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La Réserve fédérale américaine voit une menace dans la déflation

Par Nick Beams
Le 12 mai 2003

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La déclaration de mardi dernier du conseil de la Réserve fédérale annonçant sa décision de maintenir son taux d'intérêt à 1,25 pour cent n'avait certes que quatre paragraphes, mais elle n'en a pas moins suscité l'attention du monde entier. Ce n'est pas la décision en elle même - qui était attendue - mais bien la déclaration d'accompagnement sur les perspectives économiques qui a secoué tous les marchés financiers internationaux.

Selon la Réserve fédérale américaine, au cours des prochains trimestres, les risques de hausse et de perte en cas de baisse de la croissance économique sont « à peu près égaux ». Mais une évaluation supplémentaire a été offerte : « Par rapport à la même période, la probabilité d'une chute redoutée substantielle de l'inflation, bien que mineure, dépasse celle de la hausse de l'inflation depuis son niveau déjà très bas ». Par conséquent, l'« équilibre des risques » a oscillé vers la « baisse » pour l'avenir prévisible.

Ce que cette tournure pour le moins complexe ajoute comme élément d'information, c'est qu'après des décennies d'efforts pour retenir les augmentations des prix, la Réserve fédérale américaine évalue maintenant officiellement qu'une inflation trop basse représente un danger pour l'économie américaine. Les signes qu'une telle réorientation de politique allait être entreprise étaient déjà clairement visibles dans les jours qui ont précédé la rencontre du 6 mai du Federal Open Market Committee (FOMC).

Le 30 avril, le président de la Réserve fédérale américaine, Alan Greenspan, s'adressait au Comité des services financiers de la Chambre des représentants en lançant comme mise en garde qu'avec l'inflation des prix déjà basse, « une désinflation substantielle ne serait pas la bienvenue, notamment dans la mesure où cela mettrait de la pression sur les marges de profit et nuirait à la reprise des dépenses des entreprises ».

En mars, Vincent Reinhart, cadre supérieur de la Réserve fédérale américaine, déclarait devant la National Association of Business Economists que les temps avaient changés. « Pour la première fois en 40 ans, déclarait-il, le Federal Open Market Committee n'est pas en position pour souhaiter ouvertement que l'inflation soit plus basse que son taux actuel ».

Le compte-rendu de la rencontre du FOMC du 18 mars publié la semaine dernière met en relief les préoccupations croissantes des membres de la Réserve fédérale américaine à propos des niveaux de prix moins élevés : « Les membres envisagent la possibilité que les prix de base connaissent une désinflation plus grande au cours des prochains trimestres ».

Les membres se sont également montrés pessimistes quant à la possibilité d'accroître les investissements des entreprises, perçus comme cruciaux pour toute reprise de l'économie américaine. Toute une « gamme de facteurs » peut vraisemblablement inciter les entreprises à continuer de retenir leurs décisions d'investissement à court terme et il n'y a pas « pour le moment de preuve persuasive que l'investissement en capital fixe des entreprises fournisse le soutien nécessaire pour le renforcement de l'ensemble de l'activité économique ».

Le problème immédiat créé par une augmentation plus basse que normale (désinflation) ou une baisse drastique des prix (déflation) est l'établissement d'un cercle vicieux économique. Des prix stagnants ou à la baisse reflétant une baisse des taux de profits font augmenter les taux d'intérêts réels et le fardeau de la dette sur les entreprises, incitant ces dernières à réduire leurs décisions d'investissements. Ce qui entraîne en retour une chute de la croissance économique, des profits moindres, de nouvelles baisses des prix, des taux d'intérêts réels plus élevés et des prix plus bas, alors que les entreprises tentent de conserver leur part du marché.

Dans ces conditions, la capacité de la Réserve fédérale américaine de stimuler l'économie est de plus en plus restreinte compte tenu du fait que les baisses des taux intérêt, destinées à tenter de stimuler les investissements des entreprises, se voient éclipsées par la chute des prix. Selon l'ancien gouverneur Laurence Myer de la Réserve fédérale américaine, la plupart des bénéfices des baisses des taux intérêts de la Réserve fédérale américaine d'un demi point en novembre dernier ont déjà été balayés par la baisse du taux d'inflation qui est survenue depuis. Les taux d'intérêts réels, conclut-il, après ajustement à l'inflation, sont aussi hauts qu'ils l'étaient il y a six mois.

La déclaration de la Réserve fédérale américaine selon laquelle elle attendait une reprise de la croissance tout en étant préoccupée par la faible inflation, a été interprétée comme un engagement à ne pas hausser les taux intérêts tant que la menace de la déflation ne sera pas écartée. Mais il reste à voir si la Réserve fédérale américaine peut tenir un tel engagement puisque la forte baisse du dollar américain des dernières semaines tend à faire augmenter les taux intérêts américains.

Depuis la déclaration de la semaine dernière de la Réserve fédérale américaine, le dollar a atteint son plus bas niveau en quatre ans face à l'euro, à 1,15 $. L'euro a augmenté de façon constante face au dollar au cours des 10 derniers mois, après avoir chuté pendant les trois premières années de son existence. Selon la tendance actuelle il pourrait bien atteindre et même dépasser son niveau d'origine de janvier 1999 alors qu'il était à 1,18 $.

Les contradictions mondiales

Le principal facteur de la baisse du dollar est le retrait des investisseurs étrangers privés des marchés financiers américains qui craignent que l'écart actuel sans précédent dans la balance des paiements totalisant environ 500 milliards $, conjugué aux déficits budgétaires croissants, fera baisser encore plus la valeur du dollar, ce qui entraînerait pour eux des pertes importantes.

Bien que le consensus général parmi les économistes est que le dollar américain devrait commencer à baisser à long terme afin de stimuler les exportations et amoindrir les pressions déflationnistes, plusieurs se préoccupent que de sérieuses conséquences financières pourraient s'ensuivre si ce déclin était trop rapide.

Comme l'a fait remarqué le commentateur économique Paul Blustein du Washington Post, « [Une] culbute du dollar pourrait devenir incontrôlable en incitant les investisseurs étrangers à abandonner leurs avoirs en actions et en obligations américaines, ce qui ferait grimper les taux intérêts et étoufferait la croissance économique aux États-Unis ».

Selon l'économiste en chef Kenneth Rogoff du Fonds monétaire international, bien qu'une baisse modérée du dollar serait une « correction bienvenue », un déclin soudain « pourrait dévoiler la faiblesse du système financier » et entraîner de lourdes pertes pour les opérateurs financiers qui se fient à un dollar américain stable ou en déclin graduel.

La situation est rendue encore plus complexe par les contradictions qui guettent l'économie mondiale dans son ensemble, dont certaines ont été mentionnées par l'économiste en chef Stephen Roach de la firme Morgan Stanley dans un article publié le 1er mai dans le quotidien japonais Nihon Keizai Shimbun.

Roach a commencé par souligner que la menace déflationniste reflétait les « tensions inhérentes d'une économie mondiale de plus en plus dysfonctionelle ». Depuis 1995, la demande aux « États-Unis a augmenté en moyenne de 4 pour cent par année, soit deux fois plus que dans le reste du monde. Cela signifie que les États-Unis comptaient pour 64 pour cent de l'augmentation cumulative du produit intérieur brut mondial pour la période allant de 1994 à 2001 - soit le double de sa part dans l'économie mondiale.

Ce déséquilibre s'est exprimé par le développement de l'écart dans la balance des paiements des États-Unis qui, s'il continue, pourrait atteindre l'équivalent de 7 pour cent du produit intérieur brut (PIB), nécessitant un apport de capitaux étrangers de 3 milliards $ chaque jour ouvrable. Selon Roach, « le monde n'a jamais confronté un fardeau financier extérieur aussi important ».

L'autre grand problème qu'il a souligné est la croissance de la capacité excédentaire des industries clés, un héritage de l'éclatement de la bulle financière de la fin des années 1990. À cet égard, « le malaise américain présente une ressemblance frappante avec le problème japonais ».

Un soi-disant « rééquilibrage » de l'économie mondiale nécessiterait une baisse de la valeur du dollar américain et une appréciation conséquente du yen et de l'euro. Mais cela entraînerait en retour une baisse de la demande des exportations de l'eurozone et du Japon, dans des conditions où ces deux régions économiques se fient sur la demande externe pour promouvoir leur croissance.

Si l'augmentation de la valeur de la devise entraîne une baisse des taux de croissance en réduisant la demande pour les exportations, cela peut également entraîner des complications financières. Les conséquences de la faible croissance et de la déflation sont déjà visibles au Japon, où les problèmes de prêts irrécouvrables pour les banques et les grandes institutions financières n'ont cessés d'empirer au cours de la dernière décennie. Il y a maintenant un danger que ce même processus puisse affliger le système financier allemand également.

L'examen de chaque composante de l'économie mondiale révèle ainsi une série de contradictions interreliées. L'économie américaine doit baisser la valeur du dollar pour augmenter ses exportations et réduire le déficit de sa balance des paiements. Mais cette baisse ne doit pas survenir trop vite, car cela précipiterait une fuite des capitaux, une flambée des taux intérêts et une récession. L'Europe et le Japon en revanche, ne veulent pas voir une appréciation de leur monnaie et partant, une réduction conséquente de leurs marchés. Mais d'un autre côté, le processus par lequel ils ont financé le déficit américain en soutenant un dollar « fort » ne peut continuer indéfiniment.

Bien qu'il ne soit pas possible de prédire exactement comment ces contradictions se développeront, le fait qu'elles aient émergées de façon aussi tranchante met en relief le développement d'une crise financière majeure dont la déflation n'est que le signe avant-coureur.

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