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Le sommet franco-africain: la ruée sur l'Afrique continue

Par Alex Lefebvre
3 mars 2003

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Du 19 au 21 février le président français Jacques Chirac a accueilli les chefs d'État africains à un sommet à Paris, intitulé « L'Afrique et la France, ensemble pour un nouveau partenariat ». Invitant plusieurs pays normalement en dehors de la zone d'influence française, Chirac a contacté des représentants de chaque pays africain sauf la Somalie. Seul un chef d'État, Laurent Gbagbo de la Côte d'Ivoire, qui contrarie une force d'intervention française dans son pays, a refusé de venir ou d'envoyer une délégation de haut niveau.

La rivalité mondiale franco-américaine a dominé le sommet d'une manière inhabituelle. Allant à l'encontre des procédures établies, la conférence a adopté une déclaration sur la situation en Irak. Faisant largement écho à la position du gouvernement français, elle proposait d'étendre les inspections onusiennes et soulignait l'importance de l'ONU. La presse française a unanimement loué la déclaration, disant qu'elle affermissait la position française et remarquant que l'on l'avait adoptée à l'unanimité.

Le vote avait une importance particulière parce que trois pays africains, le Cameroun, l'Angola et la Guinée sont des membres non-permanents du Conseil de sécurité de l'ONU et auront donc à voter sur toute résolution qu'adoptera celui-ci.

Les querelles sur la déclaration ont éclaté immédiatement après la fin de la conférence. Le président rwandais Paul Kagame, aligné avec les États-Unis, a insisté qu'il n'avait eu aucune part aux discussions et que les Français avaient «imposé» le texte. A la télévision française, le président sénégalais Abdoulaye Wade a prétendu que l'on avait «voté» le texte ­ laissant la possibilité que le gouvernement français avait confronté les chefs africains avec une déclaration à prendre ou à laisser.

En une attaque subtile contre les États-Unis, Chirac a promis qu'il proposerait de réduire les subventions aux exportations agricoles des pays riches en direction de l'Afrique aux prochains sommets commerciaux. Cette position est très appréciée par les chefs d'État africains, car ces exportations ruinent souvent les fermiers africains. Les porte-parole et la presse française ont eu l'occasion de critiquer les subventions agricoles massives votées par les États-Unis en 2002, dont des subventions aux exportations aux pays du Tiers Monde. La question des subventions agricoles suscite depuis longtemps des controverses aux sommets commerciaux euro-américains.

Chirac a aussi promis qu'il défendrait le statut privilégié accordé par la France aux exportations agricoles africaines, malgré l'opposition des États-Unis et du Groupe Cairns d'exportateurs agricoles.

Les propositions agricoles de Chirac le protégeaient aussi des attaques de Tony Blair, qui l'avait critiqué auparavant pour avoir prétendu vouloir aider l'Afrique tout en préservant la Politique agricole commune (PAC), dont les subventions ont l'effet de fermer le marché européen aux fermiers africains.

Dans la lignée des ses attaques anti-françaises vicieuses sur la crise irakienne, la presse britannique a réagi hystériquement au sommet. Le Sun de Rupert Murdoch a distribué une version du journal à Paris, avec une photo de la figure de Chirac surimposé sur le corps d'un ver, intitulée «Chirac est un ver».

La plupart des médias britanniques ont souligné l'invitation par Chirac de Robert Mugabe du Zimbabwe comme démontrant sa volonté de travailler avec des gouvernements anti-démocratiques. Ils ont remarqué que Mugabe est toujours frappé de sanctions européennes qui lui interdisent tout séjour en Europe. En France on expliquait que plusieurs leaders africains avaient menacé de boycotter le sommet si Mugabe n'y était pas.

Tout en attaquant le sommet de manière semblable, le Wall Street Journal a révélé que la British Commonwealth, sous la pression de deux membres africains, l'Afrique du Sud et le Nigéria, considère la possibilité de revoir sa condamnation de Mugabe. Cet article était l'exception, cependant, car la presse américaine en gros n'a pas donné de détails du sommet.

L'hostilité américaine et britannique au sommet n'a rien à faire avec des scrupules sur les droits démocratiques. Washington et Londres soutiennent aussi des gouvernements autoritaires et soutiennent des guérillas dans des guerres civiles à travers l'Afrique. Ils s'inquiètent plutôt que la France pourrait défendre ses intérêts impérialistes et ses relations avec ses anciennes colonies plus agressivement qu'avant. Le Financial Times de Londres s'est plaint que Chirac avait «kidnappé la politique européenne» en Afrique.

Le nouveau gouvernement conservateur en France rompt en effet avec la politique africaine de l'ancien gouvernement socialiste. Le journal français Le Figaro remarquait qu'il est plus proche de sections de l'élite dirigeante qui prônent une présence militaire renforcée en Afrique.

Jusqu'ici, ce renforcement ne s'est pas passé sans accrocs. L'intervention militaire française en Côte d'Ivoire, où elle a stationné 3000 soldats, a passablement occupé Chirac pendant la conférence. Face aux infractions montantes aux récents accords de paix de Marcoussis, et par les rebelles et par les forces du président Laurent Gbagbo, Chirac tente de former un gouvernement d'unité nationale, comprenant des éléments rebelles et pro-présidentiels, basé sur le premier ministre Seydou Diarra.

Diarra, surnommé « le premier ministre de la France » en Côte d'Ivoire, a voyagé à Paris pour rencontrer Chirac pendant le sommet. Chirac a fait de vagues menaces de procès de crimes de guerre contre Gbagbo, prétendant que des «escadrons de la mort» se mobilisaient dans les rues de la ville portuaire d'Abidjan, ce que Gbagbo a immédiatement nié.

Même si la France arrive à arranger un accord de paix en Côte d'Ivoire qui lui est favorable, elle confronte un problème plus large: une tentative d'asseoir plus largement ses intérêts en Afrique risque de provoquer une confrontation sérieuse avec les États-Unis. La plupart des problèmes africains discutés au sommet étaient dûs ou liés à des combats entre des forces pro-françaises et des forces pro-américaines.

On a discuté du problème du transfert de pouvoir au Burundi, d'un chef d'État tutsi à un chef d'État hutu. Dans la région, les États-Unis ont typiquement aidé l'ethnie tutsie et la France l'ethnie hutue; c'était le cas, par exemple, lors du génocide dans l'état limitrophe du Rwanda. On ne sait pas si l'armée, dominée par les Tutsis, acceptera le transfert.

On a aussi traité des problèmes du Congo-Kinshasa, où des rebelles tutsis d'Uganda et du Burundi combattent des forces gouvernementales pour le contrôle de mines d'or et de diamants dans l'est du pays. La France a organisé une aide au gouvernement de pays avoisinants ­ l'Angola et le Zimbabwe de Mugabe ­ envers lesquelles les Britanniques et les Américains sont hostiles.

Le problème de la participation du Tchad à la guerre civile dans la République Centrafricaine touche aussi à une rivalité franco-américaine. Le président centrafricain, Félix-Ange Patassé, a fait venir des forces tutsies de l'Uganda pour mater une révolte en partie armée par le Tchad, qui accueille une garnison de 1000 troupes françaises et que l'on considère généralement comme un allié de la France.

La dégradation des relations internationales face à la poussée américaine pour une guerre en Irak intensifie la ruée impérialiste sur l'Afrique qui, à son tour, envenime à nouveau les relations entre les grandes puissances capitalistes. Malgré la sollicitude qu'elles affichent pour la paix en Afrique, leurs interventions militaires amèneront davantage des guerres civiles, de déracinements sociaux, d'endettement et de pauvreté à un continent déjà dévasté. Ces interventions font aussi approcher le jour où les tensions grandissantes entre les puissances impérialistes elles-mêmes trouveront des expressions militaires.

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