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Grande-Bretagne : Nette augmentation des incendies criminels d 'établissements scolaires

Un symptôme de l'étendue de l'aliénation et de la pauvreté des jeunes

par Harvey Thompson
7 mai 2004

Une nette augmentation des incendies criminels signifie qu'en Grande-Bretagne, chaque semaine en moyenne vingt établissements scolaires sont endommagés ou détruits.

D'après le DfES, Département gouvernemental pour l'éducation et les aptitudes, 75 pour cent de tous les incendies d'établissements scolaires signalés seraient vraisemblablement d'origine criminelle. D'un point de vue statistique, une école sur quinze fera l'objet d'un incendie.

Zurich Municipal, le plus grand assureur scolaire en Grande Bretagne, a déclaré que le chiffre annuel de grands incendies d'établissements scolaires, provoquant des dégâts de plus de 100 000 livres sterling avait augmenté de 55 pour cent. L'année dernière, on a vu augmenter le nombre des incendies d'établissements scolaires les plus coûteux, avec 42 incidents occasionnant des réparations de plus de 5 millions de livres, une nette augmentation par rapport aux 27 signalés l'an passé. Le coût annuel moyen d'incendies criminels d'établissements scolaires s'élevait à 43 millions de livres sur dix pendant la période allant de 1990 à 2000, mais il avait déjà atteint 45 millions de livres pour les seuls cinq premiers mois de 2000. Pendant l'année 2002, on a estimé le coût des incendies criminels d'établissements scolaires à 96.6 millions de livres. Ces chiffres ne correspondent qu'aux incendies signalés, on estime que ceux qui ne le sont pas augmentent aussi.

Il y a un autre prix à payer, bien plus difficile à évaluer, tel que les perturbations occasionnées aux élèves préparant des examens, la destruction des archives des élèves et la perte de travail scolaire.

Le Bureau de prévention des incendies criminels (APB), soutenu par l'industrie des assurances, dit que les incendies criminels de toutes sortes sont un problème croissant, étant donné que les incidents d'incendies provoqués ont doublé depuis le début des années 90. D'après APB, les incendies prémédités atteignent leur pic en mai et juillet, pendant les vacances scolaires et les week-ends. Bien que traditionnellement cantonnées aux heures où les établissements sont fermés, et de ce fait réduisant les blessures découlant de tels incidents, de plus en plus d'incendies criminels se produisent pendant les heures de cours. Pendant l'année 2001, la région du West Yorkshire a enregistré 33 incendies volontaires d'établissements scolaires qui ont été allumés au moment où les élèves étaient encore en classe.

L'âge classique du « pyromane » moyen change aussi. Des recherches antérieures sur le profil de l'incendiaire d'école typique avaient remarqué qu'une grande majorité des feux étaient allumés par des jeunes entre sept et dix-sept ans. Mais on pense à présent qu'un quart des incendies sont allumés par des enfants âgés de sept ans et moins.

A propos de l'augmentation récente d'incendies criminels pendant les heures de classe, Jane Milne, cadre supérieur de APB déclara : « L'essor des incendies criminels d'établissements scolaires en plein jour est très inquiétant et représente un risque très réel et accru pour la sécurité des élèves. Et en plus de la sécurité, ces attaques peuvent représenter de sérieuses perturbations dans l'éducation des élèves, avoir un impact négatif sur le moral de l'école et de ses élèves pendant de nombreuses années. »

Quand on l'interrogea sur les raisons possibles de l'augmentation de ces incendies criminels, Milne ne proposa aucune explication. Et on retrouve très communément cette attitude où les incendies criminels d'établissements scolaires ne sont abordés que du point de vue du délit. En 2001, par exemple, la police du Merseyside, se mit à utiliser des hélicoptères pour essayer de réduire les incendies d'établissements scolaires pendant les vacances d'été. La police patrouilla les écoles à risque utilisant caméras et projecteurs.

Aliénation largement répandue

Le fait essentiel est que cet essor des incendies criminels d'établissements scolaires durant plus ou moins la dernière décennie va de pair avec la crise actuelle de l'enseignement qui exacerbe la désaffection généralisée de millions d'élèves, crise causée par des problèmes sociaux croissants dans toute la société.

En 1997, lors de sa prise de fonction, le gouvernement New Labour (nouveau parti travailliste) du Premier ministre Tony Blair avait annoncé que ses trois priorités seraient « l'éducation, l'éducation et l'éducation. »

Au lieu de cela, en l'espace d'à peine sept ans, le gouvernement a pris en main un système éducatif déjà démoralisé et sous financé et crée les programmes les plus normatifs qu'on ait jamais vus, démoralisé de larges couches d'enseignants, détourné des millions d'élèves de l'acte d'apprentissage pour les orienter vers une interminable série de connaissances à savoir par coeur en vue d'examens, et a imprégné l'éducation publique toute entière d'un esprit de sélection et d'élitisme qui provoque un état de stress et de désespoir parmi la majorité des élèves, en cas d'échec comme en cas de succès.

Aucun élève en Grande-Bretagne, des plus jeunes qui entrent à l'école à 4 ans à ceux qui quittent l'école entre 16 et 18 ans, n'échappe aux efforts du gouvernement de mesurer les acquisitions scolaires par le biais des résultats aux examens.

Alors que les enseignants sont transformés de plus en plus en examinateurs, les élèves deviennent de plus en plus écoeurés par l'étroitesse et les fruits de leurs études. Le rapport même du gouvernement sur l'enseignement secondaire reconnaît que des millions d'élèves dans toute la Grande Bretagne sont soumis à une pression intolérable du fait du flot incessant d'examens.

Il en résulte qu'un nombre toujours plus important d'élèves fait l'école buissonnière. D'après le Youth Justice Board, le conseil de justice des jeunes, un élève sur cinq reconnaît avoir séché les cours au moins une journée entière, et dans certaines régions, près de la moitié des élèves s'absente sans permission à un moment ou un autre chaque année. Quel que soit le jour, on dénombre près de 50 000 absents. Et ce chiffre ne tient pas compte du nombre grandissant d'enfants officiellement exclus.

Parallèlement à l'évidente aliénation vis à vis de l'école, on constate aussi une radicalisation sensible, notamment chez les élèves les plus âgés comme ils s'impliquent davantage dans les questions politiques hors la salle de classe. L'invasion de l'Irak conduite par les troupes américaines a constitué une expérience importante pour de nombreux élèves. Un fort sentiment anti-guerre déferlant dans les classes, plusieurs milliers d'élèves ont quitté l'enceinte de leurs établissement pour rejoindre les manifestations, s'opposant ainsi ouvertement à l'administration. Dans certaines villes, la police mit en place des patrouilles devant les établissements scolaires pour empêcher les élèves de sortir rejoindre les manifestations, confirmant ainsi aux yeux de beaucoup que leurs écoles n'étaient devenues rien d'autres que des lieux où parquer les jeunes.

Il y a des preuves suggérant que ce sont les plus jeunes élèves qui souffrent le plus des dégâts à long terme provoqués par cette approche éducative à oeillères de ce gouvernement et que cela risque de créer une aliénation, à l'échelle de générations entières, vis à vis de l'enseignement scolaire.

On prive de jeu des enfants n'ayant guère plus de quatre ans dès leur entrée en classe maternelle (à quatre et cinq ans) en les forçant à se concentrer sur des examens nationaux en anglais et mathématiques. On fait pression sur ces enfants pour qu'ils aient les meilleurs résultats du fait de la publication du classement des établissements. La secrétaire générale de l'ATL, Association of Teachers and Lecturers (association des enseignants et universitaires), Dr Mary Bousted dit que de plus en plus, les enseignants « enseignent en vue des résultats aux tests », ce qui signifie qu'on prive les jeunes d'un programme scolaire équilibré et offrant une culture générale large auquel ils ont droit. Bousted lança cet avertissement au moment où l'ATL, syndicat extrêmement « modéré », menaçait de ne pas coopérer à la réalisation du classement des établissements primaires et secondaires d'Angleterre.

Lors de la récente conférence annuelle de l'ATL, Bousted dit aux délégués présents : « Les enseignants travaillent sous la pression des examens de lecture, écriture et calcul auxquels ils préparent leurs élèves, mais c'est purement et simplement mauvais de confronter les élèves à un programme scolaire formel... Dans d'autres pays, les enfants n'ont pas de cours formels avant l'âge de six ou sept ans, et il n'y a aucune preuve que cela leur soit nuisible. »

Un rapport commandé par l'ATL aux chercheurs de l'université de Cambridge et de l'université polytechnique Anglia a trouvé que les enfants à leur entrée à l'école, qui d'après les programmes scolaires du primaire sont censés apprendre par le jeu et non par des cours formels, étaient en fait « entraînés de façon trop rigide aux connaissances de base, et ne profitaient pas d'un programme stimulant leur créativité ».

Bousted critiqua l'approche gouvernementale « peu judicieuse » concernant les examens, approche de « la taille unique », conçue par des « gribouilleurs immatures » du DfES. « Cette approche a conduit les enfants à l'ennui et la désaffection. Cela a conduit beaucoup trop d'enfants à se sentir, dès l'âge de sept ans, en situation d'échec ; et comme ils sentent que l'école les a rejetés, ils rejettent l'école ».

Pauvreté des jeunes

Bien qu'inégales à travers le pays, on a constaté des augmentations statistiques d'incendies criminels d'établissements scolaires dans les régions précédemment associées à l'industrie lourde. Avec, ces deux dernières décennies, la quasi fermeture de la plupart des industries traditionnelles de Grande-Bretagne, telles que le charbon, l'acier et la construction navale, dans de nombreuses régions du pays les jeunes sont soit sans travail soit reçoivent un salaire de misère.

La pauvreté est le facteur principal contribuant à la désillusion des jeunes. Avec de plus en plus de familles en situation de difficultés financières, les jeunes souffrent de tensions dans leurs relations familiales, d'exclusion sociale et de désillusion vis à vis des institutions scolaires. L'année dernière, un rapport de Save the children UK (association caritative de protection de l'enfance) sur la pauvreté des enfants à révélé que 8 pour cent des enfants britanniques (soit près d'un million) étaient en situation d'extrême pauvreté et 37 pour cent en situation de pauvreté non extrême. En d'autres termes, on peut dire que 45 pour cent des enfants britanniques vivent dans la pauvreté.

Réaction du New Labour

Ce gouvernement est tellement hostile à l'égard des difficultés rencontrées par les enfants et les jeunes et son incapacité à proposer des solutions réfléchies est tellement évidente qu'il réagit de façon uniquement punitive. D'où le projet d'une amende de 100 livres sterling pour les parents d'enfants qui font l'école buissonnière, la prolifération de caméras de surveillance dans les couloirs des établissements scolaires, le quasi verrouillage de certaines écoles (avec barrières cadenassées), l'obligation que tout incident d'attaques d'écoles soient automatiquement signalé à la police et traité plus sévèrement par les tribunaux.

Bien que seule une minorité d'allumeurs d'incendies scolaires soit attrapée, de lourdes peines ont été annoncées ces dernières années à l'encontre de jeunes gens plus âgés. Lors d'un des premiers échanges cette année à la cession de questions à la Chambre des lords, le représentant travailliste de la Chambre des lords a recommandé au gouvernement de faire preuve de sévérité à l'égard des élèves qui croient que les établissements scolaires « sont là pour être embrasés plutôt que pour enseigner ».

Les recherches sur les jeunes allumeurs d'incendie suggèrent qu'il n'y en a que très peu parmi eux qui sont des pyromanes confirmés, et que dans la majorité des cas ces enfants essaient seulement d'exprimer leur colère ou d'attirer l'attention sur eux. Le psychologue Andrew Muckley, du conseil départemental de Redcar et Cleveland a fait des recherches poussées sur les jeunes incendiaires et dit que les punir ne résout pas le problème.

En 2000, Muckley déclara : « De nombreux incendiaires sont en situation d'échec à l'école et ont des difficultés à communiquer. Ils ont tendance à ne pas communiquer par la parole et ils expriment leurs sentiments par des actes. Il y a toujours un enseignant qui les met hors d'eux, on a tous, plus ou moins, un prof qui nous tape sur les nerfs, mais on arrive à se contrôler. Eux n'y arrivent pas. Le prof les punit, alors maintenant ils vont punir le prof. Ce n'est pas qu'ils ont l'intention de brûler l'école, il est fort probable qu'ils n'ont même pas songé aux conséquences. Le feu dissipe leur colère. Les mettre en prison ne sert à rien ; ce qui est plus efficace que la punition c'est de leur redonner confiance en eux ».

Lors d'un récent séminaire sur le problème des incendies criminels d'établissements scolaires, Muckley déclara que « Le Royaume Uni était la première capitale mondiale d'incendiaires ». Il exposa les grandes lignes d'une approche adoptée dans un centre éducatif ouvert de Durham où on découvrit que 30 pour cent des enfants avaient un passé d'incendiaire, bien que cela n'apparaisse pas nécessairement dans leur dossier. Plutôt que de faire avec, l'équipe décida d'adopter une politique qui tienne compte de ce fait. Il remarqua que les équipes qui avaient adopté une méthode consistant à aborder le problème de comportement de ces enfants incendiaires avaient enregistré 90 pour cent de succès.

Michael Haggett qui travaille auprès de pyromanes pathologiques à l'hôpital Rampton, reprend à son compte l'analyse de Muckley et explique que « la plupart des enfants ont une fascination pour le feu (allumettes, loupes, et autres). Cela les passionne de jouer avec... Le feu est le produit fini. C'est le symptôme révélateur de leurs problèmes. Lorsqu'il prend pour cible la propriété, cela peut être un appel au secours, l'expression de la détresse. »

Zurich Municipal, assureur scolaire, a recommandé au gouvernement de mettre en place des installations d'extinction automatique d'incendie dans les nouveaux établissements scolaires, notamment maintenant qu'il a lancé un programme de reconstruction d'écoles. Zurich dit que seuls 150 établissements sur plus de 28 000 ont mis en place ces installations. Il dit aussi que le coût de ces installations d'extinction automatique d'incendie dans toutes les écoles s'élèverait à trois milliards de livres. Cette somme équivaut à près de cinq pour cent du coût d'un nouvel établissement, soit l'équivalent de la pose de moquette dans l'établissement scolaire.

Le DfES a déclaré que la décision d'adopter de telles mesures de prévention d'incendie était du ressort des établissements eux-mêmes et des autorités éducatives locales. Pendant ce temps, dans de nombreuses écoles on serre les dents et on se prépare à faire face à l'augmentation annuelle en période d'examens des incendies criminels du mois à venir. Le mois de mai est le mois par excellence des incendies criminels d'établissements scolaires du fait de la conjonction de la pression des examens, de la chaleur et des soirées plus longues.


 

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