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L'Espagne cherche à apaiser Bush

Par Paul Mitchell et Paul Bond
23 novembre 2004

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La réélection de George W Bush, en novembre dernier, a complètement chamboulé la classe politique en Espagne.

Depuis son élection, au début de cette année, le Premier Ministre José Rodriguez Zapatero du PSOE ( le Parti socialiste espagnol) oscille entre des mesures qui irritent fortement Washington et une servilité des plus abjectes vis-à-vis du gouvernement américain. La réelection de Bush a fortement alourdi les pressions sur le gouvernement espagnol pour qu'il se retranche encore plus dans la voie de l'apaisement.

Zapatero vint au pouvoir avec une forte majorité en mars 2004 après que le PSOE ait recueilli le plus grand nombres de suffrages jamais obtenus par un parti en Espagne. Son élection reflétait la grande hostilité populaire à la fois à la guerre en Irak et aux mensonges du précédent gouvernement de José Maria Aznar, partisan affiché de la guerre en Irak ainsi que du rôle des Etats-Unis comme superpuissance mondiale. Zapatero s'attira les foudres de l'administration Bush quand il rappela ses soldats d'Irak, pressant d'autres pays à en faire autant et quand il renforça ses liens avec Cuba.

Le Premier Ministre s'est servi de son opposition à l'agression américaine non pas pour combattre avec principe l'impérialisme et le militarisme mais plutôt pour amorcer une réorientation de la politique étrangère espagnole et favoriser les intérêts nationaux de l'Espagne. Zapatero a adopté une politique de « L'Europe d'abord, ensuite nos liens historiques avec l'Amérique Latine et les pays méditéranéens et enfin nos liens trans ­ atlantiques. » Il espère que cette politique sera soutenue par la France et par l'Allemagne en vue d'une affirmation commune d'une politique européenne indépendante, et également que cette politique aboutira à un vote massif en faveur du oui au référendum qui se tiendra en Espagne en février sur la constitution européenne. C'est l'expression de la volonté d'une section de l'élite politique espagnole de revenir à l'axe traditionnel de la politique étrangère espagnole qui contrebalancerait les ambitions unilatérales de l'impérialisme américain. Pour ce faire, Zapatero a ré-orienté l'Espagne vers la France et l'Allemagne qui n'ont pas apporté leur soutien aux Etats-Unis sur la question de l'Irak et il a insisté sur le fait qu' « une Europe forte est le projet historique le plus important de ce siècle, quand on sait ce que cela représente pour l'ordre mondial. »

En même temps, toutefois, Zapatero a cherché à éviter de contrarier outre mesure l'administration Bush. Mis à part, le rappel d'Irak des soldats espagnols, le gouvernement de Zapatero a clairement spécifié à Washington que l'Espagne continuerait à financer, à reconstruire, et à fournir de l'aide humanitaire tant qu'il ne lui est pas demandé d'envoyer des soldats.

Sur un plan plus général, l'Espagne continue à soutenir les Etats-Unis dans l'arène internationale. Peu avant les élections présidentielles, le Général Felix Sanx Roldan, commandant en chef des armées espagnoles a déploré que les relations militaires entre

l'Espagne et les Etats-Unis étaient 'bizarres' et déséquilibrées. Il a déclaré « J'ai le sentiment que nous donnons plus que nous ne recevons et qu'aussi ceci coûte très cher sur le plan politique à ceux qui sont au gouvernement ». Sanx Roldan fit remarquer que l'Espagne a plus de 2300 personnes stationnées en Afghanistan (la deuxième force sur le plan des effectifs juste après celle des Etats-Unis), en Bosnie et au Kosovo (plus de la moitié des 700 000 soldats d'Espagne ont été en service là bas) et maintenant en Haiti. Il a ajouté que, pendant la guerre en Irak, les avions militaires américains étaient entrés dans l'espace aérien espagnol à peu près 8 000 fois et que les navires de guerre américains avaient mouillé dans les ports espagnols près de 850 fois.

Zapatero espérait que son dilemme serait atténué par une victoire de John Kerry aux élections présidentielles et par un retour à une approche plus multilatérale de la politique étrangère américaine. Le 21 octobre, dans une interview donnée à El Pais, il déclara : «Après tout ce que nous avons vécu récemment, je pense que ce dont a besoin l'ordre mondial c'est davantage d'idéaux et moins de mensonges. »

Il ajouta : « La politique menée, à un moment donné, par une administration comme celle du Président Bush est une chose et les valeurs soutenues par la société américaine et les principaux dirigeants américains sont tout à fait autre chose. Ces principes de loi internationale, de multilatéralisme et de pertinence des Nations Unies auront de nouveau cours très bientôt. »

Au lieu des espoirs de Zapatero d'un prochain retour à la normale, Bush a montré qu'il allait utiliser son élection comme un mandat pour poursuivre encore plus virgoureusement la réorganisation politique et économique de la planète toute entière dans l'intérêt de l'élite dirigeante américaine et pour isoler et menacer tout pays qui essaierait de contrecarrer l'hégémonie des Etats-Unis. Cela nécessite la soumission à sa volonté non seulement des pays faibles ou sous - développés comme l'Irak, mais également et surtout, de ses concurrents impérialistes puissants en Europe.

Zapatero a été un des premiers dirigeants mondiaux à appeler Bush pour le féliciter. Dans son télégramme, il écrivit : « Mon gouvernement et moi-même avons la ferme intention de collaborer avec vous et votre administration dans le but de renforcer des relations d'amitié et de coopération ». Bush attendit deux semaines avant de répondre à ce télégramme, et pour remuer le couteau dans la plaie, il invita Aznar en qualité de premier visiteur étranger pour une visite privée de 40 minutes à la Maison Blanche.

En réponse, le gouvernement espagnol se précipite pour offrir ses services et ses promesses de loyauté à l'impérialisme américain. Le Ministre des Affaires Etrangères Miguel Angel Moratinos a rappelé à Bush que « De nos jours, le Royaume Uni mis à part, parmi les 25 pays membres de l'Union européenne, il n'existe aucun pays ou aucun gouvernement qui ne puisse apporter autant aux Etats-Unis que l'Espagne. L'Espagne peut apporter le plus aux Etats-Unis dans le domaine de la politique internationaleet spécialement la valeur ajoutée que nous pouvons apporter en Amérique Latine et au Moyen Orient. »

Il promit : « Nous allons fournir des résultats à cette administration. En Amérique Latine, nous pouvons apporter plus de choses que le gouvernement précédent. Nous pouvons faire énormément dans le monde musulman. Nous aurons des résultats. »

La servilité fut reconnue et porta ses fruits. On accorda à Moratinos une rencontre avec la Conseillère à la sécurité nationale et pressentie Secrétaire d'état Condoleeza Rice, et José Bono, le Ministre de la défense eut un entretien avec George Bush père. Le roi et la reine d'Espagne furent également invités à un dîner la semaine prochaine au ranch des Bush au Texas, après que Bush ait appris qu'ils étaient en visite à Seattle.

Au même moment, la pression s'accentue sur Zapatero. Aznar refusa de dire au premier ministre la teneur de son entretien avec Bush, mais le prévint qu'il devrait « changer complétement sa politique étrangère imprudente». Mariano Roajoy, dirigeant du PP ( Parti populaire) d'Aznar déclara que Zapatero devrait « cesser de plaisanter avec un pays qui est l'unique super puissance mondiale. »

Le quotidien conservateur ABC a tiré à boulets rouges sur le Ministre des affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos et sur le Ministre de la défense, José Bono en écrivant « Ils ont même remplacé des noms illustres comme Schröder, comme Joschka Fischer (le Ministre allemand des affaires étrangères ), comme Jacques Chirac et comme Michel Barnier (le Ministre français des affaires étrangères) sur la liste des personnes qui agacent le plus de l'autre côté de l'Atlantique. »

Le journal a critiqué le soutien exprimé à plusieurs reprises par Zapatero à l'égard de John Kerry, qualifiant ce soutien d'« inconscience qui pourrait nous coûter cher. »

Les spécialistes des questions militaires au Real Instituto Elcano, institut de politique étrangère le plus influent d'Espagne, ont prédit que les Etats-Unis ne transféreront pas d'Italie le quartier général de la Sixième flotte vers la base navale de Rota, sur la côte atlantique espagnole, comme on l'espérait. Les Etats Unis ne tiendront pas non plus leur promesse d'exécuter les travaux d'entretien sur les chantiers navals publics d'Izar qui furent le théâtre d'émeutes violentes de la part d'employés réagissant aux plans de restructuration de la compagnie.

Un analyste a écrit « Ceci devait sauver Izar. Des milliers d'emplois étaient en jeu. Les américains ne vont pas abandonner Rota : il est toujours capital pour eux de disposer d'une base navale à l'entrée du détroit de Gibraltar, mais nous ne sommes plus considérés comme des alliés stratégiques, et c'est une catastrophe pour l'Espagne. » L'institut pense également que sous la pression de l'administration Bush, Israël a annulé ses contrats avec Izar pour la construction de frégates et que les Etats-Unis risquent de relâcher leur contrainte sur le Maroc qui réclame les enclaves espagnoles de Ceuta et de Melilla en Afrique du Nord.

Zapatero espère toujours pouvoir être utile aux Etats-Unis, mais ceci n'indique aucunement qu'il veuille abandonner sa volonté de construire des alliances en Europe.

Il a conscience que sans ces alliances, ni l'Espagne ni aucune autre puissance européenne ne peut espérer défendre ses intérêts contre Washington. Et ses avances ne sont pas tombées dans les oreilles d'un sourd. La première réaction positive qu'il a rencontrée est venue du Chancelier allemand, Gerhard Schröder. Au cours de leurs entretiens qui, selon eux, « se sont tenus dans une parfaite atmosphère de collaboration », les deux dirigeants sont tombés d'accord sur la poursuite de leur collaboration sur les questions militaires et de sécurité et ont répété leur concordance de vue sur les questions internationales. Le magazine Der Spiegel cita Zapatero qui disait « L'Allemagne doit redevenir la « locomotive » d'une Europe qui doit croire qu'elle deviendra la puissance économique et politique mondiale dans les vingt années à venir. »

Il a insisté sur le fait que c'est à Washington de changer d'attitude vis-à-vis de ses alliés européens « Nous réclamons l'honnêteté et le respect de nos principes et de nos idéaux. »

Le quotidien espagnol El Pais, le plus proche du PSOE, a très clairement exprimé le dilemme de Zapatero et expliqué le parcours que Zapatero essaie de suivre. El Pais a averti Zapatero que le « mandat sans équivoque possible de force internationale » de Bush signifie qu'«il doit s'adapter à la nouvelle réalité, même si le résultat ne correspond pas à ce que l'on espérait. »

Mais El Pais dit ensuite que soit Bush profitera d'une « opportunité en or d'être le président unificateur, promesse qu'il avait faite, sans jamais la tenir, il y a déjà quatre ans »(solution qui n'est rien d'autre qu'un voeu pieux), soit sa réelection « pourrait pousser les européens, ou du moins certains d'entre eux, à accepter le fait qu'ils doivent chercher (et financer) leur propre autonomie militaire s'ils veulent pouvoir agir tout seuls et éviter d'être entraînés dans des crises qu'ils ne souhaitaient pas. »

Les appels à un développement plus agressif du militarisme européen révèlent une prise de conscience tardive que la course à l'hégémonie de l'Amérique constitue une menace pour les intérêts politiques, économiques et stratégiques de l'élite dirigeante européenne. Cela constitue une menace de conflit direct et ouvert, potentiellement violent, entre les grandes puissances impérialistes.

La perspective du PSOE est de préconiser une alliance de la bourgeoisie européenne pour consolider sa position face aux USA et mener à bonne fin ses propres ambitions coloniales. Ceci n'a jamais constitué une alternative viable à la classe ouvrière espagnole et européenne pour combattre l'hégémonie et le militarisme américain. Au contraire, la compétition qui se développe entre les USA et l'Europe se fait aux dépens de la classe ouvrière. C'est la classe ouvrière qui devra payer l'augmentation des dépenses militaires et l'accroissement de la compétition sur le front économique sous forme d'accélération des cadences, de suppressions d'emplois et de levées d'impôts-et inévitablement, avec le développement du militarisme, en vies humaines perdues à la fois dans les guerres de conquête et les attaques terroristes qu'elles engendrent commes celles du 11 mars.

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