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La Cour suprême du Canada sanctionne le démantèlement des programmes sociaux

Par Keith Jones
27 décembre 2002

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Selon la Cour suprême du Canada, l'État n'a pas l'obligation de venir en aide aux pauvres même s'ils n'ont d'endroit où loger et quoi que ce soit pour se nourrir.

Dans un arrêt rendu le 19 décembre dernier, le plus haut tribunal du pays a rejeté les prétentions d'une citoyenne du Québec selon laquelle ses droits constitutionnels auraient été violés à la fin des années 80 parce qu'elle recevait un montant réduit d'aide sociale qui lui laissait moins de 170 $ par mois pour survivre.

Le recours collectif intenté par Louise Gosselin visait à faire déclarer que le gouvernement provincial du Québec avait violé ses droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés à «la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne» et son droit contre la discrimination en lui versant un montant réduit d'aide sociale pour personne seule de moins de trente ans, les laissant avec un montant insuffisant pour couvrir le strict minimum nécessaire pour survivre et de loin inférieur au montant de 448 $ par mois versé aux personnes de plus de trente ans.

En 1984, face à l'augmentation importante du nombre personnes forcées par la récession du début des années 1980 à joindre les rangs des assistés sociaux, le gouvernement provincial dirigé par le Parti québécois décide de modifier le régime d'aide sociale. Le montant du versement d'aide aux personnes seules de moins de trente ans était coupé de plus de 60 pour cent à moins qu'ils ne s'engagent dans un programme d'emploi ou n'effectuent des «travaux communautaires». Le nombre de places offertes dans les divers programmes établis par le gouvernement en vertu de la nouvelle loi ne pouvant combler qu'à peine un tiers des demandes, des dizaines de milliers de jeunes se sont retrouvés avec des prestations réduites. Beaucoup se sont retrouvés dans la rue.

En 1989, en réponse aux manifestations contre ces règles discriminatoires et dans le contexte d'une reprise économique, les libéraux qui avaient regagné le pouvoir quatre ans plus tôt, ont aboli le barème différent pour les personnes seules de moins de trente ans.

Cependant, jusqu'à ce jour, les bénéficiaires d'aide sociale au Québec présumés aptes au travail sont pénalisés de façon importante s'ils ne participent pas à un programme de travail obligatoire. À travers le Canada, les gouvernements provinciaux ont suivi l'exemple du Québec en liant le montant des prestations, dans certains cas même l'éligibilité, à la participation à des programmes de travail sous-payé ou à des formations les préparant à des emplois manuels payés au salaire minimum.

Dans une décision majoritaire de 7 juges contre 2, la Cour suprême a décidé que l'État n'a pas d'obligations constitutionnelles de venir en aide aux démunies. Selon le juge en chef Beverley McLachlin, rédigeant au nom de la majorité, «On a plutôt considéré que l'art. 7 [de la Charte canadienne des droits et libertés]restreint la capacité de l'État de porter atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Il n'y a pas d'atteinte de cette nature en l'espèce et les circonstances ne justifient pas une application nouvelle de l'art. 7, selon laquelle il imposerait à l'État l'obligation positive de garantir un niveau de vie adéquat.»

L'Ontario, l'Alberta, la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick ont comparu devant la cour pour soutenir le gouvernement du Québec. Ils ont souligné que ceux qui avaient rédigé la Charte en 1982, le gouvernement Libéral fédéral et les gouvernements provinciaux de l'époque ­ avaient explicitement rejeté l'appel pour une «charte sociale», parce que leur objectif était de limiter le pouvoir de l'État et non de lui imposer des obligations.

Les provinces ont fait valoir que s'il fallait que l'État soit obligé d'assurer un revenu minimum, cela coûterait des milliards de dollars et aurait des conséquences à long terme sur une foule d'aspects allant de l'obligation de fournir un logement à prix abordable jusqu'au coût du panier d'épicerie, des médicaments et du chauffage.

Sur la question visant à déterminer si le régime québécois était discriminatoire sur la base de l'âge, la Cour se divise en deux camps quasi égaux, cinq jugeant qu'il ne l'est pas et quatre jugeant qu'il viole le droit garanti à un traitement égal.

La majorité avance plusieurs arguments, incluant qu'il n'y a pas de preuve que les jeunes, en tant que groupe, soit victime de discrimination systématique. La preuve que Gosselin ait été sans abri de façon répétée, qu'elle ait dû avoir recours aux soupes populaires pour se nourrir et se vêtir et qu'elle ait dû se prostituer a été rejetée sommairement, la majorité ajoutant qu'il était «franchement irréaliste» d'ordonner au gouvernement du Québec de payer des centaines de millions de dollars «sur le fondement du témoignage d'une seule et unique personne touchée».

L'aspect le plus important de la décision de la majorité maintenant le régime d'aide sociale du Québec est son appui sans réserve aux programmes de travail obligatoire. Inversant la réalité, la majorité proclame qu'en offrant à certains jeunes de travailler pour avoir droit au plein montant des prestations, alors que les autres étaient jetés dans la mendicité, le gouvernement du Québec faisait de la discrimination positive en faveur des jeunes, puisque les assistés sociaux plus âgés n'avaient pas accès aux programmes dont l'objectif défini était de les réintégrer au marché du travail. «Le régime» écrit le juge en chef, «ne constituait pas une négation de la dignité des jeunes adultes, mais la reconnaissance de leur potentiel.»

Chacun des quatre juges dissidents a rédigé ses propres motifs. Le juge Louise Arbour suggère que le régime d'aide sociale du Québec, met à long terme la santé et la vie des jeunes à risque: «Le droit à un niveau minimal d'aide sociale est intimement lié à des considérations touchant fondamentalement à la santé d'une personne et même, à la limite, à sa survie.» Le juge Bastarache suggère dans son opinion que l'écart existant entre le nombre de jeunes réduits à vivre d'aide sociale (plus de 80.000) et le nombre restreint de places dans les programmes de travail obligatoire du gouvernement (30.000) indique que l'objectif premier était de sauver de l'argent et non d'améliorer la situation des jeunes. Le juge LeBel est encore plus direct, écrivant «Loin de se cramponner à l'aide sociale par paresse, les jeunes assistés sociaux des années 1980 sont demeurés tributaires de l'aide sociale faute d'emplois disponibles.»

La décision de la Cour que les provinces n'ont pas d'obligations constitutionnelles d'assurer un niveau de vie minimum et son appui sans réserve aux programmes de travail obligatoire est dans la tradition de la plus haute instance judiciaire de défenseur des prérogatives du capital. Bien que l'Alliance canadienne et d'autres porte-parole de l'extrême droite dénoncent l'activisme des cours à cause de certaines décisions limitant les pouvoirs de la police ou reconnaissant les droits civils des homosexuels, sur les autres questions touchant plus directement et immédiatement les intérêts du capital, la Charte a toujours été interprétée par la Cour suprême de la façon la plus favorable à l'offensive que la grande entreprise mène contre la classe ouvrière.

En 1987, alors que la classe dirigeante était déterminée à réduire de façon draconienne la puissance des syndicats, la Cour suprême rendait un jugement dans lequel elle concluait que le droit d'association ne garantissait pas un droit constitutionnel à négocier collectivement et à faire la grève.

La décision de la cour dans l'affaire Gosselin n'est pas seulement un feu vert pour réduire de façon encore plus draconienne l'éligibilité et les montant accordant par l'aide de dernier recours. C'est une sanction par l'un des piliers de l'ordre capitaliste pour une nouvelle attaque contre l'aide publique accordée aux malades, aux personnes âgées et à toutes les autres personnes et couches sociales vulnérables.


 

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