'un «Lula-mètre» associant la montée du PT dans les sondages au déclin précipité du real par rapport au dollar. La victoire de Lula ayant depuis été considérée comme étant certaine, le marché avait déjà tenu compte des résultats électoraux d'octobre dernier.

Quelles que soient les mesures que prend le PT pour rassurer Wall Street, il y a toujours une menace sérieuse que le Brésil soit forcé de faire défaut sur sa dette publique de $260 milliards avant que da Silva n'entre en fonction. La chute abrupte du real et la hausse marquée des taux d'intérêt (qui sont maintenant à 21 pour cent) ont rendu le poids de la dette de plus en plus insoutenable.

La situation financière précaire du Brésil soulève clairement la menace d'une descente du pays dans le genre de désintégration économique que vit l'Argentine depuis un an. Si ça s'avère être le cas, Cardoso pourrait être chassé du pouvoir avant même que da Silva ne soit investi, déclenchant une crise politique et sociale incontrôlable dans le plus grand pays d'Amérique latine.


 

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