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Le Canada rechigne à joindre les États-Unis dans leur guerre contre l'Irak

par Keith Jones
20 mars 2003

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Le premier ministre canadien a déclaré devant le parlement ce lundi que les Nations unies n'ayant pas donné leur aval à l'invasion de l'Irak par les États-Unis, le Canada n'y participerait pas. Avant ce jour, Chrétien avait obstinément refusé d'expliquer ce que son gouvernement libéral ferait dans le cas où les États-Unis iraient en guerre sans l'aval de l'ONU, en déclarant que la question était «hypothétique».

Cette déclaration de Chrétien a été accueillie par une ovation debout des députés libéraux en Chambre. Ils furent rejoints par les députés indépendantistes du Bloc québécois (BQ) et les députés sociaux-démocrate du Nouveau parti démocratique (NPD).

Comme nous montrerons un peu plus bas, la déclaration de Chrétien est loin de dire toute la vérité. L'armée canadienne, y compris une bonne partie de sa marine, prendra activement part à la guerre contre l'Irak. Néanmoins, la décision du gouvernement canadien de publiquement prendre ses distances vis-à-vis de l'invasion américaine est significative, ne serait-ce que parce qu'elle démontre combien isolée est l'administration Bush. Il n'y a pas dans le monde de relation économique entre deux pays qui soit plus importante que celle entre le Canada et les États-Unis et les deux pays sont liés par des centaines d'ententes militaires et sécuritaires bilatérales. Les politiciens des deux pays décrivent le plus souvent leur voisin comme leur allié le plus proche et leur meilleur ami. Lors d'une conférence de presse mardi, le porte-parole du Secrétariat d'État américain, Richard Boucher, a admis que Washington était déçu de ce que «certains de nos plus proches alliés, y compris le Canada» n'avait pas joint la coalition guerrière des États-Unis.

Opposition de masse de la population

De façon de plus en plus désespérée, le gouvernement Chrétien a cherché à éviter ce qu'un diplomate à appeler «le déraillement» de l'entente entre les grandes puissances au Conseil de sécurité de l'ONU. Il voulait ainsi répondre à deux préoccupations. La première était sa crainte du virage de Washington vers l'unilatéralisme et que le droit qu'il s'accorde à mener des guerres «préventives» aura un effet incendiaire sur la géopolitique mondiale. La seconde est que l'élite canadienne dépend depuis longtemps des institutions et des relations multilatérales pour mitiger la puissance géostratégique et économique des États-Unis.

Aussi importants que soient ces préoccupations pour le gouvernement Chrétien, il est évident que le facteur principal qui a déterminé sa décision de ne pas se joindre à la «coalition des volontaires» a été la profondeur et l'ampleur du sentiment anti-guerre de la population. Non seulement est-ce que les sondages ont fois après fois montré que la vaste majorité des Canadiens s'opposaient à une action militaire contre l'Irak à moins qu'elle ne soit sanctionnée par l'ONU, mais au cours des dernières semaines, il y a eu des manifestations de masse, y compris la manifestation de 250.000 personnes à Montréal samedi dernier, possiblement la plus grande manifestation politique de l'histoire canadienne.

En tant que politicien dont la carrière a très largement été déterminée par la lutte contre le séparatisme québécois, Chrétien était particulièrement inquiet que le mouvement indépendantiste réussisse à capitaliser sur une décision d'aller en guerre en défiance de l'opinion publique, d'autant plus que le Québec est présentement en campagne électorale. Les deux guerres mondiales du vingtième siècle ont entraîné des crises des relations entre le Québec et l'État fédéral en raison de l'opposition féroce des Québécois à la conscription.

Chrétien avait aussi raison de craindre pour l'unité de son propre caucus au parlement, qui est en révolte depuis que celui-ci a congédié Paul Martin, son successeur probable, de son poste de ministre des Finances. Beaucoup de députés libéraux ont publiquement déclaré leur opposition à une invasion américaine qui ne serait pas sanctionnée par l'ONU et plusieurs avaient menacé de voter contre le gouvernement.

Sans surprise, la décision du gouvernement Chrétien de ne pas participer à la coalition guerrière a été vertement dénoncée par les tendances à droite des libéraux. Le National Post a dit qu'elle «était une honte pour ce pays» et a averti qu'elle «pourrait nous coûter cher par rapport à notre relation future avec la seule superpuissance au monde et notre plus grand partenaire commercial». Les porte-parole des grandes entreprises et les groupes de pression du monde des affaires ont exprimé des inquiétudes semblables, avec parfois un ton encore plus alarmiste.

Jusqu'à ce jour, la réponse officielle de l'administration Bush à la non-participation du Canada a été plutôt modeste. Toutefois, plusieurs déclarations récentes de députés et d'adjoints libéraux qui critiquaient Bush, la politique américaine ou des Américains a fait l'objet de pas mal de commentaires dans le milieu des experts politiques aux États-Unis. Plus tôt ce mois, l'ambassadeur américain au Canada, Paul Cellucci avait donné l'avertissement que si le Canada ne se ralliait à la position américaine sur l'Irak, alors ce pourrait être «un coup à notre relation».

Chrétien ne se prononce pas sur la légalité de la guerre

Quant à lui, le gouvernement Chrétien fait tout en son pouvoir pour tenter de minimiser l'importance de sa mésentente avec Washington. Des ministres libéraux n'ont pas manqué de rappeler que le Canada avait récemment promis d'expédier 3000 soldats en Afghanistan pour aider à soutenir le gouvernement à Kaboul qui bénéficie du soutien des Américains.

Chrétien ainsi que le ministre des Affaires étrangères, Bill Graham, n'ont laissé aucun doute du fait qu'ils ne discuteraient pas de la légalité de l'invasion de l'Irak par l'Angleterre et les États-Unis. Répondant à des journalistes lundi soir passé, Graham a dit que les avocats et les spécialistes des relations internationales qui débattront de la légalité de cette pour des années à venir, mais que le gouvernement avait basé sa décision sur les intérêts nationaux du Canada. «Nous ne critiquons pas les actions des autres» a-t-il déclaré. Devant le Parlement mardi, Chrétien a dit que l'action militaire contre l'Irak «n'était pas justifiée». Mais lorsque le NPD et le BQ lui ont demandé de se prononcer sur sa légalité, il a évité la question en déclarant qu'Ottawa et Washington avaient une différence de vue sur la question de l'Irak. «Des gens ne sont pas d'accord avec moi et ont décidé d'y aller [à la guerre], et je respecte leur jugement.»

Le gouvernement a aussi rejeté les demandes du BQ et du NPD qu'il devrait rappeler les douzaines d'officiers des Forces armées canadiennes qui secondent les troupes américaines et britanniques qui participent à l'invasion de l'Irak. Encore plus important, le Canada va continuer à diriger une force navale internationale dans la Mer d'Arabie et le Golfe Persique qui a pour tâche de rechercher des membres d'al-Qaïda et de talibans et de protéger les navires, y compris les navires de guerre américains, contre des attaques terroristes et, s'il y a guerre, contre l'Irak. Présentement, il y a trois navires de guerre canadiens participant à cette opération et deux autres sont en route pour les rejoindre.

Comme l'a remarqué le Globe and Mail, la contribution militaire du Canada à la guerre contre l'Irak est plus importante que celle de la plupart des pays que les États-Unis ont menacé ou acheté pour qu'ils joignent la coalition guerrière. Dans un éditorial critiquant le gouvernement pour ne pas joindre cette coalition, le Globe a écrit: «Il est difficile de ne pas conclure... que le Canada est un des membres secrets de la "coalition des volontaires". (...) C'est remarquable. Certains pays offrent un appui rhétorique sans offrir d'aide réelle. Le Canada fait exactement le contraire.»

Chrétien a aussi indiqué que le Canada est prêt à participer à la reconstruction de l'Irak après la guerre, y compris à la réorganisation de l'État irakien. Cette offre, qui pourrait aller jusqu'à l'envoi de «forces de maintien de la paix» en Irak, a pour but d'apaiser Washington. Mais Ottawa espère aussi qu'elle ouvrira la voie à une participation des grandes entreprises canadiennes aux lucratifs contrats qui devraient être octroyés pour la reconstruction de l'infrastructure irakienne et pour le développement de l'exploitation de ses énormes ressources pétrolières.

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