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Conflit ivoirien : les Etats-Unis bloquent une opération de l'ONU

Par Chris Talbot
Le 9 mai 2003

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Après la reprise des combats dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, les Etats-Unis ont bloqué la mise en place, dans le pays, d'une mission humanitaire et militaire sous l'égide des Nations unies.

Ce geste est dirigé contre la France qui s'apprêtait à déposer un projet de résolution à cet effet au Conseil de sécurité des Nations unies. Une modeste opération de l'ONU comprenant quelque deux cents civils et militaires avait été approuvée par Kofi Annan, le secrétaire général de l'ONU. Celui-ci avait également demandé que la force de mille deux cents casques bleus destinés au maintien de la paix en Afrique de l'Ouest et se trouvant déjà dans le pays soient triplée et il avait réclamé quarante huit millions de dollars pour que l'opération puisse se matérialiser.

Richard Williamson, l'ambassadeur américain adjoint aux Nations unies, a refusé tout soutien, soi-disant pour des raisons d'ordre économique. Les Etats-Unis ont accordé quatre millions de dollars à la mission française de maintien de la paix en Afrique de l'Ouest - suite à une promesse faite en février, alors qu'ils tentaient de rallier Paris à la guerre contre l'Irak. Williamson refusa d'octroyer davantage de moyens en déclarant : « Je pense que les Etats-Unis participent plus que quiconque au financement, à l'exception peut-être de la France. »

La France dispose à présent de trois mille neuf cents soldats en Côte d'Ivoire, sa plus forte concentration de troupes en Afrique depuis des décennies. Ces troupes bénéficient du soutien de la force militaire appuyée par l'ONU et basée dans les pays voisins. Eventuellement, il avait été envisagé de remplacer les troupes françaises par des forces venues d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, mais le manque de financement de la part des Etats-Unis et d'autres pays occidentaux tout comme la réticence de nombreux pays africains à y participer rendirent ce projet caduque.

Le week-end dernier, un cessez-le-feu négocié sous les auspices de la France avait été accepté par les forces gouvernementales de Laurent Gbagbo, l'ancien président ivoirien, par le principal mouvement rebelle qui contrôle le nord ­ le Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) ­ et par deux mouvements rebelles moins importants de l'ouest ­ le Mouvement populaire ivoirien du Grand Ouest (MPIGO) et le Mouvement pour la justice et la paix (MJP).

Bien que les combats entre le MPCI et les forces gouvernementales aient été peu nombreux depuis que la France a fait signer les accords du début de l'année, ses troupes s'interposant entre les deux camps, des combats sporadiques ont continué dans l'ouest du pays. Avant la signature du dernier accord de cessez-le-feu, on parla de violents combats ayant lieu au sud de Danané, une ville contrôlée par les rebelles. Au dire d'un porte-parole du MPIGO, les forces de Gbagbo auraient essayé de regagner des positions avant l'application du cessez-le-feu.

A Abidjan, la capitale, les Français sont en train de consolider un « gouvernement d'unité nationale » comprenant des ministres issus des mouvements rebelles tout comme de l'ancien régime de Gbagbo. Ce gouvernement est loin d'être stable et les querelles n'ont jamais cessé depuis qu'il a été question, pour la première fois, à l'occasion des pourparlers de paix de Marcoussis, de l'attribution des deux ministères clés, celui de la défense et celui de l'intérieur. Le projet français de désarmer les deux camps engagées dans le conflit et de mettre sur pied une nouvelle armée n'a pas abouti.

Comme ce fut le cas pour de nombreux pays africains, le déclenchement de la guerre civile en Côte d'Ivoire a coïncidé avec un fort déclin de l'économie, une économie développée sous le colonialisme en vue de produire des matières premières destinées à être exportées vers l'occident, en l'occurence le cacao. L'élite ivoirienne réagit à la chute des cours du cacao et à l'accroissement de la dette envers le FMI en orchestrant une campagne à caractère ethnique et chauvin contre la population musulmane, composée en grande partie d'immigrés venus des pays voisins pour travailler dans les plantations de cacaotiers. En septembre dernier, un groupe de soldats dissidents entreprit une tentative de coup d'Etat. N'ayant pas réussi à renverser le gouvernement Gbagbo, ils s'enfuirent dans le nord musulman où ils se réfugièrent et reçurent le support populaire.

La France se trouva dans l'impossibilité de maintenir son soutien au gouvernement Gbagbo sous peine d'entraîner des massacres ethniques sanglants et peut-être même à une défaite militaire au profit des rebelles bien armés. Pourtant, tant le président de la République, Jacques Chirac, que le ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, montrèrent leur intérêt à élargir le rôle de la France en Afrique en envoyant l'année dernière un fort contingent en Côte d'Ivoire dans le but de tenir les deux parties séparées.

L'intervention de la France fut entravée par l'apparition dans l'ouest du pays de deux groupes de moindre importance. Ces bandes sont, paraît-il, moins disciplinées que le MPCI. Elles ont enrôlé des combattants libériens qui, auparavant, avaient été associés au brutal Front révolutionnaire uni (RUF), force rebelle de Sierra Leone. Il est vraisemblable qu'elles soient soutenues par Charles Taylor, le président de Sierra Leone.

Du côté du gouvernement ivoirien, Gbagbo a également recruté des mercenaires libériens pour combattre dans l'ouest du pays. Il semble qu'il finance une faction appelée Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD), un mouvement qui, au Liberia, lutte contre le régime de Taylor. De récents rapports indiquent que le LURD, dont le groupe principal est soutenu par la Guinée, a conquis à présent soixante pour cent du Liberia, y compris la principale région productrice de diamants et proche de la capitale Monrovia.

Peu de temps avant l'actuel accord de paix, le chef du MPICO, Félix Doh, a été tué par balle. Il avait, semble-t-il, accepté l'accord de paix, mais les Libériens au sein de son propre mouvement et sous la direction du chef du RUF et confident de Charles Taylor, Sam Bockarie aka Mosquito, désiraient poursuivre les combats. Le modus operandi du MPICO, tout comme celui du RUF de Sierra Leone, consiste à terroriser et à piller la population locale. Une autre version de l'incident consiste à dire que Doh a été tué par le MPCI qui tient à présent à chasser les Libériens de la région, et pour lequel Doh représentait un obstacle.

Les principaux rivaux néo-colonialistes de la France en Afrique de l'Ouest, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, sont naturellement heureux de la voir embourbée dans une guerre civile dans l' « Ouest sans loi » de la Côte d'Ivoire affecté par des conflits qui ont leur origine au Liberia et en Sierra Leone.

Contrairement à la France, la Grande-Bretagne a été en mesure de mettre en place en Sierra Leone, avec l'aide des Nations unies, une quasi administration coloniale. Le directeur des finances du gouvernement de Sierra Leone et le chef de la police sont britanniques ; la Grande-Bretagne forme l'armée et une Commission vérité et réconciliation, choisie par les Britanniques, traduit en justice les chefs de la période de la guerre civile. La Grande-Bretagne a mis tout ceci en place avec l'aide de quelques centaines de ses propres troupes seulement (elle entretient actuellement trois cents Gurkhas, des troupes d'élite, et une petite force pour la formation) ; avec une force de maintien de la paix de l'ONU de plus de quinze mille hommes, elle dispose de la plus vaste force sous contrôle des Nations unies dans le monde.

En ce qui concerne le Liberia, les Etats-Unis semblent être restés sourds aux appels lancés par l'International Crisis Group (ICG) de Bruxelles afin qu'ils interviennent dans ce pays, qui jadis dépendait entièrement d'eux. L'ICG précise cependant que le LURD dispose de bases à la fois en Guinée et en Sierra Leone ; des armes transitent souvent par la Sierra Leone et des recrutements forcés ont lieu dans les camps de réfugiés de Guinée. Compte tenu du fait que la Grande-Bretagne contrôle la Sierra Leone et que les Etats-Unis assurent la formation de l'armée guinéenne, on peut présumer que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne soutiennent ouvertement le LURD dans le but de renverser le « régime voyou » de Charles Taylor. L'opposante du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, s'est rendue la semaine passée à Washington pour plaider auprès des Etats-Unis en faveur de l'envoi d'une force de maintien de la paix au Liberia. Dans une interview accordée à allafrica.com, elle s'est plainte de ce que « lors des consultations que j'ai eues à Capitol Hill, tout le monde me disait 'ne pensez pas que nous allons mettre sur pied une force de stabilisation et payer pour elle' ».

L'ICG s'inquiète de ce que le conflit militaire et le désastre humain du Liberia puisse s'étendre à toute l'Afrique de l'Ouest. L'organisation fait remarquer que le LURD est le théâtre de « guerres intestines », qu'il ne contribue donc pas à stabiliser le pays, et qu'en termes de droits humains, « il n'est pas différent de ceux qu'il cherche à remplacer à Monrovia ».

Subissant de fortes pressions tant de la part de la faction guinéenne que de la faction ivoirienne du LURD, Charles Taylor a convenu avec le gouvernement ivoirien qu'il empêcherait les Libériens de franchir la frontière pour venir prendre part à la guerre ivoirienne. L'on dit que des patrouilles communes réunissant des Français, le MPCI et l'armée de l'ancien gouvernement, vont imposer la paix dans la région frontalière. Alors que les opérations militaires soutenues par la France seront très probablement intensifiées dans l'ouest ivoirien, il est difficile de concevoir que le régime libérien soit capable de surveiller la région ou intéressé à le faire.

Les Nations unies ont plaidé en faveur d'une aide financière pour des opérations humanitaires en Côte d'Ivoire, opérations pour lesquelles les fonds avaient sévèrement manqué jusque-là. L'on rapporte que quelque 2,8 millions de personnes nécessitent une aide humanitaire en raison de la guerre civile ; 75.000 d'entre elles ont été déplacées à l'intérieur du pays et 400.000 personnes ont été obligées de trouver refuge dans les pays avoisinants.

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