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Le capitalisme à la chinoise : centrale industrielle ou atelier clandestin du monde ?

Par John Chan
Le 31 janvier 2003

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En décembre 2001, quand Pékin a adhéré à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la Chine a entrepris de supprimer d'ici à 2006 la plupart des barrières restantes qui entravaient l'action des entreprises étrangères en Chine. Le flux d'investissements qui en a résulté dans le pays a suscité, au sein des milieux financiers internationaux, les prédictions très optimistes présentant la Chine comme la nouvelle centrale industrielle émergeante du capitalisme mondial.

Le numéro d'octobre du magazine britannique The Economist, par exemple, a fait les louanges de la province chinoise méridionale de Guangdong, frontalière avec Hong Kong et la plus importante province exportatrice du pays, comme étant comparable avec Manchester au XIXème siècle - un atelier à l'échelle mondiale.

De même, le Los Angeles Times s'est enthousiasmé : «Il y a trente ans, la Chine était un pays pauvre et isolé. Ce pays se révèle à présent être l'usine du monde. La classe moyenne du pays, même si elle ne représente qu'une part infime de la population, se chiffre à 100 millions de personnes. Et ce chiffre ne cesse d'augmenter. Même maintenant, la Chine achète plus de téléphones cellulaires que n'importe quel autre pays. Son secteur industriel en expansion devient un acheteur de premier plan de matières premières, de machines et d'équipements de haute technologie. »

Nicholas Lardy, professeur à l'Institut Brookings aux Etats-Unis, a déclaré au Los Angeles Times: « Le rythme du développement industriel de la Chine et du développement des échanges commerciaux est sans parallèle dans l'histoire économique moderne. Alors que cette situation a amené des améliorations sans précédent des revenus et des modes de vie des Chinois, elle lance également des défis à d'autres pays. »

Le Wall Street Journal a noté qu'actuellement 50 pour cent des appareils photo, 30 pour cent des systèmes de climatisation et des télévisions, 25 pour cent des machines à laver et 20 pour cent des réfrigérateurs dans le monde sont produits ou assemblés en Chine. Andy Xie, un économiste de Hong Kong travaillant pour la société d'investissements Morgan Stanley, a déclaré au Wall Street Journal : «L'impact au niveau mondial de l'essor de la Chine comme base de fabrication des produits sera aussi important sinon supérieur à celui provoqué par l'industrialisation des Etats-Unis».

Mais, si l'on prétend que la Chine connaît une transformation similaire à celle de la Grande-Bretagne au XIXème siècle ou des Etats-Unis au XXème siècle, on ne tient pas compte de certains éléments de base. Le taux de croissance et les chiffres impressionnants de la production industrielle sont largement liés à l'énorme apport d'investissements étrangers directs dans le pays et aux exportations massives de produits bon marché. Loin d'être le nouvel atelier du monde, la Chine ressemble plus à un atelier clandestin géant au service des grandes sociétés mondiales.

Le taux élevé de la croissance économique en Chine au cours des années 90 n'a pas été amené par l'expansion du marché intérieur de la consommation ou par le développement industriel interne. La Chine est devenue un des pays les plus attractifs pour les investissements des sociétés multinationales grâce à la combinaison de plusieurs éléments : une main-d'uvre abondante, des salaires et des taxes peu élevés et un état policier particulièrement répressif.

Depuis le début des années 90, plus de 800 milliards de dollars US ont été investis principalement dans les zones de libre échange situées le long de la côte chinoise. Le géant américain de la distribution, Wal-Mart Stores, par exemple, a acheté l'an dernier pour approximativement 14 milliards de produits à ses filiales chinoises, soit approximativement 13 pour cent des importations totales des USA en provenance de Chine. Le conglomérat électronique Philips gère 23 usines en Chine et exporte pour 5 milliards de dollars US de produits manufacturés vers les marchés occidentaux.

Les entreprises étrangères représentent maintenant 81 pour cent des exportations technologiques chinoises ­ une part de 54 pour cent du marché mondial de lecteurs DVD, de 28 pour cent des téléphones cellulaires, de 13 pour cent des appareils photo digitaux, de 12 pour cent des ordinateurs portables et de 27 pour cent des télévisions couleur. Les multinationales et leurs correspondants locaux dominent également d'autres secteurs importants d'exportation, comme la fabrication des machines et l'industrie textile.

Jusqu'en décembre dernier, le volume chinois des échanges extérieurs a augmenté de 21 pour cent pour atteindre les 620 milliards de dollars en 2001. La Chine est maintenant le 5ème pays commercial au monde. Les exportations chinoises de l'année atteignaient les 266,2 milliards de dollars jusqu'en décembre et les importations atteignaient les 212,6 milliards de dollars US, une augmentation de 17,2 pour cent. Néanmoins, la spécificité du commerce chinois apparaît nettement quand on remarque que plus de la moitié des importations étaient associées aux exportations ­ à savoir les matériaux et les pièces détachées nécessaires à la fabrication des produits d'exportation.

Une étude publiée le 15 janvier 2003 par la boîte à idées américaine, Hale Advisors LLC & China Online, notait : « Il y a quinze ans, les échanges commerciaux intra-asiatiques étaient simples. Les matières de base et les pièces détachées étaient expédiées du Japon vers les pays nouvellement industrialisés pour y être traitées et elles étaient ensuite réexportées vers les pays industrialisés. L'ouverture de la Chine a ajouté un nouveau maillon à cette chaîne. Les matières stratégiques sont maintenant envoyées à Taïwan et vers la Corée, qui, à leur tour, envoient des biens à forte capitalisation vers la Chine et vers le sud-est asiatique pour une transformation et un assemblage nécessitant une main-d'uvre importante avant leur réexportation vers les marchés des pays développés.

Les coûts sociaux

Le principal rôle de la bureaucratie stalinienne au pouvoir à Pékin a consisté à offrir les modalités pour faire de la Chine l'atelier clandestin le plus attractif de la planète. De nombreuses multinationales ont transféré leurs opérations nécessitant une main-d'oeuvre importante de l'Asie du sud-est ou de l'Amérique Latine vers la Chine, en raison des coûts de main-d'oeuvre et d'autres conditions financières favorables. Ceci a eu des conséquences dévastatrices dans de nombreux pays. On estime, par exemple, que depuis 2001 le Mexique a perdu 230.000 emplois dans les usines de fabrication, la plupart de ces emplois ayant été transférés vers la Chine.

En novembre dernier, lors du meeting de l'Association des Nations de l'Asie du sud-est (ASEAN), de nombreux dirigeants gouvernementaux et économiques ont exprimé leur hostilité envers la concurrence acharnée de la Chine dans le but d'obtenir des investissements et des marchés d'exportation. Les deux tiers de la population chinoise vivent avec moins d'un dollar par jour et le salaire horaire moyen dans une usine est de 0,40 dollar - six fois moins qu'au Mexique et quarante fois moins qu'aux Etats-Unis.

Comme l'a noté un article du Financial Times « A Singapour, en Malaisie et dans d'autres pays de l'Asie du sud-est, l'inflation salariale a suivi la compression des ressources en main-d'oeuvre. En Chine, la fourniture de la main-d'oeuvre semble presque inépuisable ». Cette main-d'oeuvre disponible « de façon inépuisable » a été créée à des prix sociaux très élevés. Plus de 40 millions d'ouvriers, employés auparavant dans des entreprises d'Etat, ont été licenciés suite à des restructurations ou à des faillites. Des millions d'autres ont été mis au chômage suite à l'arrivée de la compétition étrangère dans presque chaque domaine du marché intérieur chinois.

Dans la Chine rurale, la dérégulation des prix agricoles et de la production a contraint, depuis le milieu des années 80, des dizaines de millions de personnes à quitter leurs terres. Suite à la migration intérieure, la plus importante de toute l'histoire de l'humanité, on estime que 150 millions de Chinois des campagnes, cherchant désespérément du travail, ont envahi les zones urbaines ­ au prix de n'importe quel salaire. Par ailleurs, tous les ans, entre 5 et 10 millions de jeunes sortent avec un diplôme de l'école et rejoignent le marché du travail.

Malgré son énorme population, le marché intérieur chinois demeure relativement modeste vu que la plupart des Chinois n'ont pas les moyens d'acquérir les biens qui sont produits dans le pays. Seule une petite couche de la population a pu tirer profit de l'exploitation de la plus importante main-d'oeuvre bon marché du monde. D'après les chiffres officiels publiés en novembre dernier, il y a actuellement un peu plus de 2 millions d'entreprises privées en Chine (contre 800.000 en 1988). Ces entreprises emploient 70 millions d'ouvriers dont le rendement est de 232 milliards de dollars.

Alors que le revenu urbain annuel se chiffre à 1.200 dollars, entre 5 à 7 pour cent de la population chinoise - constitués pour la plupart de propriétaires de petites entreprises, de fermiers aisés, de professionnels et de fonctionnaires - gagnent entre 3.000 et 12.000 dollars par an. Un pour cent de la population, soit 12 millions de personnes, gagnent plus de 20.000 dollars. Un nombre encore plus petit d'entrepreneurs capitalistes, ceux qui sont étroitement liés aux géants économiques mondiaux ainsi qu'à Pékin, ont amassé des richesses considérables. Il y a actuellement 10.000 personnes en Chine, dont les avoirs dépassent 10 millions de dollars.

Les disparités entre les campagnes et les villes s'accentuent également parce que 88 pour cent des investissements étrangers sont réservés aux villes côtières du sud et de l'est de la Chine. Seulement 9 pour cent de ces investissements sont réservés à la région centrale sous-développée et 4,6 pour cent à l'ouest du pays. Par conséquent, 57 pour cent du PIB (Produit intérieur brut) est produit dans l'est du pays, tandis que seulement 26 pour cent du PIB est produit dans la région centrale et que 17 pour cent est produit dans l'ouest du pays.

Le développement économique de la Chine est totalement soumis aux exigences des sociétés étrangères. En réalité, la domination des capitaux étrangers sur la vie économique est beaucoup plus importante qu'à l'époque où la Chine était une semi-colonie des grandes puissances capitalistes à la fin du XIXème siècle ou au début du XXème siècle.

Dans un article du Peoples Daily en date du 3 septembre, un expert en économie a fait le commentaire suivant au sujet de la dépendance économique de la Chine : « Premièrement, la Chine est très dépendante des pays développés. Deuxièmement, la capacité de production de la Chine n'est pas encore très élevée. Troisièmement, les ressources manquent encore et la demande de matériel étranger est toujours très forte. Parmi ces matériaux il y a 100 pour cent des importations de fibre optique et de circuits intégrés. Il est également nécessaire d'importer 80 pour cent du pétrole et des produits pétroliers. Quatrièmement, il n'existe pas de compagnies internationales » [basées en Chine].

La dépendance de la Chine des capitaux internationaux a été la raison principale pour que ce pays accepte d'ouvrir ses marchés intérieurs aux investisseurs internationaux comme partie des accords de l'OMC. Pékin souhaite à tout prix que le rythme des investissements ne baisse pas. Au cours des neuf premiers mois de l'année dernière, le gouvernement chinois a donné son accord à 24.771 projets d'investissement étranger, une augmentation de 33,4 pour cent par rapport à la même époque de 2001. Les chiffres officiels du Ministère du commerce extérieur et de la coopération économique ont estimé les nouveaux investissements étrangers au cours des dix derniers mois à un chiffre record de 55 milliards de dollars.

Les propriétaires des compagnies à financements étrangers et basées en Chine engrangent d'énormes bénéfices. En 2002, ceux-ci ont touché 27 milliards de dollars en dividendes alors qu'en 1996 ils n'avaient touché que 6 milliards de dollars. Actuellement, les multinationales dominent le marché intérieur pour de nombreux secteurs allant de l'industrie automobile en passant par la téléphonie mobile.

L'entrée de la Chine au sein de l'OMC a augmenté de façon considérable la possibilité des entreprises étrangères à spéculer sur les bourses de valeurs et sur les marchés financiers de ce pays. Les actions de l'index A des sociétés chinoises les plus importantes, auparavant protégées, sont maintenant ouvertes aux investisseurs étrangers. Parmi ces importantes sociétés figurent des fleurons chinois comme ceux des ressources énergétiques et naturelles. Le ministère des Echanges internationaux a annoncé en novembre dernier qu'il fixait un investissement minimum de 50 millions de dollars pour les transactions boursières en Chine - une décision qui favorise directement les grands investisseurs mondiaux.

La Chine est très vulnérable à n'importe quel revers économique sur le plan international. Les analystes ont déjà attiré l'attention sur une baisse de la croissance des exportations chinoises suite à l'explosion de la bulle boursière aux Etats-Unis ­ de 27,8 pour cent en 2000 à seulement 6,8 pour cent en 2001. On prévoit que les difficultés économiques croissantes aux Etats-Unis, au Japon et dans l'Union européenne vont provoquer de nouvelles baisses de la demande mondiale et une restriction drastique des secteurs d'exportation de la Chine. Cong Liang, du Bureau des Statistiques chinoises, a déclaré le mois dernier au Dow Jones Business News qu'il prévoyait pour cette année une baisse du taux officiel de la croissance économique à 7,5 pour cent (contre 7,9 pour cent en 2002). Ceci s'explique par « la guerre des Etats- Unis contre l'Irak ainsi que par l'augmentation du chômage et la faible consommation dans les campagnes ».

N'importe quel ralentissement économique démontrera rapidement que le fait de croire que la Chine est la nouvelle puissance industrielle au niveau mondial n'est qu'un leurre qui aura des implications sociales et politiques à grande échelle. Avant tout, cela fera remonter à la surface les tensions sous-jacentes créées par l'énorme disparité sociale entre les masses appauvries et la petite minorité qui a tiré profit du mariage du régime avec le capitalisme international et les exigences de ce dernier.

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