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Une grande cérémonie pour Confucius : Beijing se tourne vers l'ancienne idéologie impériale

Par John Chan
12 novembre 2005

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Une fastueuse cérémonie préparée par le gouvernement de Beijing, fin septembre, en l'honneur du 2 556ème anniversaire de la naissance de l'ancien philosophe de Chine Confucius (551-479 Av. J.C) est un signe de plus de la putrification du Parti communiste chinois (P.C.C.). Cherchant à façonner une idéologie qui justifie leur règne autocratique et leur adhésion ouverte au marché capitaliste, les dirigeants du P.C.C. ressuscitent la philosophie de Confucius mort depuis longtemps.

Le festival culturel international de Confucius, de 2005, s'est tenu à Qufu, ville natale de Confucius, dans la province de Shandong, à l'est du pays. Le gouvernement chinois déclara que septembre serait "le mois culturel Confucius". Quelques 2 500 personnes, dont pour beaucoup, de hauts fonctionnaires gouvernementaux et des universitaires, prirent part aux festivités dans le Temple de Confucius.

Des rites religieux, pratiqués antérieurement par des empereurs chinois, furent soigneusement reconstitués et exécutés par des artistes vêtus comme des courtisans et des prêtres afin de rendre hommage au "maître".

Avec le parrainage de Beijing, des cérémonies marquant l'anniversaire de Confucius eurent lieu aussi aux Etats-Unis, en Allemagne, en Corée du Sud et au Japon, ainsi qu'à Taïwan et à Hongkong. Jusqu'à maintenant, le gouvernement chinois a fourni10 milliards de dollars pour un programme "pont chinois" visant à encourager "des cultures traditionnelles", et axé sur la promotion du Confucianisme au moyen d'actions universitaires et de sociétés confucéennes en Chine et à l'étranger.

Même 20 ans auparavant, un tel programme aurait été dénoncé comme promouvant "l'idiotie féodale". En 2005 pourtant, l'agence de presse officielle, Xinhua, s'enthousiasma :"On a cru à un moment donné que la doctrine était morte, mais le Confucianisme fait un retour surprenant"Les médias publics acclament la célébration de l'anniversaire de Confucius comme un élément important de la campagne du Président Hu Jintao pour créer une "société harmonieuse".

Kang Xiaoguang, apologiste de premier plan du Confucianisme à l'Académie des sciences sociales, soutint que le Parti communiste chinois devrait adopter le Confucianisme comme idéologie officielle d'état. Il dit à Scotland on Sunday le 2 octobre que la Chine avait besoin d'une nouvelle base morale pour faire face à un taux croissant de criminalité, de chômage, de corruption officielle, de polarisation sociale entre riches et pauvres et au manque d'allocations de sécurité sociale.

"La société chinoise est au plus bas c'est un mélange de capitalisme et de marxisme-léninisme. Il en résulte qu'il n'y a plus de normes pour réglementer la manière dont les gens devraient se traiter les uns les autres, leurs associés commerciaux, leurs amis et famille. Nous n'avons plus de critère pour juger ce qui rend la vie heureuse. Confucius propose des valeurs traditionnelles qui peuvent contribuer à reconstruire nos critères moraux et sociaux," dit Kang.

La liste des problèmes sociaux établie par Kang souligne le fait qu'après 25 ans de "réforme du marché", que Beijing puisse déclarer représenter le socialisme est si absurde qu'il est nécessaire de trouver autre chose pour remplir le vide idéologique, au milieu des tensions sociales qui s'aggravent et des protestations qui augmentent.

Les dernières statistiques montrent que les 100 individus les plus riches de Chine ont accru leurs richesses de 40 pour cent l'année dernière. Les 400 premiers ont une fortune globale de 75 milliards de dollars, ce qui équivaut à 7 pour cent du P.I.B. de la Chine. Près d'un cinquième d'entre eux sont membres du Parti communiste. En comparaison, le niveau moyen des salaires urbains s'élève à tout juste 1.100 dollars par an et les paysans les plus pauvres gagnent 100 dollars, ou moins, par an.

Beijing dispose d'un éventail restreint d'options idéologiques. Il n'y a pas grand monde qui croit à la rhétorique "socialiste" creuse du régime. De plus, certains travailleurs qui protestent se sont saisis des textes marxistes encore disponibles au public pour justifier leurs exigences et critiquer la direction stalinienne pour sa trahison du socialisme. Les dirigeants chinois craignent aussi que tout appel à la "démocratie" ne fasse qu'encourager les protestations déjà en augmentation des travailleurs et des paysans, ou ne déchaîne des manifestations de masse comme ce fut le cas en mai - juin 1989, place Tienanmen.

Tandis qu'il est improbable que le P.C.C. ne devienne officiellement un Parti confucéen chinois, la renaissance du Confucianisme, qui encourage l'obéissance aveugle aux autorités, s'accorde avec les besoins idéologiques de Beijing. En faisant cela, le P.C.C. répudie directement ses propres origines qui se trouvent dans le mouvement du 4 mai 1919. A cette époque, étudiants et intellectuels menèrent une lutte idéologique implacable contre le Confucianisme qu'ils considéraient être un obstacle majeur au réveil démocratique des masses chinoises.

Le rôle historique du Confucianisme

Il n'y a rien de mythique dans la personne de Confucius qui, au cours des siècles, fut élevé au statut d'un dieu. Il fut l'un des nombreux philosophes qui prospérèrent pendant la période du Zhou Oriental (770-221 av. J-C) après l'introduction des outils de fer qui augmenta de façon significative la productivité agricole. De vieilles formes d'exploitation agricole collective, dirigées par la noblesse héréditaire, furent démantelées, les villes s'étendirent et un système d'irrigation à grande échelle fut édifié.

Ce fut une ère progressiste, connue pour la floraison des "Cent Ecoles". Une élite cultivée émergea qui avait le temps d'étudier les classiques chinois et de maîtriser les compétences de la lecture et de l'écriture. L'idée confucéenne selon laquelle "ceux qui font un travail intellectuel devraient gouverner, et ceux qui font un travail physique devraient être gouvernés", exprimait les intérêts d'une nouvelle classe de petite noblesse terrienne qui constituait la base de la bureaucratie impériale.

Trois cents ans après, la doctrine de Confucius fut adoptée et devint l'idéologie officielle du gouvernement impérial. Du point de vue de la vie sociale, le Confucianisme était un code strict de comportement plaçant chacun dans une hiérarchie de dépendance et de subordination personnelle : du fils envers le père, de la femme envers le mari, du serviteur envers le maître et au-dessus de tous, l'empereur. Quiconque se révoltait contre son ou sa supérieur(e) pouvait être puni(e) sans pitié. Dans les siècles suivants, les dogmes confucéens justifièrent des pratiques barbares tel le bandage de pieds des femmes, un élément de leur soumission à l'homme.

Sous le despotisme oriental, les forces productives stagnèrent. Malgré les grandeurs et décadences des dynasties au cours de 2000 ans, la structure sociale de la Chine resta, pour l'essentiel, inchangée. Dans ces conditions, l'idéologie de Confucius jouit d'une existence privilégiée. Avec ses conceptions idéalistes et même mythiques d'un ordre social divin, le Confucianisme agit comme un rempart contre le développement de l'esprit scientifique.

Au dix-neuvième siècle, comme les relations capitalistes commençaient à pénétrer en Chine après son assujettissement par les puissances européennes, l'intelligentsia émergente considéra le Confucianisme comme un obstacle au progrès social, à la science et à la culture moderne en général.

Sun Yat-sen, dirigeant du Parti nationaliste chinois (Guomindang) et de la révolution de 1911, prôna l'abolition du Confucianisme, un volet de son programme pour renverser la dynastie Manchu et établir une république démocratique. Mais la bourgeoisie chinoise fut incapable de détruire le Confucianisme, tout comme elle fut incapable de mener à bien une réforme agraire visant à éliminer des relations semi féodales ou d'établir des droits démocratiques véritables.

Des intellectuels chinois plus radicaux, tel Chen Duxiu qui fonda, plus tard, le Parti communiste, se montrèrent critiques à l'égard de la révolution de 1911. Ils conduisirent un "nouveau" mouvement "culturel" qui déclara la guerre au Confucianisme au milieu d'un engouement pour la littérature occidentale, les théories politiques et économiques et les sciences naturelles. Les vieilles coutumes, telles que les queues de cheval pour les hommes, le bandage des pieds pour les femmes, et la pratique des concubines furent tous dénoncés et abandonnés pour une "nouvelle vie".

Chen et ses collègues défendirent aussi des réformes littéraires pour "renverser la littérature peinte, poudrée et obséquieuse de la minorité aristocratique et créer la littérature franche, simple et expressive du peuple." Ceci fut le fondement de la langue chinoise moderne et rendit accessibles aux masses chinoises des idées avancées.

Le tournant décisif fut la révolution russe de1917. Puis, en mai 1919, à la fin de la Première guerre mondiale, les puissances impérialistes victorieuses décidèrent, à Versailles, de remettre au Japon les possessions coloniales de l'Allemagne en Chine. La décision déclencha des protestations anti-impérialistes de grande envergure de la part d'étudiants et de travailleurs chinois dont les plus avancés se tournèrent vers le bolchevisme et fondèrent le Parti communiste deux ans plus tard.

Le philosophe britannique, Bertrand Russel, qui était en Chine en 1919 durant le mouvement du 4 mai, se souvint plus tard :"Tous [ses étudiants en Chine] étaient bolcheviques sauf l'un d'entre eux qui était le neveu de l'empereur. C'était des jeunes gens charmants, ingénieux et intelligents à la fois, avides de connaître le monde et de s'échapper des entraves des traditions chinoises Il n'y avait pas de limite aux sacrifices qu'ils étaient prêts à faire pour leur pays. L'atmosphère était galvanisée par l'espoir d'un grand réveil. Après des siècles de sommeil, la Chine prenait conscience du monde moderne.

Cependant, pendant la Deuxième révolution chinoise de 1925-27, la bureaucratie stalinienne, émergeant en Union soviétique, trahit, de façon criminelle, les aspirations socialistes et internationalistes sur lesquelles le P.C.C. fut fondé, avec des conséquences tragiques. Dans les années 1930 et 40, sous la dictature du Guomindang de Tchang Kaï-chek, le culte de Confucius fut restauré comme partie de la réaction politique contre le communisme. Il a été préservé jusqu'à ce jour à Taiwan où les armées vaincues de Tchang Kaï-chek s'enfuirent en 1949.

Le nouveau régime de Beijing ne se basait pas sur le marxisme mais sur les dogmes nationalistes réactionnaires du stalinisme. Pour supprimer des idées critiques chez les travailleurs et les intellectuels, la direction encouragea le culte de la personnalité autour de Mao Zedong et le retard culturel paysan ainsi que des préjugés contre la science et la culture "bourgeoise". Ceci trouva son expression la plus dévastatrice dans la soi-disant "Révolution culturelle" entre 1966 et 1976.

Bien qu'il dénonçât le Confucianisme, ainsi que d'autres héritages culturels chinois et occidentaux, Mao promut des valeurs qui étaient essentiellement confucéennes - abnégation de soi, étiquette morale et suppression du désir ­ afin de consolider le régime en place. D'autre part, la bureaucratie stalinienne avait sa propre éthique qui, en se tournant vers le marché capitaliste à la fin des années 1970, eut tôt fait de se traduire par une corruption endémique et un mercantilisme qui peut se résumer dans le slogan de Deng Xiaoping : "devenir riche est glorieux".

L'intégration de la Chine dans l'économie capitaliste mondialisée mina la prétention de Beijing d'être socialiste. Par conséquent, à la suite de l'effondrement de l'Union soviétique, la bureaucratie stalinienne chinoise chercha, consciemment, à établir une nouvelle base idéologique qui rallierait le soutien de sections des classes moyennes. Un document interne publié en 1991, intitulé " Réactions réalistes et choix stratégiques pour la Chine après le bouleversement soviétique ", appelait, ouvertement, à un nouveau cadre, fondé sur un appel au nationalisme et aux "cultures traditionnelles chinoises".

Après le massacre de la place Tienanmen en juin 1989, un torrent de capitaux internationaux commença à affluer en Chine, en reconnaissance de la détermination de Beijing à se montrer intransigeante envers tout signe d'opposition par la classe ouvrière. Au cours des 15 dernières années, les tensions sociales ont largement augmenté tandis que l'écart entre les riches et les pauvres se creuse davantage. Tous les vieux démons de "l'ancienne Chine" sont revenus à très grande échelle : surexploitation des ouvriers, y compris les ouvriers en servage, toxicomanie, oppression de la femme, dont la prostitution et les concubines, ainsi que la corruption officielle et la pauvreté rurale.

Il n'est donc pas surprenant que la direction de Beijing monte une campagne pour la renaissance de la vieille idéologie du Confucianisme. Ce faisant, elle répudie, même, son adhésion nominale antérieure au passé du Parti communiste chinois.

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