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L'attaque au gaz de Poutine à Moscou ­ le résultat de la guerre barbare de la Russie en Tchétchénie

Par le bureau de rédaction
29 octobre 2002

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Le World Socialist Web Site condamne la prise du théâtre musical de Moscou par des unités spéciales de la police secrète russe. Avec cette action brutale, gazant les otages russes et les preneurs d'otages tchétchènes, le gouvernement de Vladimir Poutine a utilisé dans la capitale les méthodes de tuerie en masse qu'il emploie couramment contre les masses tchétchènes.

Même si Poutine a tenté d'étouffer les évènements de samedi dernier et de bâillonner les médias, il est à présent clair que plus d'une centaine d'otages ont été tués lors de l'assaut à cause du gaz employé par les forces spéciales des services secrets. Un seul otage est mort de blessures par balles ; on ne sait pas si c'est la police ou les preneurs d'otages qui l'ont tué.

En tant que socialistes, nous nous opposons implacablement aux méthodes des séparatistes tchétchènes, qui, selon les estimations, ont pris 800 civils innocents en otage. Cette dernière tragédie souligne encore une fois la banqueroute politique et la perspective fondamentalement réactionnaire qui sous-tendent les méthodes du terrorisme. Mais les mesures meurtrières du gouvernement russe ne peuvent se justifier par les actions des preneurs d'otage.

Poutine a refusé de négocier pour sauver la vie des otages. Son principal but était de démontrer le pouvoir de l'État par une action violente et sans merci, et ainsi d'intimider non seulement les masses tchétchènes, mais aussi le sentiment anti-guerre grandissant en Russie. En ce faisant, son gouvernement a démontré son arrogance et son mépris envers son propre peuple.

Des 53 preneurs d'otages, 50 ont été tués. On a exécuté beaucoup d'entre eux, y compris les femmes du groupe, après qu'ils aient perdu conscience sous l'effet du gaz, quand ils étaient sans défense. Dans un interview avec le journal Moskowski Komsomolez, un membre des unités spéciales a dit : « Nos spécialistes ont tué les terroristes avec une balle dans le cou ou la tête ».

L'agent a prétendu que c'était la seule façon de traiter « des gens qui portaient deux kilos d'explosifs autour de leur taille ». Comme toutes les déclarations officielles concernant cette opération, cet argument ne peut soutenir un examen critique. D'abord, l'utilisation du gaz n'aurait pas empêché un kamikaze de déclencher une explosion, si cela avait vraiment été son intention. Selon les rapports des témoins, certains des preneurs d'otages ont remarqué le gaz et essayé de mettre des masques à gaz avant de perdre connaissance.

Un otage a pu téléphoner de son portable pour prévenir ceux à l'extérieur de l'utilisation du gaz. Les kamikazes auraient certainement eu le temps nécessaire pour déclencher leurs bombes, si telle avait été leur intention. Ceci suggère que les preneurs d'otages n'auraient pu porter que de faux explosifs. Certains rapports de la presse suggèrent que c'était effectivement le cas.

Ensuite, après avoir respiré de grandes quantités de gaz, les preneurs d'otages n'étaient plus dangereux. On aurait facilement pu les désarmer. Dans de telles circonstances, en les tuant la police se rend coupable de meurtre.

Le gouvernement russe continue à refuser de dire quel type de gaz il a utilisé lors de l'opération, malgré les explications des docteurs qui insistent que ces informations auraient pu sauver beaucoup de vies et continuent à être essentielles dans le traitement du grand nombre d'otages qui sont sérieusement blessés et qui restent à l'hôpital. Certains experts ont conclu que le gouvernement ne veut pas admettre qu'il a utilisé un gaz interdit par des lois internationales.

Parmi les autres gaz que l'on aurait pu utiliser sont le poison chimique 3 BZ, produit aux États-Unis durant les années 1960 et qui paralyse ses victimes pendant 48 heures. Une autre possibilité serait un gaz de type sarin. Les deux gaz sont interdits par le traité international gouvernant les armes chimiques, que la Russie a signé en 1997.

Un fait est incontesté : le gouvernement russe a utilisé des gaz toxiques contre ses propres citoyens. C'est, bien sûr, une des principales accusations dirigées par les États-Unis et d'autres gouvernements contre le régime irakien de Saddam Hussein pour justifier les projets d'invasion et d'occupation de l'Irak. Évidemment, l'administration Bush, comme presque toutes les institutions médiatiques, a étouffé cette ironie amère et tragique.

Le mépris exprimé par le gouvernement russe envers ses propres citoyens n'a pas cessé avec la fin du drame de la prise d'otages. Depuis samedi, des familles désespérées se réunissent en grand nombre devant les hôpitaux de Moscou. Deux jours après l'opération de la police et des forces armées, ils ne savaient toujours pas si leurs proches sont morts ou vivants. Le gouvernement a refusé de donner accès aux survivants et a refusé de donner les informations les plus élémentaires à leur égard.

La Russie et la Tchétchénie

Avec son action brutale contre les preneurs d'otages à Moscou, Poutine perpétue la conduite du gouvernement russe contre toutes les minorités en rébellion depuis la dissolution de l'URSS. Entre 1994 et 1996, le premier russe Boris Eltsine a mené une guerre sans merci pour supprimer les tendances séparatistes de la petite république du Caucase. L'ascension de Poutine aux sommets du pouvoir était intimement liée à la deuxième guerre menée en Tchétchénie.

Après une série de crises et de scandales de corruption, Elstine a nommé en août 1999 un ancien des services de sécurité plutôt obscur, Poutine, comme chef du gouvernement, préparant le chemin pour la succession de Poutine au pouvoir. Peu après, une série d'attaques à la bombe a démoli des séries d'appartements à Moscou et dans d'autres villes russes, faisant des centaines de victimes.

Si l'on a jamais bien identifié les terroristes, il y a beaucoup d'indications que l'agence des services secrets FSB avait pris part à l'affaire. Poutine a utilisé ces attentats comme excuse pour lancer une autre mobilisation militaire à grande échelle contre la Tchétchénie. Faisant appel au chauvinisme grand-russe et attaquant grossièrement les Tchétchènes ­ un de ses slogans était « On va mettre ces bandits dans la cuvette et on tirera la chasse » ­ il a pu gagner l'élection présidentielle.

L'armée russe a établi une dictature en Tchétchénie basée purement sur la terreur. Au moins 80.000 personnes sont mortes depuis 1994. Toutes les grandes villes, y compris la capitale, Groznyï, ont été rasées. On a soumis les habitants à des fouilles à domicile, des enlèvements, des exécutions, des viols, et à l'extorsion. On a rendu impossible la vie quotidienne normale.

Ceci a donné une nouvelle impulsion aux séparatistes les plus extrémistes. Lors de la dissolution de l'URSS, l'islamisme ne jouait presque pas de rôle en Tchétchénie. Beaucoup des troupes irrégulières tchétchènes ont étudié dans les universités soviétiques, commencé une carrière dans l'armée soviétique et sont seulement venus à l'islamisme après l'offensive guerrière de Moscou. Le chef des preneurs d'otages à Moscou, Mosvar, est le neveu du chef séparatiste Abi Barajev, un ancien policier de quartier de l'Union Soviétique.

Les méthodes terroristes de ces groupes sont réactionnaires et futiles ; on ne peut ni les approuver ni les défendre. En dernière analyse, malgré le caractère extrême et violent de leurs méthodes, de telles organisations ont une perspective qui se réduit à forcer le gouvernement russe à pactiser. Ils ont un mépris de la classe ouvrière russe et ne sont ni capables ni intéressés par l'idée d'obtenir le soutien des masses opprimées russes.

Cependant, la principale responsabilité pour ces évènements tragiques appartient à Poutine et à l'élite dirigeante russe. La prise d'otages, ou un geste semblable, était la conséquence inévitable d'une guerre qui prend depuis longtemps la forme d'un terrorisme d'Etat. La plupart des preneurs d'otages qui ont trouvé la mort avaient à peine vingt ans. Au long de leurs vies conscientes, ils n'ont connu rien sauf la guerre, la violence, la mort, et la répression.

Malgré le caractère réactionnaire de leurs méthodes et la banqueroute de leur perspective communaliste, l'exigence principale des preneurs d'otages ­ le retrait de toutes les troupes russes de la Tchétchénie ­ était et reste entièrement légitime. Cette exigence trouve de plus en plus de soutien à l'intérieur de la Russie.

Selon des sondages juste avant la prise d'otages, à peine 40 pour cent des Russes approuvaient une guerre en Tchétchénie. Trois ans auparavant, le chiffre était presque 80 pour cent. Pendant le siège à Moscou, des centaines de proches des otages se sont réunis pour demander la paix en Tchétchénie. On a aussi manifesté pour la paix devant le Kremlin.

Poutine ne peut céder à cette exigence. La guerre en Tchétchénie est, pour deux raisons majeures, indispensable à la continuation de son gouvernement.

À l'intérieur de la Russie, la guerre lui donne l'excuse nécessaire pour construire un système répressif étatique. Incapable d'améliorer les conditions sociales intolérables qui dévorent le pays, Poutine utilise la menace du « terrorisme » pour justifier sa posture de défenseur de l'ordre et de la sécurité. Depuis qu'il est arrivé au pouvoir, les pouvoirs des services secrets, de la police, et de l'armée ont grandi massivement. Les médias ont subi une censure rigoureuse, passant sous le contrôle du gouvernement.

Les méthodes brutales de gouverner de Poutine sont caractéristiques de la nouvelle élite sociale qui domine la Russie depuis la dissolution de l'URSS. Recrutée parmi l'ancienne nomenklatura et les éléments mafieux, celle-ci a employé des méthodes de gangster pour piller la propriété et l'industrie nationales. Aucun pays en temps de paix n'a vécu une telle catastrophe sociale en si peu de temps. Eltsine a clairement démontré ce que les cercles dirigeants voulaient dire quand ils parlaient de démocratie en 1993, quand il a ordonné à des chars de bombarder le parlement russe, faisant des centaines de morts.

En relation à la politique extérieure, les mesures de Poutine en Tchétchénie tentent de promouvoir les ambitions de l'élite dirigeante russe de devenir une grande puissance. La perte de la république caucasienne affaiblirait décisivement l'influence russe dans une région avec une importance stratégique internationale immense, à cause de ses propres réserves de pétrole, mais aussi à cause de sa proximité stratégique à d'autres grandes réserves de pétrole et de gaz naturel.

La complicité de Washington, Londres, Paris et Berlin

Washington, Londres, Paris, et Berlin ont approuvé l'action brutale du gouvernement russe. Jeudi dernier, avant l'attaque au gaz des forces spéciales russes, le Président américain Bush a parlé à Poutine par téléphone, offrant « tout le soutien ou l'assistance » que les États-Unis pourraient donner. L'envoyé américain à Moscou, Aleksander Vershbov, a dit que les services de sécurité américains travaillaient avec leurs homologues russes pour libérer les otages. Vershbov lui-même « paraissait presque comme un membre distingué du cercle dirigeant du Kremlin », selon un journal allemand.

Le premier ministre britannique Tony Blair, le président français Jacques Chirac, et le chancelier allemand Gerhard Schröder ont tous félicité Poutine sur la fin de la crise d'otages. Le ministre des Affaires étrangères allemand, Joschka Fischer, a dit que les preneurs d'otages étaient les seuls responsables pour le grand nombre de morts. Il était choqué, disait-il, que « de nouveau tellement de personnes innocentes soient victimes du terrorisme international ».

Les gouvernements occidentaux ont une grande part de responsabilité pour la tragédie à Moscou. Ils avaient d'abord critiqué sporadiquement les actions russes en Tchétchénie, ce qu'ils ne font presque plus depuis le 11 septembre 2001. En échange de son soutien pour la guerre américaine en Afghanistan, on laisse à Poutine la liberté d'agir comme il veut en Tchétchénie. On a étouffé même les appels les plus timides au respect des droits de l'homme. Washington considère les attaques russes sur le peuple tchétchène comme une contribution légitime à la « guerre contre le terrorisme ». Le chancelier allemand Schröder, qui avait critiqué la politique de terre brûlée de Moscou, prône une position « plus nuancée » sur la question tchétchène.

Il y a des indications que l'unité entre Moscou et Washington sur la crise récente pourrait amener la Russie à changer sa position sur la question de l'Irak. En échange du soutien américain sur la question de solution sanglante au drame des otages, la Russie pourrait prêter son soutien à une résolution de l'ONU qui donnerait au gouvernement américain le feu vert pour une guerre contre Bagdad.

Il est de plus en plus évident que la « guerre contre le terrorisme » est une formule qu'utilisent les gouvernements des puissances impérialistes pour justifier leurs agressions violentes contre les autres nations, tout comme l'oppression des minorités et des tendances oppositionnelles à l'intérieur de leurs frontières.


 

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