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Le Canada interdit le Hezbollah et le Parti des travailleurs du Kurdistan

Par Keith Jones
18 décembre 2002

Le gouvernement canadien a annoncé au début décembre 2002 qu'il ajoutait le Hezbollah, un mouvement originaire du Liban et le PKK (le Parti des travailleurs du Kurdistan) à sa liste d'organisations terroristes illégales.

C'est maintenant un crime passible d'une peine de dix ans de prison de financer sciemment le Hezbollah ou le PKK. Une personne qui «facilite» sciemment les activités du Hezbollah ou du PKK, ce même si aucun lien ne peut être établi entre son action et une action terroriste ou illégale, est passible d'une peine d'emprisonnement de quatorze ans.

Avec le Hezbollah et du PKK, ce sont maintenant seize organisations qui sont déclarées illégales par le gouvernement libéral de Jean Chrétien en vertu de la nouvelle loi omnibus antiterroriste.

L'interdiction du Hezbollah à fait l'objet d'une campagne de plusieurs mois menée par l'opposition officielle, l'Alliance canadienne, le National Post et d'une variété d'organisations pro-sionistes. Bénéficiant de l'aide d'individus gravitant autour de l'agence canadienne d'espionnage, le Service canadien du renseignement de sécurité, l'Alliance canadienne et le National Post dénoncent depuis longtemps le Parti libéral pour être «mou dans la guerre au terrorisme».

Plus tôt cette année, le gouvernement libéral interdisait la branche armée du Hezbollah. Cependant, il était récalcitrant à interdire sa branche politique et sociale prétextant que le Hezbollah étant officiellement reconnu en tant que parti politique au Liban avec des membres élus au parlement de ce pays, le Canada devait plutôt concentrer ses énergies sur l'intégration du Hezbollah dans le cadre d'une solution impérialiste au conflit israélo-arabe. Le Hezbollah, déclarait en octobre dernier le ministre canadien des Affaires étrangères, Bill Graham, «regroupe des avocats des médecins... des enseignants. Des travailleurs sociaux, tous des gens qui font du travail. Nous n'allons pas déclarer que des gens sont des terroristes sans avoir une preuve claire qu'ils participent à des activités terroristes.»

Bien que le gouvernement canadien ait été sous pression de la droite canadienne, il n'y a aucun doute que sa volte face est due aux pressions du gouvernement américain. Dans une déclaration condamnant l'interdiction du Hezbollah, le ministre des Affaires étrangères du Liban, Mahmoud Hammoud, a d'ailleurs vertement dénoncé le Canada pour se plier aux exigences de Washington.

Un message de Washington

À cet égard, l'interdiction du PKK mérite une attention particulière. Depuis l'arrestation de son dirigeant Adbullah Ocalan en février 1999, le PKK a, à toutes fins pratiques, mis un terme à sa guérilla armée contre le gouvernement turc. Le PKK a retiré ses troupes de la région du sud-est de la Turquie, une région à majorité linguistique kurde, a éliminé tout appel pour la lutte armée et pour l'indépendance du Kurdistan de son programme et n'a cessé de répéter ses appels au dialogue auprès des autorités turques. Le gouvernement libéral n'avait rien d'autre à donner comme preuve que le PKK ou ses supporteurs aient commis des actes illégaux au Canada que les quelques confrontations avec la police en 1999 lors de manifestation contre l'arrestation illégale d'Ocalan au Kenya.

La seule raison plausible pour Ottawa d'avoir ajouté le PKK à sa liste des organisations terroristes est celui d'envoyer un message à Ankara que les intérêts de la Turquie seront pris en considération si elle coopère à l'invasion américaine de l'Irak. (La classe dirigeante turque est impatiente de savoir que la région kurde du nord de l'Irak demeurera fermement attachée à un État irakien à majorité arabe.)

Le World Socialist Web Site est implacablement opposé aux politiques du Hezbollah et du PKK. Le Hezbollah iranien, ou le parti de Dieu, est un parti politique fondamentaliste chiite dont l'objectif est l'établissement d'un État islamiste dont le programme ne fait aucune distinction entre le peuple juif et l'État sioniste. Le PKK est un mouvement nationaliste bourgeois qui, par le biais de la lutte armée, tentait de forcer les dirigeants turcs et les puissances impérialistes à accepter de négocier la création d'un État kurde indépendant.

Ceci étant dit, bannir le Hezbollah et le PKK parce qu'ils seraient des organisations terroristes constitue une attaque contre les droits démocratiques et démontre le caractère réactionnaire et draconien de la nouvelle loi antiterroriste du Canada.

Lorsque la loi a été adoptée à toutes vapeurs par le Parlement à l'automne 2002, des groupes de défense des droits et libertés ainsi que d'autres organisations ont averti que la loi donnait des pouvoirs arbitraires sans précédent à l'État, l'autorisant à déclarer illégaux des mouvements politiques prétendument en conflit avec les intérêts des dirigeants capitalistes canadiens. La définition du terrorisme sur laquelle est basée la loi est à la fois vague et très large. Aucune distinction n'est établie entre une atrocité perpétrée contre des civils et un mouvement d'insurrection de masse contre des régimes oppressifs ou des forces d'occupation. Par contre, une catégorie de terrorisme a été complètement ignorée, celle qui dans l'histoire s'est avérée la plus efficace et la plus mortelle, le terrorisme d'État.

Il y a des distinctions importantes entre l'islamique Hezbollah et le prétendument marxiste PKK, mais les deux ont émergé et gagné en popularité dans la lutte menée en réaction contre le terrorisme d'État pratiqué par les régimes avec qui le Canada était et est toujours étroitement allié. La Turquie, avec qui le Canada est l'allié au sein de l'OTAN, a nié au peuple kurde ses droits démocratiques les plus élémentaires comme celui d'utiliser sa propre langue dans l'arène publique. Lorsqu'il a affronté le PKK, l'armée turque a agi sauvagement, rasant des villages entiers.

L'Hezbollah est né en réaction à l'invasion du Liban par Israël et la tentative subséquente des États-Unis de soutenir la phalange qui bénéficiait de l'appui du gouvernement israélien en déployant une force de maintien de la paix à Beyrouth. L'Hezbollah est responsable de l'explosion des campements des marines américains à Beyrouth, menant au retrait humiliant des forces armées américaines de ce pays déchiré par la guerre.

En critiquant l'interdiction du Hezbollah, la Fédération canadienne arabe a noté l'incongruité d'Ottawa qui déclare que les campagnes de souscription pour financer le réseau d'écoles et d'hôpitaux dirigé par le Hezbollah sont des actes terroristes alors qu'au même moment, il accorde le statut d'organisme de bienfaisance aux groupes qui font la promotion de l'expansion des colonies sionistes dans les territoires occupés.

Adoptée en vitesse au lendemain des attaques terroristes du 11 septembre 2001, la loi antiterroriste établit un nouvel ordre de crimes politiques ou «terroristes» sujet a des peines beaucoup plus sévères que la normale. De plus, afin d'éviter la commission de ce type de crime, l'État s'est doté de nouveaux pouvoirs très étendus, incluant la détention préventive, le pouvoir d'obliger une personne à témoigner et l'augmentation draconienne du pouvoir de surveillance électronique. Selon Alan Borovoy de l'Association canadienne des droits et libertés, la loi offre une «pléthore» de nouveaux pouvoirs policiers et étatiques et «une disette de garde-fou».

 

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