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Les médias et politiciens américains de droite crachent leur venin anti-français

Par David Walsh et Jacques Richard
15 février 2003

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L'effort diplomatique mené par la France pour éviter un assaut immédiat des États-Unis contre l'Irak, y compris le veto d'une proposition américano-birtannique à l'OTAN et le maintien d'une opposition à Washington et à Londres dans le Conseil de sécurité de l'ONU, a provoqué une réponse hystérique de la presse à sensation et des politiciens de droite aux États-Unis.

Les médias les plus à droite font maintenant référence à la France et au gouvernement de Jacques Chirac d'une manière réservée jusqu'à tout récemment aux dirigeants de pays devenus la cible d'une intervention militaire immédiate des États-Unis, tels que l'ancienne Yougoslavie de Slobodan Milosevic ou l'Irak de Saddam Hussein. La diabolisation de Chirac et de la France est un autre indice du degré sans précédent de tension qui existe entre l'administration Bush et ses «alliés» européens.

Le New York Post du magnat de la presse Rupert Murdoch a été parmi les meneurs de la bande anti-française. En une de son édition du 10 février, on pouvait voir une photo des tombes des soldats américains morts dans l'invasion de la Normandie en 1944 avec la manchette suivante: «Ils sont morts pour la France mais la France a oublié». L'article infect qui l'accompagnait, par un certain Steve Dunleavy écrivant de Colleville-sur-Mer, contenait ce passage: «Le temps est frisquet mais je ressens un accès anormal de rage: je veux donner une raclée collective à la France. Ces garçons sont morts pour sauver la France d'un tyran nommé Adolph Hitler. Et maintenant, alors que d'autres garçons américains se préparent à lutter et à mourir pour sauver le monde d'un tyran tout aussi vil, Saddam Hussein, où sont les Français. Ils se cachent. Et proclament: «Vive les mauviettes!» Dunleavy a noté que «91 pour cent» des Français «sont contre les plans du président Bush visant à faire de Saddam une tache noire dans l'histoire. Mais enfin, les Français sont contre tout, y compris cette curieuse habitude américaine de prendre une douche tous les jours.»

Le 12 février Dunleavy est revenu sur ce thème, appelant à un boycott des «alliés ingrats» que sont les Français.

Le chroniqueur de droite Jonah Goldberg, l'un des principaux conspirateurs contre Clinton, écrivant dans le National Review, a emprunté une expression de l'émission télévisée The Simpsons et qualifié le peuple français de «singes capitulards mangeurs de fromage». En une du National Review on pouvait lire «Putsch» avec le sous-titre: «Comment contrer le coup de force franco-allemand».

Fred Barnes du Weekly Standard s'est demandé: «Les Français savent-il à quel point ils sont désagréables pour de nombreux Américains?» Barnes, un intervenant régulier à Fox News Channel de Murdoch, a poursuivi en racontant toutes les «blagues anti-françaises» qui pouvaient lui venir à l'esprit: «Combien de Français faut-il pour défendre Paris? Personne ne sait, on ne l'a jamais essayé. Comment on appelle 100.000 Français les mains en l'air? L'armée», et ainsi de suite.

Dans le Washington Post, le journaliste George Will a noté que l' «oléagineux» ministre français des affaires étrangères Dominique de Villepin avait, dans un discours aux Nations Unies, commencé à «cultiver l'art que la France a souvent pratiqué depuis 1870, celui de la retraite, cette fois dans l'incohérence.»

Le Guardian britannique a noté qu' «à son plus laid, la bile transatlantique devient de plus en plus personnelle. Lorsque la correspondante de la radio France Inter à Washington, Laurence Simon, a commencé à expliquer la position de son gouvernement à Fox News (propriété de Murdoch), elle a été interrompue par le présentateur. "Avec des amis comme vous, qui a besoin d'ennemis", s'est-elle fait dire alors qu'on lui coupait la parole.»

Le Wall Street Journal a ajouté sa voix, venimeuse comme on pouvait s'y attendre, à la campagne contre Chirac et les Français: «Trois pays, la France, l'Allemagne et leur petit favori, la Belgique, ont transformé leur opposition à la politique américaine à l'égard de l'Irak en obstruction formelle qui aura des conséquences». Les rédacteurs du journal ont continué en disant: «En cas de guerre, [les Turcs] feront face au danger d'une attaque directe qui ne soulève aucune crainte dans les boutiques de chocolats de Bruxelles».

Un des morceaux les plus cyniques a été l'oeuvre de l'ancien «gauchiste extrémiste» et actuel ultra-droitiste Christopher Hitchens, sous le titre: «Le rat qui veut rugir». Une des spécialités de Hitchens, peut-être sa seule spécialité en fait, est de décrire dans le détail les crimes de divers régimes à travers le monde (Milosevic, les Taliban en Afghanistan, Hussein), tous inévitablement d'anciens alliés ou agents de Washington, et de prescrire une intervention militaire impérialiste américaine comme le seul remède possible.

Hitchens a maintenant tourné son attention vers la France et Jacques Chirac. Après avoir décrit le côté héroïque de l'histoire et du caractère national de la France, Hitchens a poursuivi ainsi: «Il y a bien sûr une autre France, la France de Pétain, Poujade et Vichy et de la tactique coloniale abjecte poursuivie en Algérie et en Indochine.» Il faut quelqu'un d'aussi politiquement dépravé que Hitchens, maintenant un favori de la droite néo-fasciste, pour écrire ainsi à la veille d'un assaut américain contre l'Irak, aussi «abject» et «colonial» que tout ce que les Français ont jamais pu faire, et avec une puissance de feu bien plus meurtrière à sa disposition.

Hitchens a continué en notant que «Saddam Hussein doit beaucoup d'argent à des compagnies françaises et à l'état français. Nous espérons tous que le parti Baath irakien n'a fait aucun cadeau privé à des personnalités politiques françaises, même si le moins qu'on puisse dire c'est que de tels scrupules des deux côtés seraient une anomalie.» Le chroniqueur a conclu en accusant Chirac d'être «l'homme vain, poseur et vénal qui, souhaitant jouer le rôle d'une Jeanne d'Arc atteinte de calvitie, fait de la France le proxénète abject de Saddam. C'est le cas du rat qui voulait rugir.»

Les Républicains et les Démocrates au Congrès se sont joints au choeur avec leur propre poison anti-français. Apparemment en réponse à un refus européen d'importer des aliments américains génétiquement modifiés, le porte-parole de la Chambre Dennis Hastert (Républicain, Illinois) a laissé entendre qu'il pourrait prôner un boycott des eaux minérales et vins français. Le député Tom Lantos (Démocrate, Californie) a ajouté sa propre touche de chasse-aux-sorcières anti-communiste en disant: «Je suis particulièrement dégoûté par l'intransigeance aveugle et l'entière ingratitude de la France, de l'Allemagne et de la Belgique, des pays qui ont bloqué nos efforts visant seulement à mettre en branle des plans d'urgence au cas où notre allié turc était attaqué par l'Irak. Sans notre propre engagement militaire, la France, l'Allemagne et la Belgique seraient aujourd'hui des républiques socialistes soviétiques. Le refus par ces états d'honorer leurs engagements est plus que méprisable.»

Devant un tel torrent de saletés, il est possible de perdre de vue quelques faits élémentaires: le gouvernement Chirac est un régime conservateur de libre-marché qui ne s'est jamais objecté au droit des États-Unis et des autres grandes puissances d'intervenir en Irak et de renverser son gouvernement. Paris a simplement plaidé en faveur d'un délai et pour qu'une telle conduite soit cautionnée par l'ONU; il veut essentiellement avoir sa part du butin colonial. La réponse des médias américains exprime non seulement l'arrogance, la stupidité et l'esprit de clocher, mais aussi un degré considérable de paranoïa et d'insécurité. Comment réagiront de telles forces face à un mouvement populaire contre l'impérialisme qui menace sérieusement les plans américains de domination mondiale?

La vague d'hystérie anti-française dans les médias américains n'est pas passée inaperçue dans la presse française. «Francophobie» a titré Le Monde dans son principal éditorial mardi dernier. L'influent quotidien français a commencé par prendre en note la campagne menée par les médias outre-atlantique contre la France. «Nous autres Français sommes profondément lâches, "munichois" dans l'âme, singulièrement vénaux, passablement antisémites et, cela va de soi, antiaméricains avec acharnement... C'est ainsi qu'une certaine presse américaine voit les Français.»

L'éditorial a ensuite cité certains des commentaires relatés ci-dessus. «Tout cela pour quel crime?» s'est demandé l'éditorial. «Paris ose ne pas adhérer à la politique irakienne de l'administration Bush.» Il a ensuite noté que «le ton des médias outre-Atlantique recouvre souvent ce que l'on dit en privé de la France (et de l'Allemagne) dans certains milieux officiels à Washington.»

En fait, les plaintes concernant la «brutalité» et le «mépris» américains pour ses «vieux» alliés européens ont rempli les colonnes des revues et journaux français. «La crise entre les Américains et nous laissera des traces», a écrit Le Monde samedi dernier. «Le degré de violence des journaux d'outre-Atlantique, l'exaspération américaine si évidente, son incompréhension devant toute réserve en témoignent déjà.»

Le quotidien conservateur Le Figaro a quant à lui noté que «M. Rumsfeld s'énerve lorsque tous les Européens ne se comportent pas en vassaux». Il a vu la crise de l'OTAN de la semaine passée comme une autre provocation américaine. «La demande faite à l'Otan est une façon flagrante de forcer la main des alliés, de leur dicter des décisions conformes au plan de guerre préétabli au Pentagone.»

Le pétrole est l'une des questions qui a fait les manchettes en France. «Le discours sinon dominant, du moins très répandu et parfaitement légitime de ce côté-ci de l'Atlantique», a écrit au début du mois l'économiste français Pierre Noël dans Le Figaro est que «derrière le jeu triangulaire entre l'administration Bush, le Conseil de Sécurité et l'irak à propos des inspections, l'Amérique entend s'assurer durablement le contrôle du pétrole irakien».

Mais le thème dominant de la couverture de la crise irakienne par les médias français a été la fissure qu'elle a occasionnée dans l'alliance dite «trans-atlantique», et ses implications pour l'avenir des relations entre l'Europe et l'Amérique.

Le directeur du Monde Jean-Marie Colombani a rédigé une chronique la semaine dernière sous le titre «Le défi américain». «La raison majeure de la coupure entre l'Amérique et une large part de l'opinion du "reste du monde"», a-t-il expliqué, est que l'Irak constitue «le premier point d'application de la doctrine américaine d'aujourdhui : faire en sorte que les États-Unis ne puissent être ni menacés ni même défiés; mettre à distance, à travers un gigantesque effort de défense et de recherche, tout rival potentiel.»

Pourtant, a poursuivi Colombani, «il faut être capable d'aller au-delà d'une simple réaction négative à l'attitude américaine Quelle est la doctrine stratégique que les Européens voudraient opposer à celle de la guerre préventive souhaitée par l'Amérique?»

Sa réponse? «Le siècle attend que du Vieux Continent émerge une puissance, pacifique, et non pacifiste, pleinement partenaire, et non satellite des États-Unis.»

Ce qu'envisage par là le directeur du Monde c'est l'émergence de l'Europe, la France y jouant un rôle majeur, en tant que contre-poids à l'hégémonie américaine. Une telle position, peu importe les intentions actuelles de Colombani, mène à des conséquences politiques qui n'ont rien de progressistes. Toute «doctrine stratégique» émanant de la bourgeoisie européenne aurait un caractère impérialiste. L'opposition actuelle du gouvernement Chirac à la fièvre guerrière américaine lui est dictée, non pas par un amour abstrait de la paix, mais par son évaluation des intérêts du capitalisme français. S'opposant à telle guerre particulière aujourd'hui, la bourgeoisie française est tout à fait capable de lancer ses propres guerres de conquête demain.

Reconnaître ce fait est une condition préalable indispensable au développement, par la classe ouvrière française et européenne, d'un mouvement véritablement indépendant et basé sur des principes contre l'impérialisme en tant que système mondial.

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