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Les dirigeants syndicaux mettent la grève générale d'un jour sur la voie d'évitement

par Guy Charron
18 août 2004

Les trois grandes centrales syndicales au Québec ont pratiquement abandonné leur plan pour une grève générale contre le gouvernement libéral de Jean Charest malgré un immense appui de la base pour une telle action.

Comme il était entièrement prévisible, les dirigeants de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) se blâment l'un l'autre pour l'échec à organiser cette action de masse. La CSN a déclaré qu'elle devait «tout revoir» après que la direction de la FTQ, la plus importante centrale syndicale au Québec, a indiqué qu'elle ne voulait pas participer au mouvement de grève. La FTQ, quant à elle, a critiqué la CSN et la CSQ pour avoir limité la durée de leur grève à vingt-quatre heures.

Toutefois, les différentes bureaucraties syndicales sont unies sur un objectif : supprimer l'opposition de masse des travailleurs aux libéraux, en la déviant vers des manifestations sans impact et en la subordonnant politiquement au parti de la grande entreprise qu'est le Parti québécois (PQ). Même si la bureaucratie syndicale décrit le PQ indépendantiste comme «progressiste», lorsqu'il a été au pouvoir de 1994 à 2003, ce parti a imposé des compressions massives dans les dépenses sociales et coupé les impôts des sociétés, préparant ainsi le terrain pour la «réingénierie de l'État» actuelle des libéraux, un programme de privatisations, de déréglementation et de diminutions d'impôts qui bénéficieront aux bien nantis.

Comme le gouvernement libéral de Charest, la bureaucratie syndicale a été ébranlée par la vague de grèves et de manifestations largement spontanées qui a balayé le Québec en décembre dernier en réponse à une batterie de lois socialement régressives qu'ont voté les libéraux. Entre autres, ces lois donnaient le feu vert aux employeurs pour la sous-traitance, enlevaient le droit de se syndiquer à des milliers de travailleurs et augmentaient les frais pour les garderies et les autres services publics. Craignant que le mouvement de protestation ne leur échappe, les dirigeants syndicaux ont brandi la menace d'une grève générale pour l'année qui venait. Ils pouvaient ainsi prétendre être à la tête de la lutte contre les libéraux au même temps qu'ils ralentissaient l'ardeur militante de la base, profitant du temps des fêtes et présentant les lois libérales comme un fait accompli.

Dès le début, les dirigeants de la FTQ, de la CSN et de la CSQ n'ont pas laissé de doute sur le fait qu'ils entendaient par grève générale rien de plus qu'une super-manifestation et pas un défi politique au gouvernement libéral. Non seulement ont-ils concentré leur tir sur la répudiation par le gouvernement Charest du «modèle québécois», c'est-à-dire au système de collaboration gouvernement-patronat-syndicat, mais ils ont très clairement dit que les protestations syndicales n'avaient pas pour but de remettre en question le «droit de gouverner» du gouvernement libéral. Pour donner un exemple, dans une entrevue télévisée qu'il a donnée en février 2004 le président de la FTQ, Henri Massé, déclarait qu'il «n'a pas demandé de défaire ce gouvernement. Il est là pour quatre ans, il fait sa job. S'il prend des politiques qui sont dommageables, on va toujours bien le décrier.»

En dépit des manoeuvres de la direction syndicale, la grève générale a été largement accueillie par les travailleurs. Tous les syndicats ont obtenu un appui massif pour cette action. Même les médias de la grande entreprise ont été forcés de reconnaître qu'il y avait un appui populaire très large pour le mouvement d'opposition qui dépassait le cadre du mouvement syndical. L'opposition populaire aux libéraux était telle que Massé s'est plaint qu'il était difficile de calmer ses membres. «Quand on parle des quelques gestes corrects du gouvernement, le monde est en maudit pareil et ils ne veulent rien savoir», a déclaré le président de la FTQ.

En tentant de justifier la mise au rancart de la menace de grève, les dirigeants syndicaux ont déclaré que les libéraux avaient été forcés de modérer leur allure. «Ils sont plus discutables qu'ils ne l'étaient. Ils prennent plus leur temps et c'est dans ce sens là qu'on veut que le gouvernement aille» a déclaré le secrétaire-général de la FTQ, René Roy.

Il n'y a aucun doute que le gouvernement Charest a été ébranlé par l'ampleur de l'opposition à son programme de droite. Mais les libéraux ont plusieurs fois répété qu'ils avaient l'intention d'aller de l'avant dans la mise en oeuvre des principaux éléments de leur plan : la privatisation d'une grande partie du secteur public provincial, y compris le système santé; des diminutions d'impôts importantes pour le monde des affaires et les plus riches et une diminution importante des dépenses de l'État.

Quelques jours seulement après que les syndicats aient mis de côté leur plan pour la grève générale d'un jour, le gouvernement a présenté ses offres salariales à près d'un demi-million de travailleurs du secteur public y compris les travailleurs de la santé, les professeurs et les fonctionnaires dont le contrat expirait en juin 2003. Le gouvernement leur proposait un contrat d'une durée de six ans, fait sans précédent, qui comportait un gel de salaire pour les deux premières années et une augmentation des rémunérations de 12,6 pour cent au total, ce qui inclut les salaires, les primes, les classifications et la question de l'équité salariale, une question en négociation depuis plus de quinze années.

Alors que cette offre a été unanimement condamnée par les dirigeants syndicaux, les différents syndicats et centrales sont tous déterminés à séparer la lutte des travailleurs du secteur public de la lutte pour défendre les services sociaux et publics.

La suppression par les syndicats de manifestations, de grèves et autres gestes militants va main dans la main avec leur effort pour attacher la classe ouvrière au parti de la grande entreprise qu'est le PQ. Lors des dernières élections fédérales, les centrales syndicales ont donné un appui enthousiaste le parti frère du PQ au niveau fédéral, le Bloc québécois. Et plusieurs bureaucrates syndicaux importants ont récemment fondé un nouveau groupe au sein du PQ, Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre qui s'est donné explicitement pour but de redonner l'image de gauche du PQ.


 

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