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Enquête australienne sur les armes de destruction massive irakiennes

Le gouvernement de Howard innocenté malgré la preuve de mensonges

Par Linda Tenenbaum
5 Mars 2004


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Ce qui ressort du rapport présenté ce Lundi devant le parlement fédéral Australien, rapport portant sur les renseignements utilisés par le gouvernement Howard pour justifier la participation de l'Australie à la guerre en Irak, est l'étonnante contradiction entre son contenu et sa conclusion.

Prises dans leur ensemble, les preuves réunies par les sept membres de la commission d'enquête parlementaire sur "l'exactitude des renseignements sur les armes de destruction massive irakiennes", aboutissent à une mise en lumière saisissante de la conduite du gouvernement australien - avec ses pendants Britannique et Américain - dans le déclenchement d'une guerre d'agression, non justifiée. Même avec ses mots choisis, tourné dans le langage le plus doux possible, les 147 pages du dossier apportent la preuve : que les administration Bush et Blair ont fabriqué et modifié leurs "renseignements" afin de donner la fausse impression que l'Irak menait des programmes sur les armes de destruction massive (ADM), et avait la capacité des les utiliser ; que ces trois gouvernements ont menti à leur population à propos de la menace que représentait Saddam Hussein ; et que l'existence ou pas des armes de destruction massive n'avait rien à voir avec les véritables raison de l'entrée en guerre.

Ainsi, le rapport déclare : "... la thèse défendue par le gouvernement [australien] était que l'Irak possédait des ADM en grande quantité et représentait une menace sérieuse et inacceptable pour la région et pour le monde, en particulier à cause des risques de voir les ADM irakienne passer au main d'organisations terroristes".

"Ce n'est pas la représentation que l'on peut se faire d'après l'étude des évaluations fournies à la commission par les deux agences d'analyse Australiennes."

Le rapport fait même allusion aux dommageables implications de ces preuves. "Il y avait une attente, crée avant la guerre, que des ADM seraient trouvés, et en quantité suffisante, pour prouver qu'il existait un danger imminent et clair requérant une action préventive immédiate. De telles actions ne sont légales vis-à-vis du droit international que si le danger est imminent, ainsi l'imminence de la menace était cruciale pour la justification. L'existence de programmes, seuls, ne suffisait pas."

En d'autres termes, même si la commission ne le dit pas explicitement, comme l'Irak n'avait pas de capacité opérationnelle en terme d'ADM, ni même de programmes de recherche ou de production, la guerre menée par les États-Unis en Irak était illégale. Ainsi, d'après la jurisprudens établie lors des procès de Nuremberg, après la deuxième guerre mondiale et à propos des "guerre d'agression non provoquées", le Premier Ministre Howard et ses ministres, sans parler des gouvernements Bush et Blair, sont coupables de crimes de guerre.

Mais la commission bipartisane, composée à la fois de membres de la coalition au pouvoir et des partis d'opposition du Labor, prend un temps extraordinaire pour en arriver à la conclusion inverse. Elle exonère politiquement Howard et évacue toute responsabilité quant aux erreurs des renseignements sur les ADM - i.e. quant au fait qu'il n'y a, à ce jour, aucune ADM en Irak - sur les agences de renseignement australienne. Sa principale recommandation est une autre enquête, pour vérifier "les performances des services de renseignement", enquête qui sera conduite, en secret, par un ancien officier des services de renseignement et, puisque ses résultats seront rapportés au Cabinet de la Commission de Sécurité Nationale, ne sera probablement jamais rendue publique. Son but est d'enterrer cette affaire une fois pour toute.

Bien que le rapport de l'enquête parlementaire fut finalisé il y a plus de trois mois - laissant beaucoup de temps au gouvernement pour préparer ses réponses avant qu'il ne soit rendu public - ses conclusions reprennent le blanchissage réalisé par la commission Hutton en Janvier au Royaume-Uni.

Un changement de cap de l'ONA

Une des principales avancées de ce rapport est la mise en évidence du soudain changement qui eut lieu en Septembre 2002 dans les évaluations de renseignements rendus au gouvernement par l'ONA (Office of National Assessments). Alors que l'ONA et la DIO (Defence Intelligence Organisation) avaient des vues similaires jusqu'au 12 Septembre 2002, leurs analyses commencèrent à diverger après cette date. D'après son président, et ancien ministre de la Coalition, David Jull "la commission était au courant du soudain, et à ce jour inexpliqué, changement dans les évaluations rendues par l'ONA entre le 12 et le 13 Septembre 2002".

Dans leurs rapports, couvrant la période de Février 2000 au 12 Septembre 2002, les deux agences décrivent les renseignements quant aux ADM irakiennes comme "rares, inégaux et peu concluants". Ils évaluent la capacité militaire Irakienne à "limitée" et les infrastructures du pays comme "en déclin". La capacité de Saddam Hussein "à utiliser ses armes est faible et sa volonté de le faire est évaluée comme se limitant à une utilisation défensive".

Le rapport continue ainsi : "En Mars 2001, l'ONA a rapporté que 'l'intensité de la menace représentée par les ADM irakiennes est moindre que celle qu'elle était dix ans auparavant'". Le 6 Septembre, l'ONA considérait l'Irak comme "ayant très certainement aucune arme nucléaire". Le 12 Septembre, l'agence déclarait qu'il n'y avait "aucune preuve sérieuse" de l'existence de production d'armes chimiques ou biologiques.

Puis, le 13 Septembre, l'ONA reçut une demande du Departement of Foreign Affairs afin de préparer une nouvelle évaluation, qui fut par la suite la base des déclarations du gouvernement. D'après les termes du rapport de la commission d'enquête, cette nouvelle analyse fut "utilisé par les ministres dans leurs déclarations publiques et dans celles au parlement" et "avait été commandée pour être la base du discours des ministres". La première déclaration d'importance faite par le gouvernement sur l'Irak fut faite aux deux chambres du parlement le 17 Septembre 2002.

Depuis cette date, et dorénavant, le langage sceptique et précautionneux "devint bien plus ferme". A la différence de la DIO, l'ONA déclare alors : "un faisceau de renseignements et d'informations publiques suggèrent que l'Irak a très probablement des armes chimiques et biologiques" et "l'Irak a presque de manière certaine travaillé à développer sa capacité de production d'armes chimiques et biologiques" ("très probablement" et "presque de manière certaine" sont des termes soulignés dans le document original). De plus, "il n'y a pas de raison de croire que Saddam Hussein a abandonné ses ambitions d'acquérir des armes nucléaires".

Non seulement la commission d'enquête trouve ce changement inexplicable, elle conclue que ce n'était pas le résultat de pressions politiques. De manière tout à fait prévisible, le Premier Ministre Howard s'appuya sur ces conclusions pour prouver que ses déclarations répétées, que l'Irak avait un "arsenal" d'ADM et un "programme massif", que cela faisait de la guerre le seul moyen de "désarmer" Saddam et d'éviter "une menace directe, indubitable et mortelle pour l'Australie et son peuple", étaient simplement basées sur les renseignements qu'il recevait des agences du pays. Si ceux-ci se sont avérés faux - ce qu'il refuse toujours d'admettre - ni lui ni son gouvernement n'en sont responsable.

Une chronologie des évènements

Pour expliquer le soudain revirement de l'ONA, il suffit de se pencher sur le propre rapport de la commission.

Dans sa contribution, classifiée, le Directeur Général de l'ONA, Kim Jones, "nota" que l'ONA n'opérait pas dans "un vide mental complet" et que l'agence était "consciente des aspects politiques". Il continua, "nous nous considérions comme devant satisfaire aux besoins des ministres en renseignements évalués".

Quels étaient les "besoins" qui avaient besoin d'être "satisfaits" ? Comme le montre la chronologie des évènements cité en appendice du rapport, en Août 2002, l'administration Bush commença à mettre en place sa campagne de propagande en faveur d'une guerre contre l'Irak. Le WHIG (White House Iraq Group) fut mis en place afin d'organiser et de disperser de la désinformation sur les prétendue ADM Irakiennes, citant comme source principalement des dissidents Irakien de droite qui étaient entrés dans le giron de Washington. Le Vice-Président Cheney fit deux discours majeurs afin de "plaider pour la guerre" et le 7 Septembre, Bush et Blair se rencontrèrent à Camp David pour régler les détails.

Le 12 Septembre, Bush adressa un ultimatum aux Nations Unies dans sa déclaration à l'Assemblée Générale des Nations Unies, à savoir qu'elle devait soit cautionner l'invasion de l'Irak par les États-Unis, soit devenir "non-pertinente" - i.e. renoncer à tout rôle.

Les mensonges à propos des ADM Irakiennes et d'autres désinformations, considérés nécessaires pour justifier une guerre d'agression illégale, ont été dirigés vers le gouvernement australien, qui s'était déjà rallié à la "coalition de la volonté", et acheminé du WHIG vers l'ONA via les agences de renseignement britanniques et américaines.

Personne n'eut besoin de faire pression sur l'ONA pour qu'elle alimente Howard et ses autres ministres avec le matériel dont ils avaient besoin, car l'agence fonctionne comme une extension politique du gouvernement. Contrairement à la DIO, qui dépend du Département de la Défense, et par conséquent sert les besoins des militaires, l'ONA opère sous la direction du bureau du Premier Ministre. L'agence est devenue célèbre, par exemple, pour avoir fourni au gouvernement Howard des mensonges diffamatoires à propos des demandeurs d'asile lors des élections de 2001 afin d'aider celui-ci à remporter le scrutin.

Sans surprise, les discours faits par Howards et les autres membres du gouvernement, après le 12 Septembre, suivaient à la lettre la voie de Bush et de Cheney.

Comme le met en exergue le rapport parlementaire "il y avait une montée soudaine de la quantité de nouvelles informations sur l'Irak... depuis le début du mois de Septembre 2002". Toujours d'après le rapport, "il y eut, à cette époque, une multiplication par 10 des rapports de renseignements reçu par les agences, la plupart non vérifiés et incertains, et 97 % d'entre eux venaient d'agences partenaires". L'ONA et la DIO assurèrent que seulement 20 % de ce nouveau matériel fut désigné comme "testé", i.e. la majorité venait de sources peu fiables - principalement de dissidents Irakiens qui voulaient renverser Saddam Hussein pour mettre en place leur propre régime.

La DIO continua à exprimer ses réserves sur ces renseignements venus des États Unis, tout comme sur ceux des services britanniques, ainsi que sur les avertissement à propos des ADM Irakiennes. Le fait que cette agence ait maintenu un degré de scepticisme quant à l'agenda du gouvernement était lié aux divisions toujours plus profondes au sein de la classe dirigeante quant à la participation de l'Australie à la guerre menée par les États Unis. Des portions significatives de la hierarchie militaire, ainsi que les principaux dirigeants d'entreprises, s'opposèrent à la guerre, arguant du fait qu'elle compromettrait les "intérêts nationaux" de l'Australie, tant au sein de la région Asie-Pacifique que sur son propre sol.

Les véritables raisons de la guerre

En dépit de la quantité d'informations amassés dans ce document qui tendent à prouver le caractère frauduleux de la campagne sur les ADM, la commission parlementaire n'eut un mot sur les véritables motivations de cette guerre. D'après le rapport, la DIO témoigna : "Nous avons jugé ici en Australie... que les USA étaient décidés en faveur d'une action militaire contre l'Irak. Nous considérions que cela était, en un sens, indépendant de la question des évaluations de renseignement".

Comme des millions de personnes de part le monde, qui était bien au courant que la campagne sur les ADM était pleine de mensonges, et qui exprimaient leur opposition dans la plus grande manifestation anti-guerre de l'histoire, les agences de renseignement australiennes savait fort bien que la décision d'entrer en guerre avait été prise pour d'autres raisons.

Mais la commission décida de ne pas enquêter plus loin, arguant que "les termes du mandat excluent de leurs investigations la décision d'entrer en guerre, à moins que celle-ci ne repose directement sur des questions de rapports de renseignement". Une fois encore, le but était de fournir un blanc-seing au gouvernement Howard.

L'administration Bush déclencha la guerre en Irak, non pas afin de désarmer Saddam Hussein, ni pour protéger les peuples du monde des ADM, mais pour mettre la main sur le pétrole irakien, et établir l'hégémonie américaine sur le Moyen-Orient face à ses rivaux impérialistes. Howard décida de prolonger son appui inconditionnel, en dépit d'une opposition massive, afin de renforcer l'alliance Australo-Américaine et, ainsi, essayer de garantir la continuité du soutien Américain à ses propres conceptions néo-coloniales dans le Pacifique Sud.

Ayant été lavé de tout soupçon par l'enquête parlementaire, Howard a insisté, à la suite de la publication de ce rapport, sur le fait que sa motivation première pour participer à cette guerre fut de renverser Saddam Hussein. Quiconque s'est opposé à la guerre, a-t-il déclaré au parlement, était un supporter de l'ancien régime.

Ce n'était pas, quoi qu'il en soit, la position du Premier Ministre l'an passé - car une telle politique de "renversement" de régime aurait été évidemment illégale. Tout comme Bush et Blair, il avait besoin des mensonges sur les ADM pour justifier ce qui était une guerre illégale et criminelle.

A la lumière de ces faits, la réponse officielle du rapport de la commission parlementaire est particulièrement révélatrice. La presse a unanimement supporté ses conclusions, les jugeant "prudentes" et "juste". Son soutien expansif pour enquête secrète - une autre - sur les agences de renseignement met simplement l'accent sur le fait que le but de toute nouvelle enquête sera de détourner l'attention du rôle du gouvernement. L'éditorial du journal "libéral" de Melbourne, Age, était représentatif des médias dans leur ensemble : "Ce dont le dossier n'a pas besoin pour être fermé, c'est d'une enquête sur les décisions politiques".

De même que pour les partis d'opposition - Labor, Démocrates et Verts - pas une voix ne s'est élevée pour appeler à la démission de Howard et de ses principaux ministres, pour avoir en connaissance de cause trompé le parlement et le peuple Australien. Aucune démarche n'a été entreprise pour poursuivre pénalement Bush, Blair et Howard pour avoir déclenché une guerre d'agression, ni même pour que le gouvernement australien ait à rendre des comptes.

Derrière la réaction officielle se cache l'abandon des anciennes normes et traditions de la responsabilité parlementaire et de la démocratie parlementaire bourgeoise. En Australie, comme au Royaume-Uni et aux USA, la poursuite d'une guerre illégale, avec la complicité totale de toute la classe dirigeante, est l'expression des changement en profondeur dans les relations sociales qui ont déjà dépassé les vieille formes politiques.



 

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