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Le Canada intensifie son soutien à une guerre américaine contre l'Irak

Par Keith Jones
15 janvier 2003

Le gouvernement libéral du Canada a signifié que le Canada supportera et participera à une conquête américaine de l'Irak peu importe que le Conseil de Sécurité des Nations Unies cautionne ou non une offensive militaire.

Le 9 janvier, suite à une réunion avec le Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, le Ministre de la Défense, John McCallum, a dit, «Si... le Conseil de Sécurité autorise l'emploie de la force... le Canada fera définitivement partie de cette coalition militaire.»

Lorsqu'on lui a demandé si le Canada prendrait aussi part à une invasion de l'Irak menée par les États-Unis et non mandatée par l'ONU, McCallum a répondu, «Certains peuvent dire, "On la fait seulement avec un mandat de l'ONU." Nous disons que nous préférons mieux cela, mais nous pouvons la faire autrement... Si la situation n'est pas claire, nous nous réservons le droit de prendre notre décision à ce moment.»

McCallum a révélé qu'une petite délégation de planificateurs militaires est déjà à Tampa en Floride en train de travailler avec le Commandement Central américain afin de déterminer l'envergure et la nature de la contribution du Canada à l'invasion américaine. Également, la marine canadienne continue de déployer des navires dans le Golfe Persique où ils travaillent comme partie intégrante d'un groupe de porte-avions américains qui appliquent les sanctions punitives de l'ONU imposées à l'Irak et préparent activement une deuxième Guerre du Golfe.

McCallum a formulé au conditionnel ses commentaires sur la participation canadienne à une invasion américaine sans mandat du Conseil de Sécurité. Mais ils ont été largement et correctement interprétés comme un signe que le gouvernement canadien supportera les États-Unis dans leur poussée pour renverser Saddam Hussein et occuper l'Irak à tout prix. «Nous allons, autrement dit, suivre essentiellement ce que les États-Unis décident de faire» a déclaré le plus important quotidien canadien, le Globe and Mail, dans un éditorial qui passait au crible les remarques de McCallum.

Ceci est un important changement de direction, même s'il était prévisible, dans la position du gouvernement Libéral sur le conflit entre les États-Unis et l'Irak. En fin d'année, lors d'une entrevue accordée à la télévision, le Premier Ministre Jean Chrétien avait dit que le Canada ne participerait à une action militaire contre l'Irak que si elle était approuvée par le Conseil de Sécurité de l'ONU. Bien que sous son propre gouvernement le Canada a participé aux frappes de l'OTAN sur la Yougoslavie en 1999, qui avaient été orchestrées sans l'autorisation de l'ONU, Chrétien a prétendu que «le Canada n'a jamais été en guerre sans l'autorisation des Nations Unies».

L'abandon de l'importance que le gouvernement Chrétien accordait au besoin d'obtenir l'accord du Conseil de Sécurité de l'ONU a une double motivation et ni une ni l'autre ont quelque chose à voir avec le sort du peuple irakien. L'élite canadienne craint qu'une action militaire unilatérale, non provoquée, des États-Unis contre l'Irak, causera une faille majeure entre l'Europe et les États-Unis et fracassera le système de relations multilatérales et d'institutions par lequel elle a essayé de contrebalancer le pouvoir économique et géopolitique des États-Unis afin de poursuivre ses propres intérêts rapaces. Deuxièmement, les Libéraux reconnaissent que la grande majorité des Canadiens sont opposés à une guerre des États-Unis contre l'Irak. Ils calculent que l'accord des Nations Unies donnerait à l'assaut militaire américain une couverture de pacifisme et de légitimité internationale.

Pourquoi le changement de direction dans la politique des Libéraux?

Si le gouvernement Chrétien s'associe maintenant plus intimement à la poussée militaire américaine, même si les sondages révèlent que l'opposition à la guerre s'accentue, c'est parce qu'il est à présent convaincu, malgré les déclarations publiques de différents ministères, que l'administration Bush tient mordicus à envahir l'Irak et que le capital canadien peut mieux préserver ses intérêts en s'inclinant devant l'inévitable plus tôt que tard.

Lors de sa conférence de presse du 9 janvier, McCallum a refusé de répondre aux questions sur l'envergure et la forme de la contribution canadienne à un assaut des États-Unis contre l'Irak. Mais il s'est donné beaucoup de mal pour minimiser l'importance des reportages qui affirment que les officiers militaires canadiens présents au Commandement Central ont été exclus des réunions britanno-américaines en préparation pour la guerre. «Il y a eu une période», a dit le ministre de la défense, «pendant laquelle nous n'avions pas indiqué notre position sur la question irakienne et quelques planifications ont eu lieu en notre absence. Mais nous avons par la suite indiqué que nous étions intéressés [à prendre part à une attaque en Irak] et c'est à partir de ce moment que nous avons pris part aux discussions». McCallum a ajouté que Rumsfeld qui est, avec le vice-président Cheney, un des faucons à la tête de l'administration Bush, a été «très heureux de ce que je lui ai dit.»

Les commentaires de McCallum ont été tournés en ridicule par une bonne partie de l'establishment politique. Une remarque typique a été celle de la Conservatrice Elsie Wayne selon qui les Forces Armées Canadiennes sont trop sous-financées et à court de personnel pour être capables de faire une véritable contribution à la guerre en Irak. «Ce qui me dérange», a dit Wayne. «c'est que le ministre des Finances John Manley ainsi que le Premier Ministre n'ont pas abordé la situation au sein de notre défense et le besoin d'injecter de l'argent afin de donner à nos troupes les outils pour faire leur travail s'il y a une guerre contre l'Irak, la Corée du nord ou n'importe qui d'autre». En fait, les Libéraux ont indiqué qu'ils augmenteraient considérablement le niveau de base des dépenses militaires dans le prochain budget.

Quant au Globe and Mail précédemment cité, il a réprimandé le gouvernement Libéral pour ne pas avoir donné son soutien inconditionnel aux États-Unis plus tôt, même s'il a aussi critiqué l'administration Bush de ne pas avoir été « assez clair sur la nécessité d'une guerre en Irak». Comparant défavorablement la position du gouvernement Chrétien avec celle du Premier Ministre de la Grande-Bretagne Tony Blair, le Globe a soutenu que le Canada ne peut conserver son influence auprès de Washington que s'il reconnaît «que les intérêts canadiens exigent une alliance avec les États-Unis.»

La position du Globe reflète le point de vue des sections les plus puissantes de l'élite économique canadienne, qui croient que tout comme le capital canadien a abandonné sa politique économique traditionnelle pour entrer dans un accord de libre-échange avec les États-Unis afin de survivre dans cette nouvelle ère de compétition économique mondiale, il doit former un nouveau partenariat stratégique avec les États-Unis pour défendre ses intérêts dans cet ordre géopolitique mondial nouveau et de plus en plus instable. En début d'année, Thomas D'Aquino, le chef du Conseil Canadien des PDG, a inauguré une campagne pour un «périmètre de sécurité nord-américain» entre les États-Unis et le Canada.

Pendant ce temps, les militaires canadiens ont renouvelé leurs critiques des autorités politiques civiles dans leur campagne pour obtenir des augmentations substantielles dans les dépenses militaires et une collaboration plus étroite avec les États-Unis. Selon un reportage dans le National Post, les hauts placés des Forces Armées Canadiennes (FAC) font pression pour avoir la plus grande contribution possible du Canada à une guerre des États-Unis contre l'Irak, y compris des navires, des avions de combat et des groupes d'infanterie motorisés comptant jusqu'à 3000 militaires. Le Post cite Alain Pellerin, un officier des FAC à la retraite et directeur exécutif de la Conférence des Associations de Défense, selon qui: «Le ressentiment parmi l'armée est que c'est leur dernière chance de montrer au pays ce qu'ils peuvent faire.»

 

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